Enquête Exclusive : Istanbul, la ville aux deux visages

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Le documentaire "Enquête Exclusive : Istanbul, la ville aux deux visages" présente un portrait contrasté de la plus grande ville de Turquie :
Une ville de contrastes

Istanbul est décrite comme une ville de paradoxes, à cheval entre l'Europe et l'Asie.
Elle incarne les contrastes de la Turquie moderne : ouverte mais conservatrice, riche mais touchée par l'inflation.

L'influence d'Erdogan

Le président Erdogan, au pouvoir depuis 20 ans, cherche à réislamiser le pays.
Il promeut des sports traditionnels comme la lutte à l'huile.
L'industrie des séries télévisées est utilisée pour glorifier l'Empire ottoman.

Changements culturels

Les centres commerciaux dédiés à la mode islamique se multiplient.
De nouveaux touristes du Moyen-Orient sont attirés par cette évolution.
Parallèlement, les bars et boîtes de nuit tendent à disparaître.

Résistance des habitants

Malgré les restrictions, certains Stambouliotes résistent :
La Gay Pride s'organise clandestinement.
Les stades de football restent des lieux de fête et de passion.

Aspects économiques et touristiques

Istanbul attire de plus en plus de touristes, notamment du Moyen-Orient.
La ville fait face à des défis économiques, notamment une forte inflation.

Ce documentaire, diffusé le 25 août 2024 sur M6, offre ainsi un aperçu des multiples facettes d'Istanbul, entre tradition et modernité, conservatisme et ouverture, illustrant les transformations profondes que connaît la Turquie sous le gouvernement d'Erdogan.

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00:00:00C'est le
00:00:27chapeau traditionnel des Ottomans, mais moi j'aimerais que tous les Turcs commencent
00:00:31à le porter.
00:00:32Je veux, grâce à Dieu, ré-islamiser la nouvelle génération.
00:00:38J'ai choisi de faire de la lutte à l'huile parce que c'est à la fois le sport de nos
00:00:52ancêtres et celui de notre prophète.
00:00:54Lui, c'est un peu notre Mbappé.
00:00:58Bonsoir et bienvenue dans le Quai d'Exclusif qui vous fait découvrir ce soir une ville
00:01:05multiculturelle par excellence.
00:01:07Il s'agit d'Istanbul en Turquie, une ville à cheval entre deux continents, l'Europe
00:01:12et l'Asie.
00:01:13Une ville qui est écartelée entre deux cultures, celle de l'Orient et celle de l'Occident.
00:01:18D'un côté, une ville moderne, libre, entreprenante, qui ose, et de l'autre, une ville tournée
00:01:24vers sa splendeur passée du fait de la politique du président Erdogan qui est au pouvoir depuis
00:01:2920 ans et qui rêve d'un nouveau roman national.
00:01:32Il le fait à travers des séries, des films historiques, mais aussi des sports, des traditions
00:01:39que l'on croyait à jamais révolues.
00:01:41Mais vous allez voir qu'il y a aussi des Stambouliottes qui résistent, notamment à
00:01:45travers l'organisation de la Gay Pride qui est à peine tolérée par le régime, sinon
00:01:49réprimée.
00:01:50Pour Enquête Exclusive, Laetitia Kretz est partie à la découverte de cette ville aux
00:01:54multiples visages.
00:01:55Istanbul, la ville des contrastes et des paradoxes, c'est un document signé Laetitia Kretz pour
00:02:02Nova Prod et Enquête Exclusive.
00:02:04Istanbul, une immense ville entre Orient et Occident, l'une des plus peuplées au monde,
00:02:14avec ses 20 millions d'habitants.
00:02:15Alors chaque matin, c'est le chaos.
00:02:19Il est 6 heures et beaucoup de Stambouliottes doivent passer de l'Asie à l'Europe pour
00:02:25aller travailler.
00:02:26Car Istanbul est la seule ville au monde à cheval entre deux continents.
00:02:31Il faut prendre le pont ou passer par le détroit du Bosphore.
00:02:35Le trafic est intense.
00:02:38Chaque jour, 52 000 personnes prennent le bateau.
00:02:41Mais j'ai rencontré un groupe de têtes brûlées qui a trouvé la parade pour éviter
00:02:47le trafic.
00:02:48Ce reportage à Istanbul promet de belles surprises.
00:02:52Mes amis, mes amis, nous devons entrer dans l'eau d'ici quatre minutes.
00:02:59Après six heures, il y aura trop de trafic sur le Bosphore.
00:03:04Nous devons éviter les bateaux.
00:03:06Nous allons nous échauffer tout de suite et hop, dans l'eau.
00:03:11Il faut éviter le trafic à Istanbul.
00:03:19Il y a vraiment trop de gens après 7 heures du matin.
00:03:23Alors qu'en passant par le Bosphore, ça ne prend que quelques minutes.
00:03:28Nager pour se rendre au travail sans s'infliger la foule et les bouchons.
00:03:35Ces hommes font quelque chose de complètement illégal.
00:03:40Ils sont fous.
00:03:41Ils sont fous.
00:03:42Ils vont quand même perdre deux kilomètres à la nage au milieu des bateaux, dans une
00:03:46eau glacée.
00:03:47Les vêtements sont entassés dans des sacs étanches sur la rive asiatique.
00:03:53Et de l'autre côté, sur la rive européenne, chacun pourra s'habiller et se rendre au
00:03:59travail à pied.
00:04:00Moi, je suis professeur, lui, il fait des baccalavats, lui, il est imprimeur, lui, il
00:04:09est coach sportif et lui, il est joyeux.
00:04:11C'est incroyable.
00:04:12Ils font tous les métiers du monde.
00:04:13La traversée est dangereuse, mais les nageurs sont clairement boostés à l'adrénaline.
00:04:19Ils ont même le droit aux encouragements des passantes.
00:04:23Ils ont raison, c'est beau, si je le pouvais, j'irais nager moi aussi.
00:04:31J'étais tentée de les accompagner.
00:04:39Mais pour une novice, c'est bien trop risqué.
00:04:45Il va falloir rester concentré.
00:04:56Les nageurs sont portés par un courant de 9 nœuds, soit 16 km heure.
00:05:01Mais il faut savoir s'arrêter aux bonnes distances pour ne pas être aspiré par les
00:05:06navires.
00:05:07Avec l'habitude, c'est devenu une balade de santé pour ces amis qui atteignent le
00:05:21continent européen, 25 minutes plus tard, avec le sourire.
00:05:25Vive la Turquie!
00:05:29De mon côté, j'ai eu beau foncer en taxi bien avant l'heure de pointe.
00:05:36Ils m'ont donné un point GPS, c'est millimétré leur truc.
00:05:42Je suis arrivée bien après eux.
00:05:46Mais juste à temps pour les baklava, transportés dans un sac étanche par Mermet, le chef pâtissier.
00:06:01Un baklava comme ça, tu n'en trouveras nulle part ailleurs dans le monde.
00:06:07Ils sont de plus en plus nombreux à tenter l'aventure à la nage.
00:06:15Nous croisons d'ailleurs par hasard un autre groupe qui longe la côte pour aller un peu
00:06:19plus loin.
00:06:20Passer de l'Asie à l'Europe, tout un symbole.
00:06:27Et les Turcs le font quotidiennement.
00:06:30Mais comme pour tout dans cette ville aux mille visages, ici, chacun sa combine.
00:06:37Contourner les règles pour toujours rester libre, c'est la spécialité à Istanbul.
00:06:49Il faut amener la paix dans le monde en mangeant des douceurs.
00:06:52Alors que le pouvoir prône une politique nationaliste et religieuse, en exhumant les
00:06:58fiertés ottomanes, j'ai rencontré d'Istanbuliotes qui m'ont raconté autre chose.
00:07:07Une ville ancestrale, certes, mais aussi gourmande, moderne et qui produit même des
00:07:22séries pour le monde entier.
00:07:24On fait un travail très important pour notre pays qui peut changer les mentalités.
00:07:33J'ai découvert d'Istanbuliotes qui résistent, dans les stades de football, en mettant des
00:07:45vêtements sexys, ou simplement en prenant la parole, comme Barbaros Sansal.
00:07:55Quand ils me mettent en prison, ils me placent à l'isolement, car ils savent que je pourrais
00:07:59démarrer une révolution là-dedans.
00:08:00Que devient Istanbul, la dissidente, après 20 ans de règne, de récepte à Hyperdogane ?
00:08:07Je suis prêt à mourir en martyr pour le peuple turc.
00:08:11Escapade dans une ville millénaire qui n'en finit pas de résister.
00:08:17Il y a la police en civil qui arrive, il commence à se disperser.
00:08:22Pour découvrir une ville, il faut toujours commencer par regarder ce qu'on y mange.
00:08:29Pourquoi ils sont là ?
00:08:39On va les manger bientôt.
00:08:43Istanbul est un cauchemar pour les végétariens.
00:08:47Tout de suite, on a beaucoup moins faim, en fait.
00:08:51C'est un guide gastronomique turc passionné.
00:08:57Les petits agneaux qui sont là, c'est pour la bouchée ?
00:09:02Ça appartient aux bouchées, oui.
00:09:03Ils appartiennent aux bouchées ?
00:09:04Oui, oui, oui.
00:09:05Ils ont un abattoir derrière.
00:09:06Ah, ils ont un abattoir derrière.
00:09:07Ici, pour s'assurer que la viande est fraîche, on aime voir la bête avant de la manger.
00:09:17Mais les agneaux peuvent aussi être utilisés pour autre chose.
00:09:21Et je peux t'en offrir, si tu veux.
00:09:24C'est plus ou moins une demande pour une date.
00:09:27Donc là, il vient de me draguer.
00:09:29Voilà, il veut se draguer.
00:09:31Quand on se drague, on se propose un agneau.
00:09:34Un agneau ou deux, ça dépend.
00:09:36Deux agneaux, c'est qu'on a vraiment besoin d'un.
00:09:37C'est encore plus fort, oui.
00:09:38Des boucheries, il y en a presque autant que des kebabs à Istanbul.
00:09:45Junaid m'emmène dans la gargote la plus célèbre de la vieille ville, à Fatih.
00:09:53Donc ici, ils font que de l'agneau ?
00:09:55Que de l'agneau, mais l'agneau de lait, très jeune.
00:09:57L'agneau de lait, d'accord.
00:09:59J'ai l'impression que tu n'as jamais goûté ça.
00:10:01Tu veux goûter ?
00:10:02Oui, absolument.
00:10:08Le secret d'un bon kebab réside dans la technique de cuisson.
00:10:14Ah oui, c'est une tuerie.
00:10:16C'est délicieux.
00:10:17Tu vois, on voit, c'est hyper craquant à l'extérieur.
00:10:21Et quand tu le retournes, là, c'est tout tendre.
00:10:25En fait, ils ne la servent pas comme ça, l'agneau.
00:10:28C'est la cuisse d'abord ici, et après, il la recuit.
00:10:33Cuite et recuite sur l'aiguille, plus besoin de fioriture, ou presque.
00:10:43C'est surtout parce qu'on les fait avec amour.
00:10:47C'est l'amour qui donne ce goût-là ?
00:10:52Et pour ceux qui veulent tester à l'européenne dans un sandwich, voici les recommandations.
00:10:57On prend un durum, quelques oignons avec du sumac, un mélange tomate-poivron, et c'est tout.
00:11:04Évidemment, sauce blanche interdite.
00:11:12Ça n'a rien à voir avec les kebabs qu'on a en France, en fait.
00:11:18Merci beaucoup. Au revoir.
00:11:24À Istanbul, on ne jure que par la nourriture.
00:11:28Entre les fromages et les sucreries, il vaut mieux être résistant.
00:11:37C'est bon, c'est bon.
00:11:39J'en peux plus, j'ai trop mangé.
00:11:41Mais c'est impossible de refuser parce que les gens sont tous plus sympas les uns que les autres.
00:11:47Restaurants, marchés locaux, bazar aux épices, la ville regorge de possibilités.
00:11:55Le seul problème, c'est que le prix de ces produits, autrefois bon marché, a explosé.
00:12:00La crise économique a plongé le pays dans la misère.
00:12:04Junaid va m'emmener chez lui pour me le prouver.
00:12:09On vient d'acheter...
00:12:10Toi, tu continues à t'offrir de la viande.
00:12:12Oui, ça, c'est du veau coupé en petits morceaux.
00:12:16On fait ça rarement parce qu'on n'arrive pas à suivre le prix de la viande.
00:12:23Là, ça coûte, le kilogramme, 820 liras actuellement.
00:12:29D'accord.
00:12:30Et regardons un vieux reçu il y a 5 mois.
00:12:36Il y a 5 mois, oui, c'était il n'y a pas très longtemps, ça.
00:12:39Il était à 540.
00:12:42Donc de 540 à 820.
00:12:45Presque le double.
00:12:47Pas tout à fait le double, mais de 15 à 24 euros tout de même.
00:12:51Depuis 5 ans, les Turcs subissent 70% d'inflation en moyenne chaque année.
00:12:56Et c'est vrai pour le veau, mais c'est vrai pour les couches, pour le loyer.
00:13:01Pour le loyer, pour le transport.
00:13:05On doit calculer tout au minimum.
00:13:08C'est un grand luxe aussi, pour sortir, boire un coup à l'extérieur.
00:13:13C'est beaucoup plus rare.
00:13:15C'est quelque chose qui change complètement le visage de la ville, en fait, à force.
00:13:20Oui.
00:13:22C'est pas évident de suivre, toujours.
00:13:27Tout est bon.
00:13:35Cecilia, la femme de Junaid, est professeure d'anglais à l'université.
00:13:39Depuis son arrivée il y a 10 ans, son revenu a été divisé par 3.
00:13:47À un moment donné, pendant le confinement, mon salaire est descendu à 750 euros par mois,
00:13:52alors que je travaille dans l'une des meilleures universités du pays.
00:13:58Oui, on a eu des moments difficiles, mais on ne s'est pas laissés abattre.
00:14:02Mais, malgré tout ça, je choisirais quand même Istanbul, plutôt que l'Angleterre.
00:14:08Il y a une façon de vivre, de manger, d'être ici, qu'il n'y a pas en Angleterre.
00:14:15Et si tu vis comme ça, ici, ça n'a pas de prix.
00:14:21Même Junaid et Cecilia, qui ont de bons revenus, doivent se serrer la ceinture.
00:14:27Ailleurs à Istanbul, la misère est visible.
00:14:30Un tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté.
00:14:34De quoi nourrir la colère des Turcs.
00:14:37Car à l'origine de l'inflation,
00:14:41il y a cet homme, Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir depuis plus de 20 ans.
00:14:47C'est lui qui a réduit l'indépendance de la Banque centrale.
00:14:50Mais pour lui, le désastre économique n'est pas le sujet.
00:14:54Il ne parle que nationalisme et religion.
00:15:00Vous allez ré-islamiser la nouvelle génération.
00:15:05Si nous parvenons à ce but, alors il n'y aura plus un seul drogué dans les rues.
00:15:12Erdogan exalte aussi les racines ottomanes du pays.
00:15:17Car cette histoire-là a de quoi flatter ses rêves de grandeur.
00:15:21L'Empire ottoman est né au XIVe siècle.
00:15:25Des tribus nomades d'Asie centrale parviennent alors à repousser les Byzantins,
00:15:30les gréco-romains qui les occupaient.
00:15:33Et ils ne se sont pas arrêtés là.
00:15:35L'Empire ottoman a ensuite régné pendant plus de 6 siècles sur une bonne partie de l'Europe.
00:15:40Mais aussi le Moyen-Orient, l'Asie et même l'Afrique du Nord.
00:15:45Attention, ce passé glorieux a une part d'ombre que le pouvoir ne raconte pas.
00:15:50L'Empire ottoman a aussi persécuté toutes ses minorités.
00:15:54Et a même fini par commettre un génocide sur le peuple arménien.
00:15:58L'histoire est réécrite par le président Erdogan.
00:16:02Et l'Empire ottoman réhabilité.
00:16:06Les disciplines les plus folkloriques sont à nouveau à l'avant de la scène.
00:16:10Comme dans ce clip, où on voit un club de Djirit.
00:16:14Des cavaliers qui poussent des cris de guerre, javelots à la main.
00:16:21Mais encore plus populaire, et plus virile,
00:16:25il y a la lutte turque, qu'on appelle ici la lutte à l'huile.
00:16:29Interdite aux femmes, évidemment.
00:16:32Nous sommes dans un grand stade d'Istanbul,
00:16:34pour un championnat de qualification avant la plus grande compétition de l'année.
00:16:50Ce sport, ultra-nationaliste, a des règles plutôt étonnantes.
00:16:55Les combattants sont des garçons torse nus,
00:16:58portant un pantalon en peau de buffle, qui n'a pas l'air très confortable.
00:17:03Quand on les achète neufs, c'est impossible de les enfiler.
00:17:06Le cuir est trop raide.
00:17:08Alors il faut les laisser baigner dans l'huile pendant 3 ou 4 jours,
00:17:11avant de pouvoir les mettre.
00:17:14Tout le corps est enduit d'huile alimentaire.
00:17:20Ce qui rend les prises difficiles.
00:17:24Le combat est glissant.
00:17:29Alors on est autorisé à aller chercher un point d'accroche
00:17:32à l'intérieur du pantalon de l'adversaire.
00:17:36L'objectif ?
00:17:38Renverser l'autre combattant en lui mettant la tête en bas.
00:17:41Les jambes, elles, doivent être étendues au sol.
00:17:48La lutte est une discipline qui se transmet entre hommes,
00:17:51dès le plus jeune âge.
00:17:58Mais le sout' on essaie !
00:18:03A Istanbul, on peut participer à un championnat à partir de 8 ans.
00:18:10Moi j'ai gagné, je l'ai pris la jambe comme ça et je l'ai mis à terre.
00:18:15Objectif ? Faire de ces jeunes garçons des hommes.
00:18:18Alors les papas ne sont pas tendres.
00:18:23Qu'est-ce que tu fous ? Pourquoi tu vas pas au bout ?
00:18:26Tu l'attrapes par le pantalon et tu le mets au sol.
00:18:31C'est simple, tu le retournes et tu l'écrases.
00:18:35Et les fils, un peu sous pression.
00:18:38Comme Bayram, 15 ans, qui vient d'une famille de champions.
00:18:45J'ai voulu essayer la lutte à l'huile parce que c'est à la fois
00:18:48le sport de nos ancêtres et celui de notre prophète.
00:18:51Mon père, mon grand-père, mes oncles ont pratiqué eux aussi.
00:18:54Et maintenant, c'est notre tour.
00:18:57D'ailleurs, Bayram s'entraîne plusieurs fois par semaine avec son équipe.
00:19:01Nous le retrouvons à côté de ce grand stade de 3500 places, dédié à la lutte.
00:19:08Bon, forcément il y a des pubs pour l'huile partout ici.
00:19:14Le groupe de jeunes travaille différentes techniques.
00:19:18Sous le regard sans pitié du coach Tensa Lurel.
00:19:22Grand champion à la retraite, quelque peu intimidant.
00:19:271m94.
00:19:30J'ai l'air petite quand je suis à côté de lui ou pas ?
00:19:33140 kg et des centaines de combats à son actif.
00:19:38Ce n'est pas facile pour Bayram.
00:19:41Car sa famille et son coach ont beaucoup d'attentes.
00:19:44Il y a des champions dans mon groupe.
00:19:46Lui par exemple, il a fini premier la dernière fois.
00:19:48Aydan, viens par là !
00:19:50D'ailleurs, le frère de Bayram est déjà une célébrité.
00:19:54Lui, c'est notre Mbappé.
00:19:58On a rencontré le Mbappé turc.
00:20:00Ce qui fait de la butte avec le corps plein d'huile.
00:20:05Mais la vraie célébrité, c'est Khalil.
00:20:08Qui s'occupe de faire les annonces de combats.
00:20:12Un genre d'incantation pour gladiateurs.
00:20:15Version ottomane.
00:20:19Il m'apprend aussi la chorégraphie obligatoire de débuts de combats.
00:20:28Le but ?
00:20:30Intimider l'adversaire.
00:20:32Notamment avec de l'huile.
00:20:35Le but ?
00:20:36Intimider l'adversaire.
00:20:38Notamment avec les yeux.
00:20:45C'est quoi ça ?
00:20:46Tu m'as trouvé impressionnante ou pas ?
00:20:50Un peu ?
00:20:51Un tout petit peu.
00:20:53Nous en rigolons.
00:20:55Mais ce sport peut être douloureux.
00:20:57Au soleil, l'huile brûle la peau.
00:20:59Et quand elle coule dans les yeux,
00:21:01c'est un enfer.
00:21:03Heureusement, les lutteurs peuvent compter sur le soutien du fan club.
00:21:07Bon courage les gars !
00:21:09Vous avez pris de l'huile d'olive aujourd'hui ?
00:21:12Les hommes turcs sont les hommes les plus forts du monde ?
00:21:15Bien sûr !
00:21:19Chaque pays pense que son homme est le plus fort.
00:21:21Mais on ne va pas se mentir.
00:21:23Ce sont les Turcs les plus forts.
00:21:25C'est grâce à la religion qu'ils sont comme ça.
00:21:27C'est la foi et la peur de Dieu qui leur donnent la puissance.
00:21:32Derrière le folklore, la politique n'est pas loin.
00:21:35Des hommes forts grâce à la religion.
00:21:37Cette femme cite en fait précisément un discours nationaliste d'Erdogan.
00:21:42La lutte turque devient un symbole patriote.
00:21:45Elle obtient des financements.
00:21:47Elle est la plus importante.
00:21:49Elle est la plus importante.
00:21:51La lutte turque devient un symbole patriote.
00:21:53Elle obtient les financements, les statues et les honneurs.
00:21:57Une manière douce d'écrire le roman national.
00:22:03Mais ces stratégies ne se cantonnent pas au sport.
00:22:09Dans les rues, on cultive la nostalgie de l'empire ottoman.
00:22:17Je m'en suis vite rendu compte.
00:22:22On a atterri dans un endroit bizarre.
00:22:27Istanbul, c'est une aventure tous les jours.
00:22:32Chaque année, à la fin du mois de mai,
00:22:34les conservateurs fêtent la prise de Constantinople.
00:22:37Istanbul a une histoire passionnante.
00:22:40Elle a été la capitale de l'empire romain d'Orient
00:22:42et s'appelait alors Byzance.
00:22:44Puis les ottomans l'ont prise et renommée Constantinople.
00:22:49La ville sera rebaptisée Istanbul bien plus tard, en 1930.
00:22:56En fait, on fête le jour où l'ancienne capitale chrétienne
00:23:00est devenue Istanbul, la ville telle qu'on la connaît aujourd'hui,
00:23:04qui est donc devenue une ville musulmane.
00:23:06Ils ont des habits d'époque.
00:23:08Il y a un petit garçon juste à côté qui a une tenue des forces spéciales.
00:23:20Là, clairement, ici, tous les gens qui sont là sont des gens qui soutiennent le pouvoir.
00:23:25Mais ce retour aux racines, prôné par le pouvoir, est relativement récent.
00:23:30Certains partisans ont l'air encore entre deux eaux.
00:23:39C'est le chapeau traditionnel des ottomans.
00:23:42Malheureusement, on ne le porte plus,
00:23:44mais moi, j'aimerais que tous les Turcs recommencent à le porter.
00:23:52Pourquoi ?
00:23:54Parce que c'est chic.
00:23:59Aujourd'hui, nous ne portons plus nos habits traditionnels.
00:24:02Nous portons les vêtements des Anglais et j'essaie de changer ça.
00:24:06En même temps, vous portez un costume anglais vous-même.
00:24:09Oui, vous avez tout à fait raison.
00:24:14Mais quand on porte un costume traditionnel comme mes amis là-bas,
00:24:18tout le monde pense que je suis déguisé.
00:24:27Le rendez-vous pour ce défilé était devant une mosquée.
00:24:30Et les drapeaux turcs se mêlent aux symboles religieux.
00:24:36La fierté et l'indifférence
00:24:42Depuis que Erdogan est au pouvoir,
00:24:44quelque chose de très frappant,
00:24:46c'est que la ferveur nationaliste
00:24:48est presque toujours associée à la religion.
00:24:51Et là, on voit qu'il y a beaucoup de gens qui sont très religieux.
00:24:59L'AKP, le parti du président Erdogan,
00:25:02Assume de vouloir ré-islamiser le pays en ressuscitant les racines ottomanes.
00:25:08Et la stratégie est incroyablement efficace.
00:25:12Le parti maîtrise même les divertissements de ses citoyens.
00:25:16Je m'en suis rendu compte dans mon hôtel.
00:25:20Avec Aymen le réceptionniste qui passe ses journées devant des séries de la télévision nationale turque.
00:25:26Tout le monde regarde des séries dans les magasins, dans les hôtels ici.
00:25:34Evidemment. En ce moment, il y en a une super sur la vie du sultan Mehmet à la télévision turque.
00:25:40C'est votre préféré ?
00:25:43Non, pas trop. Ma préférée c'est... Comment il s'appelait déjà ?
00:25:48Abdulhamid.
00:25:52Tous les jeudis, la vie s'arrêtait.
00:25:57Il y en a une autre qui s'appelle Ousmane.
00:26:02Elle passe juste après.
00:26:04Il y en a 50 des séries sur empire ottoman.
00:26:09Il faut regarder la télé nationale pour les séries historiques.
00:26:14En général dans ces séries, les méchants sont les croisés.
00:26:19C'est les européens.
00:26:22Raconter les gentils et les méchants à travers les fictions.
00:26:26Une opération de communication efficace partie d'une polémique il y a 10 ans avec le siècle magnifique.
00:26:32Une série pas du tout produite par l'état.
00:26:36On y voyait Soliman, le plus grand sultan ottoman.
00:26:41Je suis Soliman le magnifique.
00:26:44Boire de l'alcool et enchaîner les intrigues amoureuses dans son harem.
00:26:52Tu peux sortir maintenant.
00:26:54Inacceptable pour Recep Tayyip Erdogan.
00:27:00Ce n'est pas ça Soliman le magnifique.
00:27:04Au nom du peuple, je condamne ces producteurs de séries
00:27:08et les propriétaires de ces chaînes de télévision.
00:27:12Et s'ils s'entêtent malgré nos avertissements,
00:27:15nous attendrons de la justice qu'elles réagissent de manière appropriée.
00:27:21Depuis, Erdogan contrôle de près les fictions.
00:27:25La télévision nationale produit elle-même des dizaines de séries à la gloire de la Turquie.
00:27:30Sans sexe, ni baiser, ni alcool.
00:27:34Et avec des musulmans en héros honorables.
00:27:37C'est un énorme carton à l'étranger,
00:27:40notamment dans les pays du Moyen-Orient et du Maghreb.
00:27:43La Turquie est même devenue le deuxième producteur de séries au monde,
00:27:47derrière les Etats-Unis.
00:27:53À Istanbul, sur la rive asiatique,
00:27:56dans le quartier très tranquille de Beykoz, au bord de l'eau,
00:28:00il y a un immense domaine réservé aux studios stambouliottes.
00:28:07C'est un quartier super calme, avec beaucoup d'espace,
00:28:10et c'est ici que les studios de séries se trouvent.
00:28:26Voiturette obligatoire pour parcourir les 8,5 hectares de terrain.
00:28:32On se croirait à Hollywood, version turque.
00:28:38Immense hangar, décors d'époque,
00:28:41un fabuleux terrain de jeu.
00:28:44C'est immense.
00:28:46Donc là, on est dans une ville déserte.
00:28:49Tu veux qu'on y aille ? Il y a une clé.
00:28:57Eh ben non !
00:28:59Je ne suis pas là pour fouiller les décors,
00:29:02mais pour le tournage d'une nouvelle grande série qui dérange le pouvoir.
00:29:06Car il reste tout de même un peu de liberté,
00:29:09et certaines chaînes privées s'autorisent à produire des histoires
00:29:12un peu subversives qui se passent aujourd'hui.
00:29:15Comme les bourgeons rouges.
00:29:18Une histoire d'amour transgressive qui cartonne,
00:29:21où une femme très religieuse s'échappe de sa communauté
00:29:25et tombe amoureuse d'un laïc.
00:29:36Il y a la police qui fait une descente dans une confrérie religieuse.
00:29:39Ah ok, la police va arrêter un religieux ?
00:29:42Et pourquoi elle arrête le religieux ?
00:29:44Je ne peux pas vous dire, c'est top secret.
00:29:47Ce qu'il faut savoir, c'est que c'est quand même la série
00:29:50la plus regardée en Turquie encore en ce moment.
00:29:53Donc ils font quand même très attention au scénario.
00:29:56On a de la chance d'être là.
00:29:59Un succès attendu, car la série a tout pour intéresser les Turcs.
00:30:04Mais, vous vous y attendiez peut-être,
00:30:07à nouveau, ça ne plaît pas au président Erdogan.
00:30:12Dans notre pays, de prétendus artistes se permettent
00:30:15de traiter d'arriérés, de bigots,
00:30:18des millions de nos concitoyens
00:30:21qui aspirent juste à vivre selon les préceptes de leur foi.
00:30:26Les sanctions sont tombées immédiatement.
00:30:29Diffusion interdite pendant deux semaines,
00:30:32tournage arrêté,
00:30:35et une amende de 766 000 euros.
00:30:38Causes invoquées,
00:30:41adjectifs péjoratifs pour l'islam et les musulmans,
00:30:44et personnages risquant de porter atteinte aux valeurs nationales,
00:30:47à la morale publique et à la famille.
00:30:52Le tournage vient tout de même de reprendre.
00:30:55Et je ne résiste pas à faire un tour au milieu des figurants.
00:31:02Je ne comprends rien à la mise en place.
00:31:05On est en plein milieu du tournage.
00:31:08Je pense qu'à un moment donné, il va falloir qu'on se cache.
00:31:11En Turquie, les forces de l'ordre sont connues
00:31:14pour leur répression des manifestations.
00:31:17Mais ici, les policiers sont détendus.
00:31:20Quant aux soi-disant islamistes,
00:31:23ils ont l'air plutôt souples avec les préceptes de l'islam.
00:31:26Les acteurs, ils sont musulmans pratiquants,
00:31:30Non, non, bien sûr que non.
00:31:33On fait le casting par catégorie.
00:31:36Et dans la catégorie des hommes religieux,
00:31:39on choisit en fonction de la taille de la barbe.
00:31:42Si la barbe nous plaît, on embauche.
00:31:49Celui qui est aux commandes de cette grosse machine,
00:31:52c'est lui, le réalisateur, Omur Atay.
00:31:55On va passer à deux caméras
00:31:58et on va filmer vers la voiture.
00:32:01Il accepte de me parler,
00:32:04mais fait désormais bien attention à ce qu'il dit.
00:32:07On a remarqué que ça se voit dans la ville,
00:32:10il y a le côté laïc, kémaliste,
00:32:13et il y a le côté plus religieux, traditionnel, Erdogan.
00:32:16Non ?
00:32:19En tout cas, mon traducteur m'arrête.
00:32:22Des questions trop politiques pourraient lui causer des problèmes.
00:32:25Est-ce qu'il y a des règles dans les séries,
00:32:28dans le cinéma turc, des règles un peu strictes ?
00:32:33Ces dernières années, il faut reconnaître
00:32:36qu'on nous sert la vis sur les scènes de sexe.
00:32:39Ce n'est pas que des choses politiques,
00:32:42y compris la décence, la morale,
00:32:45qui est contrôlée.
00:32:48De toute façon, en Turquie,
00:32:51les gens ne veulent pas voir ce genre de choses.
00:32:54D'un point de vue de monde, marketing,
00:32:57ce n'est pas souhaitable.
00:33:02L'autorité de surveillance de la télévision
00:33:05punit de toute façon d'une amende toutes les scènes de baiser.
00:33:08Mais ce n'est pas le combat de cette série.
00:33:12Ça vous fait quoi de jouer ce rôle ?
00:33:15C'est génial parce que c'est la vraie vie.
00:33:18Tout ça est inspiré de notre vraie Turquie.
00:33:21Ces personnages existent en Turquie,
00:33:24aujourd'hui, avec leur radicalité.
00:33:27Donc peu importe les risques,
00:33:30je suis vraiment heureuse d'être là.
00:33:33On fait un travail important pour notre pays.
00:33:36J'espère qu'on arrivera à changer les mentalités
00:33:39grâce à l'art.
00:33:47Celui qui nous interrompt,
00:33:50c'est Erkan Afsi, une star en Turquie.
00:33:53Et il est de très bonne humeur.
00:33:56C'est bon, j'ai gagné mon pari et j'ai gagné mes paires de chaussures.
00:33:59J'avais parié avec la production
00:34:02qu'on ferait de superbes audiences.
00:34:05Et j'ai gagné deux fois.
00:34:13Des ultra-religieux qui se battent
00:34:16contre des anticléricaux intransigeants.
00:34:19Cette vision ne ressemble pas tout à fait
00:34:22à ce qu'on voit à Istanbul.
00:34:25Ici, on croise tous les genres
00:34:28de styles vestimentaires côte à côte.
00:34:31Cette ville est un symbole de mélange en Turquie.
00:34:34Ça se voit dans la rue
00:34:37et dans les transports en commun.
00:34:40Normalement, on a une carte qui marche.
00:34:43Car oui, ici, le bateau
00:34:46est un transport en commun comme un autre.
00:34:49De 7h à minuit,
00:34:52il y a autant de monde que dans le bus.
00:34:55Il existe 6 lignes de ferry
00:34:58qui ne désemplissent pas.
00:35:01En vrai, c'est le Détroit
00:35:04le plus fréquenté au monde.
00:35:07Devant Gibraltar, devant Panama,
00:35:10c'est une autoroute, le Bosphore.
00:35:13C'est une autoroute avec une vue exceptionnelle
00:35:16sur des monuments qui datent du 6e siècle.
00:35:23Là, on a absolument
00:35:26tous les symboles d'Istanbul sous les yeux.
00:35:29Il y a Sainte-Sophie, l'église reconvertie en mosquée,
00:35:32et la mosquée bleue juste en face.
00:35:35Et là, tout derrière, c'est le palais de Topkapi,
00:35:38le palais ottoman qui date du 15e siècle.
00:35:42Une ancienne église, une mosquée
00:35:45et un palais impérial.
00:35:48De quoi se rappeler qu'Istanbul a toujours été écartelée
00:35:51entre l'Europe et l'Orient.
00:35:54Aujourd'hui encore,
00:35:57la même ville abrite des lutteurs turcs,
00:36:00des religieux, mais aussi des chanteuses.
00:36:03Comme elle, par exemple.
00:36:06Aissou, 22 ans,
00:36:10et des clips incroyablement osés.
00:36:13En Turquie, il y a une vieille tradition
00:36:16de chanteur sexy.
00:36:19Mais Aissou va beaucoup plus loin
00:36:22en s'inspirant de la trappe américaine.
00:36:25Et ça marche.
00:36:284 300 000 vues sur YouTube.
00:36:31La star montante a déjà son chauffeur
00:36:35qui a dû prendre l'habitude
00:36:38de conduire en chantant.
00:36:45Avant, il me passait sur cette radio,
00:36:48mais mon dernier titre contenait trop de gros mots.
00:36:51Alors je dois faire des compromis,
00:36:54respecter les oreilles du peuple turc.
00:36:57Me voilà encore embarquée
00:37:00dans un autre monde parallèle de la ville.
00:37:04Dans ces studios,
00:37:07Aissou travaille justement sur ces nouvelles chansons
00:37:10qui choquent la radio.
00:37:27Qu'est-ce que ça veut dire ?
00:37:30Bouge ton cul toute la nuit.
00:37:35Vas-y, vas-y, vas-y.
00:37:40Mais en Turquie,
00:37:43être sexy comme Aissou, c'est un acte politique.
00:37:46Alors il faut être préparé à être attaqué.
00:37:49Une simple pause à côté de son grand-père,
00:37:52comme sur cette vidéo, par exemple,
00:37:55a déclenché des milliers de commentaires haineux.
00:37:58Il faut dire que son grand-père n'est pas n'importe qui.
00:38:01Ancien chef d'état-major,
00:38:04il représente à sa manière le pouvoir.
00:38:10Ils ont essayé de me détruire
00:38:13juste parce que j'étais à côté de lui.
00:38:16Genre, qu'est-ce que fait cette pute
00:38:19à côté d'un mec si important ?
00:38:22Je me suis retrouvée même dans les médias.
00:38:25Les gens ne pouvaient pas accepter ma présence
00:38:28à côté de quelque chose qui a de la valeur
00:38:31parce que je suis une femelle visible.
00:38:37Dans sa bulle à Istanbul,
00:38:40Aissou ne s'est pas rendu compte
00:38:43qu'une partie du pays était devenue très conservatrice.
00:38:46Car certains quartiers occidentalisés sont des mondes à part.
00:38:49Et en général, ce sont les endroits les plus chers de la ville,
00:38:52comme Bebek.
00:38:55Des quartiers où une chanteuse comme Aissou peut s'habiller
00:38:58comme elle veut et chanter ce qu'elle veut,
00:39:01il y en a encore plein à Istanbul.
00:39:04Là, on est à Bebek.
00:39:07C'est un des quartiers les plus chics de la ville.
00:39:10Il y a des yachts partout.
00:39:13Bebek, c'est connu pour ses magnifiques villas
00:39:16qui donnent sur le Bosphore.
00:39:19Bebek est même une attraction pour certains.
00:39:25Il y a un garçon qui a un tee-shirt improbable
00:39:28et qui se balade au milieu de la route en filmant tout le monde.
00:39:31Viens voir.
00:39:34Bonjour, je peux voir votre tee-shirt ?
00:39:37Besoin d'argent pour une Porsche ?
00:39:43Je suis ingénieur, mais je fais ça comme hobby.
00:39:47Tous les samedis, Furkan vient donc à Bebek
00:39:50pour filmer les voitures.
00:39:53Regarde celle-là.
00:39:57Furkan pourrait y passer la soirée.
00:40:00Merci, j'espère que tu pourras t'acheter ta Porsche.
00:40:04Mais j'ai rendez-vous avec quelqu'un d'autre
00:40:07dans ce quartier ultra branché.
00:40:11Mary est DJ à Bebek depuis 7 ans.
00:40:14Elle fait partie de cette jeunesse en Turquie
00:40:17qui ne veut pas arrêter de faire la fête.
00:40:21Ici, tout le monde fait des soirées dans le monde entier.
00:40:24On prend un peu de tout pour le rapporter
00:40:27et ça change l'industrie d'Istanbul.
00:40:32Mais pourquoi les gens sortent moins qu'avant à Istanbul ?
00:40:37Ça devient très dur.
00:40:40Et les politiques ne nous ont pas aidés.
00:40:44Oui, les clubs étaient obligés de fermer à minuit.
00:40:47C'est dur et en même temps, c'est marrant.
00:40:50On ne s'y attend pas,
00:40:53mais ils peuvent même bloquer nos soirées au dernier moment.
00:40:58Merde, je peux dire ça ?
00:41:01Non, mais ça nous empêche d'être fous.
00:41:04Ce business est quand même très lié à l'état d'esprit.
00:41:07Quand on se sent en sécurité
00:41:10et libre de faire tout ce qu'on veut,
00:41:13on est plus créatif.
00:41:18Pour faire face aux difficultés,
00:41:21Meri utilise le système D.
00:41:24Un lieu caché.
00:41:27Elle complète ses revenus
00:41:30par des sets en live.
00:41:33Comme ce soir, dans un magasin de disques vinyles.
00:41:39Ils font des live sets.
00:41:42Ils se retransmettent en direct sur les réseaux sociaux.
00:41:50Régime autoritaire, certes,
00:41:53mais une partie de la jeunesse parvient à rester libre en Turquie.
00:41:56Et en général, elle est ici, à Istanbul.
00:42:00Il en faudrait beaucoup
00:42:03pour faire disparaître l'âme rebelle de la ville.
00:42:07D'ailleurs, Erdogan a essayé.
00:42:11En 2013, le pouvoir a menacé de détruire le parc Gezi,
00:42:14un lieu de rassemblement au centre de la ville.
00:42:19Mais cette fois, la jeunesse d'Istanbul a résisté.
00:42:25Les manifestants se sont même mis à réclamer des médias libres.
00:42:28Une vente d'alcool plus facile,
00:42:31l'autorisation des baisers dans les transports publics, par exemple.
00:42:34Un vent d'espoir a soufflé pendant quelques jours.
00:42:40Mais les 10 000 manifestants n'obtiendront qu'une répression féroce
00:42:43qui fera 8 morts et des centaines de blessés.
00:42:49Un homme devient alors la figure de l'opposition.
00:42:52Barbaros Sansal.
00:42:55Personnalité issue d'une grande famille.
00:43:00Le couturier le plus prisé de la jetset turque.
00:43:05Mais en critiquant le régime,
00:43:08Barbaros Sansal bascule
00:43:11et devient l'un des ennemis officiels du régime.
00:43:16Après plusieurs passages en prison,
00:43:19Barbaros Sansal a décidé de s'expatrier à Chypre pour sa sécurité.
00:43:22Et on comprend pourquoi.
00:43:25En passant sur le tarmac de l'aéroport d'Ankara,
00:43:28Barbaros Sansal a été sauvagement lynché par des pro-Erdogan.
00:43:32Son dernier tweet qui se moque du physique du président
00:43:35lui a valu une condamnation de 1 an et 2 mois de prison.
00:43:38Mais ça n'a pas suffi à le calmer.
00:43:41Après avoir fait appel,
00:43:44et malgré les risques,
00:43:47Barbaros est de retour à Istanbul pour quelques jours.
00:43:54On cherche le théâtre de Barbaros Sansal.
00:43:58Il a décidé de produire carrément
00:44:01un spectacle ultra-politique
00:44:04qui se joue à guichet fermé.
00:44:07En découvrant la salle de spectacle,
00:44:10je comprends tout de suite que le message de Barbaros est clair.
00:44:13Il ne se cachera pas.
00:44:27C'est l'anniversaire des protestations du parc Gezi.
00:44:30La police m'a appelé pour me dire
00:44:33de ne pas provoquer de manifestations ce soir.
00:44:36J'ai dit, si vous ne me balancez pas de gaz lacrymo,
00:44:39on sera sages.
00:44:42Un spectacle comme le vôtre, c'est dangereux ?
00:44:45Oui, bien sûr.
00:44:48Mais tu sais, quand ils me mettent en prison,
00:44:51ils me placent à l'isolement.
00:44:54Ils ne veulent pas me mélanger aux autres
00:44:57car ils savent que je pourrais démarrer une révolution là-dedans.
00:45:00De toute façon, à chaque fois que je vais en prison,
00:45:03je ressors avec un livre que j'ai écrit.
00:45:06Mais avec Barbaros,
00:45:09derrière les sourires et le masque de clown,
00:45:12il y a toujours une certaine gravité.
00:45:15Il y a trop de bracelets.
00:45:18C'est l'œil de verre d'une vraie personne.
00:45:22C'est un garçon qui est mort au parc Gézi.
00:45:27Entre combats de rue et défilés haute couture,
00:45:30Barbaros est devenu une personnalité bruyante.
00:45:38Difficile à maîtriser.
00:45:41Un spectacle, une bouteille.
00:45:44Je vais éternuer.
00:45:47Il y en a trop.
00:45:50Car il parcourt le monde
00:45:53et reçoit de nombreux soutiens internationaux.
00:45:56Je pense que c'est l'opposant politique
00:45:59le plus stylé du monde, officiellement.
00:46:02En Turquie, son public se fait discret.
00:46:05Mais dans le petit salon du théâtre,
00:46:08ils sont nombreux à être venus goûter à un peu de rébellion.
00:46:11Il dit des choses vraies
00:46:14qu'on n'a pas le droit de dire en Turquie.
00:46:17C'est drôle et pédagogique.
00:46:20Je le suis sur tous les réseaux sociaux
00:46:23et je suis vraiment contente de le voir en vrai ce soir
00:46:26pour le soutenir et entendre son témoignage
00:46:29parce qu'il dénonce l'hypocrisie de cette époque.
00:46:32Attention, tu es professeur,
00:46:35tu es fonctionnaire quand même.
00:46:38Non, mais c'est précieux.
00:46:41Nous, ça va, on se contente de l'écouter.
00:46:44Mais lui, il est vraiment libre.
00:46:47Et vous, monsieur, du coup, vous êtes libre ?
00:46:50Vous avez le droit de parler ?
00:46:53Ah non, non, j'ai pas le droit
00:46:56parce que je travaille au consulat.
00:46:59Ah oui, vous n'avez pas du tout le droit.
00:47:02Qu'est-ce qui vous plaît chez Barbaros Sansan ?
00:47:05Il va falloir faire une réponse politique.
00:47:08Je pensais la même, c'est tout.
00:47:11Les livres écrits en prison par Barbaros sont en vente.
00:47:14Mais les bénéfices du spectacle
00:47:17seront tous reversés à une association
00:47:20pour des villages victimes de séismes.
00:47:23Ici, tout est politique.
00:47:26Barbaros entre dans la salle
00:47:29avec une bougie en signe d'espoir.
00:47:32Pendant 3 heures,
00:47:35il raconte l'évolution de son pays
00:47:38et sa nouvelle vie de criminel politique.
00:47:41Quand j'ai atterri dans la chambre,
00:47:44j'ai vu que j'étais un criminel politique.
00:47:47Je me suis dit,
00:47:50c'est pas possible,
00:47:54Quand j'ai atterri à Istanbul
00:47:57et que la dame a contrôlé mon passeport,
00:48:00je lui ai dit, vérifie bien ma fille.
00:48:03Tu as vérifié que je n'avais pas de mandat d'arrêt ?
00:48:06Parce que depuis 2 ans,
00:48:09j'en ai tous les 15 jours.
00:48:12Le public rit beaucoup.
00:48:15Mais certaines séquences sont plus graves.
00:48:18Les mois passés en prison, par exemple.
00:48:22Mes plaies sont encore ouvertes.
00:48:25La moitié de mes dents sont dans ma main.
00:48:28J'ai du sang dans les urines.
00:48:31Les policiers sont partout.
00:48:34Ils sont censés me protéger,
00:48:37mais au lieu de ça,
00:48:40ils me jettent dans une cellule avec un matelas humide.
00:48:43Les souvenirs du parc Gezi
00:48:46déclenchent beaucoup d'émotion dans la salle.
00:48:50Ces visages le manifestent en mort
00:48:53à la suite des répressions policières.
00:48:56A ceux qui ont été tués,
00:48:59à ceux qui sont en prison,
00:49:02à tout le monde, on vous aime !
00:49:08Et clou du spectacle,
00:49:11Barbaros offre même un peu de calinothérapie
00:49:14aux Stambouliotes,
00:49:17qui ont besoin d'elle.
00:49:25C'est incroyable !
00:49:28Il y a plein de gens qui pleurent dans la salle.
00:49:31Ils ont beaucoup ri,
00:49:34mais on sent qu'il y a un poids sentimental très fort.
00:49:37C'est un espace de liberté
00:49:40qui n'existe pas beaucoup à Istanbul.
00:49:43Si Barbaros s'est autant détesté du pouvoir,
00:49:46c'est pas seulement comme opposant politique,
00:49:49mais aussi comme homosexuel assumé.
00:49:52La communauté LGBT fait partie des cibles
00:49:55préférées du président.
00:50:01Nous allons extirper le mal à la racine,
00:50:04nous débarrasser de ceux
00:50:07qui encouragent sournoisement la perversité,
00:50:10qui s'attaquent à la famille
00:50:13et à nos valeurs.
00:50:16Nous ne reconnaissons pas les LGBT.
00:50:24Que ceux qui les reconnaissent aillent marcher avec eux.
00:50:29Mais pour marcher avec eux,
00:50:32il faut se mettre dans l'illégalité.
00:50:35Car en Turquie, la gay pride est interdite depuis 2015.
00:50:38Ceux qui essaient de sortir une banderole
00:50:41sont sévèrement réprimés.
00:50:44Cette année encore, les rues sont bouclées.
00:50:47Des milliers d'hommes en uniforme
00:50:50se tiennent prêts à intervenir.
00:50:55C'est parce qu'aujourd'hui, il y a la marche pour les LGBT.
00:50:58On pense que ça sera sur la rue Istiklal.
00:51:01Des cafés remplis de policiers
00:51:04et la plupart des rues complètement barrées.
00:51:08Le centre est bloqué.
00:51:11Les moyens déployés sont disproportionnés.
00:51:14Même si l'homosexualité n'est pas pénalisée en Turquie,
00:51:17c'est dangereux d'être homosexuel en Turquie.
00:51:20Le drapeau LGBT est interdit.
00:51:23Les associations LGBT sont qualifiées d'organisations terroristes.
00:51:26La pride est interdite.
00:51:29Et la télévision nationale turque diffuse des documentaires
00:51:32pour dire que les homosexuels
00:51:36et que l'idéologie LGBT fait des dégâts.
00:51:39On a réussi à être inscrits
00:51:42dans une boucle Telegram
00:51:45qui est une application de discussion codée.
00:51:48Normalement, on devrait avoir les informations au dernier moment
00:51:51parce que les gens qui participent à cette pride ont peur
00:51:54d'être repérés et de ne pas avoir le temps de la faire.
00:51:57Problème ? Sur la boucle Telegram,
00:52:00pas de nouvelles.
00:52:05On pensait que ça aurait lieu ici,
00:52:08mais comme il y a des policiers partout et que toutes les rues sont bloquées,
00:52:11ça semble difficile.
00:52:14Mais la police n'a pas suffi à dissuader les militants.
00:52:17Finalement, après 5 heures d'attente,
00:52:20un signal est enfin envoyé.
00:52:23On vient de recevoir un message des organisateurs
00:52:26qui nous donnent des indices.
00:52:29Ils nous disent de ne pas rester sur la rive européenne,
00:52:32ça se passera sur la rive asiatique.
00:52:35Donc là, on n'a pas beaucoup de temps pour traverser,
00:52:38mais la police a bloqué les ferries.
00:52:41Donc il va falloir trouver un taxi pour passer sur l'autre rive.
00:52:44Nous avons pour instruction de rester discrets.
00:52:47Les policiers ne doivent pas nous suivre ni repérer notre caméra.
00:52:53Il y a un petit côté jeu de piste improbable.
00:52:56A priori.
00:52:59C'est la poignée de militants LGBT
00:53:02qui fait trembler la police turque.
00:53:05Le lieu de rendez-vous est excentré,
00:53:08sans doute pour s'éloigner de la police.
00:53:11Direction un quartier branché bienveillant avec les LGBT.
00:53:14Rien à signaler en sortant du taxi.
00:53:17Mais les choses vont s'emballer très vite.
00:53:20Un peu comme pour un flash mob.
00:53:23Les passants se transforment soudainement
00:53:26en manifestant.
00:53:32Certains enlèvent leur chemise.
00:53:35Les drapeaux fleurissent.
00:53:38Tout le monde semble shooter à l'adrénaline.
00:53:50L'espace d'un instant,
00:53:53la police LGBT prend vraiment les rues d'Istanbul.
00:54:14Mais 100 mètres plus loin,
00:54:17les drapeaux disparaissent.
00:54:23Le calme revient en quelques secondes.
00:54:26On vient de vivre quelque chose d'exceptionnel.
00:54:29Ça a duré 3 minutes.
00:54:32Ils ont eu le temps de remonter une rue.
00:54:35C'était une opération commando, littéralement.
00:54:38Le monde reprend et voilà,
00:54:41on a les escadrons de police qui arrivent derrière.
00:54:44C'est la police en civil qui arrive.
00:54:47Ils commencent à se disperser.
00:54:50Sur 300 manifestants,
00:54:53il y aura 15 arrestations.
00:54:56Arrivée trop tard,
00:54:59la police ne peut plus arrêter les autres
00:55:02car les drapeaux LGBT et les pancartes ont été jetés.
00:55:05Alors certains militants restent.
00:55:08L'un d'eux accepte même de me répondre
00:55:11à quelques mètres de la police.
00:55:14Quand on est arrêté,
00:55:17on est battu dans les fogons de police.
00:55:20Ils nous tabassent dès qu'il n'y a plus de caméra.
00:55:23C'est pour ça qu'on doit faire attention
00:55:26à ne pas se faire choper.
00:55:29Si les marches continuent à Istanbul,
00:55:32c'est parce que les passants sont bienveillants.
00:55:35Istanbul est la ville de la tolérance
00:55:38et des mélanges en Turquie.
00:55:45Depuis mon arrivée,
00:55:48je ne vois que des mélanges au détour des rues.
00:55:51Ca ne s'arrête plus !
00:55:565 rues sont envahies par la file d'attente.
00:55:59Les voitures ne peuvent plus passer.
00:56:02Dans cette file d'attente,
00:56:05il y a surtout des femmes,
00:56:08des vieilles dames et des jeunes copines.
00:56:11Tout le monde partage la même croyance.
00:56:14Les gens viennent pour réussir leur carrière,
00:56:17pour trouver l'amour,
00:56:20pour avoir un meilleur travail.
00:56:23C'est un gros programme, là !
00:56:26Tu l'as dit !
00:56:29C'est quoi vos voeux ?
00:56:32On ne peut pas le dire.
00:56:35C'est entre nous et Dieu.
00:56:38Comme chaque mois,
00:56:41des centaines de musulmans sont là
00:56:44pour réaliser leurs rêves
00:56:47grâce à une église grecque orthodoxe,
00:56:50qui serait bâtie sur une source d'eau magique.
00:56:53Dans la file d'attente,
00:56:56il n'y a que des musulmans
00:56:59qui attendent pour entrer dans une église ?
00:57:02Vous aussi, vous êtes musulman ?
00:57:05Dieu accepte les musulmans,
00:57:08les chrétiens, les juifs.
00:57:11Tout le monde est serviteur de Dieu.
00:57:14Il ne laisse personne de côté.
00:57:17Après les premières heures d'attente,
00:57:20on a accès à un stand agri-gris
00:57:23où l'on choisit notre vœu du moment.
00:57:26Ca, c'est pour l'abondance dans la maison.
00:57:29Ca, c'est pour la paix.
00:57:33Est-ce que j'achète une maison aussi ?
00:57:36J'en demande peut-être beaucoup.
00:57:39Allez, on va rentrer.
00:57:42Là, on sent que les gens ont attendu 4 heures.
00:57:45La tension commence à monter un peu.
00:57:484 heures pour rentrer dans l'église
00:57:51et ce n'est que le début.
00:57:54Il faut encore acheter un siège et une clé
00:57:57pour poursuivre le rituel.
00:58:00Avec ces clés, la file d'attente
00:58:03passe devant plusieurs icônes.
00:58:06Et devant chaque icône,
00:58:09on tourne la clé 7 fois.
00:58:12Le protocole est super long.
00:58:15C'est pour ça que les gens attendent
00:58:18pendant 6 heures.
00:58:21La dernière étape, c'est au-dessus de l'hôtel.
00:58:24Avec la clé,
00:58:27on suit le signe de croix.
00:58:30Pour finir,
00:58:33j'ai enfin accès à un prêtre
00:58:36qui va baigner mes voeux.
00:58:39Toutes ces croyances viennent d'une longue histoire.
00:58:42A Istanbul, les civilisations se sont succédées
00:58:45et forcément un peu mélangées.
00:58:48A l'église, j'ai rencontré Bolka,
00:58:51passionnée par cet héritage.
00:58:54Elle est turque, mais elle est allée à l'école française.
00:58:57Elle m'invite chez elle
00:59:00pour découvrir sa cérémonie préférée.
00:59:03Une cérémonie pour chasser le mauvais oeil.
00:59:06Bolka vient d'une grande famille stambouliote.
00:59:09Petite porte secrète.
00:59:12Il me fait découvrir la maison de sa mère.
00:59:15600 m2,
00:59:18en plein coeur de la rive européenne.
00:59:21Bolka vit dans un palais.
00:59:24Mais en fait,
00:59:27t'es une princesse, Bolka.
00:59:30C'est sublime.
00:59:33Ca, c'est ma grand-mère.
00:59:36Elle était Miss Europe,
00:59:39élue à Naples en 1952.
00:59:42Dans la famille de Bolka,
00:59:45les rituels sont plus importants que la religion.
00:59:48Ces dernières années, Einur,
00:59:51qui est un genre de chamane,
00:59:54les accompagne pour la cérémonie du plomb.
00:59:57Après avoir mis du pain, du sucre et du sel
01:00:00dans une bassine d'eau, on fait fondre le plomb.
01:00:03On protège la personne concernée
01:00:06en la mettant sous un drap
01:00:09et on jette le plomb dans la bassine.
01:00:12Heureusement qu'on s'est vus aujourd'hui.
01:00:15Il faut qu'on se voie souvent, nous deux.
01:00:18Aujourd'hui, l'énergie de Bolka
01:00:21n'est visiblement pas bonne.
01:00:24En effet, quand c'est mon tour d'y passer,
01:00:27le plomb ne prend pas du tout la même forme.
01:00:30Elle, elle n'a pas de mauvais oeil.
01:00:33C'est sûrement parce qu'elle a les yeux clairs.
01:00:36Tu sais, c'est la 1re fois
01:00:39que j'entends quelqu'un dire ça.
01:00:43Ou bien t'as vraiment des amis,
01:00:46un entourage hyper bienveillant.
01:00:49Les Turcs pensent que les yeux clairs
01:00:52protègent du mauvais oeil.
01:00:55Mais pour être sûre de rester dans mes bonnes ondes,
01:00:58il me reste une dernière mission.
01:01:01Il va falloir jeter ça dans le bosphore.
01:01:04Parce que là, c'est une concentration
01:01:07de toutes les énergies négatives que tu avais sur toi.
01:01:11Il y a 3 minutes, j'y croyais pas,
01:01:14mais je vais quand même pas prendre le risque.
01:01:19Istanbul a été la capitale de 3 empires.
01:01:22L'empire romain, l'empire byzantin
01:01:25et l'empire ottoman.
01:01:28Cette ville porte en elle des influences
01:01:31venues du monde entier.
01:01:34Je quitte Istanbul remplie de toutes ces contradictions.
01:01:38Je vais pouvoir jeter tout mon mauvais oeil dans le bosphore.
01:01:41Regarde, il y a une porte là.
01:01:44Me voilà en train de réciter une formule
01:01:47dictée par Bolka.
01:01:50Je jette tous mes mots au fond de l'eau.
01:01:55Suivant à la lettre des traditions un peu étranges.
01:01:58Et voilà, le bosphore m'a lavé du mauvais oeil.
01:02:03Mais comme tout ce qui existe depuis des millénaires,
01:02:06ces choses sont trop précieuses pour être abandonnées.

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