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Arnaud Boulligny était l’invité de France Bleu Normandie, ce jeudi 19 septembre, pour évoquer la mémoire de Bernard Duval, l’ancien déporté devenu son ami au fil de leurs rencontres

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Transcription
00:00Merci d'être avec nous sur France 3 et France Bleu Normandie. Didier Charpin ce matin, notre invité, Arnaud Bouligny,
00:05chercheur à la Fondation pour la mémoire de la déportation et proche de Bernard Duval, décédé hier à 99 ans.
00:11Arnaud Bouligny, bonjour.
00:12Bonjour.
00:12Vous étiez un proche de Bernard Duval qui nous a donc quitté à l'âge de 99 ans. Vous le connaissiez depuis combien de temps finalement ?
00:20Eh bien, si je compte bien, ça fait 25 ans.
00:22Oui, 25 ans, parce que moi je suis arrivé chercheur à la Fondation pour la mémoire de la déportation en
00:281999 et très vite je l'ai rencontré puisque voilà c'était une figure
00:32indéportée du coin et à l'époque il y avait aussi son grand ami Bernard Boulot qui était encore de ce monde et voilà et puis après
00:40je n'ai cessé de le rencontrer.
00:42Vous le chercheur, forcément intéressé par le vécu, mais l'homme vous a séduit également.
00:47Oui, c'est la grande chance qu'on a eu, les gens de ma génération, c'est le privilège de l'âge et qu'on a pu rencontrer
00:54Bernard évidemment, mais plein de déportés, hommes, femmes et oui c'est effectivement un chercheur, on est dans les archives, on a un peu le nez dans les
01:02archives, mais il ne faut pas oublier que derrière tout ça, il y a des humains et il y a des expériences
01:07incroyables qu'ils ont pu nous raconter. C'est vraiment une chance qu'on a, un privilège je dirais même, qu'on a pu avoir nous.
01:13Bernard Duval a mis du temps à accepter ce rôle de passeur de mémoire, c'est la formule qu'il utilisait ensuite.
01:20Pourquoi il lui a fallu ce temps ?
01:21Tout à fait, mais c'est assez souvent chez les déportés, il faut voir, c'est qu'au retour, il y avait une vie à reconstruire, souvent des états de santé difficiles
01:34à consolider, une activité professionnelle à reprendre et puis la vie familiale qui s'installe et c'est souvent, et c'est le cas de Bernard, au moment de la retraite,
01:42Bernard a fait toute une carrière en Afrique, dans le pétrole, puis est revenu en région parisienne et puis au moment de la retraite, au début des années 80,
01:50il est revenu en Normandie et c'est à ce moment-là, et on retrouve Bernard Boulot, que son copain Boulot lui a dit, tu vas venir témoigner avec moi
01:58et pendant de nombreuses années, jusqu'au décès de Bernard Boulot en 2007, je crois, il témoignait à deux voix.
02:04Et il a poursuivi seul ces témoignages, pourquoi il y tenait ?
02:08Ah ben ça, c'est vraiment une promesse qu'il avait faite aux déportés, à ses camarades laissés morts dans les camps, c'était de dire, de dire, de dire, sans arrêt, sans arrêter,
02:21ce qu'il avait vu, ce qu'il avait subi, pour ne jamais les oublier et sensibiliser les jeunes, notamment à cette histoire, qu'ils reçoivent le témoignage de quelqu'un qui a vu,
02:32qui a vécu ces événements-là pour rester vigilant, en alerte.
02:36Ici matin, ce matin, notre invité, Arnaud Bouligny, chercheur à la Fondation pour la mémoire et la déportation.
02:42Et Bernard Duval, dans son histoire, avant d'être déporté, a été emprisonné à la prison de Caen, la maison d'arrêt, il a côtoyé les 73 détenus exécutés par les Allemands, le 6 juin 1944.
02:54Vous l'avez accompagné quand il y est retourné ?
02:57Ouais, alors là, on a eu vraiment beaucoup de chance, il faut voir, c'est que Bernard, il était toujours enthousiaste à tout ce qu'on pouvait lui proposer comme projet,
03:05et on est arrivé au printemps dernier avec l'idée de réaliser quelque chose d'un peu différent, un témoignage à la maison d'arrêt, in situ, mais destiné plus aux jeunes, sur une chaîne YouTube.
03:17Ça lui parlait ?
03:19Alors absolument pas !
03:21Non absolument pas, il voyait pas du tout ce que ça pouvait être.
03:23Coup de chance, c'est que Janine, sa femme, parce que Bernard, c'est Bernard et Janine, c'est aussi un couple pour nous,
03:30et Janine a une tablette, parce qu'il y a une partie de la famille qui est loin, à l'autre bout de la terre, en Nouvelle-Calédonie,
03:37et mon fils Sohaine lui a montré, lui a installé en favori YouTube, et ils ont tout de suite, assez vite compris l'intérêt, c'est-à-dire que cette vidéo allait être disponible très largement,
03:49et jusque pour leurs petits-enfants, leurs enfants, leurs petits-enfants en Nouvelle-Calédonie, ils allaient pouvoir enfin voir le témoignage de leur père.
03:56Il a découvert YouTube, et surtout il a revu les lieux, est-ce qu'il a montré des émotions particulières ?
04:02Oui, alors je sais pas si vous avez pu voir cette vidéo, qui est sur la chaîne Nota Bonus, chaîne secondaire de Nota Bene,
04:08il y a la fin notamment, qui est très très... on est vraiment dans l'émotion, et c'est pas tant les mots qu'il utilise que les silences.
04:16Les silences sont très très évocateurs, là encore ça a été un privilège pour nous, pour le réalisateur, j'ai une pensée pour Thomas Bernaudin,
04:24qui a fait ce film, de l'accompagner, on a pu l'accompagner, il y a une partie le matin de témoignage, et l'après-midi, à deux,
04:31Thomas et moi, on a eu la chance de l'accompagner, et il y a rien de joué en fait, on lui a pas donné de consignes,
04:38et dans la vidéo, on voit qu'il revit, il revit les événements, et quand on lui a montré le résultat à l'Epad,
04:44sur un tout petit ordinateur, il était la tête vissée dans l'écran, et pendant la demi-heure que ça dure, on l'a pas entendu,
04:51on voyait qu'il revivait à travers l'écran des événements vécus il y a 80 ans.
04:57– Bernard Duval qui avait été déporté, ce qui lui a permis d'échapper au massacre du 6 juin 44,
05:02cette prison, il y est retourné aux côtés d'Emmanuel Macron, à deux reprises, pour le 75e, pour le 80e anniversaire du débarquement,
05:10est-ce que quelque part ça a été une forme de reconnaissance, enfin, d'un chef de l'État, de se rendre là ?
05:15– Ah oui, c'est certain, pour les familles, c'est quand même très important, parce que ce massacre, l'un des plus importants,
05:2273 victimes, il est connu d'énormement, mais sur le plan national, il n'y avait peut-être pas forcément cette reconnaissance,
05:29et c'était vraiment une reconnaissance pour les familles, la présence du Président,
05:35dans la mesure où les corps n'ont toujours pas été retrouvés, il n'y a pas de lieu vraiment pour se recueillir,
05:40autre que la maison de l'État, ça reste toujours un mystère aujourd'hui.
05:45– La Ville de Caen a annoncé qu'elle rendra hommage à Bernard Duval, c'est bien, il faut absolument que son nom…
05:50– Oui, il ne faut surtout pas l'oublier, évidemment on est triste, je ne vous cacherai pas que c'est difficile,
05:56mais voilà, son message il est là, il restera, on le fera vivre, il y a le livre, il a son livre,
06:03il y a plein de vidéos qui existent, et à nous aujourd'hui de faire vivre ce message qui ne doit pas s'éteindre.
06:09– Qu'est-ce qui serait bien ? Une école, ou en tout cas un lieu lié à la jeunesse qui porterait son nom ?
06:13– Il y a déjà quelque chose qui est très symbolique, c'est la bibliothèque de la Nouvelle prison à Yves,
06:21la bibliothèque centrale, qui porte le nom de Bernard Duval, donc on est vraiment dans quelque chose d'important,
06:27et puis je ne sais pas, il y aura sûrement d'autres initiatives de la sorte.
06:31– Merci beaucoup Arnaud Bouligny, chercheur à la Fondation pour la mémoire de la déportation,
06:37et un proche de Bernard Duval depuis 25 ans pour sa témoignage ce matin sur France Bleu et France 3.
06:42– Merci, on vous retrouve bien sûr en podcast sur votre application ici ICI.

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