• le mois dernier
La Cour Nationale du Droit d'Asile (CNDA) est la plus grosse juridiction de France en nombre de dossiers traités (près de 70 000 par an). C'est pourtant la plus méconnue du grand public. Ce film est une première puisque jamais le ministère de la Justice n'avait jusqu'ici autorisé une caméra à filmer les audiences de la CNDA.
Dans ce petit théâtre de la condition humaine, tout se joue en quelques minutes. C'est la dernière chance des requérants, puisque ceux qui sont là ont déjà été déboutés par l'OFPRA (L'office français de protection des réfugiés et apatrides). Leur état de tension et de stress est à son maximum. En face, des juges qui font tout simplement leur travail.
Avec ce documentaire, Yaël Goujon décrypte les décisions de cette justice d'asile jugée trop laxiste pour les uns, trop dure pour les autres. Il nous permet de mieux comprendre la politique migratoire de la France - thème électoraliste chaque année plus prégnant - mais aussi d'humaniser ces demandeurs d'asile trop souvent considérés sous le seul angle statistique.

Écrit et réalisé par : Yaël Goujon - Durée : 52' / Année : 2024 - Coproduction : Yemaya Productions / LCP-Assemblée nationale

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00:00...
00:23Les personnes convoquées à 9h, s'il vous plaît,
00:25vous pouvez vous présenter dans la queue.
00:27Présentez les convocations et les récipissés, s'il vous plaît.
00:31Musique sombre
00:34...
00:59C'est la salle numéro 5, au rez-de-chaussée.
01:02...
01:13...
01:23...
01:47...
01:57...
02:01-"Ma famille et mes enfants, je ne sais pas où ils sont.
02:04Et c'est aux autorités françaises et de la liberté
02:07que je demande leur protection."
02:10Maître, nous vous écoutons.
02:11Merci, M. le Président.
02:13M. Lacour, Mme le rapporteur,
02:15il n'y a aucun doute sur le fait qu'il y ait eu ces manifestations,
02:18il n'y a aucun doute sur le fait qu'elles aient été réprimées dans le sang,
02:21parce qu'il y a quand même...
02:23Alors, les autorités ont parlé d'un policier qui avait été tué,
02:26mais en fait, il y a eu aussi des manifestants qui ont été tués,
02:29les policiers ont tiré à balles réelles sur les manifestants,
02:32donc ça a été extrêmement violent.
02:33Pour moi, c'est évidemment un statut de réfugié,
02:37une protection conventionnelle qu'il faut envisager,
02:39puisqu'il y a une coloration politique,
02:41mais néanmoins, il serait intéressant de vous interroger aussi
02:44sur la protection subsidiaire,
02:45compte tenu de ce qu'on sait et des rapports qui sont donnés
02:50sur les arrestations des personnes qui sont rapatriées
02:52après un refus de demande d'asile
02:54sur le tarmac de l'aéroport à Kinshasa.
02:56Et ces gens-là peuvent être immédiatement arrêtés
02:59et maltraités en détention.
03:01Pour toutes ces raisons, je vous demande bien évidemment
03:03d'alluner la décision du directeur général de l'OFPRA,
03:06d'accorder à M. Raya, en premier lieu, bien sûr,
03:08le bénéfice de la protection conventionnelle,
03:11et de vous interroger, le cas échéant et à titre subsidiaire,
03:14sur l'application de la protection subsidiaire.
03:33Les gens ne connaissent pas l'histoire de ces gens-là,
03:35supposent que ces gens-là viennent pour prendre leur place,
03:39pour manger leur pain,
03:41alors que si eux étaient placés dans leur situation,
03:45ils demanderaient exactement la même chose,
03:47parce que c'est un mécanisme foncièrement humain
03:51de devoir penser à protéger ses enfants,
03:54à ne pas laisser sa famille exposée,
03:58à essayer de faire en sorte de leur offrir éducation, santé
04:03et un avenir à peu près stable.
04:06C'est la difficulté du métier de juge d'asile,
04:09d'essayer d'approcher la vérité,
04:16de protéger ceux qui doivent l'être,
04:18de ne pas protéger ceux qui ne doivent pas l'être
04:21avec les moyens que nous avons.
04:36Qui étaient, selon vous, les responsables qui vous a torturés ?
04:49En fait, je ne peux pas vous dire exactement,
04:51parce que quand j'étais détenue et violentée,
04:54les personnes s'habillaient en civil.
04:57Voilà un kurde qui est arrêté et qui dit même aux forces de l'ordre
05:01« Non, mais emmenez-moi voir le parquet,
05:03parce qu'au tribunal, peut-être le parti sera au courant,
05:06peut-être qu'il aura le droit d'un avocat. »
05:07Il a peur de quoi, en réalité, madame la présidente, messieurs ?
05:10Il a peur de subir une exécution extrajudiciaire.
05:14Et très rapidement, il va quitter le pays.
05:18Il va quitter le pays,
05:20il va quitter le pays,
05:22il va quitter le pays,
05:23il va quitter le pays,
05:24il va quitter le pays.
05:30Elle risquerait de se faire exciser en cas de retour au Nigéria.
05:34Et donc, pour cette raison,
05:36moi, je vous demande d'accorder à l'enfant le statut de réfugié
05:39en raison des risques qu'elle a en cours d'être excisée
05:42ou à défaut de lui accorder la protection subsidiaire.
05:50Dans sa demande d'asile,
05:52madame soutient qu'elle craint d'être exposée à des persécutions
05:55ou à des atteintes graves en cas de retour dans son pays d'origine
05:59en raison de son appartenance au groupe social
06:01des personnes homosexuelles en RBC.
06:04En septembre 2022,
06:06elle a révélé son homosexualité à sa sœur,
06:09laquelle l'a dénoncée à l'ensemble de sa famille.
06:12Elle a ensuite été séquestrée par sa famille,
06:15laquelle l'a soumise à des séances de délivrance.
06:18Je vous remercie, monsieur le rapporteur.
06:22Moi, j'ai été étonnée par le récit
06:25de votre première relation à l'âge de 9 ans...
06:31avec Myriam.
06:33Donc, je m'étonne...
06:36de...
06:38de l'aspect très factuel de votre récit devant l'office.
06:42À 9 ans, madame, on...
06:45on n'a pas une idée de ce genre de choses.
06:49Donc, je...
06:51je m'explique pas ce que vous avez pu ressentir,
06:54les sentiments que vous avez pu avoir à ce moment-là.
06:58Avec Myriam, j'ai...
07:00j'ai compris pas les sentiments-là, mais j'aimais ça.
07:03J'aimais ça, je voulais que...
07:05qu'on puisse avoir des...
07:07J'aimais ce qu'elle m'a posé, la manière qu'elle m'a...
07:10parce qu'elle a été ma meilleure amie.
07:12Ce ne sont pas des personnes qui sont accusées,
07:14ce sont des personnes qui viennent faire reconnaître un droit,
07:17un droit d'asile.
07:19Donc, je pense qu'il faut pas avoir la vision
07:22de ce qui se passe devant la Cour nationale du droit d'asile
07:25comme une juridiction pénale.
07:27On est devant une juridiction administrative
07:30où les personnes viennent faire valoir leurs droits.
07:33Donc, elles viennent faire reconnaître leur droit à une protection.
07:36Je l'avais rencontrée en Grèce.
07:38Ce monsieur-là m'a aidée pour traverser la PRG...
07:42Comment vous faites, dans un laps de temps très court,
07:45pour avoir un passeport d'emprunt
07:49et avoir les documents de voyage nécessaires pour partir ?
07:53J'avais pris un peu le temps de rester à Comobras à Ville
07:56avec ma copine, là où j'étais hébergée.
08:00Donc, j'ai parti avec lui aussi au marché
08:03et j'ai économisé aussi de l'argent avec elle.
08:05C'était pas la question, madame.
08:07La question, c'était comment vous faites
08:09pour vous procurer des documents de voyage très rapidement ?
08:12Parce que vous parlez d'un passeport de ressemblance.
08:16Donc, c'est un passeport d'emprunt à l'OVPRA.
08:19Comment, en très peu de temps, on arrive à avoir quelque chose
08:23qui permette d'aller jusqu'en Grèce ?
08:25Je n'ai pas de passeport d'emprunt.
08:27Je n'ai pas de passeport d'emprunt.
08:29Je n'ai pas de passeport d'emprunt.
08:31Je n'ai pas de passeport d'emprunt.
08:36Le mari de ma copine chez qui je réside
08:39m'a aidé à obtenir ce document d'emprunt.
08:42Vous avez donné combien pour ce document ?
08:45J'ai donné 700 euros, 700 dollars.
08:48Mais à l'OVPRA, vous parlez de 1 000 dollars.
08:511 000 dollars, c'est...
08:52On a donné à l'OVPRA, on a coupé 7 000 dollars.
08:54Notre travail va consister à,
08:58peut-être, pointer les incohérences,
09:00se faire préciser des points obscurs après l'entretien,
09:04des choses qu'on n'a pas bien comprises,
09:07où était la personne à tel moment, qu'est-ce qu'elle a fait,
09:10pour se faire une opinion.
09:12Par rapport à la fois à la cohérence du récit en lui-même,
09:17ce qu'on sait sur les sociétés,
09:20une société peut être plus ou moins tolérante
09:22vis-à-vis de l'homosexualité, vis-à-vis des femmes.
09:42Musique douce
09:45...
10:12...
10:37...
10:51C'était un parcours administratif particulièrement difficile,
10:54puisqu'elle est arrivée en Italie, elle a été récupérée par un réseau,
10:58elle a été prostituée de force
11:02pendant plusieurs mois.
11:05Elle a sa fille qui a été issue d'un viol par l'un des membres du réseau.
11:10Elle a fui le réseau en Italie pour venir se protéger en France.
11:13...
11:19C'est aussi, à mon sens, une grande difficulté du parcours de l'asile.
11:23Ces femmes, on va leur demander de raconter leur viol
11:27cinq, six, sept fois.
11:29Elles ont déjà parlé à une association généraliste,
11:32elles ont déjà potentiellement fait ce parcours de l'asile
11:36en Italie ou en Grèce ou ailleurs.
11:39Elles ont déjà raconté leur histoire,
11:41et elles vont le reraconter devant l'Ofpra.
11:43Et puis ensuite, elles vont le reraconter à l'association,
11:47à l'avocate, et puis ensuite, elles vont le reraconter devant la CNDR.
11:50Et ça, c'est quelque chose qui, à mon sens,
11:53est contraire, en tout cas, aux droits européens,
11:55qui nécessitent justement d'éviter toute re-traumatisation de ces victimes.
12:00C'est quand même des récits où, la plupart du temps,
12:03les gens ont quand même connu des aventures
12:06qui sont particulièrement douloureuses.
12:09Et vous apercevez aussi que, sur ce côté souffrance,
12:14douleur, vulnérabilité,
12:17les autorités françaises sont totalement aux abonnés absents.
12:20Il y a quand même une chose...
12:23Depuis 30 ans ou 40 ans, on réclame
12:26qu'il y ait un service psychologique
12:31de soutien aux demandeurs d'asile.
12:34Il n'existe rien !
12:36Rien de rien !
12:39À mon sens, la difficulté avec la CNDR,
12:42c'est qu'ils vont se fonder pour refuser
12:44des demandes de protection internationales
12:46sur les déclarations des victimes aux audiences.
12:49De même qu'ils attendent qu'il y ait une logique chronologique.
12:52Or, on sait, les études démontrent que ces victimes
12:54qui ont un état de stress post-traumatique très important
12:57peuvent avoir leurs discours incohérents.
13:02Tout ne va pas être cohérent, tout ne va pas être parfait.
13:05Et en fait, si vous voulez,
13:07ça, il faut le prendre en considération
13:09dans les décisions qui sont rendues.
13:11Quand on apporte des éléments démontrant qu'elles ont été victimes,
13:14qu'on apporte des certificats médicaux,
13:16qu'on apporte des suivis psychologiques,
13:18qu'on apporte des attestations d'associations
13:21qui sont reconnues du Cité public par l'État,
13:23qui sont financées par l'État parfois,
13:25qui sont sérieuses, qui sont reconnues dans leur domaine,
13:28en fait, ça ne suffit pas.
13:30Et c'est ça, la difficulté,
13:31c'est qu'on va se retrouver avec des femmes polytraumatisées
13:34à l'audience qui doivent avoir le discours parfait,
13:36le discours cohérent, la victime idéale,
13:38ça, on y est aussi.
13:45On ne peut pas être impassible.
13:48Enfin, c'est pas possible.
13:51Donc, en tout cas, moi, ma manière de me préserver,
13:55c'est qu'il faut quand même arriver à se dire
13:58que nous sommes des juges,
14:00que nous sommes là non pas pour juger d'une personne,
14:04mais d'une situation,
14:05et de vérifier que cette situation relève du droit d'asile.
14:09Et que la personne peut être très émue et très affectée
14:14par des faits qui se sont déroulés
14:16après avoir quitté son pays d'origine,
14:20notamment par, je pense, à toutes ces jeunes femmes nigérianes
14:24qui sont enroulées dans des réseaux de prostitution
14:27et qui passent plusieurs mois,
14:28voire quelques fois plusieurs années en Libye,
14:30où elles subissent les pires sévices sexuels qu'ils soient.
14:34Donc, il faut savoir faire la part des choses
14:36sans renier et sans nier la douleur et la souffrance
14:40de la personne et de son ressenti.
14:43Mais il faut savoir aussi ne pas en tenir compte
14:47au moment de la décision,
14:49puisque, au moment de la décision,
14:50ce que nous devons examiner,
14:52c'est les craintes par rapport à son pays d'origine,
14:55en cas de retour,
14:57et les faits qu'il a vécus dans son pays d'origine,
15:00et non pas au niveau de son parcours d'exil,
15:02qui sont souvent de toute façon dramatiques.
15:05...
15:09Ah.
15:10C'est un film.
15:11...
15:20T'as pu voir pour ton dossier russe ou pas ?
15:25Ouais, j'ai réussi un peu à comprendre
15:27la façon dont je dois regarder le dossier.
15:30Après, c'est pas très clair sur certains trucs,
15:32notamment sur toutes les questions de date de la convocation,
15:37la présence de certains tampons des autorités russes...
15:41Parce que, du coup, ton requérant, il en a...
15:44Il a son... Il a été convoqué ?
15:46Il a rien produit du tout.
15:47C'est l'avocat, au dernier moment, qui nous a indiqué
15:50qu'en fait, il a été enrôlé dans l'armée russe
15:52et il a déserté, quoi.
15:54Ouais, faudra l'inviter à...
15:56Ouais, du coup, dans le rapport, je vais l'évoquer,
15:59je vais inviter la formation de jugement
16:01à vraiment le questionner là-dessus
16:02pour savoir s'il a vraiment des craintes
16:05en raison du conflit, quoi.
16:07D'accord.
16:12Dès lors qu'il y a un conflit armé,
16:14on applique les textes européens
16:16qui permettent d'accorder une protection subsidiaire automatique
16:20dès lors que le niveau de violence est d'une haute intensité
16:23dans cette partie du pays ou dans l'ensemble du pays.
16:27On a eu le cas de l'Ukraine, où effectivement,
16:29il a fallu qu'on prenne partie sur le fait
16:31qu'il y avait un conflit en Ukraine
16:34et quels étaient les risques pour les civils en Ukraine,
16:37parce que ça ouvrait droit à la protection européenne.
16:40Et donc, on a regardé région par région,
16:43oblaste par oblaste, quelle était la situation du front
16:46et les risques pour ensuite pouvoir statuer soit les demandes.
16:52On a eu aussi tous les changements en Afghanistan
16:55qui ont été très importants,
16:57donc avec la situation avant la chute de Kaboul,
16:59après la chute de Kaboul,
17:01avec des évolutions depuis la chute de Kaboul.
17:04On a le cas en Somalie aussi.
17:06La situation somalienne est une situation qui est extrêmement mouvante
17:09et sur laquelle on est amené très régulièrement
17:12à faire évoluer notre jurisprudence.
17:17Cette jurisprudence qui va étendre
17:20cette zone de violence aveugle haute intensité
17:23valable en 2022 ou en 2023 ne le sera peut-être plus,
17:27on peut l'espérer, en 2024 ou en 2025,
17:29s'il y a un changement politique en place.
18:00Quand est-ce que son magasin a été attaqué ?
18:07Et là, vous, vous avez écrit
18:09comme le lendemain, c'était le dimanche de Pâques.
18:12C'était quand, Pâques ?
18:18Non.
18:19Non.
18:20Le 17 avril.
18:23Oui.
18:25Le 17 avril.
18:26Le 17 avril.
18:27Le 16 avril.
18:29Oui.
18:30Le 17 avril 2022.
18:31Le lendemain du 14, c'est pas le 17.
18:34Donc, il est attaqué le 14 avril,
18:37jour de bon redi, c'est ça ?
18:39Oui.
18:40Donc, c'est pas le lendemain, c'était le dimanche de Pâques.
18:43C'est ce qui est écrit là.
18:45La cour, elle a lu votre dossier.
18:47Donc, les informations que vous avez données,
18:51ils vont vous reposer les questions pour voir si vous dites la même chose.
18:54Si vous dites des choses différentes,
18:56vous allez vous faire...
18:57En réalité, nous, on ne s'occupe que d'une petite partie
19:01des difficultés des requérants, puisque
19:04ceux qu'on récupère sont ceux qui ont réussi à échapper
19:09à des conditions de voyage, à des opérations
19:13de blocage, à des obstacles multiples.
19:18Parce qu'elle m'a dit, sa femme, elle habite maintenant au Kolkata.
19:22Oui.
19:24Quand est-ce qu'elle est partie en Inde ?
19:28C'est une information importante, ça.
19:32Vous me répondez ça et vous me dites Kolkata.
19:36Si on percute pas, donc, ça veut dire...
19:42On s'aperçoit aussi que la charité des églises
19:46ou la fraternité de la République
19:48sont des choses qu'on met sous le tapis
19:50en vous disant que, non, ça, c'est bien
19:53pour mettre ça dans la pierre devant les mairies,
19:56mais ça s'applique pas quotidiennement.
19:58Parce qu'avant de penser à mon frère, je pense d'abord à ma gueule.
20:21Je m'en replace, mon frère.
20:38Vous n'avez pas prévenu Anaïs ?
20:40Non.
20:41Ça a été annulé le 11 janvier.
20:44Je vais vous dire, j'ai quitté la tente comme ça.
20:46C'est du russe, hein ?
20:48C'était le cas, oui.
20:50C'est madame Franny Kina.
20:52C'est le serbe ukrainien, ça ?
20:54Et madame Suleymane Kova, en russe tchétchénie.
20:59Non.
21:00OK, merci.
21:01De rien.
21:02Au revoir.
21:08Quand tu écoutes l'histoire dans ta langue...
21:12Après, le traduire en français, c'est pas pareil.
21:15Ils n'ont pas la même émotion.
21:16Toi, on l'écoute en original, en fait.
21:19En version originale, oui.
21:22C'est pas de la traduction, c'est de l'interprétariat.
21:25Moi, je peux interpréter même en français d'une autre manière.
21:29Parfois, je passe toute une journée.
21:32Je passe mal la journée, jusqu'à rentrer chez moi.
21:35On me dit, enfants, t'as quelque chose, t'es calme.
21:39Je vis...
21:40Dans ma tête, je continue de vivre.
21:42La scène, quoi.
21:44Parfois, je me dis, est-ce que ça vaut la peine que je continue ce boulot ?
21:48Surtout au Nigeria, il y a parfois des tragédies.
21:52Oui, parce que les filles sont victimes de tellement de choses.
21:56Dans la tête des personnes, non ?
21:58C'est généralement des filles.
22:00Dans la prostitution et tout, vous voyez le partout.
22:02Quelqu'un qui arrive finalement, surtout avec un enfant,
22:05peut-être dont elle connaît même pas le père.
22:08Je crois que ça continue ici aussi, en France.
22:10Oui, bien sûr.
22:11Oui, oui.
22:12J'avais entendu, j'avais vu des documentaires sur...
22:15Une femme est partie, qu'est-ce qu'elle a connu comme étape ?
22:20Non, vous avez envie de pleurer.
22:24Je pense d'ailleurs que les juges font un très gros effort
22:28parfois de rentrer dans la compréhension de la culture
22:32qui permet que tu te retrouves dans telle ou telle situation.
22:37Ils font cet effort-là, mais c'est pas toujours évident.
22:39Parce que leur cartésianisme,
22:41leur manière de percevoir les choses,
22:44d'évaluer, de faire,
22:46est toujours en dichotomie avec la manière dont les autres,
22:49dont le refugé a géré son parcours.
22:53Il y a une dame qui quittait aussi l'Afrique de l'Est,
22:55je crois l'Ouganda,
22:57et qui devait descendre en Afrique du Sud.
22:59Elle était fatiguée, elle s'est endormie.
23:01Il y avait justement un conflit familial aussi.
23:03Elle s'est endormie dans le bus.
23:04On lui demande les villes qu'elle a traversées.
23:08Mais elle était incapable de l'aider.
23:10Parce qu'elle devait...
23:11Dans la culture occidentale, tu dois te rappeler tout ça.
23:13Si on te réveille et on te dit que tu es arrivé à Austin,
23:16à quel jour, tu vas donner la date.
23:18Mais nous, on n'est pas habitués à gérer...
23:21Alors, à plus fort raison que quelqu'un qui vient du village.
23:24Ils n'ont pas ce sens du détail.
23:29Pour le roc-et-rant qui ne parle pas français,
23:31les interprètes, ce sont les seules personnes qui les comprennent réellement.
23:34Et j'ai envie de dire, pour le coup,
23:36simplement dans le fait de parler sa langue d'origine,
23:40on est beaucoup plus à l'aise.
23:42Pour le roc-et-rant, l'interprète,
23:44qu'il soit froid, chaleureux, il y aurait une incidence.
23:47Parfois, ils connaissent bien le pays.
23:49Ils connaissent très bien le pays.
23:52Ils savent comment un mot peut tout changer.
24:43J'ai eu un interprète ce matin.
24:45Sincèrement, d'abord, il traduisait mal.
24:48Et non seulement il traduit mal, mais il oublie.
24:51Donc je considère qu'aujourd'hui,
24:53qu'il y a un client qui n'a pas le statut de réfugié, aucune protection.
24:57Non pas parce qu'ils n'ont pas pu répondre en distant,
24:59mais parce que c'est le fait des interprètes.
25:03Il n'est pas prévu,
25:05ce qui est assez impensable, voire déraisonnable,
25:08d'interprète au titre de l'aide juridictionnelle.
25:11Il n'y a pas d'interprète au titre de l'aide juridictionnelle
25:15en cabinet d'avocat, veux-je dire.
25:17Évidemment, à l'audience, il y a des interprètes.
25:20Donc nous, nous ne pouvons pas recevoir nos requérants et requérantes
25:23avec un interprète, sauf s'ils le payent.
25:26On est un peu tout seul.
25:29Effectivement, on est dans une situation
25:31où on doit, malgré tout, travailler.
25:33Et la seule façon, finalement,
25:35de débloquer cette situation,
25:37c'est de passer par...
25:39Moi, typiquement, c'est ce que je fais, par Google Traduction.
25:43Ça vient ajouter, finalement, de la complexité.
25:45Dans la complexité, ce d'autant qu'on est sur un pontentieux,
25:48très spécifique, très particulier.
25:50Et contrairement à ce que pense la Cour encore aujourd'hui,
25:53il n'y a pas de conspiration
25:57entre l'interprète, l'avocat et le justicial.
26:00L'interprète, il est neutre, il fait son travail.
26:03Oui, il est venu nous aider parfois, il ne le fait plus.
26:06Pourquoi ? Parce qu'il a peur d'être viré, tout simplement.
26:09L'interprète, il doit être le plus impartial possible,
26:13le plus neutre possible.
26:15D'ailleurs, il découvre l'affaire à l'audience,
26:17pour justement ne pas avoir de préjugés
26:19dans sa manière de traduire.
26:21Et pour nous, c'est essentiel, parce qu'il doit traduire
26:24de la manière la plus objective possible,
26:26la plus neutre possible,
26:28pour que nous, on puisse aussi statuer
26:30de la manière la plus neutre possible
26:32et la plus impartiale possible.
26:35...
26:37...
26:39...
26:41...
26:43...
26:45...
26:48...
26:50...
26:52...
26:54...
26:56...
26:59...
27:01...
27:03...
27:05...
27:07mais tout s'est fait par téléphone,
27:09préalablement à l'audience.
27:11La 1re chose qui m'a semblé être un point fort
27:14dans ce cas d'espèce, c'était sa présentation,
27:17parce qu'effectivement, il était très occidentalisé.
27:19Justement, il mesurait peut-être pas assez l'enjeu de cette audience.
27:23C'est un lieu d'écoute, de recueil de votre parole,
27:26il faut la dénier, revivre encore vos peurs,
27:29vos traumatismes, et c'est maintenant qu'il faut nous expliquer
27:32ce qui s'est passé, nous faire vivre vos souffrances,
27:35car nous n'étions pas là, précisément.
27:38Et j'étais plutôt très confiante, ou du moins,
27:40quant à son attitude, je n'avais pas de doute
27:43que ça allait plutôt bien se passer.
27:48Bonjour.
27:49Bonjour, monsieur. Bonjour, maître.
28:00Madame la rapporteure, nous vous écoutons.
28:02Je vous remercie, madame la présidente.
28:04...se déclarant de nationalité tunisienne
28:07et née le 20 avril 2000 à Bizerte, en Tunisie.
28:09En 2016, il a pris conscience
28:11qu'il voulait renoncer à sa confession musulmane.
28:14Au mois de mai 2018, après avoir atteint l'âge de 18 ans,
28:17il a fait part à sa famille de son choix.
28:19Il a été menacé de mort par son père,
28:21qui lui a également infligé de mauvais traitements.
28:24Craignant pour sa sécurité, il a quitté son pays le 7 novembre 2020
28:27et a rejoint la France le 7 novembre 2021,
28:30après avoir résidé un an en Italie.
28:32Sa demande a été rejetée par l'office
28:34car ses déclarations de la prise de conscience de son apostasie
28:38sont apparues sommaires et peu personnalisées,
28:40comme les persécutions alléguées de son père.
28:43C'est dans cet état qu'il se présente devant la cour.
28:45Merci, madame la rapporteure.
28:47Bonjour, monsieur.
28:48Quels sont vos craintes en cas de retour en Tunisie ?
28:51Je suis très inquiète de retourner en Tunisie.
28:54J'ai peur de quoi ?
28:55J'ai peur de mourir.
28:57J'ai peur de souffrir.
28:58J'ai peur de mourir.
29:00D'accord.
29:01Vos parents fréquentaient la mosquée à Bizerte ?
29:05Oui, je faisais de l'aide.
29:07Quand mon père venait, il n'y allait jamais.
29:10On mettait ça à l'évidence.
29:13Ma mère faisait la prière à la maison.
29:15Oui, mon père y allait.
29:16Avant mon départ ici, il y allait les cinq fois par jour.
29:20Quand vous avez pris la décision d'annoncer à votre famille
29:23votre volonté de vous distancier de cette religion musulmane,
29:28vous vous en souvenez, le jour où vous avez annoncé ça à vos parents ?
29:32Je ne me souviens pas du tout.
29:35Je ne me souviens pas du tout.
29:37Oui, je me souviens de tout.
29:39De toute façon, je ne peux pas oublier ça.
29:41Ça ne peut pas sortir de ma tête.
29:43Qui, alors, était présent ?
29:46Tout le monde était présent.
29:47Toute la famille ?
29:48Toute la famille.
29:50C'est-à-dire ?
29:51Ma mère, mes soeurs, mon frère René
29:55et mon père.
29:59Donc, quels sont les mots que vous avez utilisés ?
30:03Je leur ai dit que j'avais décidé de ne plus suivre la religion,
30:07que j'avais décidé de ne plus faire la prière
30:10ni observer le jeûne du mois de Ramadan.
30:14Il m'a demandé ce qu'il avait fait.
30:16Je lui ai dit que j'avais décidé de ne plus faire la prière
30:20ni observer le jeûne du mois de Ramadan.
30:23Il m'a demandé ce qu'il avait fait.
30:25Il m'a demandé ce qu'il avait fait.
30:28Je lui ai dit que je n'avais pas d'enfants.
30:31Il m'a demandé ce qu'il avait fait.
30:33Il m'a demandé ce qu'il avait fait.
30:37Il m'a demandé ce qu'il avait fait et il m'a frappé.
30:41En parlant, en faisant ma déclaration,
30:47je me concentrais spécifiquement sur mon père
30:50parce que je redoutais,
30:52j'avais des attentes par rapport à sa réaction.
30:55Quand j'ai fini de parler, il a levé la tête
30:59et il m'a dit que je n'avais pas ce genre d'enfant.
31:04Je n'avais pas d'enfant qui fasse ça.
31:06Il a saisi l'assiette qu'il avait devant lui,
31:10qui était remplie de nourriture,
31:12et il l'a lancée sur moi.
31:17D'accord.
31:19Et l'assiette, elle vous a blessée ?
31:20Oui, je l'ai blessée.
31:22Elle vous a blessée ?
31:25Non, pas vraiment.
31:28Je l'ai eue sur le côté de l'épaule, on va dire.
31:32D'accord.
31:33Il ne l'a pas du tout acceptée.
31:38L'incohérence, c'était le récit
31:40de l'altercation avec son père
31:45au moment où il lui annonce
31:48qu'il renonce à sa religion.
31:51Et là, le récit qu'il en a fait à l'audience
31:53n'était pas le même que celui qu'il a fait à l'OFPRA.
31:57Or, quand ce sont des événements traumatisants
32:00et qui marquent la rupture avec son pays d'origine,
32:04il me semble que l'on se souvient quand même à peu près
32:08de qui était présent, qui n'était pas présent
32:10et où ça s'est passé.
32:13Mon client a affirmé devant l'officier de protection à l'OFPRA
32:17que son frère était absent
32:19et que l'assiette projetée par son père ne l'a pas touchée.
32:22Et devant la secours nationale droit d'asile,
32:25il vient affirmer que son frère était présent
32:27et que l'assiette lancée par son père l'a touchée.
32:29Ce qu'il voulait dire par là, c'est que l'assiette,
32:32il ne l'a pas heurtée de plein fouet,
32:34il ne l'a pas reçue en plein visage.
32:36Elle l'a simplement freulée.
32:37C'est un petit détail qu'il a pu, effectivement, oublier.
32:40Ce qu'il a retenu, c'est qu'il s'est fait chasser de son domicile
32:43et que son père l'a reniée en lui disant
32:46« Tu n'es plus mon fils, je vais te tuer. »
32:48C'est à peu près ça que son père lui a dit ce soir-là.
32:51Il n'a pas retenu ce qui était autour de cette table.
32:53Ce n'est pas sur une imprécision que le dossier se détermine.
32:58Il faut qu'il y en ait plusieurs qui aillent dans le même sens.
33:01C'est-à-dire, soit plusieurs imprécisions,
33:03soit plusieurs précisions sur un même sujet.
33:05Parce qu'une fois qu'on a fait ce...
33:08et qu'on sait à peu près que rien ne tient,
33:11on n'est pas là pour le...
33:14Enfin, ce n'est pas humilier, mais on n'est pas là non plus
33:16pour le mettre en défaut.
33:18Il fallait, à mon sens, s'attarder sur oui ou non.
33:21Croit-il en une religion ?
33:23A-t-il réellement renoncé à l'islam ?
33:25Ou est-ce une brèche qui lui est ouverte
33:28pour demander une protection internationale ?
33:30Encore faut-il que le juge soit convaincu,
33:33parce qu'il peut se dire, là encore, c'est du préfabriqué.
33:37Donc il vient me répéter des informations
33:41qu'il a recueillies en vue de cette audience.
33:43Donc finalement, c'est compliqué.
33:44Dans certains endroits à Paris,
33:47il est possible d'acheter des récits clés en main.
33:52Alors...
33:55Après, est-ce que...
33:58ce récit clé en main donne l'assurance d'être protégé ? Non.
34:02Quelqu'un qui a des réponses complètement convenues
34:05et qui s'exprime en termes très généraux
34:07sans donner d'exemples concrets,
34:09on a un peu plus de mal à croire à son histoire.
34:12Peut-être derrière ce récit qui n'est pas forcément le sien,
34:17il y en a un autre qui pourrait lui permettre d'obtenir l'asile.
34:22Par exemple, une homosexualité qui ne pourrait pas dire
34:25ou qui reste encore un sujet tabou.
34:27Et donc on essaie.
34:28Alors quelquefois, oui,
34:30ça va effectivement dire que c'est pour un autre motif.
34:34Et puis quelquefois, ça ne donne rien, mais...
34:36Voilà.
34:38D'accord. Merci, monsieur.
34:40Maître, vous avez la parole.
34:43Merci, madame la présidente.
34:45Je voudrais déjà, en premier lieu, saluer le courage de monsieur aujourd'hui,
34:49qui lui vaut d'être devant vous aujourd'hui,
34:52car il s'est affranchi d'une religion
34:54et sachant qu'il allait, bien sûr,
34:58au-devant de grands problèmes, et on le voit aujourd'hui.
35:01Lorsqu'il a pris cette décision d'annoncer à ses parents
35:04qu'il ne voulait plus être musulman,
35:06il ne savait pas qu'il rentrait dans de l'abstraction.
35:09Qu'il rentrait dans de la post-Asie,
35:11et qu'en Tunisie, on y reviendra, c'est compliqué.
35:13Mais surtout, il vient quand même vous dire
35:16que c'est une décision qui n'est pas...
35:19qui n'est pas apparue comme ça, du jour au lendemain.
35:22Il ne s'est pas réveillé et il s'est dit,
35:23je suis fatigué de cette religion.
35:25Dès l'âge de 17 ans, il avait cette réflexion.
35:29Elle était en cheminement.
35:30C'est ce qu'il oublie de vous dire,
35:32car je pense qu'il est aussi impressionné.
35:34C'est ce qu'il oublie de vous dire.
35:36Et quand il a eu 18 ans,
35:37il s'est dit, au moins, je suis adulte,
35:39j'ai ma majorité, donc je vais pouvoir, en tant qu'homme,
35:42annoncer à mon père et affronter mon père
35:44que je ne désire plus adhérer à cette religion.
35:48Pourquoi ? Parce que pour lui, elle était trop restreinte.
35:50Elle comprenait trop de restrictions, d'interdictions.
35:53Il n'a pas été précis, je le regrette,
35:55puisque, en violant le secret professionnel,
35:59il me disait, tout simplement,
36:00je voulais me porter une boucle d'oreille.
36:02Aujourd'hui, il ne me la peut plus faire.
36:04Je voulais me coiffer comme je voulais.
36:05Il y a des dossiers dans lesquels la preuve est manquante.
36:08Je ne peux pas prouver que mon client ne croit en rien.
36:11Mais alors, il va falloir que j'apporte
36:13quel type d'argument.
36:15J'en viens même à me demander,
36:17si je peux me permettre, sans m'attirer les foudres,
36:20s'il ne faudrait pas que je lui fasse manger une viande interdite
36:23lors de l'urgence et de dire à la magistrate,
36:26vous voyez, il mange cette viande, qui pourtant,
36:29il ne doit pas la manger, mais il la mange,
36:30et il ne fait pas son plan, et il la mange avec beaucoup d'appétit.
36:33Parce que finalement, ça pourrait l'emporter sa conviction,
36:35ce petit détail, plus qu'une assiette
36:37ou plus qu'un frère absent présent.
36:58Le juge est en train de délibérer.
37:01Comme j'ai dit, ça va aller vite, c'est un juge unique.
37:04Donc, il ne devrait pas mettre trop de temps
37:06à délibérer entre lui-même et tout seul.
37:10D'accord ?
37:13Donc, c'est pour ça qu'on attend.
37:18C'est d'abord la rapporteure qui va expliquer votre affaire,
37:24faire une synthèse, d'accord ?
37:26Là, on n'intervient pas.
37:29Si besoin, vous avez la traduction,
37:32mais vous, c'est en français.
37:34Ce sera bon.
37:35Alors, toi, bébé, tu ne vas pas pleurer comme ce bébé.
37:40Tu vas être très calme pendant toute l'audience, d'accord ?
37:51Je vais voir où ça en est, d'accord ?
37:55Bonjour, madame la présidente.
37:58Je vais prendre le dossier turc, il y a un mois,
38:00sur le créneau de 14 heures.
38:02Non, parce que je n'aurai pas le temps.
38:04Je vais être enceinte, je pars, je rentre chez moi ce soir.
38:07Je suis attendue, en plus.
38:08Donc, c'est très difficile pour moi de décaler ce soir.
38:12Donc, je m'interdis de manifester mon courroux.
38:15Mais d'habitude, je fais le maximum,
38:18mais là, j'ai perdu beaucoup de temps sur le précédent dossier.
38:20Le juge a beaucoup pleuré.
38:22Je pensais que ça irait plus vite,
38:24que j'aurais eu le temps de prendre votre recréante.
38:27Et là, vous regardez les dossiers,
38:29si on peut le faire proprement, on le fera.
38:31Nous sommes toujours contents de vous passer du temps sur les dossiers.
38:35Le problème, effectivement, c'est pour la recréante.
38:39Mais il y a une convocation qui va être assez rapide.
38:45Est-ce que vous avez compris ?
38:47Est-ce que vous pouvez poser la question ?
38:51Vous avez compris, madame ?
38:54Oui, j'ai compris.
38:56Désolée, mais on a regardé votre dossier,
38:59on a regardé ce qu'on pouvait faire,
39:02mais c'est pas grand, ça aurait pas été bien pour vous.
39:05Madame demandait si ça allait être long.
39:08Deux mois de travail.
39:09Les justiciables devant la Cour nationale du droit d'asile
39:13n'ont pas le droit de travailler, ils n'ont pas de revenus.
39:16Ils n'ont pas plus de 300 euros la plupart du temps.
39:20Parfois, ils sont sans domicile, etc.
39:22Il faut bien voir les conditions dans lesquelles ils vivent.
39:25Pour le justiciable, c'est une attente supplémentaire,
39:29une angoisse, il faut bien le dire, pour certains et certaines,
39:32une angoisse très forte.
39:34La difficulté de la Cour,
39:36c'est qu'elle se sent tenue par des obligations de production
39:41quasiment comme une unité industrielle,
39:46et ça, c'est quand même très gênant.
39:48La meilleure preuve, c'est que le standard
39:51fait que, sur chaque journée,
39:54la Cour estime pouvoir juger 13 affaires par jour.
39:59Quelquefois 12, c'est impossible.
40:06Vous savez que je le fais le maximum.
40:07Oui, je sais très bien.
40:10Mais nous avons tous nos contraintes.
40:14Nous supportons, si je puis dire, souvent,
40:16les contraintes de la Cour.
40:18Moi, je supporte des fois les contraintes des avocats.
40:21Je les attends quand je suis là à 9h du matin
40:23et que je ne commence pas avant 9h30,
40:26parce que j'ai des offraires qui ne sont pas...
40:27Je ne conteste pas, mais, par exemple, ce matin,
40:30j'ai deux dossiers qui ont été renvoyés à 12h55
40:33pour heures tardives,
40:35puisque c'est l'expression usitée à la Cour.
40:38Voilà, on est...
40:41C'est jamais grave, c'est jamais dramatique,
40:44mais il faut bien savoir que tous ces retards
40:46ne sont pas forcément imputables aux avocats.
40:50Et pas forcément aux magistrats de la Cour du Biais
40:52ou à l'envol du Biais.
40:55Bon, en tout cas, très bien.
40:57Voilà.
40:58Merci.
41:00Merci beaucoup.
41:20...
41:47Bonjour, madame la présidente.
41:48Bonjour, madame Leyen.
41:50Je viens vous voir concernant le dossier égyptien
41:53sur lequel on avait discuté.
41:55Éventuellement, est-ce qu'on pourrait changer quelques minutes
41:57pour envisager une mesure d'instruction ?
41:59D'accord.
42:01Ça a concerné, du coup, le requérant égyptien
42:03qui faisait valoir des craintes en raison de ses opinions politiques.
42:08Il avait participé à compter, de 2013, à plusieurs manifestations
42:12suite à la prise de pouvoir du général Al-Sissi.
42:15Et c'est ce qui lui avait valu d'être suspecté
42:17d'appartenir à la confrérie des frères musulmans.
42:20Sur ce point, la note blanche, elle fait mention
42:22d'aucune appartenance à une mouvance...
42:24D'aucun élément, aucun rapprochement avec...
42:26Aucune mouvance terroriste ou islamiste.
42:28Donc, lui, il fait valoir qu'il a été...
42:32Il a été condamné en Égypte ?
42:33Non, aucune condamnation pour le moment.
42:35Il considère qu'il a fait l'objet de surveillance.
42:37Il est arrivé en France un peu plus tard
42:38où il a poursuivi ses activités militantes.
42:40Il a participé à de nombreuses manifestations,
42:42notamment devant l'ambassade égyptienne à Paris.
42:45Hum-hum.
42:46Et c'est ce qui lui a valu, justement,
42:48d'être poursuivi pour outrage à personne dépositaire
42:52de l'autorité publique et rébellion.
42:55Mais il n'a pas encore été condamné
42:57parce qu'il avait été arrêté puis relâché.
43:00Et le requérant, qu'est-ce qu'il dit par rapport à ces faits
43:03qui se sont déroulés devant l'ambassade ?
43:06Alors, lui, il reconnaît avoir été arrêté,
43:10mais par contre, il conteste l'outrage et la rébellion.
43:13D'accord.
43:14Donc, c'est pour ça, je voulais voir avec vous
43:16si vous considériez qu'il était nécessaire
43:18de faire une mesure d'instruction,
43:20parce que c'est vrai que le casier judiciaire
43:22qui a été produit à Lofpra est assez ancien
43:24et il remonte...
43:25Il remonte à quand ?
43:27Un an.
43:28Donc, ça serait bien de faire une demande d'actualisation
43:31pour voir s'il a été éventuellement condamné en France.
43:33Très bien.
43:36Le travail géopolitique a été fait par le rapporteur
43:41qui a préparé.
43:43Nous-mêmes, en préparant le dossier,
43:45on a lu le dossier,
43:46on s'est posé un certain nombre de questions,
43:48on a peut-être fait des recherches personnelles
43:51pour orienter nos questions sur certains points
43:53et on va travailler sur le dossier,
43:55sur les réponses apportées par la personne.
43:59Et en cas de production,
44:01vous communiquez à l'autre partie pour observation ?
44:04Bien sûr.
44:05Très bien. Merci.
44:06Merci.
44:08Bonne journée.
44:09Merci, vous aussi. Merci.
44:12Nous ne sommes que des juges,
44:13nous ne sommes pas des policiers,
44:15nous n'avons pas le pouvoir d'aller...
44:20rechercher si telle ou telle personne
44:22a un casier judiciaire ou n'en a pas.
44:25En revanche, effectivement, une fois que ces éléments
44:29sont au dossier,
44:30il nous appartient d'aller nous assurer
44:33que cette personne ne présente pas un risque
44:36pour la sécurité de l'Etat français
44:39ou un risque pour la société française.
44:42Et dans ces cas-là, l'asile ne l'aurait pas accordé
44:46ou l'aurait même retiré pour certains
44:48qui l'auraient obtenu précédemment.
45:12...
45:29C'est bon ?
45:30Les documents sont là ?
45:32Allez.
45:33...
45:45Merci, madame Lagriffière,
45:46d'appeler la première affaire du rôle.
45:48Affaire numéro une, monsieur Néloïe,
45:51assisté de maître Tikwa
45:52et de monsieur l'interprète en langue bengalaise.
45:55Bonjour, monsieur.
45:56Pour quelles raisons avez-vous quitté le Bangladesh ?
45:59Pour quelles raisons avez-vous quitté le Bangladesh ?
46:01Madame, j'ai quitté le Bangladesh
46:04parce que, madame, j'aime le Bangladesh...
46:08Monsieur Ribeiro,
46:10pour comprendre le traitement de son dossier,
46:13il faut malheureusement garder à l'esprit
46:15que c'est un Bangladais
46:16et que l'OFPRA s'est focalisé
46:18sur sa nationalité bangladaise,
46:20sur le fait qu'il considère
46:23qu'il n'y a pas de persécution systématique,
46:27c'est la position de l'office,
46:28donc c'est des persécutions personnelles.
46:31La problématique que soulève cette minorité chrétienne,
46:35c'est effectivement la volonté de la majorité au Bangladesh,
46:41compte tenu de la mode actuelle d'un islamisme violent.
46:46Donc, ces groupes islamistes
46:51s'appuient sur leurs forces
46:53pour vouloir effectivement considérer
46:58que le Bangladesh doit être un pays pour les musulmans
47:01et que ceux qui ne sont pas musulmans sont invités à dégager.
47:06Oui, madame le président, mesdames.
47:09Le requérant entend contester devant vous
47:14cette décision de monsieur le directeur de l'office
47:17qui est, il faut bien le dire,
47:20relativement incompréhensible.
47:27Le requérant est incontestablement bangladais
47:30et s'appelle monsieur Ribeiro.
47:33Pour l'office, évidemment,
47:36les persécutions des chrétiens au Bangladesh
47:41par des extrémistes religieux, ça n'existe pas.
47:45L'office semble ignorer que la communauté portugaise
47:50a colonisé le Bangladesh
47:52et que les églises dans sa région remontent au XVIIe siècle.
47:58Ce qui est pour moi le plus choquant,
48:02l'intéressé donne ses coordonnées,
48:07il parle de sa ville, de son comptant et de son district.
48:11Eh bien, l'OFPRA a réussi à faire des fautes d'orthographe
48:15dans chacun de ces lieux géographiques.
48:17Vous me direz que ce n'est pas pour l'orthographe
48:20qu'il y a lieu de s'intéresser.
48:23C'est que les lieux géographiques, vous prenez les cartes,
48:27juste des cartes, pour trouver l'endroit où il y a son église,
48:32pour trouver l'endroit où il y a sa boutique et pour comprendre.
48:36Eh bien, non, ils ne veulent pas comprendre.
48:39Et c'est ça qui est insupportable.
48:42Dans le calendrier religieux, après Noël,
48:45quelle est la grande fête suivante ? C'est celle de Pâques.
48:50Donc, lui, il vous dit qu'il est effectivement attaqué
48:55le 14 avril, vous pourrez vérifier,
48:58le Pâques a bien eu lieu le 17 en 2022.
49:03Tout ça est parfaitement vérifiable.
49:07Et qu'est-ce que fait l'OFPRA ? Rien.
49:10C'est ça qui est insupportable,
49:12parce que l'intéressé ne se plaint pas d'être devant vous,
49:17mais imaginez quand même l'angoisse du rejet.
49:20Je ne sais pas ce que l'OFPRA comprend de la situation.
49:24Alors, il me semble que vous avez des commencements de preuves sérieux,
49:30vous avez un discours de ce garçon qui n'a jamais varié,
49:33qui, tout à l'heure encore, a répondu du mieux qu'il pouvait
49:37à vos questions, parce que c'est vrai que je vous rappelle
49:39que c'est la première fois de sa vie qu'il rencontre un tribunal,
49:43et que si on demandait à tous les Français
49:47de venir s'expliquer devant un tribunal,
49:49on en verrait pas mal bégayer, hésiter, être mal à l'aise,
49:53et c'est tout à fait naturel.
49:54Encore une fois, ce n'est pas une profession de demandeur d'asile.
49:57Donc, il vous a expliqué ça de façon authentique, sincère,
50:04et c'est ça que vous demande la Convention de Genève.
50:07Vous savez que je n'ai rien inventé,
50:09que ces islamistes fondamentalistes sont extrêmement violents,
50:15qu'ils sont capables de me tuer,
50:17que les autorités, pour leur faire plaisir,
50:20sont capables de m'enfermer pendant des années,
50:23alors qu'il est totalement innocent,
50:26et je pense que vous n'aurez absolument aucun doute là-dessus.
50:30Voilà pourquoi nous vous demandons le bénéfice de la protection
50:34au titre de la Convention de Genève.
50:36Merci.
50:37Merci, maître. L'affaire est mise en délibéré.
50:39La lecture de la décision est prévue pour le 13 février prochain,
50:43à 11h.
50:50Le regard croisé de trois juges est important, est essentiel,
50:54et qui permettra nécessairement d'affiner la décision
50:59et de prendre la meilleure décision possible.
51:03Est-ce qu'il n'est pas plus simple de protéger ?
51:06Mais dans ce cas-là, pourquoi avoir des juges ?
51:09On met un distributeur sur le trottoir, et c'est bon.
51:12Un juge, ça fait du droit. Un juge, ça résonne.
51:15Un juge, ça fonde cette décision sur des éléments précis.
51:19Donc, est-ce qu'on a assez pour protéger ou pas ?
51:24C'est la question qu'on se pose à chaque fois.
51:36Musique pesante
53:09...
53:29On est quand même un pays où des réfugiés peuvent devenir
53:34Premier ministre ou président de la République.
53:36Il n'y en a pas beaucoup.
53:38Je pense que l'Arménien M. Baladur s'en souvient,
53:43que M. Sarkozy, le Hongrois, s'en souviendra aussi.

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