Le Dr Pascal Zellner, président de l'Ifremont . Morts dans le Mont Blanc : "par mauvais temps, les conditions ne sont pas compatibles avec la vie"

  • il y a 3 jours

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00:00Avec notre invité ce matin, on va revenir sur la mort de 4 alpinistes dans le Mont-Blanc.
00:03Et on est avec le docteur Pascal Zellner, bonjour.
00:06Bonjour.
00:07Vous êtes médecin urgentiste à l'hôpital de Chambéry, président de l'IFREMONT,
00:11l'institut de formation et de recherche en médecine en montagne.
00:14Donc 4 alpinistes, 2 coréens, 2 italiens, sont faits piéger par le mauvais temps
00:18alors qu'ils effectuaient l'ascension du Mont-Blanc.
00:20Ils ont été retrouvés morts hier.
00:22Ils ont passé 3 nuits à plus de 4 000 mètres d'altitude.
00:26À cette altitude, dans ces conditions météo, il n'y avait quasiment aucune chance de survie ?
00:32Il y avait très peu de chance.
00:33Les conditions physiologiques sont très difficiles, même par beau temps.
00:38Et donc par mauvais temps, et avec du très mauvais temps,
00:41les conditions ne sont pas compatibles avec la vie, sans se protéger.
00:45Justement, qu'est-ce qu'on peut faire si on se retrouve bloqué à une altitude comme ça ?
00:49Il faut se protéger le maximum, c'est-à-dire monter un point chaud,
00:53soit creuser un igloo, un trou dans la neige, soit faire un igloo de fortune,
00:58soit monter une tente si on a un expé pour se mettre le plus à l'abri possible,
01:02surtout du vent et de l'eau.
01:04Parce que là, ils ont dû se retrouver, on ne sait pas exactement là,
01:07mais ils ont dû se retrouver dans des conditions, des températures,
01:10en ressenti, c'est vraiment glacial.
01:12Normalement, au sommet du Mont-Blanc, par beau temps,
01:14on va être entre moins 8 et moins 10 degrés.
01:17Et donc là, avec le très mauvais temps, la pression qui chute, les précipitations,
01:21le ressenti peut aller facilement jusqu'à moins 30, moins 35, moins 40.
01:26Et c'est sûr que même bien équipé,
01:29on a peu de chances de survivre à des températures
01:34identes, telles que cette température-là.
01:36Et avec l'altitude, on manque d'oxygène. Là, il se passe quoi dans notre corps ?
01:40En fait, avec l'altitude, la pression, elle baisse.
01:43Et donc, comme la pression baisse, toutes les molécules qui constituent notre atmosphère,
01:47elles vont s'éloigner les unes des autres.
01:49Donc, il va faire plus froid parce qu'il y a moins de mouvements moléculaires.
01:52Et à chaque aspiration, on va prendre moins de molécules d'oxygène.
01:55Donc, effectivement, on va manquer d'oxygène.
01:57Et comme vous le savez, l'oxygène, c'est la vie.
01:59Et l'oxygène, il est nécessaire à toutes nos fonctions physiologiques.
02:02Et donc, on va avancer moins vite.
02:04On va penser moins vite. On va se chauffer moins vite.
02:07On va tout faire dans des conditions très, très dégradées.
02:10Est-ce que ça veut dire qu'il faut se protéger avant tout ?
02:12Les extrémités, la tête, par exemple ?
02:14Surtout avant d'aller en altitude.
02:16Au-delà du cut-off à 3500 mètres d'altitude,
02:19il faut se préparer physiologiquement.
02:21Ça veut dire qu'il faut s'acclimater.
02:23Et sur un mont Blanc, nous, ce qu'on conseille toujours,
02:25si on veut bien vivre le mont Blanc, c'est de le préparer,
02:27non pas sur un week-end, mais de se préparer de week-end.
02:31Le premier week-end, la semaine d'avant,
02:33on va se faire des sommets aux alentours de 4000 mètres.
02:35Et ce qui sera acquis en termes d'adaptation au niveau de notre corps,
02:39ça nous permettra de bien vivre le mont Blanc
02:41sans trop de mâles aiguës des montagnes.
02:44La première cordée, les Italiens ont alerté les secours samedi à 18h.
02:49Finalement, ils ont été retrouvés seulement hier.
02:52En raison des conditions météo, les secours n'ont pas pu intervenir.
02:55En tout cas, ça a été entrecoupé.
02:57Vous-même, vous avez participé à des opérations comme ça de secours.
03:00Quand on est du côté secouriste,
03:03on est coincé par la météo et qu'on sait qu'on est attendu
03:05par des personnes en perdition, qu'est-ce qu'on se dit ?
03:09On fait d'abord confiance au directeur technique de l'opération,
03:13qui a toujours le dernier mot sur l'engagement des moyens techniques.
03:18Tous les montagnards, ils sont pareils.
03:19Dès qu'il y a un collègue qui est coincé là-haut,
03:22on n'a qu'une seule envie, c'est d'aller le secourir.
03:24Et après, on est toujours à balancer entre j'y vais,
03:28mais je n'y vais pas parce que sinon, moi aussi, je vais y rester.
03:31Et heureusement, ce n'est pas aux médecins de l'équipe de secours
03:34à prendre la décision, c'est vraiment à nos anges gardiens
03:37qui sont l'EPGHM, la CRS Alpes ou dans notre zone,
03:44les équipes de secours montagne des apports pompiers.
03:46C'est le directeur technique qui va décider d'engager ou pas les secours
03:52avec souvent le préfet ou le sous-préfet qui va donner son aval ou pas.
03:568h moins 10 sur France Bleu Pays de Savoie, c'est le docteur Pascal Zellner
03:59qui est notre invité, médecin urgentiste à l'hôpital de Chambéry
04:02et président de l'IFREMONT, l'Institut de formation et de recherche en médecine de montagne.
04:06Alors si vous aussi, vous avez des questions à lui poser,
04:08n'hésitez pas, vous nous appelez maintenant 0806 00 10 10.
04:12Vous pouvez aussi témoigner si vous avez connu justement une galère en montagne aujourd'hui.
04:16Quel est votre état d'esprit avant de partir en randonnée ?
04:20On vous attend ce matin 0806 00 10 10.
04:24Ces deux cordées l'a évolué sans guide.
04:27Est-ce qu'on peut penser que ça se serait passé différemment avec un guide ?
04:33C'est toujours difficile à dire.
04:35Ce qui est important, c'est lorsqu'on décide de s'engager dans les courses d'altitude,
04:39il faut être réaliste et objectif avec soi-même.
04:42Est-ce que j'ai le niveau ? Est-ce que j'ai la connaissance pour m'engager sur cette course ?
04:46Quand il fait beau ? Quand il fait mauvais ?
04:48Et c'est sûr que lorsqu'on n'a pas la connaissance du terrain
04:51ou lorsqu'on doute de ses capacités, de prendre un professionnel de la montagne,
04:55c'est un vrai plus parce que le professionnel, il va sans doute connaître la course
04:58et objectivement, il va pouvoir dire maintenant, là, tu n'es pas capable d'y aller,
05:02c'est trop dur pour toi, on va changer de course.
05:05On le disait vous-même, vous participez à des opérations.
05:08Vous avez participé il y a quelques années maintenant à ces opérations de secours.
05:12Alors heureusement, certaines se terminent bien.
05:14Je crois parmi celles qui vous ont marquées, il y a des skieurs de randonnée
05:17coincés dans la tempête du côté de Pralogne, racontez-nous.
05:20C'était il y a de nombreuses années, j'étais un jeune médecin
05:23et c'est un bon exemple parce que si je me souviens bien,
05:27c'était des skieurs de randonnée qui s'étaient perdus de mauvais temps,
05:30ils étaient coincés sous la pointe de la réchasse pour ceux qui connaissent
05:33et ils avaient réussi à fabriquer un abri de fortune et à se mettre à l'abri.
05:36Donc c'était quoi ? Ils avaient fait quoi là ?
05:38Comme vous dites, un abri de fortune, un petit igloo ?
05:41Ils avaient creusé un igloo dans une congère de neige et ils s'étaient mis à l'abri
05:45et grâce à cette technique, les équipes de secours en montagne
05:49avaient juste à venir les prendre avec l'hélico le retour du beau temps
05:54et ils avaient très peu de lésions.
05:56Pascal Zellner, médecin urgentiste à l'hôpital de Chambéry, président de l'IFREMONT,
06:01l'Institut de formation et de recherche en médecine de montagne,
06:05vous restez avec nous et puis maintenant Laurent, l'antenne est à vous.
06:08L'antenne est à vous et on parle justement de secours en montagne
06:11mais aussi de votre expérience personnelle si vous avez connu une galère en allant en haute montagne.
06:18Nous sommes avec Christine, elle est à La Rochette dans le Val Jelon.
06:21Bonjour Christine !
06:23Bonjour équipe !
06:25Alors Christine, votre point de vue justement après encore ce drame en montagne
06:28dans le massif du Mont-Blanc, qu'est-ce que vous aviez à dire vous ce matin ?
06:32Alors ce que je ne comprends pas c'est que ces personnes, même si elles étaient bien expérimentées,
06:42vu les conditions météorologiques qui étaient prévues pour le week-end,
06:47se soient lancées dans une expédition de ce type sans guide.
06:51Voilà, je ne comprends pas qu'il y ait des personnes qui réagissent de cette façon.
06:56Il y a quelques temps avec mon mari, on a fait une sortie glaciaire au râteau de la neige
07:02et le guide de Valois que nous avions pris, quand on est arrivé au pied des derniers 100 m à faire du râteau,
07:11nous a dit que les conditions météo de la nuit avaient été mauvaises,
07:14que les parois étaient gelées et qu'il ne voulait pas nous emmener jusqu'au sommet.
07:20Donc on est redescendu tranquillement avec le guide
07:22mais je pense que les gens se croient plus fort que tout le monde,
07:26qui veulent aller sur des sommets pour eux qui sont merveilleux soit,
07:35mais qui mettent à côté de ça la vie des sauveteurs en danger.
07:39Merci Christine.
07:41Et ils ne pensent pas à leur famille, enfin voilà, ça c'est mon point de vue, j'écris ce point de vue-là.
07:46Merci Christine pour votre appel.
07:49Docteur Pascal Zellner, c'est ce qu'on dit toujours, ce qui est primordial c'est de savoir renoncer.
07:55La montagne c'est l'école du renoncement, après des bêtises, on en a tous fait,
08:01du moment qu'on s'engage sur des courses un peu difficiles, on apprend de nos erreurs.
08:08Et heureusement la montagne est tolérante, la vie est tolérante, toutes nos erreurs ne sont pas fatales.
08:13Et après c'est toujours difficile de jeter la pierre à ces gens qui s'engagent et qui vont un peu plus loin que leur capacité.
08:22Il suffit de reprendre la fameuse phrase de Mallory,
08:26pourquoi vous allez sur les montagnes ? Parce qu'elles sont là.
08:29Et là on a tout résumé, on est attiré par ces montagnes,
08:33et parfois, encore à cause de l'hypoxie, parce qu'il faut savoir que peu acclimatée,
08:39on pense moins vite, on pense beaucoup moins vite, la prise de décision elle est très altérée,
08:43on va à un moment donné prendre la mauvaise décision,
08:46et parfois ça passe, et on fait un exploit, et il y a comme ça dans l'histoire de l'alpinisme,
08:53des exploits qui sont survenus juste après des conditions très difficiles.
08:57Des fois ça passe, des fois ça passe pas.
08:59J'ai envie d'ajouter, regardez le bulletin météo avant de partir, c'est peut-être le plus important.
09:02Oui, c'est sûr que ça c'est quelque chose qui a changé depuis il y a 20 ans,
09:07maintenant la météo est de plus en plus fiable, et c'est un élément auquel on a accès assez facilement.
09:13Merci Pascal Zenner.
09:14Médecin urgentiste à l'hôpital de Chambéry, président de l'IFREMONT,
09:18l'institut de formation et de recherche en médecine de montagne.
09:20Bonne journée à vous, et cette interview est à réécouter bien évidemment sur francebleu.fr.

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