Le récit de Valérie Abecassis sur cette journée d'effroi et de souffrances du 7 octobre

  • il y a 31 minutes
Valérie Abecassis, journaliste française qui vit à Tel-Aviv, raconte cette journée d'effroi et de souffrances du 7 octobre qu’elle a vécu. 

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Transcription
00:00Il est 7h14 dans très exactement 15 minutes, on va entendre ma petite fille et moi, j'habite
00:09dans un immeuble au sud de Tel Aviv, dans un quartier qui est un peu déglingué, on
00:13va dire, dans lequel je n'ai pas d'abri, et on entend cette sirène, cette fameuse sirène
00:20qui est un bruit, je pense que vous avez dû l'entendre dans vos reportages, qui est un
00:24bruit qui est terrible, qui part du fond de la ville et qui remonte comme ça, et donc
00:28ça nous a réveillés, on ne comprenait pas, la petite avait 9 ans, elle en a 10 maintenant,
00:33on s'est réveillés toutes les deux, très mécaniquement, et on ne s'est pas parlé.
00:37Vous avez tout de suite compris que c'était grave ? Non, je n'ai pas compris que c'était
00:41grave, pas du tout, on s'est dit tiens, il doit y avoir une roquette, qui est arrivée
00:47un peu plus, vous savez des roquettes il y en a tout le temps, dans le nord et dans
00:51le sud, tout le temps, tout le temps, là c'est Tel Aviv, donc on est descendus et
00:55on s'est mis au premier étage, parce que les consignes de la sécurité israélienne
00:59disent quand vous n'avez pas d'abri, il faut vous mettre au premier étage, parce
01:03que si ça tape en haut, vous êtes protégés, si ça tape au sol, vous êtes protégés.
01:07Donc on s'est mis au premier étage, on ne s'est pas dit un mot, il faisait nuit,
01:11on n'a pas allumé la lumière, et puis j'ai repris sa petite main et on a remonté
01:15les marches de mon appartement et on s'est recouché, et puis une heure après, une autre,
01:20et puis encore une autre, et à ce moment-là, je me suis dit il y a quelque chose qui ne
01:24va pas du tout.
01:25À ce moment-là, ma fille est arrivée et elle nous a dit il faut qu'on parte d'ici
01:28tout de suite, parce que dans l'immeuble dans lequel je suis, ça ne va pas, il faut
01:30qu'on s'en aille, il faut qu'on trouve un abri, il faut qu'on trouve un endroit
01:34où se mettre à l'abri.
01:35Et ça a commencé cette journée-là, ça a été le début d'une espèce d'errance
01:40comme ça, d'abord pour protéger la petite, je l'écris dans le livre, moi j'ai grandi
01:45dans un pays, la France, qui est un pays sans guerre, vous comprenez, donc ces années
01:49que j'ai passées en Israël, j'ai vu ce que c'était que la guerre, mais là, il
01:53y avait quelque chose qui me tombait dessus, c'est-à-dire la guerre, les menaces, notre
01:59sécurité.
02:00Donc ma fille m'a dit il faut qu'on s'en aille, il faut qu'on trouve un endroit
02:03où se mettre à l'abri, à l'abri, on est en 2023, et donc ça a commencé comme
02:08ça.
02:09Et puis, à partir du moment où la petite a été à l'abri, c'est-à-dire qu'on
02:12lui a trouvé un endroit avec ce qu'on appelle un mamad, un miclat, une pièce sécurisée,
02:17dont on a beaucoup parlé dans le Sud.
02:20Voilà, le lendemain, j'ai commencé à travailler, moi à la base, je suis une journaliste
02:26de culture, donc dans le livre, je raconte Israël à travers la culture, j'ai commencé
02:32à aller sur le terrain, et là, j'ai vu des lieux chaque jour, j'ai vu par exemple
02:38l'espèce de ballet diplomatique français dans un chapitre que j'ai appelé « Solal
02:42à la société des nations », en référence au livre d'Albert Cohen, ou les agitations
02:46de France, finalement, en Israël, ça ne va rien, et voilà, enfin, jusqu'à hier
02:51soir.
02:52Et j'ai raconté la morgue, cet endroit épouvantable où des familles par milliers
02:58venaient avec un petit bout de t-shirt, une basket, avec une brosse à dents, massées
03:03devant cette morgue où il y avait des centaines et des centaines de corps dans des sacs en
03:07plastique, des morceaux de corps, ça s'est fait, c'était tragique, qui cherchaient
03:11à matcher l'ADN qui était sur une brosse à dents contre, j'ai raconté également
03:15dans le livre, l'aéroport, l'exode, on était au deuxième ou troisième jour,
03:22la France était un peu… les ambassades étaient débordées, ils essayaient de mettre
03:26des avions, les avions étaient annulés, les gens voulaient partir, et il y avait ce
03:30climat comme ça d'exode qu'on a lu dans les livres, mais moi je ne l'ai pas vécu,
03:34et donc là je le voyais, c'était contemporain, et puis j'ai entendu une musique, j'ai
03:39entendu des gens chanter, je me dis mais qu'est-ce… je veux dire le pays est en deuil, qu'est-ce
03:43que c'est que ces gens qui chantent, et au lieu de rester sur les départs au premier
03:47étage de l'aéroport Ben-Gurion, j'ai été au rez-de-chaussée, et là j'ai vu
03:51une allée de 150 gamins et gamines avec des guitares, avec des bonbons, avec des gâteaux,
03:57qui accueillaient des jeunes Israéliens rappelés par l'armée israélienne, qui
04:03ont reçu leur ordre de convocation, qui venaient défendre Israël, et ça c'était incroyable,
04:08et il disait « we need to protect our country », on a besoin de protéger notre pays parce
04:13qu'on n'en a pas d'autres.

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