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Drogues, armes, médicaments, êtres humains même... il n'existe aucune limite dans l'univers criminel et mafieux des trafics en tous genres. Cette série d’investigation dévoile et décrypte à l’échelle internationale, les mécanismes de ces crimes organisés qui ouvrent et prolifèrent quasiment sous nos yeux, malgré des législations et des mesures de protectionnismes renforcées et de plus en plus répressives.

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00:00Vous connaissez le marché pétrolier ? Le marché des fruits et légumes ? Le marché
00:08du sucre ? Leurs points communs ? Partout, des vendeurs et des acheteurs y accordent leurs
00:14besoins. La loi de l'offre et de la demande gouvernent ces échanges. Le monde du crime
00:19n'échappe pas à la règle. Tous les trafics ont leur raison d'être économiques.
00:23Une mafia, une entreprise criminelle, c'est d'abord une activité commerciale avec des
00:30produits à livrer et des prestations à exécuter. Le marché du crime organisé génère environ 870
00:37milliards de dollars par an. L'origine de ces revenus ? Le trafic sous toutes ses formes. Plus
00:43c'est illégal et plus c'est rentable. Alors qui sont les principaux acteurs de ces marchés de
00:49l'ombre ? Comment sont-ils organisés ? A qui profite l'argent du crime ? C'est ce que nous
00:55révèle Dollar Noir, une plongée dans les coulisses de l'économie criminelle. Les déséquilibres
01:06économiques, environnementaux, politiques que l'on constate à travers le monde poussent des
01:11populations entières à quitter leur pays d'origine pour un avenir meilleur. Le problème
01:17quasiment universel, c'est qu'elles sont rarement les bienvenues. Pour les populations des pays qui
01:21les accueillent, elles représentent un risque, un danger. Mais pour les mafias, rien de tout cela.
01:27Les migrants, c'est avant tout l'un des business les plus juteux et les plus prometteurs du crime
01:32organisé. Un marché qu'elles ont su développer en dehors de tout sens moral, avec un cynisme
01:37absolu, tout en augmentant leurs profits et en exploitant les populations les plus démunies.
01:43Bienvenue sur le marché du trafic de migrants. Si vous êtes un migrant et que vous voulez
01:49traverser la Méditerranée, vous allez être confronté à des situations inimaginables.
01:53Il s'agit d'un business de plusieurs milliards. J'ai vu beaucoup de gens se faire tuer,
01:59beaucoup de cadavres coucher par terre dans la rue. Vous, moi, lui, avons forcément déjà vu une victime
02:06du trafic. On ne parle pas de petites sommes, on parle de millions de dollars. Moi si je n'avais
02:11pas nagé, je pleurais maintenant. Je me disais qu'est-ce que je vais faire maintenant ? Je ne peux pas
02:15sauter dans l'eau et me retourner. Il y a beaucoup d'argent qui est généré en tirant profit des
02:21plus faibles. La migration, c'est le propre de notre espèce. Depuis qu'ils ont quitté l'Afrique
02:32pour l'Eurasie, il y a plusieurs millions d'années, jusqu'à la colonisation totale de la planète,
02:36les peuples et les individus se sont toujours déplacés vers des lieux plus propices pour
02:41garantir leur développement. Lorsque le chemin paraissait difficile, dangereux, on avait toujours
02:46besoin d'un passeur pour ouvrir la route, pour ne pas se perdre. Aujourd'hui, à l'heure du GPS et des
02:53moyens de transport performants qui quadrille la planète, la profession aurait dû disparaître.
02:58Eh bien c'est tout le contraire. Elle connaît un véritable essor au sein des organisations
03:03criminelles internationales. Vincent Cochetel est l'envoyé spécial du haut commissariat aux
03:08réfugiés pour la région méditerranée centrale. Il y a beaucoup de frontières qui sont très
03:13protégées. Ils n'ont pas forcément les documents de voyage pour quitter leur pays. Il y a des zones
03:19qui sont minées. Il y a des zones qui sont dangereuses entre le Niger et la Libye. Si
03:26vous ne connaissez pas les pistes, vous mourrez dans le désert. Donc il y a beaucoup de routes
03:29où vous avez besoin d'un passeur. Et ces passeurs n'ont pas toujours été des trafiquants ou des
03:36criminels. On a toujours eu besoin de guides dans le désert pour traverser le Sahara depuis
03:41des décennies, des siècles. On a toujours eu besoin de ça. Aujourd'hui, passer illégalement les
03:48frontières, c'est d'abord un marché dans lequel les mafias vont proposer des services, des forfaits
03:53à la carte, avec un confort qui dépendra du prix que le client est prêt à mettre. L'objectif
03:59étant d'augmenter un peu plus les profits des organisations criminelles. C'est sur ce business
04:05modèle que s'appuie le crime organisé, pour faire passer illégalement des candidats à l'exil de
04:10leur pays d'origine jusqu'à la destination de leurs rêves.
04:23Le Haut Commissariat aux réfugiés fait la distinction entre deux types de migrants. Les
04:28réfugiés et les migrants économiques. Les réfugiés sont poussés à fuir par la guerre, par des
04:34pressions politiques, ou par le fait qu'ils risquent leur vie en restant chez eux.
04:37Ceux qu'on appelle plus généralement les migrants, sont considérés comme des volontaires à l'exil,
04:58même si la réalité est parfois plus nuancée.
05:00Un migrant, c'est souvent quelqu'un qui quitte son pays pour des raisons économiques, l'absence
05:11d'emploi, la mauvaise gouvernance dans le pays. Souvent toute une communauté contribue au départ,
05:17les gens mettent de l'argent ensemble pour envoyer un jeune chercher un meilleur futur ailleurs,
05:23en espérant que ce jeune arrivera en Europe ou ailleurs, peut-être au Moyen-Orient, afin de
05:29trouver un emploi et qu'il renverra régulièrement de l'argent au pays.
05:33Moussa a aujourd'hui 17 ans, il s'est installé en France. A 15 ans, il a dû quitter son pays seul,
05:41pour échapper à la misère.
05:43Mon idée c'était seulement d'aller dans un endroit où je me retrouverais tranquille,
05:49respirer, où mon droit serait respecté, comme les autres paysans, avoir la liberté comme les autres.
05:58Mon projet c'était seulement d'aller dans un endroit où je me retrouverais tranquille,
06:04comme les autres, avoir le même droit comme les autres, avoir le même devoir comme les autres,
06:13aller à l'école comme les personnes de mon âge.
06:16On compte environ 900 millions de migrants à travers le monde. Un chiffre qu'il faut
06:22pourtant relativiser puisque la grande majorité des migrants se déplacent à l'intérieur de leur
06:26propre pays ou sur un même continent.
06:28Mais quand on regarde le phénomène des migrations économiques en Afrique de l'Ouest en particulier,
06:34il y a énormément de mouvements migratoires dans l'espace de l'ACDAO, c'est la communauté des
06:39pays d'Afrique de l'Ouest, beaucoup plus important que les mouvements de l'Afrique vers l'Europe,
06:44on a tendance à oublier ça. Il y a aussi plein de mythes et d'images, on pense que tous les gens
06:49qui vont en Libye veulent venir en Europe. Nos études montrent que 60% des gens qui arrivent
06:55en Libye n'ont pas d'autre projet migratoire. Ils veulent trouver du travail en Libye qui a
07:00toujours été un pays qui a besoin de migrants pour faire fonctionner son économie. Donc il faut
07:05arrêter un petit peu les fantasmes que les gens d'Afrique de l'Est ou d'Afrique de l'Ouest veulent
07:09tous venir en Europe parce que ce n'est pas la réalité. Actuellement, il resterait environ 200
07:15millions de migrants loin de leur pays d'origine. Et ce n'est pas forcément dans un mouvement qui va
07:20des pays pauvres aux pays riches. Les principaux flux se répartissent globalement de la façon
07:25suivante. 25% du trafic se fait du nord vers le nord, 6% du nord vers le sud, 25% du sud vers le
07:35sud et 35% du sud vers le nord, des pays en voie de développement vers les pays riches. Tous ces
07:42migrants ne se tournent pas systématiquement vers des organisations criminelles pour passer
07:46les frontières, car pour eux c'est tout simplement légal. Christina Kangaspunta est la chef des
07:52services criminels à l'UNODC, le bureau de lutte contre le crime organisé des Nations Unies.
07:56Je suis une migrante parce que j'ai quitté la Finlande, mon pays, pour vivre ici en Autriche.
08:03Je suis une migrante chanceuse, je l'ai choisi. J'ai un bon travail, un statut légal, j'ai une
08:12belle maison et personne ne m'exploite, à part les Nations Unies évidemment. Je suis une migrante
08:22chanceuse, mais beaucoup ne le sont pas, car ce n'est pas une situation qu'ils ont vraiment
08:28choisie et ils doivent se tourner vers de vrais criminels, parfois vers le crime organisé, afin
08:37de trouver une assistance pour pouvoir devenir de vrais migrants.
08:42Mettez-vous à leur place. Si vous étiez avec votre famille, si vous deviez quitter un pays à la
09:04situation instable, c'est terrible. Un pays où vous ne pourriez pas vivre avec votre famille. Et
09:11si pas très loin de vous, un criminel ou n'importe qui vous disait « j'ai la solution pour vous
09:16amener ici ou là, j'ai la solution à votre problème », eh bien je serais certainement prête à le croire.
09:23200 millions de clients potentiels, c'est un marché énorme. D'autant plus qu'il est
09:30naturellement dynamisé par le renforcement des lois migratoires et l'augmentation des
09:34contrôles aux frontières, en particulier aux portes de l'Europe et à celles des États-Unis d'Amérique.
09:39Nous sommes à Tijuana, au Mexique, sur la côte ouest du pays. Ici, à quelques mètres, derrière ce
09:48mur, c'est le territoire américain. La frontière entre les deux pays s'étend sur plus de 3000
09:53kilomètres, d'un océan à l'autre. Les Border Angels sont des activistes qui se sont donnés
10:00pour mission de venir en aide à ceux qui se retrouvent bloqués derrière le mur. Une
10:04population souvent démunie, en provenance de tout le sous-continent américain.
10:08Il y a trois générations, quand les gens voulaient venir et qu'ils n'avaient pas de visa,
10:14ils engageaient un passeur, un coyote comme on dit, qui leur faisait payer 200-300 dollars. Ils
10:20les amenaient à destination, la plupart c'était des Mexicains. Ils les amenaient aux USA, à Los
10:26Angeles, n'importe où où ils voulaient aller. Ils restaient avec eux, ils les traitaient
10:32correctement et ils recevaient leur argent. Mais il y a deux générations, les choses ont
10:37commencé à changer. Il y avait toujours des gens qui faisaient ça, mais pour 1500-2000 dollars,
10:41et certains les amenaient à destination, d'autres non. Les organisations criminelles ont commencé à
10:47s'impliquer. Ils ont commencé à abuser des migrants, à violer les femmes, à tuer les gens,
10:52la situation est devenue horrible. La plupart des migrants aujourd'hui ne sont plus des Mexicains,
10:58ils viennent en majorité d'Amérique centrale. Certains migrants ont parcouru des milliers de
11:03kilomètres pour échouer devant le mur. C'est le cas de la communauté haïtienne de Tijuana. Ils ont
11:08quitté leur île et ont remonté toute l'Amérique du sud, avant de se regrouper dans l'attente de
11:12leur passage éventuel vers les USA. Le pasteur Gustavo Banda Cévesse dirige le centre qui les
11:18accueille, dans une zone que les médias locaux ont surnommée Little Haiti. Quand je leur ai
11:25demandé pourquoi ils avaient choisi Tijuana, ils m'ont dit que c'était la seule ville qu'ils
11:31connaissaient, qu'ici c'était le seul endroit où tout le monde pouvait passer facilement aux
11:36Etats-Unis, à leur connaissance. Les migrations, on a toujours connu ça ici. C'est devenu plus
11:59difficile ces dernières années à cause des mesures prises par le gouvernement des Etats-Unis.
12:04Les barrières sont plus hautes, il y a plus de chiens, de gardes. Les services de police ont
12:17augmenté leur vigilance avec des moyens électroniques, des drones, etc. Ils ont augmenté
12:24la vigilance et les sanctions contre nos compatriotes et nos frères d'Amérique
12:27centrale et d'Amérique du sud. Depuis des années, les Etats-Unis pratiquent une politique active contre
12:38l'immigration illégale. De nombreux Mexicains sont ramenés manu militari au Mexique, même s'ils n'y
12:43ont jamais vécu. Une véritable opportunité pour les cartels, car les déportés, comme on les appelle
12:49ici, sont prêts à tout pour retrouver le pays où ils ont grandi. Efrain Guevara Galindo en fait partie.
12:55Il y a des gens qui viennent du Mexique, du Guatemala, du Salvador ou du Honduras. Les gens
13:01qui vivent ici viennent de ces pays. J'ai vécu 46 ans aux Etats-Unis et les services de l'immigration
13:15m'ont jeté au Mexique comme ça, tout seul. Au bout d'une heure, je n'en pouvais plus, j'avais peur.
13:24J'étais paranoïaque, confus, déprimé, je n'en pouvais plus. J'ai appelé ma famille et je leur ai dit
13:35il faut me sortir de là avant qu'il m'arrive quelque chose. Ils ont réuni 3500 dollars. Je
13:43connaissais un gars qui bossait avec moi et qui connaissait des gens qui faisaient passer la
13:47frontière du Mexique aux Etats-Unis pour 3500 dollars. Le métier de passeur, de coyote comme
13:56on les appelle au Mexique, s'est professionnalisé au sein des organisations criminelles transnationales.
14:00Et comme c'est un marché très concurrentiel, chaque groupe essaie de récupérer un maximum de clients.
14:10Les réseaux criminels agissent de la même façon sur tous les continents. Ils s'organisent en
14:15réseau indépendamment les uns des autres et collaborent pour garantir la pérennité de leur
14:19business. Si on a en tête que les groupes criminels ressemblent encore à l'image qu'on se fait de la
14:27mafia, ce n'est plus du tout le cas. Vous avez différents types de structures pour le crime
14:33organisé. Vous avez des structures hiérarchiques comme les gangs de motards par exemple, ou vous
14:40avez simplement un réseau comme un réseau professionnel où vous connaissez quelqu'un qui
14:44s'y connaît en matière de corruption, un autre qui s'y connaît en matière de faux-papiers ou
14:49quelqu'un qui saurait vous apporter ce dont vous avez besoin pour faire ce que vous avez à faire,
14:53c'est-à-dire organiser entièrement le système du trafic. C'est ce genre de réseaux qui existent
14:59et qui sont aussi considérés comme des groupes criminels. Le business model que les trafiquants
15:07ont mis au point pour exploiter l'immigration illégale est très efficace. Il l'applique aussi
15:11bien en Afrique qu'en Amérique. La première des choses à faire lorsqu'on propose une prestation,
15:15c'est de convaincre le client qu'on lui propose le meilleur service au meilleur prix. A Tijuana,
15:22c'était le travail de John Doe, un ancien membre de cartel. Je bosse dans la rue, je discute,
15:32je traîne là où les migrants viennent, du Salvador, du Nicaragua, du Costa Rica, de Colombie.
15:40Ils viennent là, je leur parle. J'ai pas mal d'amis, des filles qui travaillent dans les bars.
15:49Elles savent que je cherche des migrants qui veulent traverser. Elles me passent un coup de
15:58fil, on se voit et c'est comme ça que je récupère des clients. Ce sont des serveuses ou des
16:05prostituées. Ce sont mes assistantes qui m'aident parce qu'elles savent qu'elles vont avoir un peu
16:11d'argent. On ne parle pas de 1000 dollars ou 500 dollars. Je leur donne des petites sommes, 100
16:19pesos, ce qui correspond à 5 dollars. Ils savent tout, ils regardent tout, chaque autoroute, les
16:26gens qui viennent pour le week-end. Ils les suivent pour voir ce qu'ils font, ils surveillent tout,
16:31tout est sous leur surveillance, absolument tout. En Afrique, c'est la même chose. Les
16:39rabatteurs rôdent dans les gares et les stations de bus. Ces jeunes que je les ai rencontrés à la
16:48gare de Niamé, ils m'ont conseillé un endroit. Je vais dans un endroit où tout est normal,
16:54comme les autres. Ils m'ont dit, viens avec nous, on va en Libye. En Libye, tout va bien. Si tu
17:01travailles, tu t'en sors. Si tu travailles bien, tu gagnes bien et puis tu construis une bonne vie.
17:06J'ai dit ok, j'aimerais bien. Ils m'ont demandé dans quelle gare on prend le bus pour aller en
17:13Libye. Ils m'ont dit qu'il n'y avait pas de gare. Il faut passer par des gens pour rentrer en Libye.
17:16Parce que même si tu prends le bus qui va en Libye, puisque tu n'as pas de papiers avec ton
17:22identité, avec ton papier, ils ne pourront pas te laisser passer. Si tu n'as pas de papiers aussi,
17:27c'est encore plus dur. Il vaut mieux que tu passes par des gens qui ont l'habitude de faire rentrer
17:32les gens en Libye pour qu'ils s'en sortent. Le racolage dans la rue est une méthode qui
17:36tend de plus en plus à disparaître. Elle devient inutile au profit d'une nouvelle plateforme
17:41beaucoup plus efficace, internet. Sur les réseaux sociaux, on discute. On peut savoir où trouver les
17:51trafiquants, où trouver les passages pour aujourd'hui ou pour demain, car bien sûr la police réalise des
17:56opérations et coupe les routes. Il y a beaucoup de discussions sur les réseaux sociaux pour savoir
18:02comment ça marche. Sur les réseaux sociaux, des gens qui font la publicité pour leurs
18:10routes, en disant que leurs routes sont plus sûres que celles de la concurrence.
18:19Et ils maintiennent ces sites internet pendant une semaine à peu près pour attirer les clients.
18:24Après ces conversations-là ont lieu en dehors du net et d'autres pages internet
18:30réapparaissent une semaine après avec à peu près les mêmes offres.
18:34Pourquoi les criminels n'utiliseraient pas les mêmes technologies ou opportunités que
18:40celles qu'on utilise tous ? C'est grâce à ces nouvelles utilisations qu'on réalise
18:46que le marché a changé rapidement. Ce qui n'a pas changé, ce sont les filières de contrebande.
18:54C'est donc tout naturellement que les cartels et autres organisations criminelles se sont
18:59investis dans le trafic de migrants. Passer sous les radars des autorités, c'est une compétence
19:03qu'ils maîtrisent parfaitement. Alvaro Rodriguez Gaya est responsable du pôle stratégie à Europol,
19:12la police européenne. Ce qu'on voit clairement, c'est qu'il y a des liens entre les différentes
19:20activités criminelles, ce qu'on appelle la polycriminalité. Les trafiquants de migrants
19:27viennent d'autres activités criminelles, trafic de drogue, d'armes et tout ce qu'on peut imaginer.
19:32On voit ça en Méditerranée. Le crime organisé utilise des bateaux de temps en temps pour le
19:38trafic de drogue ou le trafic d'armes et d'autres pour faciliter l'entrée illégale de migrants. Et
19:44quelquefois, dans le même bateau, on va retrouver les deux marchandises. Les réseaux criminels
19:50possèdent donc des commerciaux pour attirer le client et les infrastructures pour leur
19:54offrir le service qu'ils demandent. Pour les mafias, c'est un succès total. D'après les
20:02études réalisées par Europol, 90% des migrants ont utilisé les services d'un facilitateur. Ça
20:11signifie que chaque migrant, au moins une fois sur le trajet du pays d'origine au pays de destination,
20:16a utilisé les services d'un trafiquant. C'est un business en or. Les clients sont là, nombreux
20:23et quasiment obligés de faire appel aux criminels. Mais le seul problème est que les migrants n'ont
20:28pas tous les mêmes moyens. Une grande partie d'entre eux est même particulièrement pauvre.
20:32Qu'à cela ne tienne, il suffit de proposer un service à la carte. Tous les éléments sont
20:41réunis pour que ce business soit des plus rentables pour le crime organisé. La qualité
20:46et le confort de la prestation qu'ils vont proposer va dépendre du prix que le client
20:50va pouvoir accepter. Mais c'est un commerce et il répond avant tout aux incontournables lois du
20:55marché. D'après toutes nos recherches sur le trafic de migrants, on voit clairement que le prix
21:03varie en fonction de la demande. Quand de nombreuses personnes veulent aller au même endroit, les prix
21:10s'envolent. C'est comme n'importe quel autre marché. Un marché, tout ce qu'il y a de plus classique.
21:19Dans certaines zones, il y a de vraies listes de prix. Si vous voulez ça, c'est tant. Si vous
21:27voulez ceci, c'est tant, etc. Vous voyez, c'est très professionnel. C'est un peu comme une agence
21:35de voyage. Il y a des gens où c'est un petit peu all inclusive. Tout est payé depuis le début
21:42jusqu'à l'arrivée, avec un résultat quasi garanti. Pour dix mille dollars, vous traversez en
21:51voiture. C'est quasiment garanti à 99%. La personne qui paye cette somme est déposée directement là
22:00où elle veut. Pour passer en avion, les prix vont monter à 15 000, 20 000 dollars. Ils vous mettent
22:08dans l'avion et vous envoient où vous voulez aller. Ça dépend de combien d'argent vous avez. Ils ont
22:13des gens qui travaillent dans les compagnies aériennes, pour le gouvernement, pour l'immigration.
22:18Pour 20, 25 mille dollars, ils vous font de vraies cartes vertes, mais avec un faux nom.
22:24Cet argent paye beaucoup de gens. Beaucoup de gens bien placés. L'argent ne reste pas dans
22:38les mains de ceux qui font les livraisons. Cet argent est distribué à des gens en place,
22:42dans les services de l'immigration, des forces de l'ordre des deux pays, du Mexique comme des USA.
22:48L'offre de services s'adapte donc en fonction des moyens des migrants. Et comme il n'y a pas
22:55de petits profits, les prestations se déclinent pour toutes les bourses.
22:58Ça dépend évidemment de nombreux facteurs, comme les saisons, l'hiver, l'été, le risque pour
23:28les migrants. Ça dépend de ce qu'ils peuvent payer. En Méditerranée, les trafiquants offrent
23:36différentes classes de bateaux. Ils ont des conditions horribles avec des bateaux gonflables,
23:42fabriqués en Chine. Parfois, ils n'ont même pas de gilet de sauvetage, pas assez d'essence pour
23:51le voyage. En fait, tout dépend de ce que vous payez. Vous obtenez ce qui correspond à ce que
24:00vous avez payé. On était 135 dans ce bateau. Je me rappelle très bien de ce nom. 135 personnes,
24:06dans ces zodiacs de 50 chevaux, 135 personnes. On était dans les zodiacs maintenant. Je ne connaissais
24:13même pas ce qu'on appelle le gilet. C'est arrivé en Méditerranée, j'ai connu ce qu'on appelle le
24:18gilet. Je n'ai pas connu le gilet au début. Je ne savais même pas c'est quoi le gilet. Pour
24:24optimiser leur profit, les trafiquants parasitent même les réseaux d'assistance aux migrants,
24:29et notamment les bateaux qu'ils croisent en Méditerranée. De toutes les façons,
24:34les bateaux gonflables surchargés n'ont quasiment aucune chance de réaliser la totalité de la
24:39traversée. Le moteur était très lent pour faire bouger parce qu'on était énormes dans le bateau.
24:47Après j'ai vu qu'ils ne savaient pas nous envoyer quelque part. Moi j'ai commencé à pleurer. J'ai dit
24:52que non, je suis foutu Hussien. Parce qu'au lieu d'arriver maintenant, tu ne peux pas sortir pour
24:57marcher à pied dans l'eau. Les bateaux gonflables ne peuvent pas s'aventurer en haute mer. Ils
25:02suivent discrètement les côtes de Libye et de Tunisie et passent dès que possible dans les
25:06eaux internationales. Les pilotes lancent alors un appel à l'aide grâce à un téléphone satellite
25:11vers les bateaux qui croisent dans leur secteur.
25:41On est très attentifs à ce qui se passe en mer méditerranée.
26:10Mais énormément de migrants syriens, des réfugiés, arrivent en Europe par la route. Ils ne passent
26:20pas par la mer parce que c'est la voie qui coûte le moins cher. Mais c'est la plus dangereuse.
26:26Quel que soit le chemin pris pour parvenir à destination, pour de nombreux migrants,
26:33c'est toujours trop cher. Le voyage s'étale donc sur plusieurs années.
26:37Vous avez des gens qui payent à chaque étape, c'est-à-dire d'un pays à l'autre. On travaille
26:47un petit peu. On attend des versements d'argent à travers des systèmes bancaires, Western Union
26:55et d'autres. On attend des remises d'argent pour pouvoir continuer le voyage jusqu'à la
26:59prochaine étape. Mais on sait que du Brésil jusqu'ici, le montant c'est 4000 à 8000 dollars.
27:07Parce que sur le chemin il y a le Nicaragua et il faut payer et payer encore et encore jusqu'au
27:16Mexique. Quand on est à Costa Rica pour traverser le Nicaragua, il y a des personnes, des coyotes qui
27:25touchent, je peux dire environ 1200 dollars par personne pour traverser Honduras. Tout le parcours,
27:39tout au long du chemin du voyage en paix, il est question de savoir négocier. Parce que c'est
27:48la même route, je peux dire que c'est la même route. Il y a des personnes qui voyagent en camion,
27:55par bateau. Un camion ça coûte beaucoup plus cher, mais vous allez endurer les mêmes difficultés
28:04que pour voyager en bateau, en camion, le mettre à pied. Autre cas de figure, les migrants deviennent
28:13temporairement complices du trafic dont ils sont victimes. On a des cas, je parle de la
28:23Méditerranée, où les migrants ne paient pas pour passer de la Libye à l'Italie. On les entraîne
28:31pendant une journée pour être pilote et équipage de ces bateaux. C'est gratuit parce qu'ils travaillent
28:38pendant la traversée. Et bien entendu, ils ne font pas partie du crime organisé. C'est un sujet
28:48très sensible, pas seulement en Libye ou dans le désert. Regardez nos frontières dans l'Union
28:55européenne. Quand on voit les morts sur les autoroutes dans l'Union européenne, entre
29:01l'Autriche et la Hongrie, entre la Serbie et la Roumanie, on a vu, il y a deux ans, 60 personnes
29:09asphyxiées dans un van. On parle de mineurs, de femmes enceintes. Les trafiquants s'en fichent. Pour
29:17eux, ce sont des marchandises. S'ils doivent tuer une personne, s'ils doivent tuer 70 personnes dans
29:24un van, ils le feront. La raison d'être des organisations criminelles, c'est de faire de
29:31l'argent. Elles sont plus que de simples agences de voyages illégales, dangereuses, car elles ont
29:36vite découvert tous les avantages qu'elles pouvaient tirer d'une population fragile, et ceux-là qui
29:41n'iraient jamais se plaindre de quoi que ce soit auprès des autorités. C'est là toute la singularité
29:46de ce marché. Les mafias ne se contentent pas d'escroquer leurs clients. Elles ont mis au point
29:51des méthodes pour les transformer en marchandises. Les réseaux criminels ont rapidement trouvé un
29:59moyen de récupérer encore plus d'argent sur le dos des migrants. Là encore, que ce soit au Mexique,
30:04en Libye ou ailleurs, c'est le même mode opératoire. Ils payent le trafiquant. Le gars commence à les
30:12faire traverser et puis tout d'un coup, c'est supposé être un fait du hasard, d'autres gars
30:17qui bossent avec ces trafiquants les prennent, ils en tuent quelques-uns, ils leur demandent de
30:22payer encore. C'est vraiment une situation terrifiante. Ils nous avaient prévenu de faire
30:27attention dans l'état du Chihuahua parce qu'il y a beaucoup de kidnappings là-bas. Le cartel de
30:33Juarez attrape des gens à droite à gauche. Ils nous avaient bien prévenu, mais ils ne nous avaient pas
30:38dit de faire attention à nos sacs rouges. Les sacs rouges, c'est ce que nous donnent les services
30:42d'immigration pour mettre nos papiers. Ils donnent aussi deux boîtes avec des chaussettes, des
30:47caleçons pour qu'on ait quelque chose à se mettre quand on est déporté. On marchait le long de la
30:53route et j'ai compris que ça irait mal quand j'ai vu un gars sauter d'un camion et venir vers nous
30:58avec un 9 mm à la ceinture et une lame dans la main droite. Il m'a attrapé par le bas de
31:07ma chemise et il m'a planté sa lame dans le dos, par là. Je ne sais plus très bien où, mais il y a
31:15une cicatrice par là. C'est la trace de la lame, vous voyez ? Il a sorti son flingue, m'a poussé dans
31:23le camion, il m'a braqué avec son 9 mm et il m'a dit de me pencher. Et il m'appuyait sur la nuque
31:30pour m'obliger à me baisser. Ensuite, il nous a emmené dans un ranch. On est passé devant la cuisine
31:36et à travers la porte de la cuisine, on a vu une femme assise. Il y avait sept ou huit portables
31:43devant elle. Il y avait trois, quatre bouteilles d'alcool, du tequila, du whisky et un gros plat
31:49plein de cocaïne. Il y avait quatre gars autour d'elle, des gars du cartel, des sicarios. Pour
31:58chaque pays, il y a un prix différent. Plus tu viens du sud, plus c'est cher pour te relâcher.
32:02Ils t'ont kidnappé et si ta famille n'envoie pas l'argent quand ils le demandent, ils te tuent.
32:10Au Mexique, le kidnapping des migrants est devenu monnaie courante, notamment parce que
32:17les autorités n'ont pas encore saisi l'ampleur de ce phénomène. Je sais que ce genre de kidnapping,
32:24il y en a dix par semaine. Juste ici, on parle de 3000 à 5000 dollars par tête.
32:33Ça fait 50 000 de profit par semaine pour le crime organisé, pour un crime que le gouvernement
32:41refuse de reconnaître. C'est le crime parfait de kidnapper des migrants. Le gouvernement dit
32:46que ça n'existe pas. Le gars me frappait si fort que je suis tombé sur les genoux. Je l'ai repoussé,
32:55il m'a frappé au visage, dans la bouche, il m'a cassé une dent. Le même sicario qui m'avait
33:03planté, il a pris la même lame et il m'a traversé le bras, de là jusque là. Il n'y a aucun moyen
33:13de se défendre contre ces gens. Tu ne peux même pas porter plainte à la police parce qu'elle
33:20travaille pour le même cartel qui t'a enlevé.
33:50Si vous êtes un migrant et que vous voulez traverser la Méditerranée, vous allez être
34:12confronté à des situations inimaginables. Ce sont des témoignages que j'ai recueillis
34:18au Niger. On parle de kidnappings, d'assassinats en Libye, de personnes qui, parce qu'elles sont
34:28malades, se prennent une balle dans la tête. Beaucoup de trafiquants se livrent à des
34:36extorsions de fond. On fait des vidéos en soumettant des gens à la torture, on les
34:42filme, on envoie les vidéos à la famille, on téléphone à la famille, on entend la personne
34:48se faire battre et crier à l'aide, de façon à ce que la famille transfère de l'argent supplémentaire
34:54sur des comptes bancaires.
35:24Il a traduit ça en arabe pour lui. Quand il l'a traduit en arabe, le monsieur s'est énervé. Il a
35:47dit à l'autre là qu'il allait commencer à me taper. Quand il venait me taper, je protégeais toujours
35:56mon cou et ma tête et mon cou. Une fois encore, c'est tout bénéfice pour les trafiquants. Les
36:02victimes n'iront jamais se plaindre à la police, du moins celles qui auront survécu. Mais le pire
36:07est à venir. Un autre piège peut attendre les migrants. La Libye étant devenue une zone de
36:13non-droit, un nouveau business a vu le jour. Disons plutôt qu'il est réapparu. Lorsque les
36:21gens arrivent près de la Libye ou en Libye, là on a un phénomène de traite où il y a violence,
36:26exploitation sexuelle systématique des femmes et torture pour la plupart des hommes afin d'extorquer
36:35de l'argent supplémentaire. Donc là, il n'y a plus de gentil. Je dirais quand on arrive en Libye,
36:42on a affaire à des réseaux criminels très organisés.
37:12Ils ont tué plein de femmes devant nous parce qu'ils avaient refusé de se prostituer.
37:22Plein, plein. Ils te refusaient de te tuer, ils t'ont déjeté à la main.
37:27Arrivé en Libye, Moussa n'avait plus d'argent ni de famille que les mafias auraient pu raqueter.
37:33Kidnappé une première fois, il a donc été vendu et revendu à des marchands d'esclaves pendant six
37:39mois. Il était devenu une marchandise parmi tant d'autres. Il m'a fait rentrer dans une grande
37:44cour. Dans cette cour maintenant, j'avais vu que des personnes africaines comme moi. Il y avait
37:50plusieurs jeunes personnes. Ils étaient tous faibles. Ils étaient tous faibles. Et je me disais
37:56mais s'ils respiraient ou pas. Ils étaient tous faibles. Il y a beaucoup qui étaient blessés. Il
38:00y a beaucoup qui criaient. Il y a beaucoup qui disaient non. Qu'est-ce qui m'arrive ? Il y a
38:04des gens qui n'arrivaient plus à parler. Même par famille, il y a des gens qui venaient,
38:08ses amis arabes eux-mêmes. Ils venaient comme ça. Ils pouvaient allonger trois jeunes filles
38:15avec trois jeunes garçons comme ça. Ils arrivaient comme ça. Là, le monsieur maintenant, il choisit.
38:19Pendant que je rentre, s'il dit maintenant que c'est lui qui lui plaît, il le paye. Il le paye
38:24par les gens, les biens. Il le met dans la voiture et puis il s'en va. Dans ma tête,
38:28j'ai dit c'est le commerce. C'est devenu un business. C'est un macho. Je n'y crois pas.
38:35Mais c'était la réalité dans le pays où j'étais, dans la situation où j'étais.
38:40Mais bon, beaucoup de gens meurent en détention. Énormément de gens sont torturés en détention.
38:4674% des gens disent avoir souffert de torture dans les centres de détention en Libye. 84% ont vu
38:55des gens exécutés sous leurs yeux. Donc on a des conditions abominables régnant dans les prisons
39:01libyennes, que ce soit aux mains des autorités ou que ce soit aux mains des trafiquants.
39:05Pour la seule zone libyenne, le Haut commissariat aux réfugiés estime que seuls 20% des migrants
39:12qui sont arrivés en Libye parviennent jusqu'aux côtes de l'Europe. On ignore tout du sort de
39:17ceux qui sont encore sur le territoire libyen. L'exploitation des migrants ne s'arrête pas là.
39:23Si certains sont des clients ou des marchandises, d'autres sont tout simplement des investissements à long terme.
39:29Certaines personnes peuvent voyager et aller d'un endroit à un autre sans avoir à donner de l'argent.
39:39Parce que tout se fait à crédit. Cette dette, c'est la raison pour laquelle les migrants
39:50seront exploités. Parce que dans le pays de destination, le trafiquant va dire aux victimes
39:56« tu me dois de l'argent, beaucoup d'argent, des centaines ou des dizaines de milliers de dollars.
40:03Donc tu vas travailler gratuitement pour moi les cinq prochaines années ou les dix prochaines années, ou que sais-je. »
40:15Il faut voir aussi que le trafic ne s'arrête pas en Libye. Il continue en Europe.
40:19Quand je vais en Italie, mais on peut voir ça dans d'autres pays, en France, en Suisse, en Allemagne,
40:24quand on voit ces femmes nigériennes se prostituer, qui ont souvent leurs documents confisqués par des trafiquants,
40:32qui les mettent dans une situation d'esclavage pendant 15 à 20 ans, qui abattent 20 clients par jour.
40:42C'est un investissement. Et les trafiquants vont se dire « ok, j'investis. Je vais envoyer une dizaine de personnes d'Ukraine au Canada.
40:50C'est un exemple, mais c'est arrivé. Je vais investir. Ils n'ont pas d'argent, je vais tout payer pour eux,
40:58mais je vais les exploiter les cinq prochaines années. » Alors le calcul est facile.
41:04Et on voit que ce business est très rentable et que les trafiquants en tirent profit.
41:12Le trafic de migrants revêt donc des formes variées et concerne des millions de personnes à travers le monde.
41:18Une source de profit extraordinaire, dont on ne peut que difficilement envisager l'envergure.
41:31On sait qu'on parle de milliards. On sait qu'aujourd'hui, le trafic de migrants et de réfugiés,
41:38amène plus de revenus à l'Etat libyen que la vente de pétrole. C'est ce que les communautés disent en Libye.
41:45Donc c'est une source de revenus très importante.
41:49Les investigations financières, c'est notre priorité. C'est aussi la priorité des forces de l'ordre dans l'Union Européenne.
41:56C'est un gros challenge pour la police. Car la plupart des transactions faites par les migrants,
42:03rentrent dans le système financier occulte de l'awala.
42:07L'awala, c'est une sorte de crédit de confiance. Concrètement, c'est un transfert d'argent sans qu'il y ait un mouvement d'argent.
42:14L'argent ne bouge pas du pays, mais il est compensé par un autre service, légal celui-ci.
42:20Par exemple, un trafiquant en Libye doit verser 10 000 dollars à son complice en Italie.
42:26Un simple coup de fil à un agent de l'awala, et celui-ci verse l'argent au destinataire.
42:31Cet agent est donc détenteur d'une dette d'honneur.
42:34Et il pourra demander à son débiteur d'acheter par exemple pour 10 000 dollars de marchandises dans son propre pays,
42:39et d'en faire le commerce légalement.
42:42Ce système fonctionne sur la confiance sans faille que les membres du réseau ont les uns vis-à-vis des autres.
42:48Si on essayait de tracer l'argent, on pourrait remonter jusqu'aux gros poissons.
42:55Néanmoins, comme je l'ai dit, à cause de ce système financier souterrain, il n'y a aucune trace de l'argent.
43:04Aucun mouvement.
43:07C'est basé sur la confiance entre deux personnes,
43:13je veux dire par là que c'est un système informel.
43:17On n'a aucune trace.
43:19Juste le témoignage d'un migrant ou de trafiquant.
43:24Mec, il y a des millions de dollars en jeu.
43:28Comme je t'ai dit, c'est juste une petite ville, et dans juste une seule maison.
43:33Il y en a beaucoup des maisons sur la frontière entre Tijuana et le Texas,
43:38imagine combien il y a de kilomètres, combien de maisons, combien il y a de cartels,
43:43combien de sicarios, de kidnappings, de meurtres,
43:47tout ça au même moment.
43:49Imagine l'argent que ça représente.
43:52Et ça, c'est juste le trafic d'êtres humains.
43:55Imagine l'argent qu'ils se font avec la drogue.
43:58Cristalmette, héroïne, marijuana, cocaïne, ecstasy,
44:03tout ce qu'ils peuvent passer.
44:16Oui, c'est très rentable.
44:18Car on parle de 10 000 dollars par personne.
44:2110 personnes là, 10 autres quelques kilomètres plus loin.
44:25On parle de centaines de milliers de dollars.
44:29Ce que je peux vous dire, c'est pas combien j'ai collecté,
44:32mais combien j'ai gagné le plus.
44:35C'est 20 000 dollars.
44:37C'est le plus que j'ai gagné.
44:40Et j'ai jamais gagné plus que 20 000 dollars.
44:43En une fois, un jour.
44:45On parle du travail d'une journée.
44:50Rien ne se fait sur cette frontière,
44:53de cette côte jusqu'à l'autre côte,
44:56sans passer par les cartels.
44:59Il y a différents cartels.
45:02Il y en a un ici.
45:05Un autre à Juarez.
45:08Et un autre encore à Matamoros.
45:11Il y a différents cartels avec différentes organisations.
45:14Mais rien ne se fait sans la permission des cartels
45:17ou sans leurs ordres.
45:19Ils contrôlent la frontière.
45:22Ils contrôlent la frontière.
45:26Ils contrôlent la frontière.
45:32Ce qu'on observe au quotidien,
45:35c'est comment les groupes criminels travaillent ensemble.
45:38Comment ils se coordonnent.
45:41Le business model des trafiquants
45:44qui opèrent en Hollande, en Italie ou en Espagne,
45:47ont des liens très étroits avec les autres acteurs
45:50tout au long de la chaîne.
45:54Et ce, depuis le point du débarquement en Italie ou en Grèce.
45:59Idem au point d'embarquement en Syrie ou en Turquie.
46:05Ce sont tous des groupes criminels
46:08et ils gèrent tout de A à Z.
46:13Bien entendu, comme c'est un business en plein essor,
46:18tout ça est relié à d'autres formes de criminalité.
46:24Ce que j'ai toujours dit, c'est que le trafic n'est pas ailleurs,
46:27il est là.
46:30C'est un problème qui nous concerne tous,
46:33qui est autour de nous.
46:36Moi, vous, lui, on a tous déjà vu une victime du trafic.
46:39Probablement sans le savoir.
46:42C'est quelque chose qui est autour de nous.
46:45Ce n'est pas un truc qu'on peut externaliser.
46:48Un truc qui ne concernerait que les pays en voie de développement.
46:52L'exploitation ne se fait pas dans le secteur illégal.
46:55Ce que je veux dire,
46:58c'est que la plupart des victimes travaillent dans le secteur légal.
47:01Dans les restaurants,
47:04les hôtels,
47:07l'agriculture,
47:10dans l'industrie de la pêche,
47:13dans tous les secteurs qu'on peut imaginer,
47:16les boutiques, et c'est totalement légal.
47:19Et c'est surtout complètement invisible pour la population.
47:22Contrairement à ceux qui arrivent jusqu'en Europe
47:25et qui n'ont d'autre choix que de se rassembler,
47:28en attendant que leur situation évolue.
47:31Ce qui fait les affaires des réseaux criminels, mais français cette fois-ci.
47:34Le docteur Laurine Cissé travaille pour l'organisation Médecins sans frontières,
47:37qui dispense des soins en journée dans ses camps de fortune,
47:40en plein cœur de Paris.
47:43On considère qu'ils sont primo-arrivants.
47:46Certains sont dans des procédures extrêmement longues en France,
47:49avec des situations de non-réponse.
47:52Donc ils sont en attente depuis extrêmement longtemps,
47:55mais il reste beaucoup de primo-arrivants encore tous les jours.
47:58Chaque soir, lorsque les ONG quittent le terrain,
48:01elles laissent le champ libre à d'autres organisations.
48:04Il y a beaucoup de choses qui se passent certainement en souterrain,
48:07plus tôt la nuit, plus tôt le soir.
48:10On sent bien quand on discute avec eux qu'il y a des choses qui se passent
48:13et des gens qui effectivement tournent autour d'eux.
48:16Vous dire sur quelle sorte de marché ils partent,
48:19ça paraît compliqué.
48:22On sait par contre que les jeunes adultes et les mineurs
48:25sont une population extrêmement vulnérable,
48:28qui là sont très fortement approchés par des réseaux de traite
48:31et des réseaux malheureusement de prostitution également.
48:34Pour éviter de voir ce genre de situation se répéter,
48:37on parle de plus en plus de délocaliser les demandes administratives
48:40des réfugiés dans leurs pays d'origine ou les pays voisins.
48:43Une initiative qui existe depuis 2014
48:46pour que ceux qui sont forcés de quitter leur pays puissent le faire légalement.
48:49Il y a tout ce discours sur
48:52les gens ne doivent pas passer les frontières illégalement,
48:55c'est un crime qu'ils utilisent les voies légales.
48:58Les voies légales ne fonctionnent pas.
49:0185% des gens qui arrivent en Libye passent le Niger.
49:04Combien de réfugiés ont été réinstallés à partir du Niger
49:07vers le monde entier ?
49:10En 2014, zéro. En 2015, zéro. En 2016, zéro. En 2017, un réfugié.
49:13Donc il faut être sérieux.
49:16Où on met en place ces alternatives légales
49:19pour des gens qui sont réfugiés avec un contrôle de sécurité maximum
49:22de façon aussi à protéger les communautés d'accueil ?
49:25Où on se tait sur ces voies légales parce qu'elles n'existent pas aujourd'hui ?
49:28Plus il y aura de migrants,
49:31plus les pays renforceront leurs frontières
49:34et l'immigration massive.
49:37C'est une tendance qui se vérifie à l'échelle mondiale.
49:40La seule conséquence réelle et indiscutable de cette politique,
49:43ce sont les extraordinaires bénéfices que vont en tirer
49:46les organisations criminelles.
49:49En promettant qu'aucune frontière,
49:52qu'aucun mur ne saurait leur résister,
49:55les mafias continueront à engranger un maximum de profits.
50:04Moussa a obtenu ses papiers
50:07et il a repris ses études en alternance pour devenir mécanicien.
50:10Efrem n'est jamais retourné aux Etats-Unis.
50:13Il vit à Tijuana, où il travaille dans un centre d'accueil
50:16qui vient en aide aux déportés.
50:34L'immigration n'est pas la seule solution.
50:37Il y a d'autres solutions.
50:40L'immigration n'est pas la seule solution.
50:43L'immigration n'est pas la seule solution.
50:46L'immigration n'est pas la seule solution.
50:49L'immigration n'est pas la seule solution.
50:52L'immigration n'est pas la seule solution.
50:55L'immigration n'est pas la seule solution.
50:58L'immigration n'est pas la seule solution.
51:01L'immigration n'est pas la seule solution.
51:04L'immigration n'est pas la seule solution.
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51:10L'immigration n'est pas la seule solution.
51:13L'immigration n'est pas la seule solution.

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