L'incroyable découverte lors de la rénovation du tableau "Les Coureurs" de Robert Delaunay
Le musée d'Art moderne de Troyes a récemment mis en lumière que son œuvre Les Coureurs de Robert Delaunay cachait un portrait féminin au verso. Reportage : Albane Wurtz & Mattéo Clochard
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00:00J'avais envie de m'intéresser à une anecdote, une question pour Juliette.
00:07Dans l'épisode 6 sur Dolonais, on apprend notamment qu'à la fermeture en 2018,
00:16vous avez procédé à la rénovation du tableau Les Coureurs.
00:19Oui.
00:20Et qu'est-ce que vous avez découvert ?
00:23La grande surprise de la rénovation,
00:27puisque on a profité de la fermeture du musée pour faire des restaurations un peu plus importantes,
00:32et notamment Les Coureurs qui avait une déchirure,
00:35qui avait des petits soulèvements récurrents qu'on restaurait depuis assez longtemps,
00:41et donc on envoie notre toile chez un restaurateur,
00:44et là, vous avez peut-être déjà entendu l'histoire,
00:48ça a été une grande surprise à ce moment-là,
00:51pour accéder au revers de la toile, pour restaurer la déchirure par l'arrière,
00:56le restaurateur a dû retirer une toile de rentoilage qui était posée,
00:59c'est vraiment une toile qui avait été mise en renfort,
01:02qui couvrait le dos de la toile d'origine.
01:05Depuis l'ouverture du musée, il y avait ce dos,
01:07et donc il retire cette toile, et là, vraiment surprise,
01:11il tombe sur une sorte de badigeon blanc,
01:14et derrière lequel on devine vraiment un portrait de personnage en buste.
01:19Donc là, il y avait vraiment déjà toute une série d'aléas,
01:23parce que l'oeuvre partait en Corée, puis en Allemagne,
01:25on a fait des itinérances pendant la fermeture,
01:28il fallait refaire appel à tous les experts,
01:30c'est comme pour les acquisitions, pour la restauration,
01:32on passe aussi devant des commissions d'experts,
01:35pareil, on fait pas ce qu'on veut, tout est vraiment bien contrôlé,
01:39donc on repasse le dossier devant les experts,
01:42pour savoir si on peut vraiment enlever le badigeon,
01:45et on décide d'enlever le badigeon,
01:47et là, apparemment, ça partait très bien,
01:49c'était une sorte de blanc comme le blanc d'Espagne
01:51qu'on met pour masquer les vitrines des magasins,
01:54et donc il enlève peu à peu, et vraiment, c'était assez magique,
01:58peu à peu, il découvre un portrait de femme,
02:01très abouti, très beau, complètement fini,
02:04donc le restaurateur le découvre, il le protège,
02:08notre tableau part en Corée, en Allemagne,
02:11il fait le tour du monde sans que personne ne sache
02:13qu'il y avait ce tableau qu'il y avait derrière,
02:15et au retour, on peut commencer à travailler beaucoup plus sur ce tableau.
02:20Et donc ça a été une vraie découverte,
02:22on a fait plusieurs recherches,
02:24et tout d'abord, la première question,
02:26ça a été de savoir si c'était bien un tableau de Delaunay,
02:29pour ça, on a contacté aussi les collègues du Centre Pompidou,
02:32Angela Limpeux notamment, qui est spécialiste de Delaunay,
02:35on a fait des recherches au CDRMF aussi,
02:37donc dans le podcast, toutes ces personnes sont interviewées,
02:40c'est ça qui est assez chouette.
02:42Et puis, Issa D'Arc, c'est vraiment un Delaunay,
02:44on en est maintenant quasi certains.
02:47Et deuxième question, deuxième grande surprise,
02:49ça a été de savoir qui est représenté,
02:51ça a été la vraie deuxième surprise.
02:53Et après recherche, c'est Angela Limpeux qui a vraiment fait un lien
02:57avec un tableau de Chagall,
02:59qui représente Bella, la muse de Chagall,
03:02Bella, c'est le grand amour de Chagall,
03:04elle la représente partout,
03:05notamment dans Les Mariés,
03:07le tableau qu'on connaît vraiment avec ses deux mariés.
03:09Et donc là, notre tableau est vraiment extrêmement proche du tableau de Chagall,
03:15quand on met les deux côte à côte, c'est la même composition,
03:17c'est vraiment le même modèle,
03:19donc on est absolument sûr que Delaunay a représenté Bella Chagall,
03:23la muse de son amie, le couple est très ami.
03:26C'est vrai que c'était la grande surprise,
03:30et à partir de là, il y a eu vraiment toute une enquête.
03:32Moi je suis partie à Paris,
03:33j'ai trouvé la correspondance entre les Delaunay et les Chagall,
03:36moi si je tombais sur quelque chose,
03:37j'ai rien trouvé, pas de grosse découverte,
03:40mais il faut continuer à chercher.
03:42Mais donc, grande enquête,
03:45pourquoi est-ce que Delaunay a représenté Bella ?
03:48Il a déjà représenté...
03:49Devine, devine.
03:53On suppute.
03:58Quand on se plonge dans les biographies,
03:59il y a des anecdotes de jalousie entre les deux,
04:03parce qu'il y a des portraits qui ont été faits,
04:05mais a priori, selon les héritiers Chagall,
04:07ça correspond à d'autres portraits.
04:09Enfin voilà, ça a été toute une enquête en lien avec les héritiers Chagall,
04:14donc la petite fille de Bella,
04:16qui ne connaissait pas l'existence du portrait,
04:19les experts Delaunay,
04:21et puis voilà, des recherches en archive.
04:24Donc on n'a pas encore la réponse de pourquoi il l'a représentée,
04:29et puis on ne sait pas non plus qui a créé...
04:31Qui a mis le bonjour.
04:32Et puis voilà, qui a peint en premier,
04:34ce qu'ils ont fait en même temps,
04:35et surtout, pourquoi il l'a...
04:37A quelle époque.
04:38A quelle époque et pourquoi il l'a cachée.
04:40Et pourquoi il l'a cachée.
04:41Et du coup, il est toujours derrière ?
04:43Il est derrière.
04:44Par contre, il y avait aussi un gros travail,
04:46déjà de restauration,
04:47parce qu'il a fallu restaurer les deux faces.
04:49Le restaurateur a dû vraiment trouver des techniques
04:52pour restaurer avec du fil complètement invisible
04:55les deux côtés,
04:56où on ne voit plus du tout la licheuse du un côté ni de l'autre.
04:59Donc très belle restauration de Christian Châtelier.
05:02Ensuite, on a travaillé avec un encadreur
05:04pour faire un cadre double face.
05:06Donc c'est un très beau système aussi,
05:08verre double face, anti-reflet, anti-UV,
05:11avec un châssis qui maintient la toile.
05:13Enfin, c'est le cadre qui maintient la toile.
05:15En fait, il n'y a plus le châssis,
05:16qui est vraiment la structure de bois
05:18sur laquelle on vient agrafer la toile.
05:20Là, on a un système de cadre châssis.
05:22Et puis, on a travaillé avec notre scénographe,
05:24donc cette fois Philippe Maffre,
05:26pour créer un système avec un miroir,
05:28où donc on arrive sur les coureurs,
05:30toile que l'artiste voulait montrer, exposer,
05:33et on découvre seulement dans un second temps,
05:35c'est la petite surprise de Marcour,
05:37le portrait de Bella dans le miroir,
05:39parce qu'on voulait vraiment respecter
05:41cette volonté de l'artiste qui n'a pas voulu
05:43le mettre au même niveau que ses coureurs.
05:45Donc, on n'a pas mis la toile en plein milieu de la salle,
05:47on a préféré laisser les coureurs en premier plan
05:50et garder la surprise derrière,
05:52avec ce portrait de Bella.
05:53Ça donne envie.
05:54Oui, ça donne envie.
05:57Et justement, c'est vrai que là,
05:59il a fait vraiment un super travail sur ce podcast-là.
06:02J'avoue que moi, c'est mon épisode préféré,
06:04parce qu'on a vraiment un système,
06:06ça fait un peu comme une enquête,
06:08et tous les intervenants y sont.
06:10On a la scientifique qui a fait l'étude de ces deux RMF,
06:13il y a Angela Lampeux,
06:14qui est celle qui a fait vraiment cette découverte,
06:16ce rapprochement entre ces deux portraits.
06:18Le restaurateur qui raconte aussi
06:20la surprise d'avoir découvert ce portrait.
06:22C'est vrai que c'est un bel épisode, celui-là.
06:25Oui, le plus joli.
06:36Sous-titrage Société Radio-Canada