Femmes sans domicile fixe, fragments de vies

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Plus de femmes dans la rue aujourd'hui qu'autrefois. Quel est cet engrenage infernal ? N'attend-t-on pas de notre société qu'elle protège les plus faibles ? Qui étaient ces femmes avant de se retrouver à la rue ? Année de Production :

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Transcription
00:00Merci beaucoup Madame. Merci à vous. Belle journée à vous.
00:14Moi je tends la main parce que j'aime le contact humain.
00:17Je veux que les personnes s'approchent parce qu'elles veulent me donner quelque chose et qu'elles m'ont vu.
00:22Ça prouve que j'existe. Je vous remercie beaucoup Monsieur.
00:26Un sourire, ça remonte le moral. Quand on a envie de pleurer, quand on a le moral à zéro.
00:31C'est pourquoi je souris. Parce que si je souris pas, je vais m'écrouler.
00:36Les émotions sont déculpées à la rue.
00:39C'est des gâteaux, je sais pas. C'est pas très nourrissant mais c'est tout ce que j'ai à vous donner. Bon courage à vous.
00:44Je vous remercie beaucoup Madame. Merci à vous.
00:49Catherine a travaillé toute sa vie. Elle a été secrétaire, femme de ménage. Elle a 60 ans.
00:59La première fois j'ai dormi dans un parking. J'ai dormi dans un parking avec la lumière, tout ce qu'il fallait, les voitures.
01:06C'est sécurisant. Disons qu'on n'a pas froid dans un parking mais tout le monde va dans les parkings donc on a des mauvaises rencontres aussi.
01:14Une personne est passée et c'est le côté un peu mauvais côté quand on est une femme.
01:19C'est qu'elle m'a dit je te donne 20€ pour me tailler une pipe.
01:24T'es à la rue, quoi, tu refuses 20€ pour 5 minutes. Je t'ai bien payé pour 20€ pour 5 minutes.
01:30Je suis partie ailleurs et je me suis dit faut que je me cache, faut que je me cache.
01:34Autant je me rends visible dans la journée. Par contre la nuit je dois être invisible. Je veux plus qu'on me voit.
01:44Alors, dès que la nuit approche, Catherine se fond dans la foule.
01:50A la rue, le temps est comme suspendu et seule l'urgence du moment compte.
01:56Si on commence à lâcher prise, c'est fini, elle va nous enterrer, il faut en sortir.
02:01Elle a dormi 8 mois dehors avant de retrouver un logement.
02:08En France, le nombre de SDF a doublé en 10 ans.
02:13Il serait aujourd'hui 300 000. 40% sont des femmes.
02:19Je m'appelle Paul, j'ai 30 ans.
02:25J'ai cherché à savoir qui sont ces ombres que je croise de plus en plus souvent.
02:31Quels destins sont-ils arrivés là ? Quelle est leur histoire ?
03:01Je voudrais partir jusqu'à la mer.
03:07Je voudrais partir jusqu'à la mer.
03:13Je voudrais partir jusqu'à la mer.
03:19Je voudrais partir jusqu'à la mer.
03:25Je voudrais partir jusqu'à la mer.
03:31M'allonger sur le sable.
03:35Prendre un peu l'air.
03:39Sentir les embruns.
03:42Quand je l'ai rencontré, Alicia venait de quitter Clermont-Ferrand pour Saint-Denis.
03:47Rester jusqu'à m'en saler le corps.
03:53On serait juste toi et moi.
04:00Elle dort là, avec son chien Simba.
04:06J'ai 21 ans.
04:09Ça fait 3 ans que je suis à la rue.
04:13J'ai grandi dans les foyers par placement administratif.
04:18C'est mes parents qui m'ont demandé un placement.
04:22Depuis mes 18 ans, je me retrouve à rien.
04:26Je me retrouve à la rue.
04:30Ça va ?
04:33Très bien, et vous ?
04:36Ça fait 3 mois qu'Alicia vit ici.
04:39Parmi un groupe de sans-papiers qui l'ont prise sous leur aile.
04:43Quand t'as pas de miroir, c'est la merde totale.
04:47Elle est à l'aveugle, on va dire.
04:51Merci, garde du corps.
04:56La jeune fille est pourtant toujours en contact avec ses parents.
05:00Qu'est-ce que c'est que ça, toi ?
05:03Ils vivent dans le centre de la France et connaissent sa situation.
05:08Toi, tu cherches ce que je te tape.
05:11Les journées sont vachement longues.
05:15C'est compliqué, en fait.
05:19Il y a rien à faire, t'as pas de copine.
05:23Surtout quand tu viens pas de la région parisienne.
05:27J'ai un miroir, je suis conne.
05:30Je me suis toujours dit que le jour où j'ai un enfant, je te jure que je ferai tout.
05:35Pour moi, c'est ta chair, c'est ton sang, c'est ta vie.
05:39Tu peux pas te permettre de laisser ton enfant comme ça, crever dehors.
05:43Je ferai tout pour pas que mon enfant le connaisse.
05:47T'as vu mon chien ? Je me bats en 8 pour lui.
05:50Mais pour mon enfant, je me battrai en 15.
05:58Mon chien, c'est ma vie.
06:01C'est mon fils.
06:06Tu vois, ça, c'est les moments qui viennent.
06:14Ouais, c'est un membre de ma famille, pour moi.
06:18Il m'apporte ce que j'ai pu à l'heure actuelle.
06:22Quand je vais pas bien, je sais qu'il est là.
06:25C'est tout pour moi.
06:28Bonjour.
06:31Alicia a seulement 7 ans, quand ses parents la confient à l'aide sociale à l'enfance.
06:43Aînée de 3 enfants, elle est la seule à ne pas grandir avec sa famille.
06:54Elle n'a jamais compris pourquoi.
07:01À 14 ans, elle a déjà connu 3 foyers et 3 villes.
07:06Dans celui-là, à Lyon, je suis restée peut-être 2 ans, 3 ans.
07:11Et c'est là où, on va dire que j'ai eu les pires...
07:15L'une aussi de mes pires douleurs dans ma vie.
07:20À Lyon, un oncle d'Alicia se sert d'elle pour son trafic de cannabis.
07:24Il fixe un rendez-vous avec un acheteur.
07:27Elle doit s'y rendre seule.
07:30Donc j'ai fait ce qu'il m'a demandé.
07:32Arrivée dans cet appartement, je vois que...
07:35Donc cet homme-là, il était un petit peu plus âgé que moi, il avait 17 ans.
07:39Et tu sais qu'il était un petit peu bizarre.
07:42Et c'est vrai que dans l'appartement où j'étais, il y avait des grands couteaux,
07:45des bouteilles de bière en verre.
07:47Et ce qui s'est passé, c'est que voilà,
07:49cette personne-là a abusé de moi sexuellement à 14 ans.
07:55Le soir même, Alicia téléphone à sa mère.
08:01Ça a été compliqué pour moi.
08:03Je me suis sentie sale.
08:05Je me suis sentie trahie.
08:07Et j'ai entendu mon père qui a osé dire...
08:09De toute façon, je savais comment elle allait finir.
08:11Elle allait finir comme une pute.
08:15Ses parents finissent par la soutenir lorsqu'elle porte plainte.
08:19Parce qu'il était mineur,
08:21son violeur est condamné à seulement 2 ans et demi de prison avec sursis.
08:29Je disais souvent cette fois, parce que tu as vu, mon cœur,
08:31c'est comme un casier judiciaire.
08:33C'est-à-dire que j'empilais.
08:36Je gardais, je gardais, je gardais, je gardais.
08:38Sauf que tu as vu, au bout d'un moment, le casier ou le classeur,
08:40tu ne peux plus le fermer.
08:41Donc automatiquement, il explose.
08:43Donc tu as des feuilles de partout.
08:50À 19 ans, Alicia dort dans la rue à Clermont-Ferrand.
08:54Elle croit trouver l'amour et se met en couple.
08:58On a dormi dans des bâtiments sur des bouts de carton.
09:01Il est tombé dans la drogue, il est tombé dans l'alcool.
09:04Et en fait, ce qui s'est passé, c'est qu'au bout d'un moment,
09:06elle a commencé à me porter des coups.
09:07Une fois, deux fois, trois fois.
09:09Mais tu vois, toujours ensemble.
09:11Je me suis dit, c'est pas possible.
09:13Je me suis dit, c'est pas possible.
09:15Je me suis dit, c'est pas possible.
09:17Deux fois, trois fois.
09:18Mais tu vois, toujours en s'excusant après.
09:21Et au bout d'un moment, tu vois, il avait arrêté.
09:24Il m'avait fait la promesse qu'il n'allait pas me retoucher,
09:26ni quoi que ce soit, que ce soit verbalement ou physiquement.
09:28Malheureusement, il a recommencé.
09:31Il est venu, il m'a agressée.
09:32Il m'a mis un coup de casque, tu vois, ici, derrière l'oreille.
09:37Je suis tombée.
09:38Niet.
09:39Je suis tombée comme une merde, en fait.
09:41Et je hurlais.
09:42Je hurlais de douleur.
09:44Je me disais que, ouais, c'était la fin pour moi, en fait.
09:47C'était fini, que je vais mourir, que...
09:49Je comprenais pas tout ce qui se passait.
09:55Les gens basiques ou les gendarmes,
09:57ils comprennent pas pourquoi, tu sais, dans le sens...
10:00Je les gardais avec moi en étant à la rue.
10:02Mais c'était ma protection avant tout.
10:04C'est-à-dire que, quand t'es une femme dehors toute seule,
10:06c'est là où les gens, ils peuvent venir.
10:08Casser les couilles et essayer de faire tout et n'importe quoi.
10:12À la rue, 95% des femmes SDF ont subi une agression sexuelle.
10:18Au moins une fois.
10:25Dans l'est de Paris, au cœur du quartier Saint-Ambroise,
10:32Leïla m'a confié qu'elle s'était fait violenter plusieurs fois
10:35par d'autres SDF du quartier.
10:41Leïla a été confiée à la police.
10:47Bonjour, vous avez composé le 115, numéro d'urgence,
10:50des personnes sans abri. Ne quittez pas.
10:55Oui, allô madame ?
10:56Oui, bonsoir, excusez-moi.
10:58Là, je suis dehors, madame.
11:00Je sais même pas comment je fais pour tenir.
11:03Là, je dors dans des cables, machin.
11:05Et quand j'appelle, j'arrive pas à vous joindre
11:07et j'ai très peu de batterie.
11:08Mon téléphone est complètement cassé depuis mon agression.
11:15Est-ce que vous aurez au moins, ne serait-ce qu'une nuit,
11:17pour ce soir ?
11:19Un remarque au lendemain, n'importe quoi.
11:26Faut que je rappelle.
11:28À partir de 20h25.
11:32Capiche ?
11:34Bonne chance à vous.
11:35Je vous redécourage, j'avance au détail.
11:39Au revoir.
11:45Leïla a grandi à l'ombre de cette église
11:47et a presque toujours vécu là.
11:54Elle a fait plusieurs métiers,
11:56comme brocanteuse ou vendeuse de prêt-à-porter.
11:58À 44 ans, elle n'a jamais été mariée
12:01et n'a pas d'enfant.
12:06J'étais à ma maternelle à côté.
12:08J'étais au collège à côté,
12:10la primaire en face.
12:12Pourquoi tu restes ici,
12:13si t'as autant de problèmes avec les gens du coin ?
12:16Si je vais ailleurs, ça peut être pire.
12:19T'as déjà essayé ?
12:20Je vais où ?
12:21Je vais où ?
12:22Je suis à mon quartier.
12:24Tu vas où ?
12:25Je vais où ?
12:27Je suis à mon quartier.
12:28Je reste dans mon quartier.
12:29Je vais où ?
12:31Elle habite dans le coin,
12:32ta maman, tu m'avais dit.
12:33Oui, ma mère, elle est gardienne
12:34pas très loin du bâtiment.
12:41Je l'ai appelée il y a quelques jours,
12:44pour la île, là.
12:46Salut, ça va ?
12:47Ben ouais, ça va.
12:48Demain passe, ça va.
12:50Donc, je lui ai dit...
12:53Tu veux dire qu'elle refuse de t'aider, là ?
12:56Je pense qu'elle refuse carrément
12:59ce qu'elle a fait de moi.
13:02C'est culturel, peut-être,
13:04ou je sais pas, c'est les coutumes,
13:06c'est un peu de tout.
13:15Excusez-moi.
13:18Allô ?
13:19Oui, désolée, je l'ai reçu.
13:21Désolée, j'ai pas le temps.
13:25Par exemple, c'est ce genre d'appel,
13:27des gens qui traînent par ici,
13:28qui veulent nous forcer à nous héberger.
13:30Souvent, ils passent autour,
13:32des gens qui habitent chez eux,
13:34qui rodent.
13:37Préserver son intégrité, c'est difficile.
13:41Comment tu fais, toi ?
13:44Au pire des cas, je me fais tabasser.
13:50Tout le temps.
13:52C'est-à-dire ?
13:53C'est-à-dire que je donnerai pas mon corps pour dormir.
13:57Toi, tu t'es jamais prostituée ?
14:00Jamais.
14:02Sinon, je serais pas là.
14:05C'est quoi ton objectif, là ?
14:08J'en ai plusieurs, mais dans l'immédiat, déjà,
14:10une continuité de nuitée.
14:14Je sais pas, deux, trois semaines, quoi.
14:16Ouais.
14:17Deux, trois semaines, c'est bien.
14:20Une semaine pour dormir, vraiment,
14:22manger un peu.
14:24Et après, je vais postuler,
14:26je trouve le travail direct.
14:28Je pense que je serai encore récupérable.
14:39Le 115,
14:40la plateforme qui gère les hébergements d'urgence,
14:43dispose de 200 000 places
14:45pour tout le territoire français.
14:48Hôtels et centres sont saturés.
15:06L'horloge qui est là, là,
15:07elle serait parfaite dans ma cuisine, en fait.
15:09Elle serait quand même excellente.
15:13Sylvie a 49 ans.
15:15SDF depuis 15 ans,
15:17elle espère toujours avoir bientôt un chez elle.
15:21En attendant,
15:22elle vit dans le bois de Vincennes,
15:24aux portes de Paris.
15:25Il y en a qui nous appellent SDF,
15:27d'autres qui, vulgairement, disent Clodo, Clochard.
15:30Moi, je n'ai eu personne en situation difficile.
15:34Sylvie vient de Lisieux, en Normandie.
15:38Il y a très longtemps,
15:39elle était mère de famille
15:41et travaillait pour une société d'intérim.
15:44Aujourd'hui,
15:45elle ne vit que pour son chat, Indy.
15:48Indy,
15:49pour Indiana Jones.
15:52Et qu'est-ce qui est le plus dur
15:53quand on vit dans la rue,
15:54et qu'est-ce qui est le plus dur,
15:55c'est d'être à la maison,
15:56d'être à la maison,
15:57d'être à la maison,
15:58d'être à la maison,
15:59d'être à la maison,
16:00d'être à la maison,
16:01d'être à la maison,
16:02quand on vit dans la rue ?
16:06Il y a pas mal le regard des gens
16:10et les idées reçues
16:11que certaines personnes,
16:13bien pensantes,
16:14bien intentionnées,
16:15peuvent avoir.
16:17Comme quoi,
16:18on aurait,
16:19pour certains,
16:21même la plupart,
16:23pas vraiment toute notre raison.
16:27Il y en a certains,
16:29il faut dire ce qui est,
16:31ils sont pas mal portés
16:32sur les bords d'entournure
16:34sur la picole.
16:36Moi, personnellement,
16:37j'ai pris un principe.
16:39Ça me reste de boire un verre
16:40de temps en temps,
16:42mais je préfère m'en sortir
16:43que de picoler.
16:48Ça fait combien de temps
16:49que tu n'as pas bu
16:50avec tes enfants ?
16:52Eh bien,
16:53ça fait depuis 2006.
16:56Maintenant,
16:57mon fils aîné va avoir
16:58à la fin de sa vie
16:5930 ans.
17:02Mon plus jeune
17:03a 23 ans.
17:04Mes deux filles
17:05ont 26 et 27 ans.
17:07Donc, aux âges
17:08qu'ils ont respectivement,
17:09ils font leur vie.
17:11Tu aimerais bien
17:12reprendre contact
17:13avec tes enfants ?
17:14Ça, c'est l'un
17:15de mes plus chers désirs.
17:22À l'époque,
17:23Sylvie a fui un conjoint violent
17:25et n'a plus la garde
17:26de ses enfants.
17:27Elle part à Chypre
17:28dans l'espoir
17:29de retrouver un homme
17:30qu'elle connaît à peine.
17:36Il ne s'est jamais rien passé
17:37entre eux,
17:40mais elle espère
17:41construire une nouvelle vie.
17:43Je vais dire
17:44que ça n'a pas abouti,
17:46mais je savais pertinemment
17:49au départ
17:51que c'était 50-50.
17:57Sur place,
17:58elle réalise
17:59qu'il est marié
18:00et n'ose même pas
18:01l'approcher.
18:06En même temps,
18:10dévouer que c'est
18:11chez des gens
18:13en disant
18:14« Coucou, c'est moi,
18:15chez Marc,
18:16avec mes gros sabots. »
18:17Non.
18:21Seule,
18:22à cours d'économie,
18:24Sylvie se marginalise
18:25et c'est à Chypre
18:26qu'elle dort
18:27pour la première fois dehors.
18:33J'ai un petit peu dormi
18:34dans un squat,
18:35des terrasses de troquet,
18:37il y avait les banquettes plastiques
18:38avec les coussins plastiques
18:39qui étaient maintenus,
18:40donc j'en mets là-dessus.
18:43Je chantais dans la rue,
18:45les gens me donnaient
18:46ce qu'ils voulaient,
18:48ce qu'ils pouvaient,
18:50et petit à petit,
18:51je mangeais,
18:52mais je mettais mes sous de côté.
18:54Et c'est comme ça
18:55qu'en 2013,
18:56j'ai payé mon billet de retour.
19:00Sylvie aura donc passé
19:01sept ans à Chypre.
19:04À son retour,
19:05elle veut attendre
19:06d'avoir un logement
19:07avant d'essayer
19:08de retrouver ses enfants.
19:14Ça, c'est pété,
19:15il faut que j'enrachie
19:16une autre
19:17et qu'il soit plus grand.
19:20Ça fait deux ans
19:21qu'elle vit ici,
19:22et qu'elle accumule
19:23un peu de tout
19:24et n'importe quoi.
19:28Qu'est-ce que tu fais, là ?
19:29Du rangement, du tri.
19:32Parce qu'il y a les mecs
19:33qui vont passer,
19:35qui m'ont gentiment
19:36fait comprendre
19:37que là, actuellement,
19:38c'était plus possible,
19:39c'était plus un campement,
19:40c'était un dépotoir.
19:42En même temps,
19:43la grande tente
19:44que j'avais avant,
19:46s'il y avait un petit peu
19:47de bordel dans la chambre,
19:48c'était mon bordel,
19:49ça ne se voyait pas à l'extérieur,
19:50à l'extérieur,
19:51c'était propre, nickel,
19:52impeccable.
19:53J'avais quand même
19:54quelque chose
19:55comme 5 mètres quart habitable
19:56dedans, quoi.
19:58Et là, si ça,
19:59ça fait 5 mètres quart habitable,
20:01moi j'étais 20 ans
20:02qu'elle remédite.
20:05Sylvie s'est déjà
20:06fait voler sa tente
20:07deux fois.
20:10Comme elle,
20:12200 SDF vivent
20:13dans ce bois
20:14de 1000 hectares.
20:17La mairie les tolère,
20:19mais elle envoie
20:20des patrouilles régulières.
20:25Ce matin,
20:26les services d'hygiène
20:27viennent la débarrasser
20:28de son trop plein d'affaires.
20:32Dans l'immédiat,
20:33ça peut être utile,
20:34par la suite, pas forcément.
20:35Comme ça,
20:36ça va me permettre
20:37de virer les trucs
20:38dont je n'ai plus besoin.
20:41Ouh, tiens,
20:42ma perle en deux.
20:45Oui, oui, oui, oui,
20:46ouh là !
20:47Je vous en prie,
20:48faites don !
20:51Hop, tenez.
20:52Celui-là,
20:53il ne me sert à rien,
20:54il est foutu.
20:55Si je veux aller faire mes courses,
20:57c'est mon cabas à roulettes.
21:02Pendant plusieurs mois,
21:04Sylvie me fait partager
21:05sa débrouille du quotidien.
21:08Là, on est bon.
21:14Les cafés,
21:15qui acceptent de recharger
21:16les portables des sans-abri.
21:19Ah, voilà Sylvie.
21:21La douche,
21:22dans des associations paroissiales.
21:29C'est ici que tu trouves
21:30tes vêtements ?
21:32J'en trouve pas mal,
21:33des vêtements comme ça.
21:39Sylvie touche le RSA
21:40et gagne 530 euros par mois.
21:43De quoi payer son téléphone,
21:45ses lessives,
21:46de s'acheter à manger
21:47pour elle et son chat.
21:50Ne jamais donner du poivre
21:52à un chat.
21:53Et de s'offrir une nouvelle tente
21:55pour affronter le froid.
21:58Ah non, l'autre bout,
21:59il est derrière toi.
22:01Au fil de nos 6 mois d'entretien,
22:04Et hop,
22:06planqué sous la rabe.
22:09Sylvie se confie peu à peu.
22:11Est-ce que tu te sens seule ?
22:13Non,
22:14pas vraiment.
22:16Mon souvenir de mon enfance,
22:18c'était l'été dansant.
22:21J'accompagnais ma grand-mère,
22:23j'avais 4-5 ans à peu près.
22:25Ça vient de mon grand-père maternel.
22:27Pour la lecture,
22:28il aimait beaucoup lire.
22:30Il adorait lire.
22:46On t'a proposé un hébergement
22:48avec le plan grand froid ou pas ?
22:50Ouais, mais c'était sans chat.
22:53Il me dit qu'il pouvait rester dehors
22:55à sécher les couilles.
22:57Donc moi j'ai dit non.
23:02À l'approche de Noël,
23:04elle accepte d'évoquer
23:05les plus grandes douleurs de sa vie.
23:08C'est la première fois
23:09qu'elle s'occupe d'elle-même.
23:11Elle accepte d'évoquer
23:12les plus grandes douleurs de sa vie.
23:15Ses 4 enfants,
23:16arrachés par les services sociaux
23:18et son conjoint
23:19qui était devenu violent.
23:23Le père de mes enfants,
23:24quand on se rencontrait,
23:25j'étais toute jeunette,
23:26j'étais tout juste majeure en fait.
23:29On s'aimait certes,
23:30mais je te dirais que
23:32les dernières années,
23:33c'était devenu plus que sordide.
23:36Et quel était le motif
23:37pour le placement de tes enfants ?
23:41Moi on me reprochait
23:42différentes choses,
23:43notamment d'avoir des troubles
23:46de la personnalité.
23:49Noël, bien compris,
23:50des troubles de la personnalité,
23:51oui, oui, oui.
23:52C'est ce qu'on me reprochait.
23:56Après ça, on se demandera
23:57pourquoi je n'ai pas remis
24:00depuis que je suis rentrée de Chypre
24:02les pieds en Normandie.
24:07Entre le père de mes enfants
24:09qui, d'après ce que je m'étais renseigné
24:14via le site de La Poste,
24:17carrément dans la rue de la gare à Lisieux.
24:20Il habite rue de la gare à Lisieux ?
24:21Aux dernières nouvelles.
24:23Donc depuis la gare de Lisieux,
24:25je passe forcément dans la rue
24:26où il habite.
24:28Imagine le truc !
24:32Ça te fait peur ?
24:34Quelque part oui.
24:36C'est pour ça que tu n'es pas
24:37retournée à Lisieux ?
24:39Oui.
24:44Il avait quel âge
24:45quand tu es partie le plus jeune ?
24:47Quand je suis partie,
24:49il avait six ans.
24:52Ils étaient en famille d'accueil.
24:57Le droit de visite s'exerçait
25:00une heure par mois
25:02et de moins en moins fréquemment.
25:05Est-ce que tu les as prévenus
25:06que tu allais partir à Chypre ?
25:09Non, pas trop.
25:11C'est clair que j'aurais pas mal
25:13à m'excuser.
25:18Est-ce que tu as honte ?
25:22Par rapport à ce que j'ai fait,
25:26la façon dont j'ai vécu,
25:27la façon dont je suis partie à Chypre,
25:29plus ou moins,
25:30je n'en suis pas très contente.
25:32À Chypre, plus ou moins,
25:33je n'en suis pas plus fière que ça.
25:37Il te manque ?
25:38Pas mal.
25:40Pas mal, pas mal.
25:41Il me manque beaucoup,
25:42sachant que là,
25:43je regarde quand même
25:47pour un futur logement,
25:48une table à rallonge.
25:50Pour qu'on puisse se faire
25:51des repas de famille,
25:52qu'on puisse se retrouver.
26:03Suivie par les services sociaux,
26:05Sylvie dépose régulièrement
26:07des demandes de logement.
26:11Elle l'attend depuis sept ans.
26:21Pour se reconstruire,
26:22il faut avoir le courage
26:23d'affronter les ombres du passé.
26:27Il y a des gens
26:28qui sont en train
26:29de s'arrêter.
26:31Alicia retourne
26:32à Clermont-Ferrand
26:33pour le procès
26:34de son ex-compagnon,
26:35celui qui la frappait.
26:39Allô ?
26:40Je suis dans le train,
26:41j'arrive à 18h à Clermont
26:42parce que demain,
26:43j'ai rendez-vous au tribunal.
26:44Il y a moyen
26:45que tu me trouves
26:46une solution pour ce soir ou pas ?
26:52Allez, vas-y.
26:55Vas-y, vas-y.
26:57Vas-y, on fait comme ça.
27:01Tu vois,
27:02la plupart des gens,
27:03c'est...
27:04Vas-y, je vais voir,
27:05je regarde.
27:06Mais c'est un cercle vicieux.
27:07C'était qui, là ?
27:09Un ami, un mot de là-bas.
27:11Qu'est-ce que ça te fait
27:12de revenir à Clermont-Ferrand ?
27:13Ça fait quoi ?
27:15J'apprends, là.
27:17Je sais pas comment
27:18il va se passer, le procès.
27:19Comment il va se passer,
27:20qu'est-ce qui va être dit.
27:21Je sais que ça va être compliqué.
27:24Qu'est-ce que...
27:25C'est un tour.
27:26Qu'est-ce que t'attends,
27:27toi, du procès ?
27:29D'être reconnue.
27:33D'être reconnue victime,
27:34c'est important.
27:36C'est important pour moi,
27:37pour ma reconstruction,
27:39en fait.
27:40C'est...
27:42Et j'ai besoin.
27:45Mais...
27:46Tu vois, j'y vais tout en...
27:52Tout en ayant cette peur.
27:56Que t'apprends-tu le plus ?
27:59Lui.
28:00Lui et sa famille.
28:02C'est...
28:04Parce qu'ils sont déstabilisants,
28:05en fait.
28:06Pourquoi ?
28:08Pourquoi, je serais incapable
28:09de le dire, mais...
28:12Tu sais, quand t'es au tribunal
28:14avec sa famille,
28:17lui,
28:18toi, t'es personne !
28:24Je t'aime.
28:26Je t'aime.
28:28Bonjour, Mathieu.
28:29J'ai pas.
28:30Non.
28:31Clermont.
28:33Non.
28:35J'ai pas.
28:38Douze.
28:40Clermont-Ferrand.
28:41Alicia donne toujours
28:42l'adresse d'un centre
28:43d'hébergement d'urgence.
28:51C'est beaucoup, hein ?
28:56Les flics, ils vont dire...
28:59sans payer.
29:00Vous allez voir.
29:01Vous allez finir en prison.
29:02Moi, je veux pas aller en prison
29:03pour des amendes de train,
29:04t'imagines ?
29:05Tu es en prison,
29:06vous êtes là pour amendes de train.
29:07Mais arrêtez,
29:08c'est con.
29:11Pour toucher le RSA,
29:13il faut avoir 25 ans.
29:16À 21 ans,
29:17sans avoir jamais travaillé,
29:20Alicia n'a droit à rien.
29:23Là, je vais dormir,
29:24tu sais pas,
29:25ici, c'est mon coin.
29:26On est dans le coin du paradis,
29:27ici.
29:29On est dans le coin pour enfants.
29:31Mais pas tous les intercités,
29:32ils ont ça.
29:33Hein, fils ?
29:36Arrête ta langue, là.
29:38J'ai pas d'hébergement, encore.
29:41J'ai pas d'hébergement.
29:43Il y a eu deux personnes
29:44qui t'ont reconnu...
29:45Ouais, mais sauf qu'il y en a un,
29:46c'est...
29:47je te prends une chambre d'hôtel,
29:48mais la vie, c'est pas gratuit,
29:49donc, voilà.
29:50Je peux pas faire un dessin.
29:53Et le deuxième, c'est...
29:55Je viens à la gare
29:56et on parlera,
29:57sauf qu'il pourra rien faire
29:58parce qu'il est dans la 115, aussi.
30:01Il dort.
30:03Donc, c'est pour ça.
30:04Après, ça va me faire bizarre
30:05de revenir là-bas, quand même.
30:11Moulins.
30:130-3.
30:27Alicia a vécu ici pendant un an,
30:29avec son ex-compagnon,
30:30dans la rue.
30:37Quand je suis arrivée à Clermont,
30:38j'avais 19 ans.
30:40Je parlais avec quelqu'un
30:41sur les réseaux,
30:43d'où la personne du procès,
30:44et voilà,
30:45ça s'est très mal fini,
30:46malheureusement.
30:48On est très, très, très, très,
30:49très mal fini.
30:51Je suis arrivée à Clermont,
30:52j'avais 19 ans,
30:53je parlais avec quelqu'un
30:54sur les réseaux,
30:55et ça s'est très, très mal fini.
30:59C'est vrai que là,
31:00je sais que je suis sur Clermont,
31:01je sais qu'il est là,
31:02il n'est pas très, très loin non plus,
31:03il est à côté.
31:05En fait, c'est la peur
31:06de me dire,
31:07je peux le croiser,
31:08perdre mes capacités
31:09de me dire,
31:10je ne vais pas aller au tribunal
31:11ou quoi, demain.
31:14Un ami d'Alicia
31:15a fini par lui proposer
31:16un studio pour la nuit.
31:23Quatre heures après son arrivée,
31:25elle l'attend toujours à la gare.
31:29Je ne sais pas où aller.
31:31Je ne sais pas où aller,
31:32je n'ai pas de batterie.
31:34C'est la fête.
31:36Ici, tu ne peux même pas
31:37charger les téléphones
31:38parce qu'ils font de la gare.
31:41C'est pas bon.
31:46J'espère que le studio,
31:47en vrai,
31:48ça va passer.
31:55Je veux mourir !
32:00Je te dis, ici, clairement,
32:01c'est dangereux la nuit.
32:04Tu sais, moi, une fois,
32:05j'ai dormi là,
32:06la vérité, on m'a volé
32:07toutes mes inserts.
32:12Tu vois, celui qui arrive,
32:13c'est un putain de pote
32:14à mon âge,
32:15je ne peux pas me le voir.
32:18Peu à peu,
32:19Alicia retrouve
32:20d'anciens compagnons
32:21aux galères.
32:23Ça va te faire rire.
32:24Ça va te faire rire
32:25que je vais au tribunal demain.
32:29Parmi eux,
32:30Lou,
32:31une jeune femme
32:32d'origine brésilienne.
32:33Bonjour, vous êtes toujours
32:34adorables, là.
32:35Tonton !
32:36Deux heures du matin,
32:37on est dehors,
32:38c'est pour moi.
32:41Et vous vous êtes rencontrées
32:42toutes les deux ?
32:43On est perdus d'urgence.
32:46Depuis,
32:47Lou a trouvé un travail
32:48et une chambre.
32:50Pourquoi vous êtes dehors ?
32:51On est des meufs
32:52de la rue,
32:53isolées.
32:54On est trop habituées,
32:55on n'a pas l'habitude
32:56d'être enfermées
32:57tout le temps,
32:58tout le temps,
32:59tout le temps.
33:00Il y a des femmes
33:01qui retournent.
33:02Moi, personnellement,
33:03j'ai réussi à me construire,
33:04avoir mon appartement,
33:05tout ça,
33:06mais après,
33:07il y a des femmes
33:08qui aiment bien
33:09cet environnement.
33:10Non,
33:11c'est pas qu'elles aiment bien,
33:12mais elles ont tellement
33:13été habituées.
33:14Non,
33:15il faut dire la vérité.
33:16Quand je quitte Alicia,
33:17il est trois heures passé.
33:19J'apprendrai
33:20le lendemain
33:21qu'elle a dormi
33:22dans une cage d'escalier.
33:42L'ancien compagnon d'Alicia
33:43passe en jugement
33:44pour couser blessures
33:45et menaces de mort.
33:51La fille de ma mère,
33:52je suis pas bien.
33:54Bonjour.
33:55Bonjour.
33:56Oh, je suis pas bien.
33:58J'ai mon angoisse allemande.
34:01Je suis pas bien.
34:02Monsieur, je suis pas bien.
34:05Je suis pas bien.
34:06Il m'a dit qu'il va être là.
34:09Pourquoi j'y pense ?
34:10Je vais aller fumer
34:11et c'est mieux,
34:12parce que ma tête,
34:13là, regarde.
34:14Ah, je suis pas bien.
34:16Monsieur, j'ai une question.
34:17Oui.
34:18Admettons,
34:19là, on passe,
34:20il y en a un,
34:21il y a le délibéré.
34:22Et le délibéré,
34:23c'est par exemple
34:24le monsieur,
34:25il le reconnaît pas,
34:26va faire de la prison.
34:27Ça veut dire
34:28qu'il part pas obligatoirement
34:29aujourd'hui.
34:30Ça dépend.
34:31Ça dépend s'il y a
34:32un mandat dépôt.
34:33Si il y a un mandat dépôt,
34:34ça veut dire directement
34:35à la prison.
34:36Vous partez d'ici,
34:37vous allez être accompagné
34:38par des policiers,
34:39c'est directement...
34:40Non, mais c'est pas moi.
34:41Moi, je suis victime.
34:42Ah, vous êtes victime ?
34:43Oui, c'est ça que je veux dire.
34:44C'est pas pour moi,
34:45c'est pour un monsieur.
34:47Avec moi,
34:48Lou et Sky,
34:49un autre ami de la rue
34:50l'accompagne.
35:08Bonjour madame.
35:09Bonjour.
35:10Et bonjour.
35:12Vous allez bien ?
35:13Non, ça va pas.
35:14J'envoie beaucoup.
35:15Vous inquiétez pas.
35:16De toute façon,
35:17on va pas passer tout de suite.
35:19Son avocate est commise d'office.
35:22Qu'est-ce qu'elle t'a dit, elle ?
35:24Qu'il y aurait du sourcil probateur
35:25avec une anonymisation
35:26de 3000 euros.
35:29Mais c'est pas ma...
35:30Mais pas de ferme, c'est ça ?
35:31Ouais.
35:32Mais moi, je veux pas.
35:33Je veux pas l'argent.
35:34C'est ça qu'elle comprend pas.
35:36Tu vois, mon viol,
35:37j'ai touché 5000 euros
35:38d'anonymisation provisoire,
35:39ça m'a pas reconstruit.
35:41C'est pas le...
35:42C'est pas l'argent
35:43qui reconstruit le mal
35:44que la personne a fait, en fait.
35:47Ah, je veux la même couleur
35:48de cheveux qu'elle.
35:49J'ai essayé une fois
35:50de faire comme ça.
35:53Ça va, Nounou ?
35:56Je suis encore au tribunal,
35:57comme tu peux le voir.
35:58Là, il y a Paul.
36:01Non, je suis toujours pas passé.
36:02On attend,
36:03il y a encore 5 dossiers
36:04avant le mien.
36:06Lui, il est pas là.
36:07Il est pas venu.
36:08Il a pas porté ses couilles.
36:10Et du coup, du coup, du coup,
36:11voilà, on attend.
36:12Il y a de fortes chances
36:13qu'il passe vers 20h.
36:18Moi, je veux absolument
36:19qu'il ait la même prison.
36:20Il prendra bien, en fait.
36:25Moi, j'espère que
36:27il va pas s'en sortir
36:28parce que je trouve que
36:29frapper les femmes, c'est injuste.
36:36Je me suis fait tabasser
36:37et j'étais à deux doigts
36:38de mourir, tout ça,
36:39et il a pris 3 ans de prison.
36:40Il fait un an.
36:44J'appréhende la décision de justice.
36:46Je m'attends au pire.
36:48Parce que je sais que ça sera pas
36:49ce que j'attends, moi.
36:56Mon dossier, il est pas passé.
36:57Donc, on attend, on attend.
36:59Ben, dis-toi qu'en plus,
37:00il est même pas venu, lui.
37:02Il s'est pas pointé.
37:03Apparemment, il est...
37:04Enfin, il est pas venu
37:05et il y a pas d'avocat
37:06qui le représente.
37:07Il est 21h.
37:09Du coup, on est là depuis 13h.
37:10Il meurt.
37:14Il a des règles
37:15qui cassent la tête.
37:16Entre Alicia et sa mère,
37:17les rapports ont toujours
37:18été compliqués.
37:20Elle préfère souvent lui
37:21passer quelqu'un d'autre
37:22au téléphone.
37:24Qu'est-ce qu'elle t'a dit,
37:25la vieille ?
37:26Euh, la vieille ?
37:28Arrête de l'appeler la vieille.
37:29Mais parce que je l'appelle
37:30comme ça, je l'ai juste
37:31enceinte comme ça, la vieille.
37:32Non, gros, c'est...
37:33C'est juste, franchement,
37:34moi, je l'ai compris.
37:35C'est une mère, elle s'inquiète
37:36pour ses enfants.
37:37Parce que là, je vais pas
37:38te mentir, ta mère,
37:39elle allait pas dormir.
37:41Elle allait passer la nuit
37:42à regarder son téléphone.
37:44Là, mais toutes les mamans
37:45sont pareilles.
37:46Non, pas la seule.
37:47Si, une maman.
37:48Non.
37:49Franchement.
37:50Non.
37:51Je suis désolée, une mère,
37:52quand elle a...
37:53Quand c'est une vraie mère,
37:54elle laisse pas son enfant dehors.
37:55Arrête de...
37:56Il y a des choses, non.
37:57Arrête de nous mettre la fousse.
37:58D'un côté, j'adore
37:59d'attendre, elle a tort.
38:00Elle a vraiment raison.
38:01Les deux, elle a tort.
38:02Merci.
38:08À 22h30...
38:12L'affaire d'Alicia
38:13passe enfin en audience.
38:15Là, ça y est,
38:16je fais le dépôt.
38:31Son ancien compagnon
38:33est condamné à 9 mois
38:34de prison ferme
38:35et 3 000 euros d'amende.
38:43C'est pas grave.
38:46J'ai des feuilles d'artifice
38:47dans ma tête.
38:48Oui, j'ai gagné.
39:03Depuis longtemps,
39:05j'attends ça.
39:06Monsieur,
39:07venez en face,
39:08alors, s'il vous plaît.
39:10Là, ça y est, voilà,
39:11il y a tout le monde dans la rue.
39:12Quand je vais vous dire
39:13qu'il y a 5 minutes,
39:14il était en train de pleurer,
39:15vous n'allez pas me croire.
39:17Il y a 5 minutes, hein.
39:19Monsieur,
39:20vous savez,
39:21ça fait depuis combien de temps
39:22que j'attends ça ?
39:23Ça fait un an que j'attends ça.
39:24Un an,
39:25j'attends qu'il soit condamné
39:26et qu'il aille en prison
39:27pour mal du mal.
39:30Et là, il va en prison.
39:31J'aime la justice.
39:32Avant, je ne l'aimais pas.
39:34Mais alors, j'aime la justice.
39:35Je vais mettre
39:36« I like it justice »
39:37sur Facebook.
39:38Bah ouais, je suis contente.
39:39C'est la fête.
39:41Enfin, je gagne.
39:42C'est-à-dire que
39:43le mal qu'il m'a fait,
39:44je suis reconnu.
39:45C'est-à-dire que
39:46le mal qu'il m'a fait,
39:47je vais pouvoir me reconstruire.
39:50La vie de ma mère,
39:51il est grande.
39:52Lou,
39:53je t'aime.
39:55À l'lycée,
39:56on va récupérer Simba.
39:57Oui,
39:58on va chercher mon fils.
40:11Pour Noël,
40:15Sylvie aime conserver
40:16les rituels des fêtes.
40:18Je vais me prendre
40:19mon chocolat du jour.
40:26Celui de demain,
40:27à manger.
40:28Le moment de Noël,
40:29ça me fait penser
40:30à ma famille,
40:31c'est certain.
40:32Mais il n'y a pas de tristesse.
40:35Il n'y a aucune tristesse
40:36en ce moment-là.
40:41Cette année,
40:42Sylvie a passé
40:43le réveillon de Noël
40:44avec d'autres sans-abri
40:45dans la paroisse d'à côté.
40:49Quant à la Saint-Sylvestre,
40:50elle prévoit depuis des mois
40:52une soirée à l'Opéra.
40:55Garni !
40:56Le 31 décembre.
40:59Le 31 décembre au soir,
41:01je m'offre un luxe.
41:05Je vais fêter
41:07le Nouvel An
41:08finir l'année 2023
41:10et entamer 2024
41:12au Palais Garnier.
41:18Il est là !
41:21En loge.
41:22Le parterre est bien,
41:23personnellement,
41:24je préfère être en loge.
41:25Peut-être mon goût
41:26pour les périodes passées,
41:28pour les siècles passés,
41:30sans doute.
41:35La réunion de Noël
41:37T'es bientôt prête ?
41:45Waouh !
41:47Mais encore,
41:48on n'est pas au bout de ses peines.
41:50C'est-à-dire ?
41:51Les quêtes.
41:53Là, à refaire.
41:58On dirait que là,
41:59comme ça,
42:00le jupon,
42:01ça fait un peu
42:02Morticia D'Ams.
42:03Version robe Saint-Ilion.
42:04En fait, ça fait
42:05Saint-Morticia d'Ams.
42:07Cette robe lui a coûté
42:08une centaine d'euros
42:09et vient d'une petite
42:10boutique de quartier.
42:15Impeccable.
42:16En fait,
42:17aller à l'opéra,
42:18c'est...
42:19Je ne dirais pas
42:20que c'est récupérer
42:21un peu d'une vie normale,
42:23c'est faire une parenthèse
42:24de sa vie de tous les jours.
42:28Il n'y a pas besoin
42:29d'aller chez un coiffeur
42:30pour faire un chignon banane.
42:32Ça se fait en un tournement.
42:38Là où c'est une première,
42:39c'est que je n'avais jamais
42:40fêté la fin de l'année
42:41à Garnier.
43:03Les endroits,
43:04à la fois magnifiques,
43:06ayant un brin de mystère,
43:08j'ai une certaine
43:09attirance pour eux.
43:13J'ai pu m'entendre
43:14conter la légende
43:16du fantôme de l'opéra.
43:18Je me suis renseignée
43:19depuis.
43:20En fait,
43:21le fantôme de l'opéra,
43:22ce n'était pas
43:23un fantôme de l'opéra.
43:24C'était un fantôme
43:25de l'opéra.
43:26C'était un fantôme
43:27de l'opéra.
43:28C'était un fantôme
43:29de l'opéra.
43:30C'était un fantôme
43:31de l'opéra.
43:32Ce n'était qu'une légende
43:33à 200%.
43:36Mais, à ce moment-là,
43:37je dirais qu'il n'y a pas
43:38fumé sans feu.
43:41Ça, c'est quoi ?
43:42C'est un œuf du fantôme.
43:58On n'a pas filmé
43:59jusqu'à ça.
44:30Quelle maman, hein ?
44:33Quelle maman, ça !
44:37Sylvie a dormi là.
44:41On lui a volé sa tente
44:42pour la troisième fois.
44:45On n'a pas vu
44:46sa tante.
44:48On a vu la tante
44:49dans l'île.
44:50On a vu la tante
44:51dans l'île.
44:52On a vu la tante
44:53dans l'île.
44:54On a vu la tante
44:55dans l'île.
44:56On a vu la tante
44:57dans l'île.
44:59Quand la tante
45:00a disparu,
45:02c'était mon toit.
45:04Il fallait que je puisse
45:05me mettre à l'abri
45:06des intempéries
45:07avec Indiana.
45:09Donc, je suis venue
45:10me mettre là,
45:11sachant que je connais
45:12déjà les lieux.
45:13Pour y avoir logé
45:14quelques temps avant.
45:16Là, je dirais
45:17que t'as des toilettes
45:18à proximité.
45:19Il y a moins de courant d'air.
45:21Il y a du chauffage.
45:22On n'a pas froid.
45:25Là, t'es nulle, comme ça.
45:26Ouais.
45:28Qu'est-ce que c'est
45:29les choses les plus importantes
45:30que t'as pris avec toi ?
45:32Un petit peu de maquillage
45:33et l'histoire d'eux.
45:35Un petit peu
45:36de produits d'hygiène.
45:39Ça, c'est les lunettes
45:40à monsieur.
45:44Franchement, il n'est pas beau
45:45là, comme ça,
45:46avec ses lunettes, là ?
45:59On y va !
46:24Ça a été fouillé génial.
46:26J'en étais sûre.
46:27Je suis arrivée le soir vers les 6 heures peu près. J'ai vu le truc comme ça. Je résume ce que j'avais là.
46:39Ma trousse au maquillage bien sûr a disparu. Tu t'es fait voler beaucoup d'affaires ? Je sais pas,
46:52faut que je regarde. Qu'est-ce que tu vas faire ? Il va falloir absolument que je mette le tout
46:57en sécurité. Comment ? Bonne question. Mais il faut que je fasse au plus vite. Et tu vas dormir
47:03où du coup ce soir ? Dans mon endroit. C'est-à-dire dans le métro ? Bah oui. Une semaine plus tard,
47:14la mairie avait fait enlever toutes ses affaires.
47:22Après sa victoire au tribunal, Alicia est restée à Clermont-Ferrand. Un jour,
47:31elle m'a rappelé pour me dire qu'elle commence à s'en sortir. Son chien Simba lui a été retiré
47:38par la SPA. Mais elle a signé un contrat avec un foyer pour jeunes majeurs.
47:43Ça va ? Oui. Dis-moi, t'as pas du corail pour moi s'il te plaît ? Non, j'ai rien pour toi.
47:54Elle a six mois pour trouver un travail ou une formation. En échange,
48:00elle a droit à un hébergement. Une chambre rien qu'à elle. J'ai essayé de faire une décoration
48:08sur les photos, des choses comme ça, c'est dans le sens que je me sente aussi un peu chez moi.
48:12C'est donnant, donnant. Donc, il faut vraiment, vraiment que je me bouge. C'est ma dernière chance.
48:27Même le stand sous salle, elle me l'a dit un peu plus tard qu'hier quand je suis allé à mon rendez-vous.
48:30Elle m'a dit que là, si tu es parti du foyer, je n'ai plus de proposition. C'est-à-dire,
48:35je ne peux plus rien te proposer. Donc, voilà. Maintenant, regarde,
48:40j'appelle maman, tu vas voir. Maman ? Je peux te poser une question ? Parce qu'en gros,
48:46t'as vu, je suis avec le monsieur de la télé, il m'a posé des questions, genre toi et papa,
48:50qu'est-ce que ça vous fait maintenant que je commence à m'en sortir, etc.
48:53Alicia a toujours cherché l'approbation de sa mère.
48:56Je n'ai jamais dit du mal de toi. Même quand j'étais dans les foyers, j'ai toujours voulu
49:04avoir une relation bien avec toi. Malheureusement, on a deux caractères qui clashent. On n'a pas
49:08appris à grandir ensemble. Et voilà, c'est tout. C'est ça que j'ai dit, non ? Non,
49:13je parle de moi, de ma vie. Pourquoi je vais parler des problèmes de la famille ? Non.
49:17À tout à l'heure, bisous.
49:21T'as pas parlé de nous ou je sais pas quoi, je sais pas quoi. Je dis non, t'inquiète.
49:33Ma mère, mon père, je sais que je les ai énormément déçus. Vraiment, je voulais leur
49:41montrer que je suis capable de changer, que je grandis, que j'avance. La rue, c'est pas vivable.
49:46C'est dur, mentalement, psychologiquement, physiquement. Toujours être dans l'angoisse,
49:52savoir où on va dormir, est-ce qu'on va être comme ça, comme ça ? Est-ce qu'on va pas manquer
49:55de fumer, de manger, de boire ? J'ai envie de les rendir. Et c'est pour ça que j'ai pas envie
50:01de retrouver l'homme.
50:02Alicia a quitté ce foyer, sans emploi ni formation. Aux dernières nouvelles,
50:18elle s'est installée chez un nouveau fiancé et attend un bébé.
50:22Leïla, elle, dort toujours dans la rue, dans son quartier à Saint-Ambroise.
50:31Elle y croise parfois d'anciens camarades d'école.
50:34Oui, j'ai vu une jeune femme, enfin une jeune femme qui a mon âge. J'ai,
50:42à la limite, regardé de haut. Mais pourquoi t'es devenue comme ça ? T'as pas honte de toi ? T'étais
50:53belle, maintenant regarde comment t'es.
50:55Sylvie a vécu dans le métro pendant encore trois mois. Au printemps,
51:08elle m'a donné rendez-vous en banlieue parisienne, pour une incroyable nouvelle.
51:13Emmaüs lui a proposé un studio.
51:16Aujourd'hui, elle prend possession de son nouveau chez elle.
51:47Sortir de la rue, c'est ce qu'elle attendait depuis si longtemps pour tenter de renouer
52:05avec ses enfants. Tu les imagines comment, tes retrouvailles ?
52:10Je dirais que pour l'instant, je ne les imagine pas.

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