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Les documentaires Infrarouge abordent généralement des sujets de société importants et controversés.

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00:00...
00:10J'en avais ras-le-bol, là, des barreaux.
00:12Je pouvais plus supporter les murs, les grilles, les barreaux.
00:15Je pouvais plus.
00:16...
00:19Enfin, bref.
00:20Et puis, après, j'arrivais ici, fatiguée.
00:23...
00:25Musique sombre
00:28...
00:55Rêve, un peu, en prison, il en faut.
00:57Mais là, quand je suis arrivée, j'ai vu tout cet espace,
01:00me voir sur la forêt, pour moi, c'est magique, quoi.
01:03Franchement.
01:04...
01:12J'étais enfermée,
01:15en manque d'oxygène, on peut le dire, quoi.
01:18J'étais tout le temps dans une petite cellule.
01:21En plus, on était quatre.
01:22On prend un peu l'air...
01:23On est 22 heures sur 24 en cellule, en fait, en totale.
01:27Musique sombre
01:29...
02:05Quand vous sortez de cellules, souvent d'établissements extrêmement glauques, des lieux mortifères,
02:27des lieux que vous ne pouvez pas aimer et que vous trouvez dans un espace arboré avec
02:33des dizaines d'oiseaux aux champs différents, on passe de la nuit au jour dans tous les
02:38sens du terme.
02:39L'absence totale de barreaux, de fait, est une cassure radicale avec l'espace cellulaire.
02:51Et puis cet environnement fait de forêts, d'animaux qui piaillent, etc., c'est l'antiprison
03:02ici.
03:03C'est un pas important vers le retour à la notion de femme libre.
03:11C'est l'histoire d'un lieu unique en France.
03:19La ferme Emmaüs-Baudonne a été créée près de Bayonne par l'ancien prisonnier basque
03:25Gabi Muesca.
03:27C'est l'histoire de cette maison entre la prison et la liberté.
03:33L'histoire des femmes qui y arrivent après des années passées en cellules.
03:39La ferme est un centre d'accueil et de réinsertion.
03:45Les détenus vont vivre et rester ici entre six mois et deux ans, jusqu'à la fin de
03:51leur condamnation.
03:52J'ai rencontré Anne, Evelyne, Rosie et Annie.
04:00Je suis venue pendant plus d'une année.
04:03Je les ai suivies, accompagnées dans leur parcours vers la liberté, dans leur travail,
04:09sans gardien, sans barbelé, à ciel ouvert.
04:12Moi, quand je suis arrivée, j'étais pas jolie à voir.
04:27J'ai été incarcérée quand même pour un dossier criminel, donc j'ai été condamnée
04:40pour douze années quand même, j'en ai fait que six, bon comportement quand même,
04:47toujours taffée, toujours faire ce qu'il faut faire pour avancer, même si c'est
04:53pas la joie là-bas.
04:54Quand on est en prison, c'est pas la vie, on vit pas, on survit.
05:10On pense que personne ne tient à soi, qu'on n'est pas important, le désespoir.
05:40Dès leur arrivée, les résidentes s'engagent à respecter un règlement et signent un contrat.
05:47Elles doivent travailler 26 heures par semaine et sont payées au SMIC.
05:57Est-ce que tu peux venir m'aider ? Au poids gourmand, s'il te plaît.
06:06Au fur et à mesure qu'on récolte, on essaye de remettre pour qu'elles aillent vers le
06:14filet.
06:15J'ai quelques images en tête qui m'avaient choqué, on récupère des, le mot est peut-être
06:26fort, mais on a l'impression des animaux à purée, c'est vraiment impressionnant
06:31pour certaines.
06:33On voit qu'elles sont en état de choc, tout dépend comment s'est passée l'incarcération.
06:40Oui chef, je t'aide de la serre.
06:52Pour un certain nombre de personnes, c'est aussi leur première expérience professionnelle
06:57réelle.
06:58C'est tout un apprentissage sur des choses qui nous semblent basiques, respecter des
07:04horaires, travailler en groupe, des choses qui nous paraissent très simples.
07:09C'est aussi le but, c'est de se poser pour se questionner sur ce qu'on a fait, sur ce
07:17qu'on veut faire.
07:18Pour certaines, c'est vraiment vertigineux.
07:22Oh, elles sont belles, hein ?
07:26Oh, elles sont super bonnes, putain.
07:51Moi, j'ai rentré en prison pour une peine de six ans.
07:57Le vol avec l'escroquerie.
08:03En premier, je ne faisais pas ça.
08:05Je gagnais bien ma vie.
08:07Et après, c'était un engrenage.
08:10Je suis venue ici au mois de janvier.
08:21Et directement, ils m'ont placée à la cuisine.
08:24Mon élément, quoi.
08:26Parce que je ne me voyais pas dans les champs et tout ça.
08:29C'est beau, mais à mon âge, dans les champs, c'est vrai que ce n'est pas la joie.
08:35Mais c'est agréable, on est dans un bois.
08:38On a la campagne.
08:40C'est vraiment bien, les gens sont agréables.
08:43On n'est pas considérés comme une détenue, en plus.
08:49Et puis voilà, quoi.
08:54Comme on est en prison, on est des numéros.
08:57On est des numéros d'écrou.
08:59Tandis qu'ici, non.
09:01Ils nous considèrent comme des gens normaux, quoi.
09:04Voilà.
09:09Voilà, la petite souplette, elle est faite.
09:13Je vais mettre un petit bout de beurre dedans.
09:15Ce sera meilleur.
09:21J'avais tellement une vie merdique, comme on dit.
09:26Aujourd'hui, je suis vraiment en colère.
09:28J'ai de la haine à revendre.
09:30J'ai de la haine à revendre, aujourd'hui.
09:32Contre le père de mes enfants.
09:35Parce qu'il m'a mis une camisole toute la vie.
09:39Rien que parce que j'avais peur de lui.
09:41Donc à cause de ça, j'ai envie.
09:44Et puis que je n'ai pas élevé mes enfants.
09:50Et oui.
09:51Et c'est toujours moi qui prenais, quoi.
09:54Encore pareil, encore les femmes.
09:57Il y a eu trop de personnes qui sont mortes sur les coudes de leur mari.
10:01Bien sûr que ça aurait pu m'arriver.
10:21On remercie celles qui ont préparé le déjeuner.
10:23Et merci Marie.
10:25Merci.
10:26Merci à vous.
10:28J'ai pris un risque parce que j'ai remercié avant d'avoir goûté.
10:32Une double ration.
10:35Merci beaucoup.
10:38Ça va ?
10:39Oui.
10:58Les anniversaires de la joie de vin.
11:10C'est les premières fraises, non seulement de la saison, mais de l'histoire de Bodone.
11:17Sachez les apprécier.
11:19Elles auront, contre le bon goût sucré, le goût de la sueur.
11:24Des salariés, des bénévoles et des volontaires.
11:29Il y en a ?
11:35Ces femmes-là sont des femmes détenues.
11:38Quand elles arrivent et quand elles repartent, je suis dès l'heure.
11:43J'ai beau être directeur, je suis dès l'heure.
11:50J'ai vécu 17 ans derrière les barreaux.
11:52Je pense que jusqu'à mon dernier souffle, je resterai avec cette identité de tollard.
12:05La prison écrase des gens qui, bien souvent, ont vécu à genoux toute leur vie.
12:10La prison ne fait que les mettre couchés par terre.
12:14Parfois jusqu'à la fin.
12:17Ici, nous remettons debout les gens et en marche.
12:19C'est quelque chose d'éminemment subversif parce que ça va contre l'idée qu'il n'y a qu'une réponse au délit ou au crime, c'est la prison.
12:33Nous démontrons qu'il y a d'autres façons de sanctionner des personnes qui ont commis des délits ou des crimes.
12:40C'est l'idée qu'on puisse avoir un traitement à la hauteur de notre niveau de civilisation pour ces femmes-là.
12:47Une chambre individuelle et une clé sont attribuées à chaque nouvelle arrivée.
12:52Un loyer est ensuite prélevé sur la fiche de salaire.
12:56Une façon concrète de se préparer à la réalité du monde extérieur.
13:01Celui-là est pour toi, incarcéré.
13:08Là, c'est la prison.
13:10Celui-là est pour toi, incarcéré.
13:16Ne me lâche pas même si tu penses avoir tout donné.
13:21Tu veux t'en sortir, alors t'encaisses.
13:25La liberté n'a pas de prix, alors progresse.
13:28Je sais que c'est pas facile, pas impossible.
13:31Salut.
13:36Quand j'étais incarcéré et que je pensais à mon avenir, je me demandais si j'allais pouvoir me donner cette chance.
13:43Quand je ne voyais pas le bout du tunnel, est-ce que je vais un jour voir ça ?
13:48Aujourd'hui, je suis ici et je peux enfin dire qu'il suffit que tu marches et que tu fasses les choses positivement comme tu as envie.
13:57La personne aussi que tu as envie d'être pour pouvoir arriver à tes objectifs.
14:03Voilà, ce sont des états.
14:06Tandis qu'en prison, ce n'est pas pareil. En prison, on est scellé.
14:11C'est un blocus, on est scellé.
14:14Des fois, on ne peut même pas réfléchir à son avenir en étant ici.
14:21En étant ici, on n'entend pas les clés, on n'entend pas les surveillantes nous appeler.
14:29Ce n'est pas pareil.
14:37Là, on réapprend à vivre, on réapprend à faire partie de la vie.
14:45Tu prends la fleur, tu plantes, tu arroses.
14:48C'est bénéfique pour l'esprit.
14:51Ça symbolise un peu la vie.
14:54Le renouvellement.
14:57Et puis tu es là avec la nature et tu médites un petit peu.
15:02Je préfère être là.
15:18Quelques mois plus tard, je retrouve Evelyne, fatiguée.
15:23C'est le premier hiver qu'elle passe à la ferme.
15:26Elle s'est blessée, elle est en arrêt de travail.
15:32Hop là.
15:34Vous pouvez le tirer un petit peu, encore un petit peu vers...
15:38Tirez un petit peu vers vous-même.
15:41C'est bien.
15:42Hop là.
15:44Vous pouvez le tirer un petit peu, encore un petit peu vers...
15:47Tirez un petit peu vers vous encore.
15:50Ouais, top, c'est bien, voilà, un petit peu.
15:52Super.
15:55Vas-y, Anne, vas-y, essaye de se chopper.
15:59Voilà, comme ça.
16:02Ça caille.
16:04J'ai les doigts qui brûlent.
16:05Oui, toi aussi ?
16:06Ah bah oui, oui.
16:08Ah bah non, mais si.
16:10Je ne suis pas un robot.
16:12C'est comment, là ? C'est là ?
16:14On ne change pas une équipe qui gagne.
16:19Parfait.
16:23Regardez comme on est bon, là, c'est incroyable.
16:27Quelle efficacité.
16:30L'incarcération, au début, pour certaines, ça permet quand même de faire le point sur ce qu'elles ont fait, etc.
16:36Mais vraiment, il y a des effets physiques qui sont vraiment violents.
16:43La marche, des fois, elle peut paraître un peu haute,
16:46parce qu'on passe d'un état où on ne faisait pas grand-chose ou rien, même, pour certaines,
16:51à un travail de maraîchage qui est physique.
16:56Pour un certain nombre de personnes qui passent ici, c'est la première fois qu'elles sont confrontées à ça.
17:02Donc voilà, des fois, c'est difficile.
17:03Et du coup, ça demande plus de temps et plus d'étapes avant d'être complètement autonomes
17:09et pouvoir, après, voler de ses propres ailes.
17:27Toi, le kidney, tu vas pour quoi ?
17:28Ben, pour mon genou.
17:29C'est ton genou, il me semblait bien que c'était quelque part sur ma jambe.
17:33Mais je veux même lui dire de regarder aussi pour l'atteinte zenith aussi.
17:37Un petit peu.
17:43Voilà, mademoiselle.
17:44Mais aussi.
17:48Allez, montez les poings de pied.
17:53Un, deux, trois, et vous reposez.
17:56Est-ce que ça fait mal au niveau du genou ?
17:57Oui.
18:02Vous reculez un petit peu.
18:03Reculez un petit peu.
18:04Là.
18:05Et du coup, vous allez tendre le genou au maximum.
18:07Tendez la jambe.
18:14C'est maintenant que je suis en train de découvrir qui je suis.
18:20Certes, c'est pas évident, mais c'est moi et je dois m'accepter telle que je suis.
18:29Moi, j'ai vécu, on va dire, un peu dans les milieux chauds, ghetto et tout.
18:35Et donc, avec la drogue et l'alcool, on était toujours sur, comment dire.
18:41J'ai envie de te dire, on ne se laisse pas faire.
18:47On est un peu dans, comment dire, les kings.
18:54On se sent un peu supérieur.
18:56Quand j'ai découvert vraiment cette sensibilité chez moi, j'ai eu du mal à l'accepter parce que je pleurais souvent.
19:04Et rien ne me blessait et je prenais tout à cœur.
19:07Tout, tout, tout.
19:22Le rêve, c'est d'être à nouveau normal, de retrouver la liberté.
19:28Oui, la liberté.
19:34Et oublier la prison ?
19:36On ne peut pas oublier.
19:40On vit avec.
19:42On ne peut pas oublier.
19:43Il ne faut pas oublier.
19:45Il ne faut pas.
20:05On regarde toujours au loin, quoi.
20:09Parce qu'on n'avait pas le droit de regarder loin.
20:11On n'avait pas le droit.
20:15C'est vraiment comme si on était rentré vivant.
20:19Qu'on était, on n'avait pas le droit de regarder loin.
20:23On n'avait pas le droit.
20:27C'est vraiment comme si on était rentré vivant.
20:29C'est vraiment comme si on était enterré vivant, quoi.
20:32Qu'on était...
20:35Qu'on était enterré et puis tout, on ressuscite.
20:39On découvre la vie.
20:42Parce que là-bas, entre quatre murs, c'est ça.
20:45On est coupé du monde.
20:54À côté des cellules, c'est vraiment...
20:56Ça, ça fait deux fois comme une cellule.
20:59Comment je vais vous dire ?
21:00C'est de là jusque là.
21:02C'est la cellule.
21:03Vous voyez ?
21:04Alors, vraiment, là, c'est vraiment le grand espace, quoi.
21:08Nous, on est là dans un...
21:11Pour nous, c'est un château, là, à côté de...
21:14Donc, c'est qu'on était.
21:23C'est-à-dire qu'on peut avoir l'espoir, là, ici.
21:26On peut...
21:30On peut avoir l'idée d'avoir l'espoir d'avancer.
21:35Tandis que quand on sort de prison comme ça, avec rien, non.
21:39C'est pas possible.
21:40Parce que j'ai vu, moi, les filles qui faisaient la prostitution,
21:43en prison, qu'elles sont rentrées pour ça,
21:45quand elles ressortent, automatiquement, elles retombent dedans.
21:48Ceux qui se droguent, automatiquement, ils retombent dans la drogue.
21:51Parce que c'est des trucs faciles.
22:00Moi, j'ai été volée, mais à chaque fois que je suis sortie de prison,
22:03je ne vais pas me laisser comme ça.
22:04Alors, je recommence à voler.
22:07Et encore le même truc, encore le même truc.
22:09Vous voyez ?
22:11Et...
22:13Et j'aurais voulu aussi arrêter.
22:15Mais arrêter comment ?
22:16Comment vivre ? Avec quoi vivre ?
22:18Il faut bien vivre.
22:30Sans accompagnement, sans préparation à la réinsertion,
22:34une femme sur trois est à nouveau condamnée
22:37dans les cinq ans qui suivent sa sortie de prison.
22:42Le retour à la société, à la violence de la société,
22:46c'est précaire, c'est précaire.
22:49Quand tu parles de prison, on te parle souvent du choc carcéral.
22:53L'entrée en prison est un choc.
22:55Ça, c'est partagé par tout le monde.
22:57On parle beaucoup moins du choc de la remise en liberté,
23:02qui est aussi un véritable choc.
23:05Se retrouver souvent seule, sans rien.
23:08C'est-à-dire, comment je vais manger trois fois par jour ?
23:11Où vais-je avoir un toit pour dormir ?
23:18Quand tu crées un lieu comme ça,
23:21le mieux que l'on puisse faire, le mieux...
23:25Avec l'expérience qu'on a depuis un peu plus de deux ans,
23:29c'est atténuer le choc de la remise en liberté, atténuer.
23:35En prison, c'est toutes les petites choses inutiles qui nous manquent.
23:39Du maquillage, du parfum.
23:43Ça nous manque d'être une femme, quoi.
23:48C'est un peu comme ça.
23:51C'est un peu comme ça.
23:54C'est un peu comme ça.
23:57C'est un peu comme ça.
24:00C'est un peu comme ça.
24:02C'est une femme, quoi.
24:06On ne devrait pas nous empêcher tout ça.
24:08Qu'on nous prive de liberté, encore, voilà.
24:11Mais qu'on nous prive d'être une femme, je ne suis pas d'accord, quoi.
24:14Mais oui.
24:17Un petit peu de ça, peut-être.
24:33Vivre en communauté, vivre en communauté,
24:35mais c'est seulement des aspects comme ça...
24:39On a un peu ras-le-bol, après.
24:41La communauté.
24:43Ils vont se faire voir, c'est plus beau, la communauté.
24:49Dimanche, en début d'après-midi,
24:52je suis tombé là-dessus.
24:55Il s'agit de deux tranches de viande,
24:57qui sont par terre,
24:59qui étaient en parfait état d'être consommées.
25:02Et la première chose que j'ai pensée,
25:04honte à celle qui a commis cet acte-là.
25:08Honte à elle.
25:10Vous êtes, nous sommes, dans un établissement Emmaüs.
25:14C'est un établissement qui a été construit,
25:16qui a été construit,
25:18qui a été construit,
25:20qui a été construit,
25:22c'est un établissement Emmaüs.
25:24Nous sommes dans un organisme qui, depuis 60 ans,
25:2770 ans maintenant,
25:29soutient les plus précaires,
25:31les plus pauvres de notre société.
25:33Certaines d'entre vous sont issues
25:35de cette classe sociale-là.
25:38Vous avez oublié d'où vous venez.
25:40Que vous êtes majoritairement
25:42en aménagement de peine.
25:44Je vous demande du respect
25:46pour ceux qui ont le malheur d'être,
25:48aujourd'hui, en l'instant où je vous parle,
25:50dans 9 mètres carrés.
25:52Vous savez ce que c'est, la prison.
25:54Vous savez comme moi.
25:56On a fait des constats malheureux.
25:58L'alcool, ici, est interdit.
26:01C'est écrit sur le règlement.
26:03Vous avez signé le règlement.
26:05Ça veut dire que vous êtes engagé
26:07sur les tenants et les aboutissants
26:09du fait que vous soyez surprise,
26:12soit avec de l'alcool,
26:14soit dans un état d'ébriété.
26:18Ni l'un, ni l'autre.
26:20Je ne vais pas passer ni par 4 chemins,
26:22ni par 20 chemins.
26:24Même si je dois recevoir ce que je dois recevoir
26:26dans la figure, je dirai quand même
26:28ce que je reçois.
26:30Je ne vais pas passer sur moi
26:32et ne pas dire que j'ai fait les choses bien,
26:34j'ai été correct. Non.
26:36J'ai fait un petit abus.
26:38Par contre, je n'ai embêté personne.
26:40J'ai écouté ma musique comme d'hab.
26:42Ça s'est arrêté là.
26:44Il y a des femmes qui jouent le jeu.
26:46Et il y en a d'autres qui ne jouent pas le jeu,
26:48qui picolent,
26:50qui font naître un sentiment
26:52de grave insécurité ici.
26:54De grave insécurité.
26:56Et ça, ce n'est pas acceptable.
26:58On sait qu'avec la présence de l'alcool,
27:00il y a possibilité
27:02que ça finisse mal un jour.
27:04Tu dis tolérance zéro,
27:05elle est bourrée,
27:06elle essaie d'en violer une,
27:07d'en frapper une,
27:08on ne dit rien.
27:09En fait, on n'a rien à branler,
27:10arrête, arrête.
27:11Ok, j'ai fait quelque chose de terrible.
27:12Elle, elle ramène du shit,
27:13elle leur vend pour tout le monde ici.
27:16On va se faire de l'argent.
27:17Elles vont aller descendre sur la porte de ma chambre.
27:18Je suis rentrée pour meurtre en prison,
27:19pour meurtre.
27:20Tu sais ce que ça me fait la peur ?
27:22C'est ce que ça me fait.
27:23Ça me fait couper les têtes, si je veux.
27:24Elle aurait dû dégager d'hier.
27:25Je ne l'ai pas.
27:26Viens, viens, viens, viens.
27:27Viens, viens, viens.
27:28Mais là, je m'ennuie déjà.
27:30C'est juste ce que tu fais là.
27:31Comment aller ?
27:32C'est tout ce que tu veux faire,
27:33il n'y a rien à faire.
27:34Il y a des grands malades.
27:35Tu n'es pas médecin.
27:36Et tu le sais.
27:38Allez, je descends, je t'attends là.
27:45Octobre, c'est 973.
27:48Novembre, c'est 801.
27:52Ok.
27:53Donc là, c'est bon, là c'est bon.
27:55Validé.
27:57Et là, il va nous dire
27:58combien tu vas être payée normalement.
28:00Ok.
28:01Et maintenant, on peut regarder sur un mail
28:02s'il y a des trucs à faire.
28:03Allez, va.
28:04Donc là, c'est bon, ok ?
28:06Une copie intégrale,
28:07c'est ça qu'ils nous demandent.
28:08Une copie intégrale,
28:09des jugements des placements.
28:11L'appétit.
28:13C'est le jugement de l'appétit.
28:14Maman, je peux l'écouter
28:15pour sécher le beurre, s'il te plaît ?
28:16Tu peux partir ?
28:17Non, mais ça va pas ou quoi ?
28:19Quoi, je n'ai pas écouté là.
28:21Pour sécher le beurre.
28:22Qu'est-ce qu'elle veut ?
28:23Elle veut sécher du beurre.
28:25Du beurre ?
28:26Tu as besoin ?
28:27Oui.
28:28Est-ce que tu peux demander à Paula
28:29de prendre les clés et y aller ?
28:32Je vais laisser scanner ça,
28:33c'est ça, c'est ces papiers-là
28:34qu'ils ont besoin.
28:35On va les scanner tout de suite
28:36et on va l'envoyer.
28:38Voilà.
28:39C'est tout le temps comme ça ?
28:40Oui.
28:43J'ai pas d'humeur, maman.
28:46C'est la vie.
28:47Mais je te rappelle après, ok ?
28:50Vas-y, bisous à toutes.
28:51Maria suit chaque résidente.
28:53Depuis le premier jour,
28:55passe à la ferme jusqu'à la sortie.
28:59C'est elle aussi
29:00qui reçoit les candidatures.
29:03Envoyées de toutes les prisons de France,
29:05des lettres,
29:06écrites par les détenus
29:07depuis leurs cellules.
29:09Alors, entre mes papiers,
29:10je ne sais même pas où je les laisse.
29:13Qu'est-ce que tu veux que j'utilise ?
29:19J'ai actuellement 40 ans
29:21et je suis maman de trois petites filles.
29:23Omar a retiré la garde
29:24depuis un an et demi.
29:26C'est pour cela
29:27que j'aimerais obtenir
29:28un diplôme de récoltrice
29:30car mon seul but
29:31est de me reconstruire
29:32pour que mes filles
29:33puissent retrouver leur maman.
29:39On les envoie une petite lumière là,
29:41tu vois ?
29:45Ce que nous proposons aux femmes,
29:47le travail et l'hébergement,
29:48c'est vraiment des trucs
29:49qui vont faire
29:50qu'elles soient un peu plus autonomes
29:51et indépendantes après.
29:52Avec chacune,
29:53c'est travailler
29:54sur un projet professionnel
29:55pour envisager la fin,
29:57la sortie.
29:58Je pense qu'on a une petite goutte
30:00dans un grand truc.
30:04Mais par rapport à elle,
30:06c'est un grand truc.
30:09Le côté humain de la chose,
30:11même le côté social,
30:12c'est-à-dire le fait
30:13qu'elles puissent avoir
30:14un travail rémunéré
30:16avec une rémunération juste,
30:18enfin, esthmique,
30:22ça les change beaucoup.
30:25C'est important
30:26qu'on soit là
30:27pour elles.
30:30...
30:46Avec le printemps,
30:47de nouvelles femmes sont arrivées.
30:51Elles sont 12 détenues maintenant.
30:53...
30:58Je rencontre Rosie,
30:59dans la serre.
31:01Elle vient de passer
31:02huit années derrière les barons.
31:08Je suis descendue
31:09très, très bas.
31:13À un moment donné,
31:14j'ai même pensé
31:16à partir carrément,
31:17mais je l'ai fait.
31:21J'ai fait ma tentative.
31:22Je vais être franche.
31:23J'ai fait une tentative
31:24de suicide
31:25au tout début
31:26de ma détention.
31:32Ça peut se comprendre.
31:33Dans certains cas,
31:34tu te retrouves
31:35du jour au lendemain
31:36en prison,
31:37séparée de ta famille.
31:38Tu ne sais pas
31:39comment se passe la justice.
31:40Tu ne connais rien.
31:43Ça peut se comprendre
31:44qu'au début,
31:45quand tu n'as personne
31:46qui t'explique,
31:47que tu pètes un câble,
31:48que tu craques
31:49et que tu dis
31:50« Qu'est-ce que je fous là ?
31:51Je n'ai rien à foutre là.
31:54Je n'ai plus rien
31:55à faire sur terre. »
31:56Finalement,
31:57tu fais le geste
31:58qu'il ne faut pas.
31:59Tu vas un petit peu
32:00à l'hôpital.
32:01Voilà.
32:08Ici,
32:09je n'y pense plus.
32:10J'essaie de ne plus
32:11penser au passé.
32:12Certes,
32:13j'y penserais
32:14toujours un peu,
32:15mais je vais essayer
32:16d'avancer
32:17sans y penser
32:18pour
32:20déjà me reconstruire.
32:24On n'avance pas
32:25quand on ressassinera le passé.
32:30Voilà mon petit parcours de vie.
32:50Alors,
32:51là c'est le patron du dos.
32:54Ok,
32:55c'est cool.
32:56Je n'ai plus qu'à couper.
32:57Je n'ai plus qu'à couper.
32:59Je ferai ça tranquillement demain.
33:05Je suis stressée.
33:08J'avais un mari
33:09qui n'était pas facile non plus.
33:11Il parait au-dessus du marché.
33:15Je me suis fait rouler
33:16toute ma vie.
33:17Je croyais toujours
33:18qu'il allait changer
33:19et qu'on allait être bien.
33:22Mais il était pire en pire.
33:25Voilà.
33:28Et tu as été condamné
33:29plusieurs fois ?
33:30Oui.
33:32C'est-à-dire
33:33dans toutes ces fois,
33:36j'ai dû faire
33:3725-26 ans de prison.
33:40La moitié de ma vie
33:41je passe en prison.
33:45Alors,
33:46c'est peut-être pour ça
33:47qu'aujourd'hui
33:48je suis épuisée aussi.
33:51J'étais sans portefeuille,
33:52en vrai.
33:57Et comme j'étais en prison,
33:58il ne me connaissait plus.
34:04Ça, c'est un homme.
34:17Réagi, réagi.
34:19Réagi, réagi.
34:20Réagi !
34:21Mais vous,
34:24je m'incuis !
34:25...
34:47Oui, allô ? Bonjour.
34:50Il a provoqué 2 bagarres avec des résidentes.
34:54Là, on est allé jusqu'au bout de ce qu'on pouvait faire avec elle.
34:57Oui, oui, oui.
35:00...
35:15Très bien. OK.
35:17Très bien, on fait comme ça et pas autrement.
35:19...
35:31C'est les décisions les plus douloureuses
35:35que j'ai à prendre ici.
35:36A ce jour, après 2 ans et 3 mois d'ouverture,
35:42j'ai renvoyé en prison 3 personnes.
35:44Je n'imaginais pas que cela serait aussi délicat
35:49et que je serais confronté à autant de souffrance,
35:53autant de souffrance incarnée par ces femmes.
35:55...
36:05Les femmes que nous accueillons ici sont toutes victimes d'hommes.
36:11Je connais les dossiers pour lesquels elles sont condamnées
36:14et pour lesquels elles nous sont confiées.
36:15Elles sont responsables des faits qu'elles ont posés,
36:20qui leur ont valu d'être condamnées.
36:24Mais le coupable réel, c'est un mec.
36:289 sur 10. 9 sur 10.
36:31C'est un mec qui est le véritable coupable,
36:34qui a incité, qui a imposé, qui a amené la personne A.
36:40Et donc, l'existence de ce lieu,
36:42c'est aussi un acte de justice par rapport à cette réalité-là.
36:46...
36:55...
37:00Rosy est arrivée depuis 2 mois maintenant.
37:04Je l'accompagne à la messe, à l'église où elle va régulièrement.
37:08...
37:10Rosy est devenue pratiquante en prison.
37:13...
37:19C'est arrivé en prison que je me suis dit
37:21que j'avais eu une maltraitance dans ma jeunesse.
37:24Après, il y a eu les violences conjugales.
37:26On est plus ou moins des victimes.
37:28On a été sous emprise de son conjoint,
37:30on a fait des choses qu'il ne fallait pas
37:32parce qu'on a écouté telle ou telle personne.
37:35Et voilà, c'est...
37:36On a été des victimes collatérales
37:38de ce qui est arrivé après par la suite.
37:41Tu vis quand même toujours avec ton passé.
37:43Ca restera vie. Ca restera vie, le mal que t'as fait.
37:46Le mal que t'as fait à ton entourage, le mal que t'as fait aux victimes.
37:50Et forcément, à n'importe quel moment,
37:54quand tu regarderas un film, quand tu passeras dans la rue,
37:57que tu verras quelque chose qui te rappellera ton passé,
38:00forcément, c'est compliqué.
38:03Il faut que j'arrive à me pardonner de ce que j'ai fait.
38:06Et pour le moment, je n'y arrive pas.
38:26Quand tu fais ça comme ça, tu réfléchis beaucoup.
38:29Je pense qu'on en a tous besoin, ici, hein, de ce temps.
38:35Si j'avais terminé toutes les années en prison
38:39et que j'étais sortie à peine sèche, comme on dit,
38:45peut-être que... même que j'aurais récidivé, hein.
38:48Ouais.
38:52Parce que c'est pas évident, hein.
38:54C'est pas évident, c'est pas évident.
38:57Parce que c'est pas évident, tu sors après combien d'années en prison
39:01et tu te retrouves comme ça, à la vie ?
39:05Non.
39:06Il y a beaucoup trop de risques comme ça.
39:09Ici, même si tu... tu fais des fois des petits conneries,
39:13des trucs comme ça, eh bien, ils sont là pour te rattraper,
39:16ils sont là pour te parler.
39:17Là, on avance.
39:23Bonjour, mesdames. Vous allez bien ?
39:25Vous allez bien ?
39:27Bon, je vais m'installer.
39:29Te piquer ton bureau, hein, comme un...
39:31Comme d'habitude.
39:36Ça a disparu.
39:39On va faire notre petit entretien.
39:42D'accord ? D'abord, bonjour.
39:43Alors, on fait une petite rétrospective, là, depuis votre arrivée à la ferme.
39:47Vous êtes presque à mi-parcours, on va dire.
39:50Quel bilan intermédiaire vous posez sur ces mois passés à la ferme ?
39:54J'ai commencé à faire une enquête de métier
39:59et j'ai été voir Nathalie, la secrétaire comptable,
40:03parce que comme je pars sur une formation de secrétaire comptable,
40:06il fallait que je fasse une enquête,
40:09donc je l'ai faite par mes propres moyens, avec mon ordinateur.
40:12Qu'est-ce que vous validez comme titre à l'issue de cette formation ?
40:15Eh bien, je serai secrétaire comptable.
40:17D'accord, secrétaire comptable.
40:18Le fait de me lancer dans un truc comme ça,
40:20je sais que par la suite, je sortirai.
40:22Vous avez imaginé les obstacles ? Quels pourraient être les obstacles ?
40:25Je garde beaucoup de choses en moi,
40:28des choses que des fois, il faudrait peut-être que j'évacue.
40:32J'aurais qu'à me sier, elle est là pour ça.
40:35Parce que je me retrouve régulièrement seule et quand je suis seule, je cogite.
40:39Et quand je cogite, eh bien, je pleure.
40:42Donc j'ai besoin encore d'un soutien là-dessus
40:46pour être encore un peu plus forte que ce que je le suis.
40:53Aujourd'hui, vous êtes la plus ancienne, je crois.
40:56Oui.
40:58Il y a eu des hauts, il y a eu des bas.
41:00Comment vous regardez votre expérience aujourd'hui ?
41:02Ça m'a fait un peu grandir.
41:05Parce qu'en arrivant d'ici, j'étais, on va dire, un peu bloquée.
41:09D'accord.
41:10En arrivant à la ferme.
41:12Après, je me suis trop lâchée
41:18parce que j'avais besoin de ça.
41:20J'ai vidé mon sac,
41:23d'où il y a eu l'incident avec l'alcool.
41:26Et là, finalement, il y a eu des leçons,
41:29il y a eu...
41:32Voilà, j'ai appris.
41:33Peut-être qu'il fallait que je vive, que je vis ça
41:37pour pouvoir être comme ça aujourd'hui.
41:41Je suis prête.
41:43Je suis prête à m'envoler.
41:51Après un an passé à la ferme Bodone,
41:54Evelyne arrive aujourd'hui au bout de sa peine.
42:06C'est le jour de sa remise en liberté
42:08et Maria est à ses côtés.
42:12Son numéro de détenu,
42:14Evelyne va enfin le laisser derrière ses murs.
42:17C'est pour un déjà coup ?
42:19Oui, c'est ça.
42:20D'accord.
42:21Pouvez patienter, j'appelle le greffe.
42:23Merci.
42:28Je suis libre
42:32C'est le numéro de coup qui fera plus partie de ma vie.
42:35On repart à nouveau.
42:37C'est reprendre sa vie, un mai.
42:40Qu'est-ce que c'est beau, reprendre sa vie, un mai.
42:47Là, tu as l'impression que ta vie t'appartient.
42:49Oui, c'est ça.
43:01C'est toutes ces années qui défilent.
43:05On route vers la liberté.
43:17C'est plus clair, plus clair
43:19De nuages en mer et de teint
43:22De vent, de soleil, de pluie, d'eau, d'oie, d'or
43:26Voyage, voyage
43:32Liberté !
43:40Bonjour.
43:41Bonjour.
43:42Bonjour.
43:45Depuis son ouverture en 2020,
43:47l'administration pénitentiaire vient régulièrement à la ferme Bodone.
43:53L'alternative à la prison qu'elle propose
43:56est une expérience récente,
43:58et les fondations sont fragiles.
44:01Peut-être, avant de démarrer,
44:02vous pourriez nous dire
44:05quelle est l'ambiance actuellement dans la ferme.
44:08Pour ces questions de sortie,
44:10côté logement,
44:11si on parle du côté logement,
44:12pour révéler que c'était positif,
44:14c'est qu'on a eu un logement à Yemel, à Tarnonce,
44:17qui c'est très, très bien, c'est un joli appart
44:19qu'elle a eu, fruit d'une grande bataille.
44:22On a vécu des mois de tension.
44:25Il y a eu des incidents depuis le début de cette année.
44:29Et il y a eu des renvois en détention de certaines résidentes.
44:33Le fait d'arriver à votre ferme alors qu'elle vient de détention,
44:36c'est tellement un pas en avant que moi, je l'ai bien vu,
44:38que ce soit au niveau du SPIP ou de la ferme,
44:40mais même à mon niveau, c'est douloureux quand même
44:43de prendre la décision de dire...
44:45Surtout qu'on n'a pas d'alternative.
44:47C'est tu restes ou tu retournes en prison.
44:49Il n'y a rien d'autre entre les deux.
44:51Le problème, c'est que vous êtes la seule structure en France
44:53qui accueille des femmes sortantes de prison.
44:55Forcément, ça donne envie.
44:58C'est important aussi de clarifier un peu tout,
45:01où on en est aujourd'hui, où en est la ferme,
45:03c'est-à-dire la difficulté d'avoir des personnes
45:06qui puissent remplir le contrat de travail
45:09sans être en arrêt maladie régulièrement.
45:14C'est-à-dire que oui, on dit qu'il y a beaucoup d'arrêts,
45:17mais vraiment, physiquement, ils ne sont pas en forme.
45:20On a certaines qui ont passé très peu de temps en détention,
45:23mais la plupart qu'on a eues toujours,
45:25c'est des longues périodes de détention.
45:27Elles viennent ici, et vraiment, il y a tout qui tombe.
45:31C'est vrai que le maraîchage,
45:32malgré le fait qu'on essaye de l'adapter au mieux,
45:36il y a quand même une marge assez élevée
45:39entre sortir de détention et ne pas se retrouver à travailler.
45:44Il y a un travail physique qui...
45:46C'est physique.
45:47La question qu'on s'est posée, c'est savoir si l'inaptitude au travail
45:51aurait pu être constatée, décelée avant leur arrivée.
45:55Le public qu'on ne pourra pas sélectionner,
45:59et qu'on ne pourra pas déceler les choses,
46:02c'est à la ferme de s'adapter.
46:04L'idée, elle est là,
46:05c'est que la ferme va s'adapter au public qu'on reçoit.
46:09Je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous.
46:11Il faut quand même que vous sélectionnez...
46:13La ferme, c'est quand même pour qu'il y ait à la fois
46:16le cadre carcéral, mais il y a aussi le travail.
46:19Il faut qu'à un moment, elles rentrent dans le projet.
46:21Et s'elles ne rentrent pas dans le projet,
46:22ça remet en question aussi après le bon fonctionnement de la ferme.
46:26Il y a l'idée dans le curseur où on les réinsert,
46:28c'est aussi quand même qu'on leur rappelle
46:30qu'elles sont dans un cadre carcéral.
46:32Allez, Annie ! On va s'installer dehors ?
46:35Non, je ne fais rien aujourd'hui. Ma tête, elle n'est pas là.
46:38Allez, je te fais une super fiche, en plus.
46:41Bon, c'est en haut, mes clés ?
46:43Oui ou non ?
46:44Mes clés, mes clés, c'est en haut.
46:45On se met là ?
46:46Ouais.
46:51Tu as travaillé un peu ?
46:52Non, je dis franchement, je n'ai pas travaillé.
46:54Je n'avais pas la tête à ça.
46:56Tu peux te mettre là ?
46:57Oui, je peux.
46:58Tu peux te mettre là ?
46:59Oui.
47:00Je n'avais pas la tête à ça.
47:02Tu peux me lire en moins les phrases ?
47:04Tu peux me lire les phrases ?
47:05Je ne sais pas.
47:06C'est les phrases que tu connais.
47:08Allez, vas-y.
47:10La ba...
47:12La...
47:13Da...
47:15Non.
47:16Na.
47:17Ne.
47:18La banane.
47:19Oui.
47:20Et...
47:22Chaud.
47:23Oui.
47:25Allez, celle-là.
47:26Ma.
47:27Oui.
47:28Maison.
47:29Oui.
47:30A.
47:33Des.
47:34Oui.
47:35Rideaux.
47:36Ouais.
47:38Vert.
47:39Si je pourrais avoir une maison avec des...
47:41Des rideaux verts ?
47:42Seulement transparents.
47:45Avec des rideaux verts.
47:47C'est trois là, et après, je te laisse tranquille.
47:50Merci, Seigneur.
47:51Ça va ?
47:52Enchantée.
47:54Ma...
47:55Rie.
47:56Non.
47:58Non.
47:59Mar...
48:00Mite.
48:01Oui.
48:02Marmite.
48:03Marmite.
48:04La...
48:08Lac.
48:09Lac.
48:10Un lac.
48:11Car...
48:12Ro...
48:15Té.
48:16On fait un carotté.
48:17Carotté.
48:18Moi, j'aime bien carotté.
48:19On fait un carotté.
48:21Moi, j'aime bien carotté.
48:22Carotté, oui, on le sait.
48:23On aime bien carotté.
48:24Je sais, je sais.
48:28Pour ça, ça reste un petit plaisir.
48:31Tout de suite, ça l'a...
48:33Elle a compris comment qu'il faut les...
48:35qu'il faut les me parler en javanais.
48:39Je crois qu'il faut que tu prennes la dimension
48:41de la personne exceptionnelle que tu es.
48:43Parce que malgré les difficultés que tu rencontres,
48:45je te rappelle que tu vas faire une formation cuisine
48:48dans quelques semaines.
48:50Ça me fera des vacances de partir un petit peu de...
48:53de l'environnement, quoi.
48:54Parce que...
48:56je suis pas loin de craquer.
48:57Je sais.
48:59Et je voudrais pas craquer.
49:00Non.
49:01Tu peux pas vivre en collectivité avec n'importe qui,
49:03c'est pas vrai.
49:04Tu peux pas te forcer.
49:06Tu peux pas te forcer avec des gens que...
49:08que dehors, t'aurais jamais été, en plus.
49:10T'es quand même contente de partir faire ta formation ?
49:13Ah oui, alors là, j'attends qu'il y ait patience
49:16pour la formation.
49:17Qu'est-ce que t'attends de cette formation ?
49:19Ah bien, j'attends peut-être des portes ouvertes pour moi.
49:22J'attends que...
49:23quelque chose de...
49:24Concret.
49:26Quelque chose de concret pour qu'on s'en serre.
49:27Une vraie réinsertion.
49:31Une porte ouverte, quoi, pour avoir un travail.
49:34Donc c'est grand, aussi, ça.
49:44Nous, à Emmaüs, nous pensons qu'il y a un potentiel
49:46dans chaque personne,
49:48quel que soit son passé, je le répète,
49:50qui permet de croire
49:52que cette personne peut retrouver sa juste place dans la société.
49:55Et ici, dès l'entrée dans notre structure,
49:58la première phrase que je promenons,
49:59c'est que nous mettons sur la table
50:01la confiance entre elle et nous.
50:06La première année d'activité,
50:07nous avons une dame qui a fait le choix de partir.
50:10Et le choix de partir, ça s'appelle administrativement
50:12une évasion.
50:16C'est une minorité, bien évidemment,
50:17par rapport aux personnes que nous recevons,
50:19mais la possibilité existe
50:21que les personnes qui nous sont confiées,
50:23bien, décident d'en partir et de s'évanouir.
50:33Là, on va vers la limite de ma liberté.
50:46Là, j'ai le droit.
50:47Et là, j'ai plus le droit.
50:49C'est la frontière.
50:50Et moi, j'aime bien passer la frontière.
51:00Des fois, nous, on fait esprit et on marche sur la route, là.
51:02Et c'est un petit jeu qu'on se fait.
51:05On a un besoin d'endraver les choses.
51:09C'est comme les enfants.
51:11Tu leur dis de ne pas toucher ça, bien, ils touchent.
51:16Eh bien, dis donc.
51:19Il a dû y avoir du grabuge.
51:21C'est le chemin de ma sortie, quoi.
51:25Un jour, je vais le prendre et puis je ne reviendrai plus.
51:51C'est une formation 100 % d'essentiel,
51:53c'est-à-dire que je travaille par mes propres moyens
51:56sur ordinateur.
51:57Quand j'ai des petits problèmes,
51:59je peux écrire à mon formateur, il me répond.
52:03Voilà, c'est une formation qui me permet, après,
52:05de pouvoir obtenir le titre de secrétaire des comptables.
52:08Donc, je m'en sors.
52:10Je m'en sors, enfin.
52:14Enfin.
52:15Ça aura mis le temps, mais enfin.
52:21Donc, voilà, j'ai plus qu'à faire ce que j'ai à faire
52:24et à attendre que l'année passe
52:26et que je sois libre réellement, définitivement.
52:29J'ai fait ce que j'ai fait, je suis coupable de ce que j'ai fait.
52:33J'aurai payé à la société ce qu'on m'a reproché.
52:38Donc, je pense qu'une fois que tout ça sera fait,
52:41la culpabilité, elle sera là, mais moins forte
52:44qu'encore en ce moment.
52:45Parce que pour l'instant, je n'ai pas encore fini de payer
52:48parce que pour l'instant, je n'ai pas encore fini de payer ma peine.
52:52Donc, je pense que, oui,
52:55quand ça sera vraiment terminé en 2025,
52:57je pense que là, ma peine, elle sera là, mais moins forte.
53:02Elle sera vraiment moins forte.
53:05C'est ce que j'espère.
53:19Il me faut des pois chiches.
53:20Il me faut, il me faut, il me faut des pois chiches.
53:24À quelques jours de Noël, Annie apprend qu'elle va être libérée.
53:29Elle vient de passer 11 mois
53:31entre sa chambre et la cuisine de la ferme.
53:38Gabi.
53:40Là, il y avait deux poulets pour faire le couscous, ils me l'ont pris.
53:44Mais deux poulets.
53:46Je trouve inadmissible. C'est nous, les voleurs de poules, pas eux.
53:51On va pas mourir de faim.
53:52Non, je fais un couscous quand même.
53:54Végétarien, comme d'habitude, pour ne pas changer.
54:00Viens, s'il te plaît.
54:02Si tu me fais rater mon couscous ?
54:03Non, pas question de rater quoi que ce soit.
54:08Donc, on va faire un couscous.
54:10Je vais pas rater quoi que ce soit.
54:13Donc, Annie, Annie, Annie.
54:16Revenons, nous, moutons.
54:17C'est la dernière fois que tu passes le pas de cette porte.
54:21Waouh !
54:22Attends, on sait pas ce qui peut se passer dans la journée.
54:27J'avais deux, trois petites choses à te dire.
54:32La porte de cette maison, t'es toujours ouverte.
54:35Merci, c'est gentil.
54:36Autre chose.
54:38Si tu as besoin, dans les jours, semaines, mois à venir,
54:42d'informations, de conseils,
54:45simplement de parler à quelqu'un,
54:47soit Maria, moi, ou qui tu veux d'ici,
54:50tu nous appelles sans problème.
54:52On est là pour t'accompagner.
54:54Et si tu as besoin d'aide, on est toujours là.
54:57Merci, c'est gentil.
54:58C'est pas que je souhaiterais que tu restes encore des mois
55:01ou des années avec nous.
55:02Parce que je te souhaite la liberté.
55:04Tu la mérites amplement, amplement.
55:07Tu t'en vas aujourd'hui,
55:09dans quelques semaines, quelqu'un va te remplacer.
55:11À moins qu'on ne mette plus les femmes en prison.
55:14Là, c'est trop espéré.
55:16Trop espéré ?
55:17Oui, c'est trop espéré.
55:18Merci encore mille fois.
55:20Et moi aussi.
55:21Regarde le sourire, le restant de ta vie.
55:24C'est un des capitales les plus importants que tu as.
55:26Et t'en as d'autres, mais le sourire y est champion.
55:29Merci. Merci pour tout.
55:36...
55:40Vous allez me regretter, va !
55:42...
55:43J'ai bien soufflé en m'attendant à l'hôtel.
55:46Comme toutes les cinglées qui sont passées dans cette pire manie.
55:49...
56:09Voilà.
56:12Là, il rentre pas comme ça.
56:14...
56:19T'as gagné toute sa vie dans une valise.
56:21...
56:26Je peux pas le croire, ça y est, c'est fini.
56:29...
56:35J'espère que tout va s'arranger.
56:39C'est tout ce que je demande, d'être tranquille,
56:42avec mes enfants.
56:43...
56:56On se dit, chaque petite chose est importante.
56:59...
57:02Quelque part, on a de nouveau.
57:04...
57:06Avec ma nouvelle vie.
57:07...
57:22Rosy a fini sa formation de secrétaire comptable.
57:26Elle est en liberté conditionnelle.
57:30Après la ferme,
57:31Evelyne s'est installée dans un appartement.
57:34Elle poursuit difficilement son chemin vers l'autonomie.
57:38...
57:39Annie, elle, a retrouvé les siens.
57:42Elle habite dans une petite caravane
57:45et n'a toujours pas de travail.
57:47...
57:48La ferme continue à accueillir des résidentes.
57:52C'est aujourd'hui la seule alternative à la prison
57:55pour les femmes détenues.
57:57Elles sont 2380 en France.
58:00...
58:12Quand tu es ici, tu peux faire des erreurs,
58:14te tromper, te gueuler.
58:16Tu peux aller dans les champs et crier,
58:18« Ah, j'en ai marre ! »
58:20Là, je me fais une petite tarte, genre style tatin.
58:23« Style tatin ? »
58:25Oui, style tatin, parce que c'est pas tatin du tout.
58:28Et après, je vais me faire un peu de pâte à la tomate.
58:32Oh, que t'es beau comme ça, avec tes genouillères !
58:35Là, t'as un style !
58:36C'est la première fois que j'ai travaillé.
58:39Voilà, dame !
58:40C'est pas parce qu'il y a les caméras.
58:42Acclamations
58:45...
58:51Oh, ouais !
58:52Acclamations
58:54Quelle bête !
58:55Acclamations
58:57Wow !
58:58Acclamations
59:00...

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