• il y a 3 mois
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Alain Bauer, professeur de criminologie au Conservatoire nationale des Arts & Métiers, répond aux questions de Sonia Mabrouk au sujet de l’explosion de bipeurs électroniques appartenant à des responsables de la milice libanaise du Hezbollah, du risque d’attaque terroriste et de l’affaire Nahel.

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News
Transcription
00:00Bonjour Alain Bauer, et bienvenue à la grande interview sur CNews et Europe 1.
00:05Vous êtes professeur de criminologie au Conservatoire National des Arts et Métiers,
00:09auteur de nombreux ouvrages à succès, dont celui-ci au bout de l'enquête aux éditions First,
00:14les plus grandes affaires criminelles passées au crible.
00:17Parlons tout d'abord Alain Bauer d'une attaque inédite, inédite par son ampleur, inédite par son mode opératoire.
00:23Le bilan est d'au moins 9 morts, plus de 2800 blessés après l'explosion de Bipper électronique
00:28appartenant à des responsables de la milice du Hezbollah.
00:31Israël est pointé du doigt.
00:33Mais tout d'abord sur le mode opératoire, comment une telle attaque massive, coordonnée,
00:37est-elle possible à travers de tels appareils ?
00:40Alors d'abord tout ce qui se connecte, se contrôle, se manipule, c'est le principe général.
00:47D'habitude on fait sauter plutôt les téléphones, parce que c'est le plus facile,
00:51que le réseau est très large, qu'on peut le faire en ciblant de manière très précise un opérateur.
00:57Et donc parce que ça permettait d'identifier des gens, depuis Djokhar Djoudaïf,
01:01président de la Tchétchénie, liquidé par un missile russe à cause de son téléphone cellulaire,
01:07on n'appelait pas encore ça les portables,
01:09tout le monde a compris que le téléphone portable cellulaire smartphone était un outil
01:14qui permettait de vous écouter alors même qu'il n'est pas branché,
01:18éventuellement de le faire exploser de manière assez légère avec sa batterie.
01:23Et si en plus on y rajoute quelques grammes d'un produit explosif,
01:27c'est-à-dire si on le dérobe et qu'on vous le rend sans que vous vous en rendiez compte,
01:30ça peut provoquer des dommages, des blessures, voire des morts.
01:34Pour régler cette question, le Hezbollah qui s'est rendu compte que d'autres,
01:39dont les Israéliens, pouvaient s'en servir,
01:41mais les Américains ont fait ça de manière assez régulière aussi,
01:43avec ce qu'on appelle les frappes ciblées,
01:45même les Français d'ailleurs, dans des épisodes pas si lointains que cela,
01:49après les attentats de 2015, ont décidé de se débarrasser du téléphone portable
01:54pour revenir 50 ans en arrière aux beepers.
01:57C'est incroyable, je présente, c'est une parenthèse,
01:59c'est Hassan Nasrallah qui a enjoint ses troupes à ne plus utiliser les téléphones portables
02:04et qui a donc peut-être ouvert la porte à une telle attaque.
02:06Donc que fait le Hezbollah ?
02:08L'industrialisation du terrorisme amène à des processus comptables.
02:13Pourquoi fait-on tomber Pablo Escobar ou Al Capone ?
02:18Al Capone grâce à leurs comptables,
02:20donc ils font des achats groupés parce que c'est moins cher,
02:22et puis que ça permet de gérer une flotte complète d'outils.
02:27Donc ils ont acheté une nouvelle génération de beepers,
02:30avec des batteries lithium de bonne constitution,
02:34sauf qu'entre la production et la distribution,
02:36il s'est passé un événement,
02:38une interruption momentanée de la chaîne logistique,
02:41qui a permis à quelqu'un,
02:43on imagine que ce sont les Israéliens,
02:45en tout cas les Américains eux-mêmes ont dit cette nuit
02:47que les Israéliens les auraient prévenus
02:49du fait qu'ils allaient lancer cette opération,
02:51et donc ils ont rajouté un élément,
02:54enfin modifié un composant du téléphone,
02:56proche de la batterie,
02:58mais avec au moins 3 grammes semble-t-il,
03:01d'un produit explosif,
03:03dont je ne vous donnerai pas le nom ni la composition
03:05parce que j'ai eu du mal à retenir quand on me l'a raconté.
03:07Et vous connaissez, qui est très peu utilisé,
03:10ou qui est quelque chose de connu par les services de renseignement ?
03:12Une structure de type TATP mais solide,
03:15moins dangereuse parce qu'il faut gérer,
03:19et qui aurait permis de déclencher.
03:23Et enfin il faut un signal,
03:25c'est-à-dire qu'à un moment il faut que je vous appelle,
03:28et que vous répondiez à mon appel
03:30parce que vous sentez que c'est un appel légitime,
03:32donc il faut contourner, se faire passer pour,
03:35ça c'est quand même le plus facile,
03:37et donc en utilisant un bon vieux dispositif radio des années 70,
03:40qui était le beeper qui vous permettait
03:42de voir que quelqu'un vous avait appelé,
03:44puis de le rappeler, donc des messages juste texte,
03:46il s'est produit ça.
03:47Alors il y a deux personnes qui ont parfaitement compris
03:49que même ça c'était dangereux,
03:51Totorina et Massino de Naro
03:54qui fonctionnaient avec des pizzini,
03:56c'est-à-dire des petits papiers roulés en boule
03:58qui servaient, et M. Sinouar
04:00qui n'a ni téléphone, ni beeper.
04:02Nous sommes d'accord, mais là nous parlons de centaines,
04:04voire de milliers de responsables dans cette organisation.
04:065000 ciblés.
04:07Donc avec des petits papiers c'est compliqué,
04:09mais c'est-à-dire qu'à l'avance,
04:11c'est-à-dire que les services de renseignement,
04:13Mossad, se seraient donc introduits,
04:15ou comment dire,
04:17seraient intervenus dans la chaîne de production.
04:19Ou de distribution.
04:21Le producteur qui est taïwanais
04:23dit nous chez nous il ne s'est rien passé,
04:27on sait que c'est arrivé quelque part,
04:29entre les deux, quelque chose s'est produit.
04:31Après l'attaque du 7 octobre,
04:33beaucoup avaient interrogé, et nous l'avions fait ici même
04:35avec vous, l'efficacité des services
04:37secrets israéliens,
04:39comment n'avait-il pas pu anticiper
04:41une telle attaque, avec l'opération
04:43Beeper hier, c'est un coup
04:45retentissant contre cette milice,
04:47contre le Hezbollah.
04:48Ah oui bien sûr, parce qu'ils montrent qu'ils peuvent
04:50frapper n'importe où, n'importe quand,
04:52en plus en étant
04:54très créatifs. Alors je précise quand même
04:56que les services israéliens,
04:58notamment les femmes qui
05:00géraient le suivi
05:02du Gaza, avaient parfaitement
05:04identifié, parfaitement indiqué
05:06et parfaitement précisé
05:08qu'il se passait quelque chose,
05:10qu'une attaque était en cours de préparation,
05:12et que les opérateurs
05:14du Hamas et du djihad islamique
05:16se préparaient à une attaque massive, y compris sur
05:18des cibles qu'ils avaient reproduites, avec
05:20du carton et
05:22des éléments de maquettes,
05:24et que c'est simplement leur hiérarchie,
05:26comme souvent. C'est-à-dire qu'en général,
05:28en matière d'enseignement, on sait tout, mais on ne
05:30comprend rien. Il est rare
05:32qu'on ne sache rien, voilà.
05:34Tout cela est coordonné, préparé
05:36et finalement exécuté.
05:38Une telle attaque est sans doute
05:40à la mort le prélude d'une vaste opération
05:42terrestre. En tous les cas, beaucoup de géopoliticiens
05:44affirment qu'Israël
05:46aurait tout intérêt à une vaste opération
05:48alors que l'Hezbollah est très
05:50fragilisé. Ce serait aussi une
05:52déstabilisation d'une région qui est déjà en proie
05:54évidemment à beaucoup de...
05:56L'objectif de l'Iran étant le chaos
05:58et la déstabilisation. De toute façon, ils ne sont que satisfaits.
06:00Le problème de cette affaire, c'est
06:02qu'il y a un maître d'oeuvre,
06:04un opérateur, un marionnettiste
06:06qui est à Téhéran, qui fonctionne
06:08très bien. Son objectif est la déstabilisation
06:10complète, y compris
06:12du transport de pétrole.
06:14Les houthis sont arrivés
06:16à envoyer un missile au milieu
06:18d'Israël la semaine dernière.
06:20Donc, on sent bien que
06:22tout ceci les satisfait profondément.
06:24Le Hezbollah n'est pas entré
06:26en guerre aussi violemment que l'Iran le
06:28souhaitait et que le Hamas le souhaitait.
06:30Le problème d'Israël, c'est que
06:32sa région nord est dépeuplée aujourd'hui
06:34de plusieurs milliers de réfugiés
06:36qui sont soumis à des attaques de roquettes
06:38plutôt artisanales et
06:40plutôt de basse intensité, mais continues
06:42et permanentes, ce qui mine
06:44le fonctionnement
06:46de l'État d'Israël et la relation
06:48qu'il y a avec le grand protecteur.
06:50Donc, ces Israéliens-là sont très
06:52demandeurs d'une opération visant
06:54à repousser le Hezbollah vers le nord.
06:56Mais ça ne marche pas aussi facilement que cela.
06:58D'abord, Israël s'y est déjà prêté
07:00à plusieurs reprises et donc ça ne marche pas très bien.
07:02En 2016, il y a eu l'opération
07:04d'Irak et la grande répétition
07:06de ce qui se passe à Gaza, c'est-à-dire
07:08une riposte visant à détruire
07:10quasiment un quartier de Beyrouth qui était
07:12le siège du Hezbollah.
07:14Pour montrer que quand même, il ne fallait pas rigoler.
07:16Et dix ans plus tard, on voit bien
07:18les limites de l'exercice.
07:20Le Hezbollah ne veut pas aller trop loin
07:22mais quand même un peu.
07:24Israël ne peut plus se permettre de perdre
07:26la région nord parce qu'il y a
07:28des habitants, une activité, etc.
07:30Et puis, l'augmentation
07:32de l'efficacité de la technologie des drones,
07:34des nouveaux missiles iraniens
07:36posent des problèmes par rapport
07:38au coût de la riposte israélienne
07:40avec le dôme de fer
07:42par rapport
07:44au faible coût des opérations
07:46menées par les drones. C'est un peu ce qu'on voit aussi en Ukraine.
07:48Donc, les deux posent un problème à Israël.
07:50Mais il y a aujourd'hui une tension très forte
07:52à l'intérieur de la coalition gouvernementale
07:54mais aussi dans la société civile israélienne.
07:56On a vis-à-vis du Hezbollah
07:58à peu près l'inverse de ce qui est
08:00de la volonté de négocier la libération
08:02des otages à Gaza.
08:04Et nous en parlons à la moire ce matin sur CNews
08:06parce que comme très souvent, il peut y avoir
08:08et il y a des répercussions majeures
08:10sur le sol européen
08:12et plus singulièrement en France. Est-ce que vous craignez
08:14à l'aune de ce qui est en train de se passer
08:16une résurgence des attaques ?
08:18Est-ce que le risque d'attaque terroriste est toujours aussi
08:20prégnant sur notre sol ?
08:22Il s'est révélé.
08:24La différence, c'est que les services de renseignement
08:26français, qui jusqu'en 2015-2016
08:28étaient très réactifs, aujourd'hui sont devenus
08:30très proactifs. Je ne suis pas toujours
08:32très gentil avec nos services de renseignement, surtout quand
08:34ils n'y arrivent pas, mais je dois reconnaître
08:36qu'on est passé d'une demi-douzaine
08:38d'opérations avant un attentat.
08:40L'anti-terrorisme, c'est quand on empêche l'attentat,
08:42pas quand on arrête l'auteur de l'attentat.
08:44C'est déjà trop tard. Il y a déjà des morts, des blessés.
08:46Là, on est passé
08:48d'une demi-douzaine à presque une soixantaine.
08:50Comment vous expliquez ?
08:52Ils ont travaillé, ils ont commencé
08:54à analyser et pas seulement compiler.
08:56C'est un immense travail de modernisation
08:58qui a été très bien mené,
09:00notamment par M. Nunez,
09:02l'actuel préfet de police, mais qui était à la DGSI,
09:04par le préfet Lerner, qui est passé de la DGSI
09:06à la DGSA, donc il y a un très gros travail,
09:08mais hier encore, la patronne de la DGSI
09:10soulignait l'ampleur
09:12des risques nouveaux, et notamment le
09:14rajeunissement, pas inédit,
09:16c'est déjà arrivé dans le passé,
09:18mais un vrai mouvement
09:20avec des jeunes de plus en plus radicalisés, déterminés.
09:22Sur les neuf derniers attentats
09:24déjoués, neuf étaient des mineurs.
09:26Des mineurs ?
09:28Des mineurs qui vont entre 13 et 17 ans,
09:30donc il y a un souci, ce qui est ce
09:32immense rajeunissement, à la fois
09:34cette tiktokisation du passage à l'acte,
09:36c'est-à-dire extrêmement rapide, extrêmement
09:38brutale, avec très peu de
09:40conscience. Je m'arrête sur votre mot, tiktokisation
09:42du passage à l'acte. Il y a presque
09:44quelque chose de paradoxal entre tiktok,
09:46ce réseau social pour les jeunes,
09:48et la gravité...
09:50Oui, mais tiktok est un outil de diffusion de la violence
09:52autant que c'est l'outil de la diffusion du
09:54divertissement, ou du n'importe quoi, ou du rien
09:56du tout. D'abord c'est addictif,
09:58et ensuite ça vous cornérise
10:00dans une logique, et donc si vous avez choisi une logique
10:02de, entre guillemets, radicalisation, ce mot
10:04ne veut pas dire grand-chose, vous restez dans
10:06l'outil tiktok, vous n'en sortez plus,
10:08et vous le voyez en boucle,
10:10vous ne pouvez plus en sortir, il y a une addiction
10:12à tiktok, sur les bons,
10:14enfin, je ne vois rien de bon en tiktok,
10:16mais c'est un point de vue de vieux,
10:18mais sur le fond, vous avez un problème
10:20qui est l'enfermement,
10:22et donc le passage à l'acte accéléré,
10:24sans grande conscience
10:26de ce qu'on fait. Alors la bonne nouvelle, c'est qu'ils en parlent aussi
10:28sur tiktok, ce qu'ils donnent
10:30aux services... Une matière pour nos services,
10:32pour nos renseignements... Mais encore, faut-il pouvoir
10:34tout anticiper tout le temps. Alors, tiktokisation
10:36des passages à l'acte, donc risque terroriste,
10:38et puis un continuum aussi d'insécurité
10:40à l'imbevoire, nous en avons beaucoup parlé ces
10:42derniers jours, avec des faits graves, ce qui s'est passé à Grenoble,
10:44avec l'agent municipal
10:46qui a été froidement abattu,
10:48il y a eu également le gendarme
10:50Comines. Quel est le risque
10:52si le sujet de la sécurité,
10:54si le domaine de la sécurité n'est pas pris à bras-le-corps,
10:56notamment par ce nouveau gouvernement ?
10:58D'abord, il faut souhaiter que le nouveau gouvernement
11:00le prenne à bras-le-corps, mais on ne peut pas dire que Gérald Darmanin
11:02ne l'avait pas pris à bras-le-corps.
11:04Le problème, c'est la continuité générale
11:06de l'action de l'État en la matière.
11:08Prévention, dissuasion, sanction.
11:10Je trouve qu'il y a toujours un truc qui manque dans notre dispositif.
11:12D'abord, parce que les législateurs
11:14passent leur temps
11:16à modifier des textes qui rendent très difficile
11:18l'action des policiers.
11:20La N°1ème réforme de la garde à vue
11:22est un élément de perturbation
11:24considérable, où magistrats et policiers
11:26disent aujourd'hui la même chose, c'est assez rare pour être souligné,
11:28c'est-à-dire que tout ça empêche
11:30les enquêtes de se dérouler.
11:32Pourquoi le font-ils ? Par volonté ?
11:34Non, je suis très souvent
11:36auditionné par des parlementaires
11:38qui sont vraiment des braves gens,
11:40mais qui semblent découvrir les effets
11:42de leurs propres textes.
11:44Parce qu'il y a, en dessous des parlementaires, autour des parlementaires,
11:46une superstructure
11:48bureaucratique
11:50qui rend le fonctionnement
11:52du système impossible, au nom des meilleurs
11:54sentiments du monde, mais
11:56sans aucune capacité à se rendre compte
11:58des effets pratiques
12:00de ce qu'ils sont en train de faire.
12:02Vous avez des policiers
12:04désespérés
12:06et des magistrats submergés.
12:08Le système ne fonctionne
12:10plus, et il ne fonctionne plus
12:12pas à cause des magistrats qui ne sont pas laxistes,
12:14ils sont lents, mais pas laxistes, pas à cause
12:16des policiers... Certains le sont, vous dites
12:18qu'il n'y a pas de magistrats... Non, on n'a jamais mis
12:20autant de gens en prison
12:22pour des peines aussi graves... Même si on vous cite
12:24des affaires avec des multirécidivistes,
12:26comme dans le cas de Grenoble, ça ne vous choque pas ?
12:28Ah si, bien sûr, mais le multirécidiviste,
12:30c'est un problème qui est... Bon, on va lui donner une première chance,
12:32puis une deuxième chance, puis une troisième chance...
12:34C'est une culture de l'excuse ou pas ?
12:36Oui, c'est vrai, mais c'est aussi une culture du remords
12:38colonial. C'est un sujet qui est
12:40aussi lié à... Oui, mais on a
12:42une espèce de sentiment que
12:44plutôt que d'expliquer assez rapidement
12:46les process d'intégration et de respect,
12:48en fait, on donne
12:50la deuxième, troisième, quatrième, cent-dix-septième chance.
12:52C'est arrivé une fois, donc je le donne en exemple.
12:54C'est rare, mais ça arrive.
12:56Et donc, on a cette immense difficulté
12:58à agir vite et bien,
13:00et donc, on est toujours dans l'alternative
13:02à la décision, en alternative
13:04à la poursuite, en alternative à la peine.
13:06Il est difficile de les appliquer,
13:08comme le démontre
13:10un certain nombre de mes collègues qui font beaucoup de travaux
13:12là-dessus. Tout ça a un coût considérable
13:14avec une efficacité faible.
13:16Et donc, c'est un problème. Mais
13:18nous ne sommes pas capables encore en France d'avoir une
13:20conférence de politique pénale où on puisse se parler
13:22sans s'insulter entre
13:24les soi-disant fascistes que sont les policiers
13:26et les soi-disant laxistes que sont les justes, qui ne sont
13:28ni l'un ni l'autre, et surtout
13:30le processus éducatif.
13:32Aujourd'hui, je suis encore
13:34en France le seul et unique professeur
13:36de criminologie du pays. J'ai 40 collègues
13:38clandestins et sans-papiers, parce que ça m'amuse de les appeler
13:40comme cela, mais franchement,
13:42ce pays mériterait
13:44d'avoir une vraie culture criminologique
13:46comme il l'a eu il y a 100 ans.
13:48Et mériterait de voir les choses en face. Je voudrais pour conclure
13:50quand même qu'on revienne sur une affaire qui a mis
13:52Alain Bauer le feu aux poudres l'an passé.
13:54C'est l'affaire dite Naël,
13:56touchée mortellement par un
13:58policier après avoir refusé
14:00d'obtempérer, s'en suivait alors plusieurs jours
14:02des meutes partout dans notre pays, avec
14:04des violences conséquentes.
14:06Selon les informations d'Europe 1 et du
14:08nouveau magazine, je le précise,
14:10JD News, qui est en casque aujourd'hui,
14:12à la lecture des procès-verbaux,
14:14la volonté de tuer de la part du policier
14:16ne transparaît pas du tout.
14:18Je lis ce qui est dit, et la version
14:20des partis civils se trouve extrêmement
14:22fragilisée.
14:24Qu'est-ce que cela vous inspire, ces nouvelles
14:26informations qui, je le précise, s'appuient
14:28sur des procès-verbaux ?
14:30Je n'ai jamais cru qu'il y avait une volonté de
14:32tuer. J'ai cru qu'il y avait des gestes techniques
14:34tout à fait inappropriés du policier qui s'est
14:36mis en danger lui-même, entre le muret,
14:38la voiture, le risque de redémarrage
14:40de la voiture qui bouscule
14:42l'angle de tir.
14:44Mais le processus initial est
14:46plein de fautes techniques que les policiers, d'ailleurs,
14:48en privé, reconnaissent eux-mêmes. Mais je n'ai jamais
14:50cru à un moment qu'il y avait une volonté de
14:52tuer. Et ensuite, la mise en scène de l'après,
14:54d'abord, ça part tout de suite, c'est souvent
14:56comme ça.
14:58Mais là aussi, ces émeutes étaient inédites
15:00parce que, partant d'un fait
15:02dramatique et tragique, la mort d'un jeune
15:04homme, qui n'aurait pas dû mourir...
15:06Nous sommes d'accord sur ce point.
15:08Elle se transforme en pillage généralisé le lendemain.
15:10D'habitude, vous avez
15:12le pillage étant un élément
15:14secondaire. Là, c'est devenu l'élément
15:16principal. Et là,
15:18vous avez un changement dans la nature même
15:20de la relation entre l'émeute
15:22qui devient la fête, avec ce
15:24moment où vous voyez, d'ailleurs, à la fois
15:26des parents qui viennent ramener leurs
15:28enfants parce qu'ils y vont. La première
15:30ligne, elle a existé. Les parents, ils n'étaient
15:32pas des missionnaires. Ils sont souvent licenciés.
15:34Mais beaucoup sont allés
15:36au contact. Et puis, cette immense
15:38difficulté qui existe aujourd'hui,
15:40de rétablir un ordre, non pas pour
15:42l'ordre, mais pour le respect
15:44et la dignité communes. Et ça, ce problème
15:46là, il relève aussi de la
15:48reconstruction de notre système éducatif, qu'on a laissé
15:50aller à volo, en laissant les enseignants
15:52seuls. D'ailleurs, beaucoup se font
15:54agresser, menacer, etc.
15:56Et donc, ce
15:58gouvernement, puisque gouvernement, il va y avoir,
16:00il a une fonction essentielle
16:02qui s'appelle le retour à l'ordre, avec un O majuscule.
16:04Que de défis. Oui.
16:06L'ordre, l'autorité.
16:08Et quand vous voyez Michel Barnier,
16:10son histoire, sa logique...
16:12Que vous connaissez bien, d'ailleurs,
16:14depuis les Jeux olympiques. Vous l'avez très bien
16:16décrit dans le JD tout court.
16:18La semaine dernière.
16:20Il a une équipe de très
16:22bonne qualité autour de lui à Matignon.
16:24Je pense qu'il y a un petit enjeu pour
16:26lui donner de l'espace pour une réussite.
16:28Important. On ne sait jamais.
16:30On n'est jamais à l'abri d'une bonne nouvelle.
16:32Merci Alain Bauer, professeur de criminologie,
16:34l'un des seuls, ou le seul, en France.
16:36Je rappelle le titre de votre
16:38livre, Au bout de l'enquête. Je vous souhaite une excellente
16:40journée. A bientôt. Merci.

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