Bernard Cazeneuve s'est exprimé ce jeudi depuis Aix-en-Provence, alors qu'il a été reçu lundi par le président de la République à l'Élysée. La France reste avec un gouvernement démissionnaire pour la 51e journée consécutive.
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00:00— Bernard Cazeneuve, le candidat de Laurent Geoffrin, il ne se rend pas à l'Élysée. Il est à Aix, où l'ancien Premier ministre socialiste doit s'exprimer face à des étudiants.
00:13Et on va l'écouter. — Bonjour, M. Cazeneuve. Selon les derniers éléments en notre possession, le dénouement, la nomination du futur Premier ministre est imminente.
00:20On avoue qu'il faut parler de Michel Barnier ces dernières heures. Quelle est votre première réaction ?
00:25— Moi, je n'ai pas de réaction à une nomination qui n'est pas encore intervenue. Michel Barnier est un homme qui a des qualités, qui a une expérience.
00:32Et de toute façon, la seule préoccupation que nous devons avoir aujourd'hui, c'est celle d'un gouvernement qui permette au pays de résoudre
00:39les difficultés nombreuses. Et elles sont profondes, auxquelles il est confronté. Donc le seul commentaire doit être dicté par le sens de l'intérêt général.
00:49Le reste n'a pas d'importance. — Est-ce qu'on peut vous appeler M. le Premier ministre ? — Je l'ai été.
00:54— Il semblerait que le fait que le RN censure ou non un potentiel nouveau Premier ministre a beaucoup pesé dans la balance.
01:01Est-ce que vous le regrettez, que le RN ait eu un tel poids ? — Non, mais moi, je vais pas rentrer dans ce type de considération et de commentaire.
01:06Si je devais faire un commentaire sur la séquence qui vient d'intervenir, je dirais la chose suivante. Les Français ont été amenés,
01:14au terme d'une dissolution décidée par le président de la République, à exprimer leurs sentiments. Et ils ont, à l'occasion du vote,
01:22unis leurs forces pour qu'un front républicain permette d'éviter l'avènement au pouvoir du RN. Des électeurs de gauche ont voté pour des candidats de droite.
01:32L'inverse est vrai. Et parmi les blocs qui sont constitués au Parlement, le bloc minoritaire arrivait en tête et celui du nouveau front populaire.
01:42Ce que traduit le résultat de cette élection, ce sont des choses assez simples. Premièrement, la volonté des Français, qui sont conscients de l'extrême difficulté
01:50à laquelle le pays se trouve confronté, de voir les forces politiques s'unir autour d'un certain nombre de décisions à prendre, de politiques à mettre en œuvre,
02:00pour faire en sorte que le pays ne décroche pas et ne sombre pas. C'est le premier élément. Le deuxième élément, c'est qu'ils souhaitent une nouvelle orientation
02:07pour la politique du pays. Et donc on ne peut pas faire comme si, après la dissolution, rien ne s'était passé et comme si tout pouvait continuer comme avant.
02:16Le troisième point, c'est qu'ils souhaitent une autre relation entre le gouvernement, le Parlement et le président de la République, c'est-à-dire une autre gouvernance
02:24faite de davantage d'écoute, de davantage de compromis, de davantage de compréhension de ce que sont les attentes des Français.
02:31Et enfin, les Français, j'en suis convaincu, souhaitent un pouvoir qui ait avec eux une relation plus apaisée. Et donc l'objectif du gouvernement,
02:41quel qu'il soit, ce sera de réunir et d'apaiser les Français et de réussir les politiques qui sont celles que les Français attendent au terme du scrutin.
02:52Et c'est la raison pour laquelle le gouvernement devra trouver des compromis pour faire en sorte qu'il y ait de la justice sur la question des retraites.
02:59J'ai entendu toutes sortes de commentaires sur le fait que j'aurais proposé une abrogation, une suppression. Ce que je pense et qui me paraît absolument nécessaire et urgent,
03:09c'est que sur la question des retraites, sur la question du pouvoir d'achat, sur la question des services publics, un dialogue s'engage avec les forces constituées au Parlement
03:16et les organisations syndicales pour faire en sorte qu'il y ait du progrès social et que cette démarche se fasse dans l'écoute, le pragmatisme, le sens de la mesure.
03:25Il faut aussi que l'ordre républicain, les valeurs de la République, les principes qui permettent de continuer à vivre ensemble soient constamment réaffirmés.
03:34Il faut que l'on puisse créer les conditions d'une transition écologique sans décroissance.
03:38Il faut enfin que nous puissions, sur la question de nos alliances, sur la question des conflits qui traversent le monde, dire ce à quoi nous croyons,
03:46c'est-à-dire à la démocratie, aux principes du multilatéralisme et au respect des principes du droit international.
03:52Voilà les sujets sur lesquels un gouvernement doit pouvoir s'engager. Et puis, il y a une question considérable qui est celle de la situation des finances publiques.
04:00Alors il ne m'a pas échappé que, au cours des derniers jours, il y a eu beaucoup de combinaisons, de coups de fil, de tractations,
04:08de petits arrangements derrière boutique qui paraissaient très loin de ce qu'étaient les préoccupations exprimées par les Français
04:14et très près de ce que sont les préoccupations qui obsèdent ceux qui ont des parcelles de pouvoir dans les appareils ou ailleurs.
04:24Moi, je ne suis pas du tout dans cet état d'esprit. Je pense que ce n'est pas du tout à la hauteur de la situation.
04:28Et il n'y a pas d'autre possibilité, lorsqu'on est responsable politique et qu'on est conscient de l'extrême gravité de la situation,
04:37que de se mettre à la hauteur des événements en essayant de souhaiter à ceux qui seront en charge d'exercer des responsabilités,
04:45qu'ils réussissent et de les aider à faire en sorte que cela soit possible.
04:48— Que vous a dit Emmanuel Macron ? — Comment ?
04:50— Que vous a dit Emmanuel Macron ? — Pardon ?
04:51— Est-ce que vous confirmez que l'hypothèse de votre nomination a été écartée ? Est-ce que le Président vous a accueilli ?
04:54— Mais je ne sais rien de tout cela. Moi, j'ai dit à plusieurs reprises que j'étais absolument demandeur de rien,
05:02que j'étais prêt à assumer mes responsabilités si on m'en confiait, que je les assumerais dans l'esprit que je viens de vous indiquer,
05:10c'est-à-dire de volonté, de lucidité face aux attentes des Français, de responsabilité quant à la nécessité de trouver des compromis.
05:19Je le dis au Président de la République comme à l'ensemble de ceux qui m'ont contacté.
05:25Je n'ai pas eu de contact avec le Président de la République depuis mon entretien.
05:29Et je ne suis en attente de rien d'autre qu'une solution pour le pays. Et c'est ça qui est toujours important.
05:36Mais la question ne se pose pas en ces termes. La question ne se pose pas de savoir si on a envie de ceci ou de cela, comme si c'était une affaire personnelle.
05:43La question, c'est de savoir si à un moment donné, si l'on est en situation de faire son devoir, on doit relever le défi ou pas.
05:50Et moi, je n'avais pas de demandes en la matière, pour des raisons qui tiennent d'ailleurs à des épreuves personnelles très, très dures
05:57que j'ai eues à affronter ces derniers mois avec ma famille. Mais si on m'en avait fait un devoir, je l'aurais fait.
06:02Et je l'aurais fait de façon loyale, avec une grande abnégation et la volonté d'être à l'écoute de l'ensemble des forces politiques
06:10représentées au Parlement, et en ayant les idées claires sur ce qu'il fallait faire, c'est-à-dire une nécessité de changement politique,
06:18dans le respect et l'écoute des forces au Parlement pour trouver les compromis utiles, dans une relation avec les Français faite d'explications et de sincérité,
06:29et dans le respect des institutions et des fonctions occupées par les uns et les autres.
06:33Vous pouvez affirmer qu'un gouvernement dirigé par vos soins n'aurait pas été censuré par l'Assemblée. L'Élysée prétend le contraire.
06:38— Mais la meilleure manière de savoir cela, c'est de nommer un Premier ministre et de laisser le Premier ministre faire son travail.
06:45C'est comme ça qu'on procédait lorsque l'instabilité gouvernementale était grande en France, notamment sous la IVe République,
06:51dont on a recréé l'esprit en France au cours des dernières années. Donc si on veut être assurés de cela, il faut d'abord regarder
06:59quel est le résultat des élections, le comprendre, s'y résoudre, car quand on organise une élection et que les résultats sont là,
07:07il vaut mieux se résoudre aux résultats de l'élection, et puis ensuite laisser le gouvernement gouverner. Voilà.
07:14— Vous êtes donc prêt à dire oui ? — Merci à vous.