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8 Français sur 10 sont inquiets face au dérèglement climatique, d'après un rapport publié par le Conseil économique social et environnemental (CESE) en 2023. L'anxiété est une émotion naturelle qui nous pousse à agir avec prudence, à éviter le danger ou à nous adapter. Mais elle peut devenir envahissante et disproportionnée. Les éco-anxieux sont parfois submergés par les émotions telles que l'angoisse, la culpabilité ou la colère, souvent nourries par le sentiment d'être incompris de leur entourage et de la société.
Alors, comment les soulager et les accompagner ? L'éco-anxiété est-elle une maladie mentale ? Nous poserons ces questions à notre invité Antoine Pelissolo, psychiatre spécialiste des troubles anxieux.

La santé figure au premier rang des préoccupations des Français et au coeur de tous les grands débats politiques et sociétaux.
L'organisation des soins, le service public hospitalier, mais aussi le mal de dos, les allergies, la bioéthique ou encore la nutrition... Sur LCP-Assemblée nationale, Elizabeth Martichoux explore chaque mois un thème de santé publique.
Entre reportages, interviews de professionnels de santé, de personnalités politiques mais aussi de patients, ce rendez-vous aborde tous les maux d'une problématique de santé, ses enjeux, les avancées et les nouveaux défis pour mieux vivre demain !

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00:00Musique d'ambiance
00:04Musique d'ambiance
00:07Musique d'ambiance
00:29Plus de 80% des jeunes français sont inquiets face au dérèglement climatique.
00:34Et il y a de quoi, au vu des effets déjà visibles et des catastrophes naturelles à venir.
00:40Mais chez les éco-anxieux, cela déclenche un déferlement d'émotions, parfois difficile à supporter.
00:46Je pleurais, j'arrivais pas à gérer cette émotion et j'avais un énorme sentiment de culpabilité.
00:54Psychologues et psychiatres commencent à s'intéresser à ces souffrances de plus en plus répandues dans la société.
01:00Mais peuvent-ils soigner l'éco-anxiété ?
01:02D'un côté, on pourrait se dire, tiens, on n'a qu'à méditer, diminuer cette réponse au stress parce qu'elle ne sert à rien.
01:08D'un autre côté, peut-être qu'il y a intérêt à s'inquiéter.
01:11Pathologie ou prise de conscience ? Faut-il s'inquiéter de l'éco-anxiété ? C'est le thème de ce nouveau numéro d'État de Santé.
01:23Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouveau numéro d'État de Santé.
01:27Serons-nous un jour tous éco-anxieux ? C'est un phénomène en explosion.
01:33L'éco-anxiété qui commence à être prise très au sérieux, évidemment par la sphère médicale, très timidement par la sphère politique.
01:42Bonjour à vous, Professeur Pellissolo.
01:45Merci beaucoup d'être avec nous. Alors vous, vous êtes un spécialiste.
01:48Vous avez écrit « Les émotions du dérèglement climatique » chez Flammarion, date 2021.
01:55Donc c'est un ouvrage assez récent. Est-ce que c'est une discipline assez récente ?
02:00Oui, tout à fait. L'éco-anxiété, on en parle depuis 15-20 ans, mais réellement un sujet d'étude, en tout cas dans notre pratique clinique, ça fait 5 à 10 ans au maximum.
02:08Professeur Antoine Pellissolo, l'anxiété c'est un peu votre domaine. Votre parcours ?
02:16Je m'appelle Antoine Pellissolo, je suis médecin, je suis professeur de médecine à l'Université de Créteil.
02:22Je suis par ailleurs chef du service de psychiatrie de l'hôpital Henri-Mondor à Créteil également.
02:28Je m'intéresse aux troubles anxieux depuis quasiment le début de ma carrière.
02:32C'est les phobies, c'est les troubles obsessionnels compulsifs.
02:35Et puis par ailleurs, je m'occupe depuis quelques années de l'éco-anxiété comme sujet à la fois de soins pour les personnes qui peuvent en souffrir,
02:43également comme sujet d'études et de recherche.
02:46Je suis engagé au Parti Socialiste et premier adjoint au maire de Créteil.
02:49C'est ça qui m'a conduit, en rencontrant des personnes concernées aussi, à m'intéresser à ce sujet.
02:59Professeur Pellissolo, qu'est-ce que c'est que l'éco-anxiété ?
03:03C'est tout ce qu'on peut ressentir quand on prend conscience des changements, voire des bouleversements climatiques à venir.
03:11C'est un mélange d'émotions. Il y a de la peur évidemment qui est au premier plan, mais il y a aussi de la colère, de la tristesse, du découragement,
03:17parfois du ressentiment, beaucoup d'émotions négatives.
03:22On voit que de plus en plus de personnes sont inquiètes, donc on peut dire que l'éco-anxiété s'étend.
03:27Mais nous, ce que nous recevons dans nos cabinets, ce sont des personnes qui ont des formes beaucoup plus sévères,
03:36beaucoup plus envahissantes, qui peuvent parfois, c'est vraiment rare, devenir des vraies pathologies.
03:41Par exemple, est-ce qu'on pourrait rapprocher cela, puisque vous nous décrivez ça comme la peur de ce qui arrive, de ce qui va survenir.
03:48Comme par exemple dans un pays en guerre, l'Ukraine en ce moment, il y en a d'autres, on a peur de son avenir parce qu'on a peur de mourir.
03:56Oui absolument. Dans la plupart des troubles anxieux, on a en perspective la question de la mort, parfois de la maladie,
04:04parce qu'il y a d'autres variantes, mais là, ce qu'il y a de particulier, et c'est pour ça qu'on y réfléchit comme un concept à part des autres formes d'anxiété,
04:13c'est que d'une part, quand on a cette lucidité sur le changement en cours, on se dit que c'est irrémédiable,
04:21c'est-à-dire qu'on ne pourra rien y faire. Alors que toutes les crises qu'on a connues, toutes les peurs qu'on a connues depuis le début,
04:27probablement de l'histoire humaine, notamment les guerres, il y a toujours l'espoir qu'on va pouvoir tourner la page, passer à autre chose.
04:34Les personnes qui ont une éco-anxiété, on va dire violente, sont convaincues qu'on va dans le mur et que la deuxième composante très propre à cette forme d'anxiété,
04:43c'est le caractère collectif et le caractère de responsabilisation collective.
04:48Donc on va dans le mur et j'y suis pour quelque chose, les autres aussi, et ils ne font rien.
04:53Il y a vraiment cette anxiété supplémentaire qui est qu'on ne fait pas ce qu'il faut faire.
04:57On continue l'exploration de cette pathologie, mais l'éco-anxiété, c'est d'abord de l'anxiété et on regarde comment cette émotion impacte notre quotidien, infographie.
05:14Le dodo était-il anxieux ? Visiblement, pas assez. Trop habitué à une vie tranquille sur l'île Maurice, il ne s'est pas méfié des humains quand ils sont arrivés et il en a rapidement fait les frais.
05:27L'anxiété est un système d'alarme essentiel à la survie d'une espèce.
05:32Pour mieux comprendre ces mécanismes, des chercheurs de Cambridge ont entraîné des Ouistitis à associer la présence d'un serpent, en caoutchouc, à un son.
05:42Percevant cela comme une menace, les Ouistitis prenaient peur.
05:46Les scientifiques ont ensuite joué le son en l'absence de serpent et ont observé comment les primates réagissaient.
05:53Ces derniers régulaient et atténuaient leur réaction de peur en quelques minutes, un peu comme nous lorsque nous entendons une explosion et comprenons qu'il ne s'agit que d'un feu d'artifice.
06:06Seulement, voilà, parfois le système d'alarme se dérègle.
06:10Chez les personnes qui souffrent de troubles anxieux, une région du cerveau impliquée dans la régulation des émotions est suractivée.
06:17Et lorsque les chercheurs de Cambridge ont provoqué cette hyperactivation dans le cerveau des Ouistitis, leur comportement craintif a duré beaucoup plus longtemps.
06:30Ils ne parvenaient plus à modérer leur réaction à la menace.
06:35L'anxiété est une alliée qui nous protège du danger, mais elle peut parfois se retourner contre nous.
06:40Et cibler cette zone du cerveau pourrait être une piste thérapeutique prometteuse contre les troubles anxieux.
06:53Professeur Pellissolo, comment est-ce qu'on reconnaît que c'est une éco-anxiété ? Il y a des choses qui sont très caractéristiques ?
06:58Alors, souvent l'élément central, ce sont ces montagnes russes d'émotions, en gros, souvent en réponse à l'actualité.
07:05Et c'est souvent assez saisonnier, c'est l'été quand on a les vagues de canicule, les événements climatiques un peu extrêmes, comme on dit, donc souvent autour de l'été.
07:14Et puis il y a une autre saisonnalité, c'est celle des rapports scientifiques, notamment le rapport du VIEC.
07:18C'est vrai que moi j'ai vu beaucoup de personnes consulter, venir frapper à notre porte après les publications du VIEC, après s'y être vraiment imprégné et d'avoir, en gros, perdu l'espoir à ce moment-là.
07:30Ah oui, est-ce que, parce qu'on a envie de leur dire, mais enfin c'est vous le médecin, coupez, ne regardez plus, coupez-vous de ce que, de toute façon, vous ne pouvez pas changer pour l'instant ?
07:42Alors si je disais ça, je pense que je serais un mauvais psy, parce que clairement c'est ça qu'elles ne veulent pas entendre ces personnes.
07:48Parce qu'il y a, en plus, je vous disais, le ressentiment envers « mais personne ne fait rien ».
07:51Et donc, souvent, il y a vraiment cette incompréhension. J'en parle à mes amis, à mes parents, et puis en fait ils m'envoient balader et me disent « mais ne t'en fais pas, c'est rien ».
08:00Il y a une telle responsabilité vécue par ces personnes que leur dire qu'on ne peut rien faire, c'est encore pire.
08:05Donc vraiment, on pourra y revenir, mais la première chose à faire, c'est de les écouter et de comprendre qu'en se mettant un peu à leur place,
08:12et donc ça, ça dépend de chacun, mais qu'effectivement il y a quelque chose de l'ordre de, je dis souvent, des lanceurs d'alerte chez ces personnes.
08:21C'est « il faut éveiller les consciences, il faut augmenter la lucidité ».
08:25On a tous l'image de Greta Thunberg qui était très violente.
08:28C'était, pour une jeune fille, c'était « je veux que vous paniquiez, parce que je veux que vous ressentiez la peur que je ressens »,
08:34dans la mesure où les autres semblaient ne pas la ressentir.
08:36On va écouter justement une jeune femme qui est éco-anxieuse.
08:40C'est intéressant de l'entendre au micro de Marine Le Caso, parce qu'elle nous montre l'état de Marseille.
08:46Elle nous décrit la façon dont ça impacte aussi ses orientations, par exemple, professionnelles.
08:52Reportage.
08:59On est donc tous dans une voiture, on appuie tous sur l'accélérateur et en fait, on fousse droit dans le mur.
09:03Ouais, c'est absurde en fait.
09:09Mon superviseur de thèse m'a proposé d'aller en conférence aux îles Canaries.
09:13C'était une conférence vraiment hyper intéressante.
09:16C'était vraiment une opportunité vis-à-vis de ma thèse, de rencontrer des chercheurs dans mon domaine.
09:20Et en fait, la simple idée de devoir prendre l'avion pour aller là-bas, ça m'a vraiment engendré beaucoup de panique.
09:28Je pleurais, enfin, je n'arrivais pas à gérer cette situation.
09:31Et j'avais un énorme sentiment de culpabilité.
09:36Mes proches ne comprennent pas pourquoi je peux avoir, en fait, de la tristesse, de la vraie tristesse,
09:43quand je vois que des nouveaux records de chaleur ont été bâtis à la surface de la Terre.
09:48Quand je vois qu'on a des nouvelles limites planétaires qui ont été franchies.
09:52Quand je vois, quand je lis que 80% des oiseaux en France ont disparu.
09:56Il y a vraiment ce sentiment que les gens ne comprennent pas comment je peux m'être dans de tels états.
10:02J'ai écrit une lettre au président de la République.
10:05Je dis avec un peu d'ironie que je pourrais être qualifiée, d'après ses dires, de fruit de l'excellence académique française.
10:11Parce que j'ai fait des longues études qui pourraient me permettre de travailler au sein du CNES,
10:16ce qui est mon rêve de petite fille.
10:18Mais qu'en fait, malgré tous ces efforts et tous ces concours, ce rêve a vraiment disparu.
10:23Malgré tous ces efforts et tous ces concours, ce rêve a peu de chances d'être réalisé.
10:28Il y a vraiment ce paradoxe et ce sentiment de se dire, mais à quoi bon en fait ?
10:33À quoi ça sert ? Et est-ce que mes connaissances ne seraient pas plus utiles autre part ?
10:38Et en même temps, je suis partagée par le fait que c'est tout ce que j'ai toujours rêvé de faire.
10:43C'est injuste d'avoir à penser à ça, alors que toutes les autres personnes avant n'y ont jamais pensé.
10:48Je termine par dire qu'on souhaite tous réaliser notre rêve, mais que maintenant, c'est impossible sans une perspective d'avenir viable.
10:55Je termine en disant que lui et son gouvernement, on l'écarte en main pour permettre aux jeunes de recommencer à rêver.
11:08C'est intéressant, cette jeune femme, parce qu'elle va peut-être dévier de sa vocation première
11:14à cause de cette prise de conscience. On pourrait dire que c'est une prise de conscience, mais ce n'est pas forcément une anxiété.
11:21Oui, mais c'est une prise de conscience qui peut être très, très violente.
11:26C'est souvent ça, quand on est probablement prédisposé à avoir plus d'anxiété que la moyenne,
11:32puisqu'il y a quand même des variations dans la population, qui le prennent quasiment comme un traumatisme,
11:37qui le vivent comme un traumatisme. Et il y a des enquêtes dans le monde, très sérieuses,
11:40qui, je crois récemment, montraient que plus d'un jeune sur deux est convaincu qu'il va vivre la fin du monde dans sa vie.
11:46Des choses que nos générations font sans doute dans le monde entier, dont la France.
11:50Pardon, c'est complètement générationnel, les co-anxiétés ?
11:53C'est très générationnel, pas que, parce qu'à chaque fois, on vit aussi...
11:56Vous avez des personnes âgées qui viennent vous voir ?
11:58Oui, pas beaucoup, mais il y en a.
12:00Quelles sont les manifestations ? Ce sont des gens qui sont paralysés, qui n'osent plus sortir parce que l'air est pollué,
12:06qui sont, je dirais, très pénalisés dans leur vie ?
12:11Il y a tous les degrés, comme pour tous les symptômes de l'anxiété.
12:14Ça peut être des préoccupations, je vous disais, par moment, des vagues d'émotions, des hauts et des bas.
12:19Des angoisses.
12:21Des angoisses plus ou moins fortes. Et quand ils en viennent à devoir être aidés, à consulter,
12:25puisque c'est le cas pour nous, c'est souvent parce que ça devient obsessionnel,
12:29que ça occupe leur esprit de manière excessive.
12:32C'est ce qu'on appelle un trouble obsessionnel compulsif, un TOC,
12:36parce qu'il y a à la fois la composante obsédante qui est excessive,
12:39parce qu'en fait, ce n'est pas en y pensant tout le temps qu'on va régler le problème.
12:42C'est ça qui fait que ce n'est pas tout à fait la même chose que de s'inquiéter en général.
12:45Et puis le caractère compulsif, par exemple.
12:48Une personne que j'ai rencontrée était en permanence en train de calculer son bilan carbone
12:52pour être sûre qu'il va dans le bon sens quasiment tous les jours.
12:55Normalement, l'anxiété, c'est fait pour agir, pour trouver une solution.
12:58Et l'anxiété pathologique, c'est quand, en fait, on n'est plus poussé par la motivation au changement,
13:05on est plutôt inhibé, paralysé.
13:07C'est là que nous, on a un rôle à jouer avec, en plus, le version dépression,
13:11parce qu'il y a une autre conséquence de l'éco-anxiété,
13:14ça peut être la dépression où là, on perd l'espoir et l'envie de vivre.
13:18Alors, vous avez un militant qui met de la purée sur une toile, heureusement protégée,
13:23en l'espoir d'un musée.
13:24Vous avez des actions militantes orchestrées par des associations.
13:28Ça, ça ne relève pas du tout de la pathologie.
13:31Non, je ne crois pas.
13:33Après, il faut voir individuellement, mais il y a des comportements très excessifs,
13:36qui sont plutôt dans les gens qui se protègent avec des armes, des choses comme ça.
13:40Les survivalistes.
13:42Il n'y a que ça, à mon avis, qui soit psychiatrique.
13:44Le reste, c'est des réactions individuelles, des comportements qu'on peut critiquer,
13:47qu'on peut approuver, tout dépend évidemment de comment on voit les choses,
13:50mais qui sont des réactions à la peur quand même.
13:52C'est-à-dire que les gens ne bougent pas, on ne fait rien, on va dans le mur,
13:56et personne ne réagit, je vais les faire réagir.
13:58Alors après, c'est plus ou moins adapté, plus ou moins efficace,
14:01mais la réalité, c'est que la plupart des jeunes, en tout cas,
14:04parce que c'est en effet générationnel,
14:06qui se sont confrontés à ces sentiments d'éco-anxiété,
14:11en sortent par l'action.
14:13Par l'engagement, par l'action associative.
14:16Et c'est plutôt simple, parce que l'anxiété est soluble dans l'action,
14:20notamment collective.
14:22La plupart des personnes vont plutôt s'engager dans une association de quartier
14:29pour faire des circuits courts, travailler les espaces verts,
14:33faire de l'entraide, et qui aura la vertu de se sentir utile,
14:37de sortir de la culpabilité, de l'inaction.
14:40Vous, vous dites que ça peut être une façon de se sortir de l'éco-anxiété,
14:46tout en restant sensible, évidemment.
14:48Bien sûr, parce que quand on est éco-anxieux, je pense qu'on le restera à vie,
14:52parce que c'est, encore une fois, la prise de conscience de quelque chose
14:55qui, de toute façon, pour l'instant, on ne voit pas bien la sortie du tunnel.
14:59Par contre, c'est une façon de vivre sa vie,
15:01en ayant cette connaissance de quelque chose qui est un peu irrémédiable,
15:04mais en essayant de trouver de la joie et du bonheur dans sa vie actuelle.
15:08Et puis, par exemple, la connexion avec la nature,
15:11qui va bien avec ces sujets-là, est aussi une valeur importante
15:14et très efficace pour améliorer son bien-être.
15:18Alors, vous l'avez dit tout à l'heure, la première chose, c'est d'être écouté.
15:20La sensation de ne pas prêcher dans le désert,
15:23de ne pas être tout seul à porter ce fardeau-là.
15:26Et Marianne Cazot a assisté à une séance, justement, d'un groupe de parole
15:32autour de l'éco-anxiété d'un reportage.
15:40Moi, j'ai beaucoup voyagé en avion.
15:42J'ai grandi dans une famille où un repas sans viande, c'était pas un repas.
15:46Aujourd'hui, je mange quasiment plus de viande,
15:48je ne prends plus la voiture, quasiment pas.
15:52Ce que je pouvais ressentir, c'est ce décalage entre moi,
15:55ma prise de conscience et cette volonté d'agir,
15:57et tout un entourage de personnes qui n'en ont rien à faire.
16:01Ça, c'était ce que je ressentais.
16:03Et la question qui m'a beaucoup hanté, c'est
16:07pourquoi est-ce que tout le monde sait et personne ne fait rien ?
16:11Et j'ai trouvé une réponse dans la définition de l'addiction.
16:14Addiction, c'est consommation de quelque chose pour son plaisir,
16:16en dépit des connaissances parfaites, des conséquences négatives
16:20que ça peut avoir pour moi ou mon environnement.
16:22Et donc, du coup, j'ai creusé.
16:24Je suis allé voir quels étaient les acteurs qui agissaient
16:27contre les addictions dans le monde,
16:29et j'ai découvert les alcooliques anonymes.
16:31Ils mettent en place une méthode qui s'appelle les douze étapes.
16:34Je les ai transposées de la sobriété alcoolique
16:37à la sobriété écologique et environnementale.
16:40Et donc, ça a fait les huit étapes que vous avez sous les yeux.
16:43Pour comprendre le mode de fonctionnement de notre groupe de parole,
16:47on est tous à égalité.
16:49Moi, je suis animateur, mais je suis également participant.
16:53La deuxième proposition que l'on fait,
16:55c'est qu'on soit dans une écoute attentive et bienveillante.
16:59Je me sens coupable tous les jours.
17:01Mon fils a eu 14 ans hier,
17:03et je me dis dans quel monde on va lui laisser ?
17:06Il faudrait arrêter de se dire, OK, je vais partir en vacances,
17:09on va organiser des compétitions internationales.
17:10Quand on dit ça, ce n'est pas très fun.
17:12Je suis en plein dans ces contradictions.
17:15J'ai ma famille qui est en partie aux États-Unis,
17:18en partie sur le continent africain.
17:20Donc, même en faisant des efforts, il y a de l'avion.
17:23Ma chienne est morte il y a deux ans,
17:25j'ai voulu en adopter un autre.
17:28Et je me suis dit, non, ce n'est pas terrible,
17:30les chiens et les chats pour la planète.
17:32Donc, vraiment, si on regarde tous les détails de notre vie,
17:35c'est très compliqué.
17:37Mais en fait, les gens le prennent.
17:38Effectivement, mal, il y a un côté...
17:41Ce n'est pas bien de moraliser les gens,
17:43mais ce n'est pas ce qu'on veut faire.
17:45C'est juste de dire, voilà, on peut faire des trucs.
17:47La preuve, je le fais, c'est juste...
17:49Je dis ça comme ça, je ne dis rien.
17:52Il faut imaginer un alcoolique qui a envie d'être sobre,
17:56et en fait, il vit dans un bar.
17:58Il est dans un environnement
18:00qui va le pousser tout le temps à boire.
18:03Être éco-lucide, c'est un peu la même chose.
18:05C'est extrêmement difficile
18:06de mettre en place une démarche de sobriété
18:09dans un monde qui te pousse vers toujours plus.
18:12Aujourd'hui, je suis au pic de mon engagement.
18:15J'ai aligné ma vie perso, ma vie pro
18:20autour de la transition écologique, de la sobriété.
18:25Donc, je suis à fond
18:27et j'ai l'impression que je pourrais avoir un impact.
18:29Pardon, mais la question, c'était ce que tu n'arrives pas à faire.
18:31Ce que je n'arrive pas à faire, c'est changer de mari.
18:37Professeur Pellissolo, vous avez eu alcoolique anonyme,
18:41capitalisme anonyme.
18:43Bon, chacun jugera de la pertinence de l'analogie.
18:47Mais l'idée, bon, c'est pas de rester tout seul dans son coin.
18:50Ça, c'est aussi ce que vous faites, j'imagine, avec vos patients.
18:54Il y a des groupes de parole à l'hôpital autour de ces anxiétés-là ?
18:58Oui, on essaye.
19:00Et c'est vraiment la bonne solution.
19:02Alors, souvent, quand c'est plus envahissant,
19:04il faut déjà se protéger soi.
19:06La première étape, souvent, avant de pouvoir partager,
19:09c'est quand même, quand on a vraiment besoin d'un professionnel,
19:12c'est qu'il faut déjà un sas de décompression.
19:16Mais ensuite, la solution au problème, il n'est pas psychiatrique ?
19:21Il n'est pas de votre sort ?
19:23Non, il est sociétal, il est philosophique.
19:26C'est faire avec notre conscience d'une forme de finitude.
19:30Et alors, effectivement, on ne peut pas soi-même tout changer.
19:33Ça, ce serait une illusion.
19:35Par contre, on sait que les comportements individuels,
19:38même s'ils sont souvent décriés, ça représente grosso modo 30 % du problème.
19:43C'est ce qu'on évalue notamment dans l'émission de gaz à effet de serre.
19:47Donc, 30 % qui reposent sur nos comportements individuels,
19:50c'est là qu'on peut se dire, moi, j'ai une certaine liberté d'action
19:54sur des choses concrètes.
19:56Et vraiment, ce qu'on conseille, c'est faites des choses concrètes,
19:57pas essayer de sauver les ours sur leur banquise,
20:02parce que ça va être compliqué à distance.
20:04Par contre, changer les modes de consommation de soi-même, de sa famille,
20:09avoir ce rôle un petit peu de force de conviction auprès des autres,
20:12là, on peut se dire, j'ai réussi telle chose et je suis content.
20:15Dans le court terme, on dit toujours plutôt dans l'ici et maintenant,
20:18plutôt que dans un avenir très lointain ou dans le passé.
20:21Alors, je ne vais pas vous demander comment vous évaluez l'action politique
20:24par rapport à la question, mais on va rester sur l'éco-anxiété, en revanche.
20:29Est-ce que la puissance publique prend en charge ou pas suffisamment bien ?
20:32Vous avez voulu poser une question à une députée,
20:35c'est la règle d'ailleurs de cette émission.
20:37En l'occurrence, Socyane Godard, qui est députée socialiste,
20:41c'est le parti auquel vous êtes associée aussi, de Côte d'Or.
20:44Et votre question est la suivante.
20:46Pourriez-vous soutenir la création de centres ressources de recherche
20:49et d'intervention pour aider les personnes souffrant d'éco-anxiété intense ?
20:54Il y a une gradation.
20:56La réponse de Socyane Godard.
21:01C'est du devoir et de la responsabilité des pouvoirs publics
21:05de reconnaître, d'entendre aussi ce qui se passe au sein de notre société
21:10et de ce qu'expriment les jeunes notamment et les nouvelles générations.
21:14Et ça peut passer par des centres de ressources, d'intervention.
21:18Ça viserait, là pour le coup, à envoyer un signal d'apaisement.
21:22Je pense que la première étape, c'est évidemment de travailler ensemble
21:27et puis, effectivement, de porter cela peut-être au sein de la commission des affaires sociales.
21:33Ça peut passer aussi par une question, par un rapport, peut-être parlementaire aussi.
21:37Tous les leviers seront bons, en tout cas, et utiles pour faire avancer ce sujet.
21:47Professeur, voilà, elle vous dit let's go.
21:50Allons-y, pardon un bon français.
21:52Peut-être que vous recevrez un contact ou pas.
21:54Droit de suite, vous espérez en tout cas que le Parlement s'en saisisse.
21:58Tout à fait, que la société s'en saisisse et les responsables politiques.
22:01Et on a besoin, en gros, c'est ça que je proposais un petit peu,
22:05d'éléments de réflexion, de travail qui est très multidisciplinaire
22:10parce qu'il faut des soignants pour aider les personnes les plus en souffrance.
22:13Mais il faut aussi associer des philosophes, des sociologues, des politiques
22:17pour que ce soit un nouveau projet quasiment de société.
22:22Parmi les solutions médicales,
22:25parce que le corps médical n'attend pas le politique pour chercher des solutions,
22:29il y a la méditation de pleine conscience.
22:31C'est un psychiatre français qui a prouvé son efficacité.
22:35Marianne Cazot l'a rencontrée au CHU de Caen, on l'écoute.
22:44Les traitements actuels pour les troubles anxieux,
22:46c'est d'une part les antidépresseurs qui marchent mais qui ont des effets secondaires
22:50et l'autre traitement qui marche, ce sont les thérapies dites cognitives et comportementales.
22:56Cependant, c'est très difficile de trouver des thérapeutes disponibles dans des délais raisonnables.
23:02Ça fait une dizaine d'années que je fais de la recherche sur les troubles liés au stress
23:06et notamment les interventions non médicamenteuses pour ces troubles
23:10comme la méditation de pleine conscience.
23:14Je n'étais pas convaincu que ce traitement marchait.
23:17Par contre, j'étais convaincu qu'il fallait le tester parce que si ça marchait,
23:21ça allait changer la face du monde du traitement des troubles anxieux.
23:26Si cela peut vous aider, vous pouvez peut-être inspirer en comptant jusqu'à 3 ou 4 dans votre tête.
23:35Dans notre étude, ce qu'on a voulu faire, c'est prendre des patients qui souffraient de troubles anxieux
23:40et ensuite les assigner de manière aléatoire soit à 8 semaines de méditation
23:44soit à 8 semaines de l'antidépresseur.
23:48Là, ça veut dire que les symptômes baissent de manière équivalente dans les deux groupes.
23:53Dans le groupe qui recevait l'antidépresseur, il y avait 80 % des gens qui avaient rapporté au moins un effet secondaire.
24:02Alors que dans le groupe qui avait reçu la méditation, il n'y en avait que 15 %.
24:07La source de ces états d'anxiété et de stress, c'est souvent soit l'anticipation d'événements futurs
24:14ou soit le souvenir d'événements douloureux passés.
24:18L'objectif de ce programme, c'est vraiment d'essayer d'entraîner les étudiants à être un peu plus dans ce moment présent.
24:33En ce qui concerne l'éco-anxiété, je suis assez partagé parce que d'un côté, effectivement, il y a peu à faire.
24:39Nous ne sommes pas sous un tsunami, il n'y a pas d'ouragan aujourd'hui.
24:44Donc on pourrait se dire, tiens, on n'a qu'à méditer, diminuer cette réponse de stress parce qu'elle ne sert à rien.
24:49D'un autre côté, on peut aussi imaginer que cette réponse de stress est adaptée.
24:54C'est-à-dire que si nous vivons sur une planète qui est en train de brûler, finalement, peut-être il y a intérêt à s'inquiéter.
25:01Justement pour en faire quelque chose.
25:09La méditation de pleine conscience, c'est évidemment une alternative au traitement chimique. Vous le pratiquez, vous ?
25:16Oui, c'est devenu maintenant une des modalités importantes.
25:20Rarement pour soigner, je dirais, en phase aiguë, comme on dit, c'est-à-dire quand on a beaucoup de symptômes.
25:26C'est plutôt dans la phase d'après, quand on a besoin de se consolider dans ses bases, en gros de la gestion des émotions.
25:32Parce que ça a des vertus à long terme.
25:33Ça permet de modifier ses réflexes face au stress et de mettre de la distance avec ce qui nous envahit.
25:41Donc, c'est très pertinent pour l'anxiété en général et pour ce sujet-là en particulier.
25:46Il y en a d'autres. Il y a d'autres méthodes qui sont dérivées des TCC.
25:49Les thérapies comportementales, c'est quand même un petit peu le point de départ de toutes les prises en charge de l'anxiété.
25:55Il y a des méthodes, il y en a une notamment qui s'appelle la thérapie d'acceptation et d'engagement,
25:59qui existait avant l'éco-anxiété, avant qu'on en parle, mais qui vraiment se base sur ces éléments d'acceptation.
26:06Parce que réellement, il y a des choses qu'on ne peut pas changer et qu'il faut accepter.
26:10Ce n'est jamais facile, mais de se dire qu'on va avoir des moments difficiles à passer.
26:14Donc, plutôt que de vouloir les combattre à tout prix, on les traverse.
26:17Et l'engagement, avec les valeurs auxquelles on croit, pour pouvoir se donner des caps et donner du sens à sa vie.
26:24Tout ça, c'est des engagements sur le long terme pour avoir des outils.
26:30Et chacun, ensuite, peut les choisir.
26:33Les émotions du dérèglement climatique.
26:38C'est très bien expliqué dans ce livre chez Flemme à Rayon.
26:40Merci infiniment, Professeur Pellissola, d'avoir été avec nous.
26:43Merci de nous avoir suivis dans ce numéro d'État de santé.
26:46À très vite sur la chaîne parlementaire.
26:53LCP Assemblée Nationale, en partenariat avec MGEN, vous a présenté État de santé.

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