Changement climatique : l'intelligence artificielle est-elle un danger pour la planète ?

  • il y a 2 semaines
Le bilan carbone du secteur du numérique est plombé par le développement de l’intelligence artificielle, en témoigne ce rapport publié il y a quelques semaines par Google. Les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté de 48% en cinq ans, à cause notamment de l’IA.

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Transcript
00:00Ce sont deux lettres synonymes d'immenses promesses, un champ des possibles que nous
00:04commençons tout juste à explorer.
00:05Mais l'IA est-elle aussi un danger pour la planète ?
00:08Le bilan carbone du secteur du numérique est en effet plombé par le développement
00:12de l'intelligence artificielle.
00:14En témoigne ce rapport publié il y a quelques semaines par Google dont les émissions de
00:18gaz à effet de serre ont augmenté de 48% en 5 ans.
00:23« À mesure que nous intégrons l'IA dans nos produits, dit l'entreprise, la réduction
00:27des émissions pourrait s'avérer difficile.
00:29Alors que faire ? Faut-il renoncer à l'intelligence artificielle ? Peut-on faire rimer l'IA
00:35avec le climat ? »
00:36On va voir ça avec les invités du grand entretien de la matinale.
00:38Et d'abord avec vous, Maxime Fouillès, bonjour.
00:41Bonjour.
00:42Vous êtes coordinateur du programme numérique au sein du Think Tank The Shift Project.
00:46Avec nous également, Frédéric Bordage, bonjour à vous.
00:49Bonjour.
00:50Vous êtes fondateur de GreenIT.fr qui est un site engagé pour un numérique écoresponsable.
00:55Et bonjour à vous, Réli Jean.
00:57Bonjour.
00:58Vous êtes avec nous depuis les Etats-Unis où vous travaillez.
01:00Vous êtes docteur en sciences spécialistes en modélisation algorithmique et fondatrice
01:04de l'agence Insilico Veritas.
01:06Alors je précise, vous le savez, que vos questions sont les bienvenues 01 45 24 7000
01:12et puis bien sûr, il y a l'appli France Inter.
01:14Alors quand on parle des risques liés au développement de l'IA, Maxime Fouillès,
01:19je commence par vous.
01:20C'est rarement au climat qu'on pense en premier lieu.
01:22Qu'est-ce qui fait que c'est un problème majeur selon vous ?
01:25D'un point de vue climatique, on pense rarement au climat parce que la matérialité du numérique,
01:32on l'oublie.
01:33Il y a toujours cet imaginaire du nuage, etc.
01:34Ça paraît très abstrait.
01:35Toujours très abstrait.
01:36Et c'est normal parce qu'en fait, le principe du numérique, c'est qu'on a caché la matérialité
01:39derrière les interfaces, les écrans, les claviers, alors qu'en fait, c'est des câbles,
01:43des serveurs, des terminaux et tout ça.
01:45Il faut les produire et les faire fonctionner.
01:46Et ça représente aujourd'hui 3 à 4% des émissions mondiales, le numérique, à produire
01:51et faire fonctionner.
01:52C'est la même chose, grosso modo, que la flotte de camions dans le monde.
01:55Donc, c'est matériel, les camions, le numérique aussi.
01:58Et du coup, tous les phénomènes, toutes les dynamiques dans le numérique qui vont venir
02:04alimenter une croissance du parc de terminaux, du parc de serveurs, du nombre d'antennes,
02:08de la longueur des câbles et leur utilisation, dont l'IA fait partie, c'est juste un des
02:13phénomènes.
02:14C'est un des phénomènes qui vient accroître cette utilisation, la taille du numérique,
02:19son intensité.
02:20Et tout ça, ça va aggraver les impacts du numérique, dont l'impact climatique.
02:23On savait déjà que le secteur du numérique était très gourmand en énergie.
02:26Est-ce qu'on franchit, Frédéric Bordage, une étape supplémentaire avec l'intelligence
02:30artificielle ?
02:31Oui, clairement, on fait une étape supplémentaire puisque de nombreuses études, qui sont aujourd'hui
02:38des ordres de grandeur, montrent qu'on va avoir une croissance très rapide, quasi-exponentielle,
02:43de l'usage de l'intelligence artificielle, ce qui va renforcer le phénomène décrit
02:49par Maxime, avec une croissance très forte du nombre de serveurs et aussi un effet au
02:55bon, c'est-à-dire une augmentation des usages du côté des utilisateurs.
02:59Hier, on a publié une petite étude sur ce sujet sur notre site, GreenIT.fr, où on
03:06estime que, et ça se base sur d'autres études, qu'on a à peu près 5% des impacts des
03:12data centers qui sont aujourd'hui associés à l'intelligence artificielle, avec une
03:17croissance de l'ordre de 20 à 40% par an pour les 5 à 6 prochaines années de ces
03:23impacts.
03:24Donc, c'est très significatif et ça pourrait, comme vous l'avez cité avec les rapports
03:28de Google, mais aussi de Microsoft ou d'autres, ça pourrait annihiler tous les efforts qui
03:33ont été faits jusqu'à présent par ces acteurs du numérique pour essayer de réduire
03:37leurs impacts environnementaux.
03:38Ces grandes entreprises, elles disent qu'on avait pris des engagements d'arriver à la
03:42neutralité carbone en 2030, en 2040, et ça va être plus compliqué que prévu justement
03:46à cause de l'intelligence artificielle.
03:48Juste pour qu'on comprenne bien, Maxime Effouillès, quand on parle des usages, de quoi on parle
03:52exactement ? Parce que quand on dit intelligence artificielle, ça peut être plein de trucs.
03:55Qu'est-ce qui, finalement, est gourmand en énergie ? Quand on utilise JPT, par exemple,
04:01ce genre d'outils ?
04:02Ce qui est gourmand en énergie dans l'intelligence artificielle, c'est ces deux phases, c'est
04:06les phases d'entraînement et les phases d'inférence.
04:08L'entraînement, on a de la grosse donnée, comme disent les Québécois, et puis on va
04:14éduquer, si j'essaie de simplifier.
04:16Mais on est une algorithmicienne sur le plateau, donc je la laisserai préciser.
04:20Mais du coup, on va apprendre à l'algorithme à se comporter d'une certaine manière.
04:25Et ensuite, derrière, ça consomme de l'énergie parce qu'il nous faut du calcul concrètement
04:29et beaucoup de données.
04:30Ensuite, quand on va interagir avec l'intelligence artificielle, on va solliciter cette intelligence,
04:38l'algorithme qu'on a entraîné et l'intégralité du système qu'il faut pour la solliciter,
04:42parce que vous ne le faites pas directement avec vos yeux ou votre cerveau, ou alors vous
04:45êtes d'un type où il faut aller voir quelqu'un, vous le faites avec un clavier, un ordinateur
04:48ou un écran tactile.
04:49Donc, il faut avoir produit tout ça, puis solliciter des réseaux qui vont vous transmettre
04:53la réponse, etc.
04:54Et donc, du coup, c'est là qu'on va avoir de la consommation d'énergie à chaque étape
05:00de la vie des différentes composantes.
05:02C'est ça Aurélie Jean, vous qui êtes la spécialiste des algorithmes.
05:05Dans ce grand entretien, finalement, l'intelligence artificielle, elle l'apprend, elle l'apprend
05:09toujours, elle l'apprend beaucoup et ça, ça consomme beaucoup d'énergie.
05:13Est-ce qu'on pourrait le résumer ainsi ?
05:15Absolument Céline, et pour reprendre ce que disait Frédéric en plus, et ce que disait
05:20Maxime, en plus des phases d'entraînement, de construction du modèle et de l'exécution
05:23du modèle, on a aussi cette phase de collecte de la donnée, la donnée qui va être nécessaire
05:27pour aller entraîner un modèle algorithmique, pour pouvoir simuler un phénomène de la
05:31réalité.
05:32Cette collecte de data, elle prend beaucoup d'énergie et elle utilise des matériaux,
05:35des matières premières pour construire les câbles, les serveurs, pouvoir stocker de
05:38la data.
05:39Pour reprendre sur ce que disaient Maxime et votre question, clairement, un modèle
05:43algorithmique, si on voit les dernières années, les modèles algorithmiques ont énormément
05:46augmenté en taille et donc en niveau d'abstraction et en nombre de paramètres à optimiser et
05:51donc à identifier durant l'entraînement.
05:52Pour vous donner une idée, on parle des modèles de langage qui prennent énormément de paramètres
05:56et donc d'énergie.
05:57On est passé de ChatGPT3, la troisième version, où on avait presque 200 milliards de paramètres
06:04à optimiser.
06:05ChatGPT4, on est à 100 000 milliards de paramètres à optimiser.
06:08Forcément, on a une taille importante et une énergie consommée durant l'entraînement
06:12qui augmente.
06:13On est dans un ordre de grandeur, finalement, qui paraît presque impossible à visualiser.
06:19Moi, j'ai lu, Frédéric Bordas, vous allez me dire si c'est juste, qu'une requête
06:22avec ChatGPT, par exemple, si je demande à cet outil génératif de me faire une image,
06:27par exemple, de créer une vidéo, ça consomme dix fois plus de puissance que si je fais
06:31une demande sur un moteur de recherche en ligne, comme Google, par exemple.
06:35Alors, effectivement, on a aujourd'hui des ordres de grandeur de cet ordre-là, dix
06:41fois plus qu'une recherche Google.
06:44Ce qu'il faut savoir, c'est que ces ordres de grandeur sont aujourd'hui quand même
06:47globalement peu fiables, puisque vous imaginez bien que les acteurs de l'intelligence artificielle
06:53OpenAI, Mistral en France ou d'autres, ne vont pas vous révéler tous leurs secrets
06:59de fabrication et donc on ne sait pas exactement, on ne sait même pas du tout combien il y
07:04a de serveurs, quel est le type de serveurs qu'on va avoir derrière une requête qu'on
07:09va faire sur ChatGPT pour générer, je ne sais pas, le devoir d'un collégien ou une
07:14image.
07:15Et donc, ce sont vraiment des ordres de grandeur qu'il faut prendre à veille des pincettes
07:18et du recul.
07:19Il y a un consensus sur le fait que c'est effectivement nettement plus qu'une simple
07:24recherche sur un moteur de recherche de type Google, on en est là et nous, on a fait une
07:28étude plus globale qui regarde globalement à l'échelle de l'ensemble des datacenters
07:35et on arrive à aujourd'hui à 5% des datacenters qui sont utilisés pour ce type d'outils
07:43d'IA générative, concrètement.
07:45Et cette transparence que vous pointez du doigt, Frédéric Bordage, elle est d'autant
07:48plus problématique, Aurélie Jean, je vais me tourner vers vous, que ces assistants d'intelligence
07:55artificielle, on va les trouver partout peut-être demain, dans nos smartphones, dans les réseaux
07:58sociaux, dans les moteurs de recherche, finalement, l'intelligence artificielle, on n'en est
08:01qu'au tout début de son développement.
08:03Alors clairement, l'IA, elle est déjà partout, que ce soit dans le domaine médical,
08:07l'éducation, la finance, le transport, même l'énergie, donc ce n'est pas nouveau.
08:10La grosse différence aujourd'hui, c'est qu'on a des modèles qui sont massivement
08:13déployés, qui étaient jusqu'ici réservés à des scientifiques, à des ingénieurs
08:17ou à des fins professionnelles uniquement, et en particulier les modèles de langage
08:20qu'on travaillait dessus déjà depuis 2016-2017.
08:24Donc c'est vraiment la grosse différence, c'est le déploiement massif public, bien
08:28plus que le fait que ça aille dans tous les domaines, en fait, c'est qu'on a accès
08:30à des modèles, par exemple les modèles du langage, dont on n'avait pas accès en
08:33fait, on n'avait pas accès il y a encore quelques années.
08:35Alors il y a cette question sur l'appli de France Inter de Thomas, qui nous dit, l'intelligence
08:40artificielle pourrait-elle offrir paradoxalement des solutions à la crise climatique ? C'est
08:45vrai, Maxime Effouillet, est-ce qu'on se dit que ça peut aussi permettre d'améliorer
08:49plein de choses, plein de calculs, de mieux prédire peut-être des événements climatiques ?
08:54Est-ce que ça, ça fait aussi quand même partie plutôt des solutions que des problèmes ?
08:58Oui, mais comme le numérique de manière générale, enfin je veux dire, cette question,
09:02les vieilles comme l'histoire du travail, son impact environnemental du numérique, et
09:06Frédéric en sait quelque chose, mais du coup, la question c'est où est-ce que ça
09:10peut être pertinent de l'utiliser ? Et en fait, c'est ça la question sur le numérique
09:14de manière générale, qu'il a ce réplique sur l'IA, mais aujourd'hui, le numérique
09:20est un système, il a sa propre dynamique, et elle est plutôt inflationniste sur son
09:24impact.
09:25On va faire des choses plus grosses, comme les ordres de grandeur qu'Aurélien a donné
09:27comme exemple.
09:28La question c'est où est-ce qu'on peut injecter nos innovations, dont l'IA fait
09:34partie, pour rendre le système plus pertinent, d'un point de vue énergétique, etc.
09:39Il faut bien comprendre, parce qu'on parle toujours au futur, quand on parle de numérique
09:42et d'innovation, que rien ne dit qu'on aura assez d'électricité pour réaliser
09:46tous les fantasmes qu'on se dessine un petit peu partout avec des peaux visuelles.
09:50On n'en a vraiment pas suffisamment d'électricité peut-être demain ?
09:52Aujourd'hui, toutes les prévisions de consommation électrique du numérique, elles sont revues
09:56à la hausse systématiquement, on nous avait promis qu'elles plafonneraient, elles n'ont
09:59jamais plafonné.
10:00Pourquoi ? Parce que c'est les effets rebonds dont parlait Frédéric tout à l'heure,
10:03on fait plus quand on optimise, et cette électricité, on en a besoin pour la transition.
10:09Donc en fait, si on continue, et ce n'est pas moi qui le dis, c'est RTE, c'est le responsable
10:13des transports d'électricité en France, si on continue ces dynamiques sur le numérique,
10:18cette électricité, on ne pourra pas l'utiliser pour autre chose.
10:20Donc il va falloir choisir entre les applications qu'on choisit de déployer pour le numérique
10:24et l'IA, et chauffer des maisons en pompe à chaleur et faire rouler des véhicules
10:28électriques, ou décarboner l'acier.
10:30Et c'est ça, parce que c'est le même ordre de grandeur, c'est des dizaines de
10:33téravoiteurs, c'est ce qu'il faut pour décarboner une partie de l'acier en France.
10:36Donc c'est ça les questions qu'il faut se poser, c'est où est-ce qu'elle est
10:39vraiment pertinente, comment on choisit, plutôt que de financer à tout va et de se
10:42dire ça servira à quelque chose.
10:43Donc oui, ça peut être une solution, mais la question c'est comment on fait pour l'utiliser
10:46là où c'est une solution.
10:47Aurélie Jean, j'aimerais vous entendre aussi sur cette question, avec par exemple
10:52cet autre témoignage d'internaute Bertrand qui nous dit, est-ce que le numérique peut
10:55réduire l'impact et les émissions d'autres secteurs industriels ?
10:58Est-ce que finalement, on aurait tort de voir l'intelligence artificielle seulement
11:03du côté du problème et pas de la solution ?
11:06Oui, parce qu'en fait, rien n'est binaire et pour reprendre ce que dit Maxime, c'est-à-dire
11:10que c'est une vieille question et qu'il faut essayer de la prendre avec un certain
11:13relief.
11:14C'est-à-dire que l'IA, il y a le coup de la décision, c'est-à-dire dans quel
11:17objectif j'utilise tel modèle ? Et forcément, si vous allez identifier la présence d'un
11:21chien sur une photo, ce n'est pas la même chose que d'identifier une maladie ou une
11:24tumeur sur une radio.
11:25Et concernant le fait d'aller aider des industries à être peut-être moins énergivores
11:32et autres, oui absolument.
11:33Puisqu'en fait, les modèles d'IA peuvent permettre de suivre en temps réel, de faire
11:37des extrapolations intelligentes, de faire des prédictions, de comprendre des phénomènes.
11:41Souvent, on pense à la prédiction lorsqu'on parle d'IA, à la recommandation, mais il
11:44y a aussi toute une partie de compréhension des phénomènes qu'on va simuler.
11:47Et ça, en fait, ça peut aussi nous aider.
11:49Ça nous aide aujourd'hui, par exemple, pour aller développer des médicaments de
11:53manière plus rapide ou encore d'aller développer des matériaux nouveaux plus rapidement sans
11:58passer par des tests pour le coup très polluants.
12:00C'est toujours le coup de la décision et de savoir ce qu'on y gagne et comment on
12:04le fait pour arriver à prendre des bonnes décisions sur quel modèle, dans quel objectif
12:08et à quel usage.
12:09Alors ça a rejoint d'ailleurs cette question posée toujours sur l'appli France Inter
12:13d'Edouard.
12:14Pourquoi ne pas limiter l'utilisation de l'IA aux fonctions algorithmiques, mathématiques,
12:18statistiques qui servent à de vraies innovations et réglementer l'usage d'images, de vidéos
12:24qui ont des impacts lourds ?
12:26Est-ce que là-dessus, Frédéric Bordage, vous êtes sur la même ligne que les autres
12:32participants de cette table ronde ?
12:34Est-ce que finalement, c'est à l'usager aussi de se dire qu'on n'a pas forcément besoin
12:38d'utiliser l'intelligence artificielle à tout vain et qu'il faudrait réserver ces outils
12:44très puissants à des usages très utiles ?
12:46Oui, tout à fait, je partage ce qui a été dit par Aurélie et Maxime.
12:51Aujourd'hui, on est à un moment de l'histoire de l'humanité où on n'aura plus assez de
12:57matières pour fabriquer tout le numérique qu'on doit mettre en œuvre pour réaliser
13:02ce fantasme d'un monde de demain.
13:04On a des véhicules autonomes blindés avec beaucoup d'intelligence artificielle dedans
13:11qui conduisent à notre place, etc.
13:12Ce n'est pas possible en fait.
13:13Donc, on est à l'heure du choix, c'est clair, et pour faire ce choix, on doit à la fois
13:18s'appuyer sur une meilleure information des consommateurs et des citoyens et des citoyennes
13:23pour qu'ils puissent faire ce choix, mais on doit aussi légiférer puisqu'on nous impose
13:27aujourd'hui l'intelligence artificielle dans toutes les applications qu'on a sur notre
13:31smartphone ou sur nos ordinateurs, on n'a plus le choix, on nous les impose.
13:34Et donc, il va falloir, en plus d'une bonne compréhension par les auditeurs, les auditrices
13:41de ce qu'est l'intelligence artificielle et quand l'utiliser à bon escient, il va aussi
13:45falloir légiférer, ça devient même urgent de le faire, comme on l'a fait avec la Loirenne
13:49sur d'autres sujets du numérique en France, on va devoir légiférer pour aider finalement
13:55la société humaine à avoir une utilisation un peu plus intelligente, pour le coup, de
14:01cette intelligence artificielle.
14:02Et il y a des mécanismes très simples, de bonus-malus ou avec des seuils à ne pas dépasser
14:08ou même ce qu'on appelle l'éco-score qui peuvent nous aider à glisser vers cette utilisation
14:14plus raisonnée et intelligente de l'IA.
14:17Vous dites qu'il faut légiférer, il faut réguler, ce qui paraît quand même pas très
14:20évident dans un domaine qui n'a pas de frontières.
14:22Aurélie Jean, est-ce que vous imaginez que des mastodontes comme OpenAI, Microsoft, Google
14:28puissent accepter qu'il y ait une régulation autour de ces innovations ? Est-ce que ça
14:33vous paraît imaginable ?
14:34Je pense que si régulation il y a, c'est une régulation qui doit porter, qui est déjà
14:39induite par ailleurs par le texte européen, le EIA Act, qui consiste à avoir une certaine
14:43gouvernance pour montrer, par exemple, qu'on a mesuré l'impact de son modèle, pas la
14:49consommation énergétique strictement de l'usage d'un modèle ou de sa construction, parce
14:53que ce n'est pas possible de le mesurer strictement, par contre d'avoir ce qu'on appelle une analyse
14:56comparative, d'avoir démontré ou d'avoir montré l'effort en tout cas qu'on a pu faire
15:00pour aller développer un modèle qui va peut-être consommer moins d'énergie, moins de matière,
15:06parce qu'il va fonctionner sur tel ou tel serveur, parce qu'on n'en a pas parlé, mais
15:08on a aussi des serveurs de nouvelle génération, on a aussi des nouveaux modes de transport
15:12par la lumière, de data qui permettraient de consommer moins d'énergie, et tout ça
15:16en fait il faut aussi le financer, donc je pense que si régulation il y a, il doit porter
15:19en fait sur des efforts de chacun pour aller faire une analyse comparative et démontrer
15:23qu'on a fait les meilleurs efforts possibles, concernant le modèle, après concernant les
15:27usages, j'ai moins d'avis là-dessus, parce que je pense que c'est un effort qui doit
15:32être fait bien évidemment individuellement, à l'échelle de chaque individu, nous ici
15:35compris, mais aussi à l'échelle des états en fait, sur des grandes directives.
15:39Mais est-ce que c'est vraiment imaginable, Maxime Effouillès, est-ce qu'on peut dire
15:42aux gens, regardez tout ce qu'on peut faire, comme c'est super, comme c'est innovant, mais
15:47pas trop quand même, parce que c'est pas bon pour la planète, c'est quand même assez
15:49paradoxal comme message.
15:51Ouais, et je vais reprendre le problème dans l'autre sens, parce que je pense qu'on le
15:54prend dans le mauvais sens à chaque fois, la question c'est qu'est-ce qu'il va être
15:56possible de faire, c'est ce qu'a dit Frédéric tout à l'heure, le grand imaginaire là où
16:00tout le monde vole avec des jetpacks je sais pas quoi, et des voitures qui bougent toutes
16:03seules pour tout le monde, ça n'existera pas, il n'y a pas assez de matière, il n'y a pas
16:06assez d'énergie.
16:07La question c'est où est-ce qu'on met la matière, où est-ce qu'on met l'énergie,
16:10comment on peut légiférer, si on faisait une planification par exemple de la consommation
16:13et du système électrique en France, ah ben c'est déjà prévu, ben on intègre le numérique
16:17dedans, parce qu'aujourd'hui c'est quand même assez mal fait, pour de vrai, et en fait
16:19les études qui sont faites aujourd'hui, on se rend compte que l'implantation des serveurs,
16:24des centres de données qui sont nécessaires, ça consommera trop, donc en fait on peut aussi
16:28juste se demander matériellement qu'est-ce que ça va nous demander, comment on fait pour
16:32que ça soit compatible avec les objectifs de Paris, juste avec la physique, et ensuite
16:36derrière on se demandera comment on fait les arbitrages, mais il y a besoin d'une planification
16:39derrière pour justifier la soubriété qu'on veut mettre en place.
16:41Mais c'est extrêmement frustrant, comprenez ?
16:43Oui mais ça s'appelle la vie, c'est frustrant de tomber vers le bas quand on saute du haut
16:46d'un immeuble, et pourtant ça s'appelle la physique, mais c'est frustrant, moi j'aimerais
16:50bien voler depuis que je suis petit, mais je ne saute pas du haut d'un immeuble, parce
16:53que je sais que je vais tomber vers le bas.
16:54Allez, cette question de David sur l'appli de France Inter, je vais vous poser, tiens
16:57Frédéric Bordage, pourquoi l'usage de l'intelligence artificielle, de l'intelligence
17:01artificielle grand public, est-elle gratuite ? C'est vrai que c'est une question qu'on
17:04peut se poser aussi, celle de son accès.
17:06Alors je ne suis pas un économiste, je ne suis pas spécialiste des modèles économiques
17:11des GAFAM et autres acteurs de l'intelligence artificielle, mais aujourd'hui vous savez
17:17que si c'est gratuit c'est vous le produit, globalement, parce qu'on va finalement récolter
17:23des données lors de votre usage de ces applications d'intelligence artificielle, on va récolter
17:29des données qui seront ensuite exploitées et qui vont être revendues concrètement.
17:32Mais pour revenir un petit peu sur ce qu'on disait tout à l'heure, est-ce que justement
17:35le fait que ce soit gratuit, ça incite les gens à les tester, les utiliser, alors que
17:40justement on voudrait apporter un message de modération, là aussi ça peut apparaître
17:46comme un paradoxe ?
17:47Oui, bien sûr, vous soulevez le point important.
17:52Je pense qu'aujourd'hui, par contre, il y a une réponse simple qu'on peut apporter
17:55et qui est d'ailleurs aujourd'hui légiférée au niveau européen, c'est ce qu'on appelle
17:59l'éco-score, c'est-à-dire qu'au-delà de la gratuité, puisque avec l'arrivée de
18:05la généralisation du web et de l'Internet, on a ce modèle du gratuit qui s'est imposé
18:09dans tous les domaines des usages numériques connectés.
18:13Aujourd'hui, en Europe, on a légiféré sur ce qu'on appelle l'éco-score, qui est une
18:17étiquette qui ressemble en fait à un Nutri-score, sauf qu'au lieu que ce soit des lipides,
18:21des protides et des glucides, on va avoir des émissions de gaz à effet de serre, de
18:25l'épuisement de ressources abiotiques, de l'eutrophisation, etc.
18:28Et ça nous amène à avoir exactement la même chose qu'un Nutri-score, mais pour l'environnement.
18:32Et l'Europe est en train de déployer, et d'ailleurs on le fait en France avec les articles
18:362 de la loi climat et bien d'autres textes, on est en train de déployer ce système d'affichage
18:41environnemental.
18:42Et je pense que ça, c'est ce qu'on appelle un Nudge en anglais, c'est une vraie aide
18:46pour les citoyens, citoyennes et consommateurs et consommatrices, pour choisir finalement
18:51demain l'usage d'une IA qui serait plus vertueuse, plus frugale qu'une autre en fait, concrètement.
18:56Donc on a quand même des outils qui peuvent nous aider.
18:59Un dernier mot Aurélie Jean, justement sur cette question de la prise de conscience,
19:02est-ce que vous avez le sentiment que cette question est de plus en plus au cœur du débat
19:06ou en tout cas de la réflexion au sein des entreprises de la Silicon Valley ?
19:09Alors elle est de la même manière que d'autres problèmes comme la discrimination technologique
19:15ou ce qu'on appelle le Digital Labour qui est les travailleurs du clic pour aller nettoyer
19:19de la data ou modérer des contenus et autres.
19:21Et en plus de l'environnement, ce sont des sujets qui, à mes yeux, ne sont pas assez
19:25regardés par les acteurs, que ce soit des acteurs, des dirigeants économiques ou des
19:29dirigeants politiques.
19:30Et donc c'est un vrai sujet que les scientifiques et les ingénieurs par ailleurs étudient
19:33énormément.
19:34On sent qu'on n'est qu'au début de la réflexion.
19:36Merci à tous les trois en tout cas d'avoir alimenté le débat.
19:38Maxime Effouillès, vous êtes coordinateur du programme numérique au sein du think-tank
19:42The Shift Project, Frédéric Bordage, vous êtes fondateur de GreenIT.fr qui est un site
19:47engagé pour un numérique écoresponsable.
19:50Et merci à vous également, en direct des Etats-Unis Aurélie Jean, vous êtes spécialiste
19:53en modélisation algorithmique et fondatrice de l'agence Insilico Veritas.
19:58La revue de presse à suivre.

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