Le rugby Anglais prend-il un virage HISTORIQUE ?

Sud Radio

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Transcript

00:00En avant l'écho, la chronique rugby économie de Phyllis Ponguiraud.

00:04Le rugby anglais prend-il un virage historique ?

00:06Il y a eu un accord cette semaine entre la Fédération anglaise, la RFU,

00:10et le championnat anglais et enfin le syndicat des joueurs

00:13pour former un groupe de 25 joueurs à disposition du 15 de la Rose.

00:19C'est un groupe qui serait décidé en début de chaque saison par le sélectionneur Steve Borswick.

00:24L'idée c'est que ces 25 joueurs aient une partie du salaire pris en charge par la Fédération

00:30et l'autre évidemment par les clubs.

00:32Ce serait un système qui sera en fonctionnement pendant les 8 prochaines années.

00:36Steve Borswick aura le dernier mot, je cite,

00:39sur la gestion médicale et scientifique de ces joueurs

00:42afin d'assurer, je cite à nouveau,

00:44une préparation optimale pour les rencontres internationales clés de la saison.

00:49En gros, le sélectionneur aura quasiment tous les pouvoirs sur la gestion des joueurs concernés.

00:54Est-ce un virage historique ?

00:56On va essayer de ne pas donner la réponse tout de suite,

00:59mais de donner déjà quelques points pour arriver sur cette finalité, oui ou non.

01:03Pour cela, on accueille Philippe Manguero et William Debrief.

01:06Salut William !

01:08William, dans quelques instants avec nous sur Sud Radio.

01:12Oui Philippe, pendant les 4 premières années, les clubs seront dédommagés,

01:17mais là c'est quand même quelque chose d'assez extraordinaire ce qui est en train de se passer.

01:21Est-ce que c'est un modèle nouveau ?

01:24Alors philosophiquement, non.

01:27Des fédérations qui ont la main quelque part sur les clubs directement ou indirectement,

01:32ça se fait beaucoup, c'est même ce qui est le plus répandu dans le monde du rugby.

01:36Pour une raison très simple, c'est que dans la plupart des pays,

01:38la fédération est beaucoup plus riche que ses clubs.

01:41Donc c'est elle qui tire l'économie.

01:43En France, on a un modèle un peu atypique dont je parle souvent,

01:46c'est que d'un point de vue du chiffre d'affaires,

01:48le rugby professionnel génère plus d'argent tous les ans que la fédération.

01:52Donc les rapports de force sont un peu différents.

01:55Et il y a quelques années, le rugby anglais, le rugby professionnel anglais était censé être très riche.

02:00On a vu qu'il y avait eu beaucoup de spéculations

02:02et on a vu ce que ça a entraîné récemment et ces faillites de clubs en cascade.

02:07Donc philosophiquement, ce n'est pas du tout nouveau.

02:10Aujourd'hui, l'Afrique du Sud, la Nouvelle-Zélande, l'Australie, l'Irlande, l'Écosse ont ce schéma.

02:15C'est-à-dire que la fédération a la main sur la majorité des joueurs cadres,

02:19soit en direct dans le cadre de prise en charge partielle de contrats,

02:24comme en Afrique du Sud, en Nouvelle-Zélande,

02:26soit directement en finançant les provinces, comme c'est le cas chez les pays celtes.

02:30Voilà pour l'état général.

02:32Après, ce qui est très surprenant, c'est les montants.

02:35Tu l'as dit, il y a un premier deal de 4 ans qui a été confirmé pour des montants qui sont hallucinants.

02:42Si on regarde 40 millions par saison pour co-financer 25 joueurs,

02:48parce que dans ce qu'il est dit, on entend que les joueurs seront encore partiellement pris en charge par leur employer club,

02:57ça fait plus d'un million et demi par joueur par an, juste à la charge de la fédération anglaise.

03:03Donc là, il faut se poser la question de savoir si en réalité,

03:07on n'est pas en train de trouver un prétexte du côté de la fédération pour refinancer le rugby professionnel anglais,

03:16qui était dans une situation très difficile.

03:18En tout cas, c'est un sacré chèque.

03:20Alors, évidemment, la question que je me pose, c'est un accord qui est plus axé sur le sportif ou sur l'économie de la Première Chiffre ?

03:29Parce que dans le communiqué de la fédération anglaise, c'est bien mentionné et surligné

03:34que l'idée est de rendre le 15 de la Rose plus fort.

03:37Est-ce que ça va dans ce sens-là ?

03:39Ou comme tu le disais, on a davantage un focus sur la Première Chiffre

03:43et relancer ce championnat qui est en grande perte de vitesse selon toi ?

03:47Alors, j'ai un peu répondu.

03:48Ils avaient besoin, les Anglais, de prendre des décisions fortes.

03:51Aujourd'hui, on voit qu'il y a un exode quand même de joueurs anglais assez massifs vers le championnat français.

03:56Enfin, massif par rapport aux saisons précédentes.

03:59Parce qu'aujourd'hui, les joueurs disent qu'on s'en va parce que notre championnat ne nous garantit plus la stabilité qu'on attend

04:09et le niveau sportif potentiellement aussi.

04:11Donc, on n'a pas le choix que de partir.

04:13Et donc, la fédération est embêtée et ne peut même pas dire à tous ces joueurs qui veulent partir

04:18qu'ils ne peuvent plus être sélectionnables.

04:20Parce que quelque part, ce qui se passe est de leur fait à eux.

04:23Aujourd'hui, c'est une façon d'abord de taper fort financièrement pour garder vraiment les joueurs majeurs à disposition

04:30avec une même mise de Steve Borswick sur le temps de jeu, la façon dont ces joueurs seront traités dans les clubs.

04:36Mais j'ai répondu à ta deuxième question tout à l'heure.

04:39Les montants sont sans commune mesure avec ce qui se passe partout ailleurs dans le monde.

04:43Et donc, quand on regarde ces montants, je te donne un exemple simple.

04:46Demain, un club anglais qui va fournir cinq joueurs à l'équipe nationale,

04:51il va toucher 7,5 millions par saison de la FEDE.

04:55C'est colossal.

04:58Donc, en réalité, ça revient à financer indirectement ou même directement là pour le coup,

05:06mais indirectement, philosophiquement, les gros clubs anglais qui doivent être le socle de la reconstruction.

05:12Les Anglais, aujourd'hui, ils ont entamé leur mue, ça y est.

05:15On comprend mieux avec l'annonce d'aujourd'hui aussi pourquoi ils ont décidé de vendre le naming de leur stade fétiche Twickenham.

05:26On sait que ça a été compliqué, que ça a été une information mal digérée par les puristes.

05:31Mais quand on sait aujourd'hui qu'un naming d'un stade aussi important que Twickenham,

05:36ça se monnaie entre 8 et 12 millions d'euros par an sur des périodes en plus très longues.

05:42On comprend que les Anglais ont besoin de cette somme pour assumer aussi leur ambition.

05:49Mais est-ce que la FEDE prend des risques là ? Financiers ?

05:53Non, la Fédération anglaise est très riche.

05:58Elle a les moyens de ses ambitions.

06:01On l'a dit souvent dans cette émission, elle est propriétaire de Twickenham.

06:05Et c'est une manne financière qui est assez colossale.

06:08C'est la deuxième plus grosse fédération du monde d'un point de vue des licenciés, presque 400 000 licenciés de tête.

06:14Donc le socle du rugby anglais est très sain, fédéral.

06:18Le problème, ça a été cette spéculation de son rugby professionnel.

06:21Il y a eu deux décisions qui ont tué les Anglais.

06:24La première, ça a été la volonté de geler la première chip et de spéculer sur les clubs de première chip.

06:32Et donc ça a nivelé vers le bas le niveau sportif.

06:36Et la deuxième décision, ça a été le manque de régulation du salari-cap.

06:44Ils ont essayé de contourner ça avec leur marque de player,

06:47mais ils n'ont pas réussi à le faire.

06:49Et donc ça a nivellé vers le bas le niveau sportif.

06:52Et la deuxième décision, ça a été le manque de régulation du salari-cap.

06:58Ils ont essayé de contourner ça avec leur marque de player.

07:01Ils ont été très laxistes par rapport à ça.

07:03Et on voit ce que ça a donné.

07:05Et aujourd'hui, sans faire coco-rico et sans se taper sur le ventre,

07:08on voit que les Anglais sont venus voir chez nous ce qui se passait.

07:11Et que grosso modo, toutes les grandes règles de notre ex-DNACG ont été adoptées par les Anglais

07:17qui veulent amener beaucoup de rigueur dans leur nouveau fonctionnement.

07:20Du coup, quand on voit tous ces points-là, on se dit, c'est cool d'être Steve Borswick pour le coup.

07:26Il va avoir 25 joueurs à disposition, ce qui est quand même le rêve de tout sélectionneur, j'ai l'impression, Philippe.

07:31Et puis là, il va faire comme il veut parce qu'on reparle encore une fois des montants.

07:36Mais aujourd'hui, on lui donne un chéquier, on lui donne les moyens de ses ambitions.

07:42Et c'est ce que tous les sélectionneurs veulent avoir.

07:46Mais honnêtement, la plupart des pays qui sont favoris à chacune des Coupes du Monde ont déjà ce fonctionnement-là.

07:53Les Français, on est les seuls à avoir cette problématique, mais qui s'explique assez simplement.

07:58On a un rugby professionnel qui est fort et qui a moins besoin de la fédération.

08:02Et donc, on peut entendre que l'argument financier ne suffise pas.

08:06Il y a autre chose à trouver. Il y a un modèle encore à creuser davantage du côté français.

08:12Mais quelque part, les Anglais vont rejoindre ce qui se fait dans les plus grands pays du monde du rugby.

08:17Prenons l'exemple d'un club qui va fournir des internationaux.

08:20Je pense notamment à Leicester. J'en ai un au pif, mais ça peut être les Saracens et ainsi de suite.

08:25Par exemple, les Saracens, on sait déjà que Marui Toji et Jamie George ont été...

08:29C'est les deux seuls noms pour l'instant qui sont dans cette liste de 25.

08:33Voilà, on le sait. Imagine les Saracens.

08:35Là, ils savent que leurs internationaux, il y aura un dédommagement pour chaque international.

08:42Ça va leur laisser quand même de la marge pour aller recruter des stars étrangères aussi.

08:46Ça va ouvrir de la masse salariale pour eux aussi.

08:49Donc, c'est aussi l'idée de ramener des stars en première chip.

08:53D'abord, l'idée principale, c'est d'éviter la fuite massive de joueurs.

09:02Mais dans un deuxième temps, ça peut permettre une vraie renaissance.

09:06Aujourd'hui, le championnat français est très attractif.

09:08Donc, on se retrouve avec des joueurs anglais plutôt en fin de carrière.

09:11Mais malgré tout, on voit que ce sont des joueurs qui sont toujours performants avec l'équipe nationale pour certains d'entre eux.

09:18Donc, c'est des joueurs qui sont toujours intéressants.

09:20Mais eux, ils sont partis, comme je disais tout à l'heure, parce qu'ils n'avaient pas le choix.

09:23Et en plus, la France est intéressante pour eux parce qu'à l'issue de ce dernier contrat, il y a deux ans de chômage.

09:30En Angleterre, six mois après, il n'y a plus rien.

09:34Donc, il y a des choix d'après carrière aussi qui se posent pour ces joueurs-là en France.

09:38Donc, il fallait côté anglais empêcher ça.

09:41Et ensuite, je pense que la deuxième étape, ça va être de retrouver de la raison.

09:45Plutôt que d'aller casser la tirelire sur des gros joueurs mondiaux, d'abord, ça va être de remettre à flot les comptes.

09:52Parce que tous les clubs sont dans le rouge à des niveaux d'endettement qui sont très, très supérieurs au rugby français.

09:58Donc, je pense que la volonté de la Fédération anglaise et Henghoff, ils ont dû le préciser.

10:03Cet argent, il sert à stabiliser une économie.

10:06Si c'est pour tout de suite repartir dans une fuite en avant qu'on a connue, c'est absurde.

10:11Dans un second temps, par contre, on peut imaginer qu'il y a une petite renaissance en tout cas

10:16et qu'il y ait des stars qui rejoignent à nouveau ce championnat anglais.

10:19Oui, mais pour l'instant, ils ont des droits de télé qui sont trois ou quatre fois moins élevés que le rugby français.

10:24Un sponsoring moyen qui est deux fois inférieur au rugby français.

10:28Donc, ils ont une période de reconstruction qui va être quand même très longue avant de se projeter là-dedans.

10:33Philippe, et je salue William.

10:35Salut William, du côté de Brive.

10:37Oui, bonsoir à tous.

10:39La question que je vous pose au regard de tout ça.

10:42Philippe, une réponse courte avant d'aller vers William.

10:45Est-ce donc un virage historique pour le rugby anglais ?

10:48Oui.

10:50Pour tous ces points-là, tu t'attendais à un tel accord ?

10:54Tu as été surpris de cet accord ?

10:56Oui.

10:58William, c'est très court et on sent la clarté dans ton propos.

11:05Toi William, qui suis le rugby anglais, tu es impressionné par cette décision ?

11:11Ce qui est déjà historique, c'est un anglais qui se remet en question.

11:15C'est déjà une décision historique de voir ça.

11:19Et un historique sur le système parce que Philippe était hyper clair sur toutes les fédérations qui bossent déjà comme ça.

11:25Maintenant, ils ont eu un échec.

11:27Je pense qu'on s'en rend compte cinq ans après.

11:30Au final, un coup du monde 2019 a mis un coup d'arrêt énorme.

11:33C'était une équipe qui se préparait pour être champion du monde.

11:36Les mecs, pendant quatre ans, ils se sont levés champion du monde.

11:38Je pense que cette défaite en finale a mis du temps à digérer.

11:42William, est-ce que là, tu es surpris ? Est-ce que c'est un virage historique selon toi ? Allons droit au but.

11:48Historique, oui, parce qu'ils ont pris vraiment une très grosse décision.

11:52Une très grosse décision.

11:54Est-ce que selon toi, Philippe, ça va changer la face du rugby anglais dans les prochaines années ?

12:00Oui, clairement, parce que c'est un moyen indirect pour la fédération de reprendre la main sur le rugby professionnel,

12:06de l'assainir et d'injecter de l'argent de façon massive.

12:10Les Anglais vont redevenir beaucoup plus compétitifs et des vrais concurrents potentiellement à des gros clubs français pour des gros joueurs,

12:16comme tu disais tout à l'heure, en tant qu'eux.

12:18Ils vont redevenir beaucoup plus attractifs.

12:21Pour moi, ils vont revenir assez vite au niveau auquel ils étaient au début des années 2000,

12:25quand beaucoup de grands joueurs mondiaux voulaient aller dans ces clubs anglais

12:28parce que c'était une sorte d'eldorado avec la France, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui.

12:33C'est Dee Jones qui doit avoir les boules.

12:36Dee Jones, il a mal géré son mandat.

12:39Et là, quand même, toi, William, qui est aussi coach,

12:43tu n'es peut-être pas sélectionnant de l'Angleterre,

12:45mais quand même, tu imagines la puissance de Steve Borswick aujourd'hui ?

12:49Par contre, s'ils voulaient faire des économies, ils peuvent me prendre parce que je suis moins cher.

12:53Oui, William est moins cher. Enfin, un peu moins cher.

12:56Après, entre nous, Borswick a mérité ce statut.

13:01Il est arrivé dans une situation catastrophique qu'il a réussi à faire à la Coupe du Monde,

13:07qui a redonné une dynamique.

13:09Personne ne pariait sur une Angleterre à ce niveau-là.

13:14Et donc, quelque part, Borswick a montré qu'il était capable de mener ce projet.

13:18Et on lui a laissé les clés du camion.

13:20Et en tous les cas, maintenant, par contre, la pression est sur ses épaules

13:23parce qu'il a des moyens que personne n'aurait oubliés.

13:26C'est clair. Merci beaucoup, Philippe.

13:29C'était passionnant.

13:31Si vous nous rejoignez seulement maintenant,

13:33la chronique de Philippe Spanguero est à retrouver sur YouTube

13:35avec les meilleurs extraits sur les réseaux sociaux de Sud Radio Rugby.

13:38Philippe, je veux ton grand pronostic du soir.

13:41Grenoble face à Aix-en-Provence ce soir à 21h. Qui va s'imposer ?

13:44Honnêtement, ce Pro D2 est terrible.

13:47Non, arrête ! Avec ce Pro D2, il fait exprès. Il me tend.

13:53Franchement, je regardais les affiches du soir,

13:56ce qui s'est passé déjà la semaine dernière et hier.

13:59Il y a vraiment des équipes qui ont franchi un palier.

14:03Angoulême, ses équipes, même Valence-Romain,

14:07qui a déjà fait une bonne saison.

14:09Dax, c'est d'une densité terrible,

14:11donc il va y avoir des coups à l'extérieur tous les week-ends.

14:14On a déjà vu le BO hier à Béziers.

14:17Quel match ! Quel super match !

14:21Je mets une tête sur Grenoble ce soir.

14:24Du coup, tu as fait tout un raisonnement sur la victoire à l'extérieur

14:28pour donner une victoire à domicile ce soir de Grenoble.

14:31C'est grandiose, c'est magnifique.

14:34William, je te propose de rester avec nous.

14:36C'est l'heure du contre-pied.

14:38Je me suis fait avoir.

14:39William, tu restes avec nous pour commencer ce multiplex.

14:42Tu vas jouer aux Consultants dans quelques instants.

14:44Allez, à tout de suite.

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