Comment Telegram est devenu un terrain de jeu pour criminels - La chronique de Manon Mariani
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00:00Et on zoome à présent sur un homme intrigant, il est jeune, il est milliardaire et il agace.
00:04Manon, vous nous parlez non pas de Quentin Lui, mais de Pavel Durand, le co-fondateur
00:11d'un réseau social dont on parle beaucoup en cette rentrée qui fait l'objet d'une
00:14enquête édifiante.
00:15Comment Telegram est devenu un terrain de jeu pour les criminels, les extrémistes
00:19et les terroristes ? Voilà comment s'intitule l'enquête sur la messagerie cryptée Telegram
00:23qui vient de paraître dans le New York Times.
00:25Le journal a analysé plus de 3 millions de messages postés sur l'application et
00:29comme le révèle le titre, ce n'est pas beau à voir.
00:32Le timing du Times n'est pas anodin évidemment car le créateur de Telegram, Pavel Durov,
00:37a été arrêté à Paris il y a deux semaines pour 12 infractions relevant de la criminalité
00:41organisée et de la complicité de délit sur la plateforme.
00:44Il a été relâché et placé sous contrôle judiciaire.
00:48L'enquête tombe donc à pic pour nous éclairer sur ce qui est reproché à Pavel Durov.
00:52Car Telegram fait aujourd'hui partie des applications les plus téléchargées dans
00:56le monde, compte plus d'un milliard d'utilisateurs et pourtant, elle reste un mystère pour beaucoup.
01:01Qu'est-ce que révèle le New York Times alors ?
01:03Déjà, pour comprendre l'enquête, il faut comprendre le fonctionnement de Telegram et
01:07de ses canaux.
01:08Les canaux sur Telegram, ce sont des groupes de discussion sous forme de conversation.
01:12Chaque canal est créé par une personne qui a la main mise dessus, c'est elle qui poste
01:16des messages dedans, qui choisit qui peut parler, qui elle peut bannir, etc.
01:20Et il y en a pour tous les sujets.
01:22Au Brésil par exemple, 200 000 personnes sont abonnées à un canal pour recevoir des
01:25gossips sur les téléréalités du pays.
01:28Ça, c'est pour le côté sympathique, car sur les 16 000 canaux analysés par le New
01:32York Times, 1500 sont gérés par des suprémacistes d'extrême droite.
01:37Et dessus, ils ne s'échangent pas que des vidéos à la gloire de Donald Trump, ça
01:41va évidemment beaucoup plus loin, jusqu'à coordonner des attaques.
01:44Ça a par exemple été le cas du canal intitulé Terrorgram qui a servi à des néofascistes
01:50pour planifier une tuerie dans un bar LGBT, qui eu lieu à plus en Slovénie en 2022.
01:56Telegram est aussi soupçonné d'avoir largement aidé les extrémistes qui ont envahi le Capitole
02:00en 2021.
02:01Sauf que son implication est difficile à quantifier, car c'est la seule plateforme
02:06qui a décidé de ne pas collaborer avec les autorités.
02:08Bizarrement.
02:09Et qu'est-ce qu'on trouve d'autre dans cette enquête du journal New Yorker ?
02:12Les journalistes ont découvert une cinquantaine de canaux qui ne servent qu'à la vente
02:16de drogues et d'armes.
02:17Et là, pas de nom de code pour parler de bœufs ou de cocaïne, non, les dealers prennent
02:21carrément en photo leurs marchandises et la postent avec le mode d'emploi pour payer
02:26avec.
02:27Pareil pour les armes, quand même, les vendeurs utilisent des faux noms et personne ne montre
02:30son visage.
02:31Et puis, j'en avais déjà parlé l'année dernière, mais Telegram est devenue une plateforme
02:35de choix pour le Hamas, qui a par exemple posté des vidéos du massacre du 7 octobre
02:39sur ses canaux.
02:40Selon le Times, autour des 72 premières heures de la guerre, les chaînes affiliées au groupe
02:46ont posté près de 700 fois, recevant plus de 54 millions de vues.
02:51On parle de contenus d'une extrême violence, des photos, des vidéos de viols, de tueries
02:57de masse, de carnages, d'otages, encore une fois accessibles aux milliards d'utilisateurs
03:01de Telegram.
03:02Et il suffit d'avoir un compte pour accéder à tout ça librement ?
03:05Sur le papier, oui, même si pour accéder à ces canaux, il faut les connaître, car
03:08même s'il y a une barre de recherche, la plupart de ces groupes sont privés, donc
03:11il faut avoir un lien pour y entrer.
03:13Mais bon, en vérité, il suffit de fouiller un peu dans les baffons d'internet pour
03:16les trouver.
03:17Après l'attaque du 7 octobre, Apple et Google ont demandé à Telegram de modérer
03:21ses contenus, ce qu'elle a un peu fait.
03:23Je dis un peu, car les autres plateformes, elles, ont totalement banni les contenus affiliés
03:27au Hamas, alors que Telegram, non, Pavel Durov s'en est défendu, en disant que le
03:31Hamas se servait aussi de Telegram pour prévenir des civils de leurs attaques.
03:35Il n'empêche qu'encore ce mois-ci, le Hamas a utilisé Telegram pour diffuser une
03:39vidéo d'otages qui a été vue plus de 100 000 fois sur l'application.
03:43Le New York Times a donc mené une enquête de fonds qui, à mon avis, ne va pas aider
03:47la défense de Pavel Durov.
03:49Il risque jusqu'à 15 ans de prison pour les activités illégales qui se passent sur
03:53son réseau.
03:54Et s'il a souvent pris ça à la légère, il semble avoir changé son fusil d'épaule
03:57dernièrement puisqu'il a posté un message sur X, je le cite « Nous nous engageons à
04:02ce que la modération sur Telegram, actuellement critiquée, devienne une source de fierté
04:07». J'ai envie de dire, pour ça, il va falloir tout revoir.
04:10Nicolas Demorand – Ah mais je vous avais dit qu'il allait faire son mea culpa.
04:12Charline Vanhoenacker – Oui, un petit mea culpa.
04:13Il a surtout peur d'aller en prison, il me semble.
04:15Nicolas Demorand – Ah, c'est vrai que la peur d'aller en prison peut faire faire des choses.
04:17Charline Vanhoenacker – Je pense que ça joue un peu.
04:18Nicolas Demorand – C'est vrai que ça peut bouger.