Pas de corps, pas d'aveux: une Australienne jugée après la disparition d'un jeune Nantais en 2016

  • il y a 2 heures
C'est un dossier sans corps, sans aveux, mais avec des indices suffisants pour la tenue d'un procès. Vendredi 20 septembre, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes a confirmé l'ordonnance de mise en accusation, rendue par un juge d'instruction en juin dernier, qui ordonne le renvoi d'une Australienne de 63 ans pour le "meurtre" de Florent Grégoire. Ce jeune Français a disparu en Andorre en 2016. Le procès devant une cour d'assises devrait se tenir dans les prochains mois.

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Transcription
00:00C'est une affaire sans corps, sans aveux, mais avec des indices graves et concordants comme on a l'habitude de le dire.
00:07Je pourrais parler de la disparition de Delphine Jubillard, son mari Cédric a été fixé sur son sort cette semaine.
00:13Il sera jugé aux assises comme on s'y attendait dans les prochains mois pour le meurtre de la jeune infirmière, son épouse.
00:20Mais en fait, c'est d'un autre dossier que nous allons parler, celui de la disparition de Florent Grégoire.
00:27Moins médiatique, cette affaire n'en est pas aussi mystérieuse.
00:31Florent Grégoire, ce jeune de 28 ans, a disparu en Andorre.
00:34C'était en septembre 2016 et cette semaine, la justice a tranché.
00:39Une Australienne de 63 ans qui se présente comme sa compagne sera jugée devant une cour d'assises pour son meurtre.
00:46Elle est la dernière à l'avoir vu vivant, mais surtout pendant des mois, elle a fait croire à tout son entourage que Florent était vivant.
00:54Elle a fait croire à ça en utilisant ses mails et ses réseaux sociaux pour continuer à communiquer.
01:02Alors, comment la justice va-t-elle pouvoir juger cette femme ?
01:05Sur quels éléments les juges se basent pour prendre une décision quand il n'y a ni corps, ni aveu ?
01:11Ça aussi, c'est quelque chose qu'on a l'habitude de dire.
01:13Pas de corps, pas d'aveu.
01:15Comment avoir la certitude que le jeune homme a vraiment été victime d'un meurtre ?
01:21Je suis Dominique Rizet. Vous écoutez un nouvel épisode d'Affaires suivantes, le podcast inédit.
01:31Bonjour Justine Chevalier.
01:32Bonjour.
01:33Vous êtes journaliste, police-justice à BFMTV.com.
01:37On va revenir avec vous sur ces huit longues années d'enquête.
01:41Racontez-nous.
01:43Alors, Florent Grégoire, il a disparu en 2016.
01:46Il a 28 ans à cette date, comme vous l'avez dit.
01:50C'est un ingénieur informaticien de formation et il décide cette année-là, cet été-là, de partir voyager.
01:59On est en août 2016.
02:01Il part en Espagne pour faire du woofing.
02:03Vous savez, c'est cette façon de voyager.
02:06On travaille dans une ferme et en échange, on nous offre le gîte et le couvert.
02:10Et début septembre, il va d'ailleurs passer cinq jours dans la même ferme, dans la même pension en Andorre.
02:18Le 12 septembre, il est filmé par des caméras de vidéosurveillance.
02:22On le voit quitter la pension avec son sac sur le dos et depuis, il s'est littéralement évaporé.
02:29Plus rien, sauf les mails, les mails qui vont continuer à être diffusés.
02:35Et puis, son compte Internet, il va servir.
02:37C'est ça.
02:38Oui, en fait, très rapidement après ce fameux 12 septembre, la famille, les parents de Florent Grégoire
02:45vont recevoir des messages via différents canaux d'une femme.
02:51Cette femme, elle a 55 ans.
02:53Elle se présente comme la compagne de Florent.
02:57Eux, ils n'en ont jamais entendu parler.
03:01Et à cette époque, elle leur dit que tout va bien.
03:05Sauf que Florent doit rentrer en septembre pour le mariage d'un ami.
03:10Un mariage, on nous dit qu'il n'aurait raté pour rien au monde.
03:15Et quand ses parents se rendent compte qu'il ne rentre pas,
03:19eh bien, il signale sa disparition à la jardinerie en France.
03:22On va y revenir, Justine.
03:24Bonjour, Dominique Coujart.
03:25Vous, vous êtes magistrat honoraire, ancien président de la Cour d'assises de Paris.
03:29C'est pas rien avec vous.
03:31On va tenter de comprendre comment les juges vont travailler dans ce dossier complexe et particulier.
03:37Comment va se mener ce procès pour essayer d'atteindre la manifestation de la vérité, comme on dit ?
03:45Lorsqu'il n'y a pas de corps, que la personne est disparue,
03:50c'est toute la question de la preuve qui est posée.
03:52Simplement, il y a un certain nombre de précédents auxquels on peut penser.
03:56Les premiers, c'est les grands crimes de masse, que ce soit des crimes nazis
04:01au Chili ou au Cambodge.
04:03Ce sont des crimes pour lesquels il y a peu de traces de corps.
04:08Et c'est loin, généralement disparus.
04:10Et c'est loin. Pinochet au Chili, 11 septembre 73, c'est loin.
04:14Paul Pott, P. Sampan, ça c'était le Cambodge.
04:18Et donc, on va chercher ailleurs
04:22pour essayer de s'assurer que les personnes dont
04:25les successeurs se constituent partie civile sont bien mortes.
04:29Il faut d'abord prouver que la personne est morte.
04:31Et quand il n'y a pas de corps, comment prouve-t-on ?
04:33C'est vraiment une question de preuve.
04:34Et c'est la question de savoir ce que c'est qu'une preuve chez nous en droit français.
04:40Souvent, il y a des éléments extérieurs au dossier.
04:42Vous parliez des SMS, c'est tout à fait ça.
04:45Parfois, on a des mensonges.
04:47Parfois, on trouve une personne qui avait tout intérêt à ce que quelqu'un meurt.
04:51Ce n'est pas toujours le cas non plus.
04:53Et donc, on va échafauder un certain nombre d'hypothèses
04:56sur lesquelles on va enquêter.
04:58La question de la preuve est vraiment intéressante, un peu théorique,
05:01mais c'est quand même très concret.
05:03La preuve absolue n'existe pas, il faut se le dire.
05:07À partir du moment où la preuve absolue n'existe pas,
05:10il faut comprendre que la preuve, c'est un travail de la raison.
05:14Un travail de la raison.
05:15D'ailleurs, il est très bien expliqué dans
05:19la question que pose le président d'Assise à la fin d'une audience.
05:23Quelle impression ont fait sur leur raison
05:25les preuves rapportées contre l'accusé et le moyen de sa défense ?
05:28Difficile de répondre à cette question.
05:30On y revient tout de suite, Dominique Cougeat.
05:32On va resituer notre affaire à Florent Grégoire à 28 ans.
05:37Justine, 28 ans, en 2016, ingénieur informaticien,
05:40vous l'avez dit, de formation.
05:42Il est parti en Espagne pour faire du woofing.
05:46Vous avez raconté, donc, travailler dans une ferme.
05:49Et puis, il a passé quelques jours dans cette pension.
05:54On le voit partir avec son sac à dos.
05:55Après, plus de son, plus d'image.
05:58Non, et donc, évidemment,
06:00les premiers soupçons vont se porter sur cette femme
06:04avec qui il a passé quelques jours.
06:06Et puis, surtout, cette femme qui contacte les proches de Florent.
06:11Elle s'appelle Ish Sana.
06:13Elle a donc 55 ans en 2016, 63 ans aujourd'hui.
06:17C'est une Australienne d'origine indonésienne.
06:20Elle est doctorante en architecture.
06:22Elle a beaucoup voyagé,
06:23ce qui va compliquer aussi son interpellation dans cette affaire.
06:28Et donc, comme je vous le disais,
06:29elle a passé quelques jours avec Florent Grégoire
06:34avant sa disparition.
06:35Et donc, c'est elle qui est la dernière à l'avoir vue, en tout cas en vie.
06:39Alors, Justine, elle, elle fait aussi du wolfing.
06:41Elle vient travailler à la ferme comme lui.
06:42Alors, on a très peu d'éléments sur sa personnalité.
06:46C'est une personnalité assez étonnante.
06:49On l'a décrit comme quelqu'un qui ne répond pas aux questions,
06:54qui noie un peu le poisson en interrogatoire.
07:00Et donc, cette personne, en 2016,
07:04elle va raconter aux proches
07:08qu'elle a des nouvelles régulièrement de Florent.
07:12Elle dit qu'elle reçoit des SMS,
07:13mais que quand elle essaye de l'appeler,
07:14elle va tomber sur son répondeur en permanence.
07:18Et il n'y a pas qu'elle, pardon,
07:19mais il n'y a pas qu'elle qui reçoit des SMS.
07:21Il y a aussi les parents de Florent.
07:22Il y a aussi eux.
07:23Et c'est ce que vont découvrir les enquêteurs au fil des investigations.
07:28C'est que, notamment, ils vont se rendre compte que quand elle reçoit,
07:31elle, des mails de soi-disant Florent,
07:36en tout cas, qui proviennent de son adresse mail à lui,
07:39en fait, ces mails ont été trafiqués,
07:41comme si on avait essayé de...
07:43à ce qu'il continue de vivre, en tout cas, numériquement.
07:47Les enquêteurs vont aussi faire d'autres découvertes.
07:51La photo de la carte d'identité, du passeport,
07:56du permis et de la carte bancaire de Florent Grégoire.
08:01Sauf que ces photos, elles datent du 20 septembre 2016.
08:05Donc, on est huit jours après la dernière fois
08:09où, en tout cas, Florent a été vu en vie.
08:13Donc, évidemment qu'ils s'interrogent,
08:15parce que comment elle peut avoir ses papiers d'identité,
08:17alors qu'à un moment, elle a raconté que Florent avait quitté l'Andorre ?
08:21Comment il aurait pu quitter le pays
08:23s'il n'avait pas eu ses papiers d'identité ?
08:25Et à tous ces éléments s'ajoutent aussi les mouvements
08:30sur les comptes bancaires de Florent Grégoire.
08:32Les semaines et les jours précédents sa disparition,
08:35il y a plusieurs milliers d'euros qui ont été retirés de ses comptes en banque.
08:39Et ça, ça étonne aussi sa famille,
08:41parce qu'il est décrit comme quelqu'un qui a un mode de vie assez modeste.
08:46Est-ce qu'on sait quelque chose en plus sur leurs relations ?
08:51Est-ce que c'est des amis ? Est-ce qu'il y a eu plus ?
08:53Est-ce qu'on le sait ? Ils ont passé cinq jours simplement ensemble.
08:56En fait, on sait très peu de choses sur leurs relations précédents,
09:01précédents les jours, les semaines avant la disparition de Florent Grégoire.
09:06Alors, les enquêteurs vont découvrir que les e-mails envoyés à cette dame,
09:11Ish Sahana, depuis l'adresse mail de Florent Grégoire,
09:15ont été trafiqués pour faire vivre, vous l'avez dit numériquement, le jeune homme.
09:19Autre découverte, les photos du passeport, du permis,
09:22de la carte bleue dans le téléphone de cette femme,
09:26des photos qui datent du 20 septembre,
09:28huit jours après la disparition du jeune homme, le crime est signé.
09:33En tout cas, pour la justice, pour les enquêteurs, le juge d'instruction,
09:38c'est autant d'éléments qui convergent vers cette femme.
09:41Et donc, en 2019, trois ans après les faits,
09:46ils vont l'interpeller quand elle arrive à bord d'un avion en France, à Roissy.
09:52Ils vont l'interpeller, elle va être mise en examen.
09:57Elle va être mise en examen et à ce moment-là,
10:01pour enlèvement et séquestration, pas pour meurtre.
10:04Et elle est placée en détention provisoire et elle l'est toujours.
10:07Actuellement, le juge d'instruction, le parquet, va demander un complément,
10:12un supplément d'information.
10:15Et elle va être mise en examen également pour meurtre.
10:19Aujourd'hui, elle est renvoyée devant une cour d'assises pour meurtre.
10:24Et si c'était elle, pourquoi elle serait revenue en France ? C'est suicidaire ?
10:27Elle ne donne aucune explication.
10:29Ça, c'est une source proche du dossier.
10:31Elle nous disait, quand elle est devant le juge,
10:36quand elle est auditionnée, elle ne répond pas aux questions.
10:39Elle répond à côté de la plaque.
10:41Elle a d'ailleurs, on nous dit,
10:44essayé de retarder un petit peu aussi l'instruction parce qu'à un moment,
10:47elle a demandé un traducteur anglophone.
10:49Je rappelle, elle est australienne.
10:51Elle a demandé un traducteur anglophone.
10:53À un moment, elle demande un traducteur indonésien.
10:56Et ça, ça retardait à chaque fois les auditions par le juge.
11:00En juin dernier, le juge a toutefois rendu une ordonnance de mise en accusation,
11:04la renvoyant devant une cour d'assises.
11:07Elle a fait appel, ses avocats ont fait appel de cette ordonnance.
11:09La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes s'est prononcée
11:13et a confirmé son renvoi.
11:15Ça veut dire qu'on a quand même
11:18des charges, de vraies raisons d'aller la chercher
11:22pour lui poser des questions et la faire comparaître.
11:24Apparemment, oui.
11:25Il y a un élément important dans le récit que vous faites, je trouve,
11:28c'est qu'il permettrait peut-être, on va voir si ça se passe comme ça,
11:33d'écarter en tout cas une disparition volontaire.
11:36C'est toujours ce à quoi il faut penser quand une personne disparaît.
11:39Il y a des gens, c'est très rare, mais ça arrive,
11:41qui décident de disparaître et de changer de vie.
11:44Et en l'occurrence, pourquoi non, dans ce dossier ?
11:47Dans cette histoire, ce qui est intéressant, c'est qu'il semblait avoir
11:50l'intention de revenir pour assister à cet événement.
11:53Donc, je crois que c'est très important parce que c'est peut-être de nature
11:58à écarter l'hypothèse d'une disparition volontaire.
12:00C'est une chose à laquelle il faut toujours penser.
12:03D'accord. Ça, on va soumettre les jurés à la question.
12:06Si c'est une cour d'assises, si c'est une cour criminelle départementale.
12:10Normalement, c'est une cour d'assises parce qu'elle a fait l'encouru.
12:12C'est une cour d'assises, donc, avec des jurés.
12:13La peine d'encouru étant supérieure à 20 ans.
12:15D'accord.
12:16Un domicile volontaire, c'est 30 ans.
12:18Donc, c'est nécessairement une cour d'assises avec un jury.
12:20D'accord.
12:21Dominique Cojar, vous avez été président de la Cour d'assises de Paris.
12:24On l'a dit pendant dix ans.
12:26Vous avez entendu le récit de cette affaire.
12:27Pas de corps, pas d'aveu.
12:29Ça rappelle Jubilard, qui va être jugé.
12:32Ça rappelle l'affaire Agnolet, Agnès Leroux,
12:35l'héritière du casino de la Méditerranée qui disparaît avec son Range Rover.
12:39On ne retrouve jamais rien.
12:41Ça rappelle l'affaire Viguier, le doyen de la Faculté de droit de Toulouse,
12:46à quitter, alors qu'on a cherché un matelas,
12:49on a cherché tout un tas de choses, à quitter avec Dupond-Moretti.
12:53Enfin, surtout par les juges.
12:54Par les juges.
12:55Mais oh là là, ça veut dire quelque chose, non ?
13:00C'est difficile de mettre le nez dans une affaire comme ça.
13:03Président de la Cour d'assises, comment vous gérez tout ça, les débats ?
13:06Quand les avocats de la Défense vous disent
13:08« Attendez, c'est bien gentil, mais qui vous dit qu'il ne va pas apparaître
13:11par la porte du fond ? »
13:12Là, c'est la fameuse réplique de Landru, bien sûr.
13:17Mauro Djaferi.
13:18Mauro Djaferi, voilà.
13:19C'est des dossiers très compliqués parce qu'on a un élément
13:23sur lequel on ne peut pas s'appuyer.
13:24Donc, on n'a pas de corps, on n'a pas d'autopsie.
13:28On ne sait pas dans quelles circonstances la personne,
13:30si elle est morte et décédée.
13:32Donc, ça fait beaucoup de manque.
13:34Mais ce n'est pas pour ça que le dossier est impossible.
13:36On a une personne qui pourrait avoir menti.
13:38On a une autre personne qui était bien décidée à revenir en France.
13:41Ce sont déjà des éléments qui permettent des investigations.
13:45On a des mouvements de fond qui laissent un suspect.
13:48On a une dernière personne à l'avoir vue.
13:50Ça laisse quand même ce qu'on appelait avant les témoins numéro un.
13:54C'est-à-dire le dernier témoin à avoir vu.
13:59On ne parle jamais d'auteur présumé, vous savez bien.
14:02Mais on parle de principal suspect.
14:03On a un principal suspect en la personne de cette femme.
14:06Mais on a quand même des doutes.
14:08On a ce doute important quand même, qui est déjà de savoir
14:11si la personne est bien, la victime est bien décédée.
14:14Il y a d'autres doutes.
14:15Par exemple, dans cette affaire, on me disait, oui,
14:18les autorités d'Andorre ont mis beaucoup de temps à enquêter.
14:22Elles ont arrêté les recherches très rapidement.
14:26Donc, on n'a pas de lieu où le drame aurait pu se poser.
14:29Et sauf que le doute, normalement, il profite à l'accusé.
14:32Donc, dans ce type de procès,
14:33est-ce qu'on ne va pas à chaque fois vers un acquittement ?
14:35C'est là qu'on en revient à la question que je posais,
14:38ce qui est celle de la preuve.
14:39C'est-à-dire que tout se résout en termes d'intime conviction.
14:42L'intime conviction, c'est donc bien un travail de la raison.
14:45Quels sont les éléments qu'on a ?
14:46Est-ce qu'on peut dire à la fin de l'examen, il est mort ?
14:51Est-ce qu'on peut dire à la fin de l'examen du dossier,
14:54c'est elle qui l'a tué ?
14:55Effectivement, on n'a pas le cadavre.
14:57Donc, il est difficile d'affirmer qu'il est mort.
14:59Mais ça n'est pas impossible.
15:01On a l'affaire Agnolet dont vous parliez.
15:03Il a été condamné à 20 ans de réclusion.
15:05Donc, c'est possible.
15:07Et donc, ce sont des éléments annexes qui vont permettre
15:11de circonscrire le problème et d'arriver en bout de piste.
15:16C'est-à-dire, soit j'ai un doute tel que je ne peux pas affirmer qu'il est mort
15:21ou tel que s'il est mort, je ne peux pas affirmer qu'elle est l'auteur de l'homicide.
15:24Soit au contraire, des éléments suffisants.
15:26Est-ce qu'on ne va pas aller chercher des extraterrestres
15:28et des martiens qui l'auraient enlevé ?
15:30C'est quand même à partir des éléments du dossier qu'on va se déterminer.
15:34Où on a assez d'éléments pour dire, eh bien, il est bien mort et ça ne peut être qu'elle.
15:39Une intime conviction, c'est ça ne peut être qu'elle.
15:42D'accord. Monsieur l'ex-président de la Cour d'assises,
15:44on a dans l'affaire Agnolet quelqu'un qui s'explique.
15:47Agnolet, il était avocat dans l'affaire Agnès Leront.
15:50On a dans l'affaire Jumillard quelqu'un qui s'explique, qui dit c'est pas moi.
15:53Comme le faisait.
15:54On a dans l'affaire de Toulouse, Viguier, quelqu'un qui s'explique,
15:58un professeur de droit devant la Cour d'assises qui dit non, c'est pas moi.
16:01Et là, on a quelqu'un qui est mutique, qui ne parle pas.
16:03Ça, ça va la desservir.
16:05Alors, oui et non.
16:08Ça va la desservir si elle est dans son état normal.
16:10Mais il faut savoir si son mutisme, c'est un mutisme volontaire
16:14ou un mutisme de panique qui l'interdit de parler
16:18ou parce qu'elle a des déficiences mentales.
16:20Tout ça, il faut toujours le rechercher.
16:22Pourquoi est-ce qu'elle se tait? C'est une des questions qui se posent.
16:24Elle peut vouloir se taire pour ne rien dire, ne donner aucune aspérité
16:28et ne permettre aucune accroche et ne lâcher rien qui puisse l'innuire.
16:33Ou elle peut aussi se taire parce qu'elle a perdu ses moyens,
16:36parce qu'elle parle mal français, parce qu'elle est diminuée intellectuellement.
16:39Tout ça, il faut le chercher.
16:41Et si on exclut le fait qu'elle serait diminuée
16:46ou émotivement tétanisée, ce qui est difficile à croire au bout de plusieurs mois,
16:52il reste le mensonge. Pourquoi ment-elle?
16:54OK, on sait que le doute doit profiter à l'accusé,
16:59qu'il faut que la cour se forge, vous l'avez dit,
17:01son intime conviction pour condamner une personne.
17:05Est-ce que ça, ce n'est pas un dossier finalement facile pour les avocats de la défense?
17:09On parle ici de ce dossier, mais on va parler du jubilat qui viendra bientôt
17:12de dire, attendez, la belle affaire, prouvez-moi donc qu'il est mort et où est-ce qu'il est.
17:18C'est vraiment une très bonne question parce que.
17:20Pas vu, pas pris, pas de corps, pas de coupable.
17:24Et ça, c'est le degré minimum du raisonnement.
17:27Donc, si l'avocat arrive à plaider
17:33des choses aussi simplistes et enlève le morceau sur ces bases là, ça ne l'est jamais exclu.
17:38Il y a des gens qui le jugent par principe, il n'a pas assisté au fait.
17:41Dans tous les cas, un jugement, c'est quoi?
17:44C'est on se prononce sur des faits auxquels on n'a pas assisté, même quand il y a un jugement.
17:49Même quand il y a un corps, même quand.
17:52Et celui-là, c'est une affaire comme une autre, un peu plus difficile parce qu'il manque des
17:56éléments utiles.
17:57Mais dans tous les cas, un juge doit se prononcer sur des faits auxquels il n'a pas assisté.
18:01Dans le secret de la salle des délibérés, la cour va se retirer avec les jurés.
18:06Vous êtes président de la cour d'assises, vous leur parlez, vous leur dites voilà, on a tels
18:10éléments, tels éléments. Je vous invite à réfléchir à ça.
18:12Peut-être est-ce que vous pouvez tordre le bras un petit peu
18:17aux jurés? Enfin, il n'y a pas de petit peu.
18:19Est-ce que vous avez la possibilité de tordre le bras aux jurés en leur disant vous êtes
18:24prêts à quitter? Mais je vous rappelle quand même qu'il y a ça, ça et ça.
18:27Est-ce que le juré, il est libre?
18:28Alors encore faudrait-il avoir envie de leur tordre le bras?
18:32Pas forcément le cas. Moi, j'ai jamais eu envie de tordre le bras à un jury.
18:35Ce qui est intéressant quand on préside une cour d'assises, c'est que chacun est
18:40vidé son sac, qu'on ait tout examiné et le résultat nous échappe.
18:45Il faut accepter totalement que le résultat nous échappe.
18:48Simplement, le juge, faisant partie de la juridiction, donne aussi son avis.
18:54Mais on donne à la fin. Donc, le principe, vous le donnez après le vote ou?
19:00Vote donc pas après le vote.
19:02Un tour de table libre.
19:04Tour de table. Qu'est ce que vous avez à dire?
19:06On démarre comme ça. On démarre après avoir dit.
19:09Si vous le déclarez coupable, vous utilisez ces bulletins, vous mettrez oui sur la
19:12culpabilité. Si jamais il n'est pas coupable, il rentre chez lui.
19:15Si il est coupable, après, on discute et on vote sur la peine.
19:18C'est tout ce qu'on dit. Monsieur le premier juré, madame la
19:20première jurée, vous avez la parole et on fait un tour de table libre.
19:24Après, on a une feuille de question, c'est à dire l'accusé est il coupable
19:27d'avoir à tel endroit volontairement causé la mort?
19:31Tour de table libre. Une fois que le tour de table libre, c'est
19:35qu'est ce qu'on a? On prend un papier.
19:38Qu'est ce qui est en faveur de la culpabilité?
19:40Qu'est ce qui est en faveur de l'innocence?
19:42Et on avance tranquillement comme ça, mais jamais on va aller guider les
19:46gens. On le paierait d'ailleurs, parce que c'est ça que la plus belle
19:50découverte qu'on fait dans notre métier, c'est que les gens sont
19:53intelligents et qu'il n'y a pas besoin de les guider.
19:56Il faut juste les laisser parler, les laisser s'exprimer, s'écouter,
20:00s'écouter et puis dire je rectifie mon point de vue.
20:03Moi, je rectifiais souvent mon point de vue aussi sur la base de ce que
20:06des jurés disaient.
20:07Merci, Justine. Merci, Dominique.
20:10Merci à vous.
20:12Merci à vous.

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