• il y a 3 mois

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Transcription
00:00On s'inquiète davantage quand on élève une fille que quand on a un garçon
00:03pour une raison très simple, c'est qu'on s'inquiète deux fois.
00:05On s'inquiète pour son enfant parce qu'on a peur pour son enfant quand on est parent
00:08et on s'inquiète pour sa fille parce qu'elle est une fille et parce qu'être une fille,
00:12et ça on le sait dans notre chair en tant que mère,
00:14c'est être soumise, être victime à la brutalité masculine.
00:19On ne sait pas toujours quels mots il faut employer
00:20et puis surtout on a ce défi-là de transmettre non pas des peurs,
00:25parce qu'on n'a pas envie de transmettre nos peurs et nos névroses à nous de mère à nos filles,
00:29mais une manière de se protéger.
00:30Son première harcèlement de rue, en tout cas celui qu'elle m'a raconté,
00:34elle avait à peine 11 ans et donc ça a déclenché des discussions à la maison
00:38sur la manière dont elle devait se comporter,
00:42elle en tant que fille, et c'est malheureux parce que c'est évidemment aux hommes
00:45de changer leur comportement, mais comment est-ce qu'elle, elle pouvait se protéger
00:48quand elle rentre tard par exemple, il a fallu très tôt que je lui explique
00:51comment tenir sa clé très serrée dans la main avec la clé qui sort
00:56pour pouvoir éventuellement se défendre en cas d'agression.
01:00Il a fallu que je la prévienne, que je lui explique
01:02quelles sont les précautions à adopter quand on est une jeune femme
01:05et qu'on se déplace dans la rue le soir, mais pas seulement le soir, en pleine journée.
01:09On a eu aussi des discussions houleuses, mais intéressantes,
01:12sur la manière dont on se vêtit quand on est une jeune femme.
01:16Et c'est vrai que moi j'ai beaucoup eu tendance à lui dire en tout cas au début,
01:19attention la mini-jupe, attention le mini-shirt, c'est un appôt harceleur.
01:24Et c'est elle-même qui m'a fait remarquer que non, en fait,
01:26qu'elle s'était déjà fait harceler à la limite même de l'agression dans la rue
01:31quand elle revenait du sport au lycée en survêtement.
01:34Quand on élève une fille et qu'on est féministe, qu'on se dit féministe comme c'est mon cas,
01:39ce qui est certain c'est qu'on va devoir confronter nos principes, nos valeurs au réel.
01:43Et c'est vrai qu'il y a des moments où je me suis dit,
01:45en fait je ne suis pas totalement cachère dans mon féminisme,
01:49c'est-à-dire que voilà, je n'avais pas prévu moi de dire à ma fille,
01:53peut-être faut-il mettre un pull plus long ou ce genre de choses.
01:56C'est un instant de protection de son enfant et on va, oui,
01:59peut-être parfois prendre de mauvaises décisions
02:01ou dire des choses qui ne devraient pas être dites à une enfant, à une jeune fille.
02:04Un truc qui me fascine, dont je parle beaucoup dans le livre,
02:07c'est les relations entre jeunes femmes, entre amies dans la génération d'aujourd'hui.
02:12Il me semble qu'elles ont un rapport beaucoup plus sain et beaucoup plus simple aux autres femmes
02:19par rapport à comment moi j'ai vécu l'adolescence et mes années de jeunes adultes
02:24avec cette idée qu'il n'y avait pas de place pour toutes les femmes,
02:27qu'il n'y avait pas de place pour tout le monde
02:28et qu'il fallait à un moment, pour trouver sa place dans la société,
02:32trouver sa place dans le milieu professionnel,
02:34trouver sa place aussi en amour,
02:36qu'il allait falloir jeter les autres femmes sous le bus.
02:39Elles, à l'inverse, elles se font plutôt la courte échelle entre femmes.
02:42Je pense que l'adolescence, de manière générale,
02:45et effectivement peut-être cette tranche d'âge-là, 16-18 ans,
02:48elle est éprouvante pour le parent.
02:50La grande différence, c'est que dans les premières années de vie de son enfant,
02:54on l'aide à grandir, on l'accompagne quand il grandit.
02:57Et quand ils sont adolescents, avec les tourments qui sont propres à l'adolescence,
03:01on les accompagne, on les aide à vivre,
03:05ce qui n'est pas exactement la même chose.
03:06On les aide presque à survivre à certains moments et à certains endroits.
03:10L'adolescence, ceci quand même de particulier par rapport aux autres âges de l'enfance de nos enfants,
03:15c'est que c'est la seule période qui nous pousse à convoquer nos propres souvenirs d'adolescence.
03:22C'est-à-dire que quand ils sont enfants,
03:23on ne se rappelle pas tellement de comment on était, nous, à leur âge,
03:26quand ils avaient 5, 6 ou 7 ans, peu importe.
03:29Alors que quand ils ont 15 ans, 16 ans, 17 ans,
03:32on commence à se souvenir de la personne que nous, on était à cet âge-là.
03:35Et c'est généralement à ce moment-là qu'on commence toutes nos phrases par « moi à ton âge ».
03:41Et évidemment que c'est un réflexe assez naturel de la part du parent.
03:44Et en même temps, je pense qu'il faut aussi qu'on réfrène cette tendance naturelle
03:48à comparer l'adolescence de nos enfants à notre propre adolescence,
03:52pour la simple et bonne raison que l'époque n'est pas la même
03:54et qu'on n'est pas la même personne et que les attendus ne doivent pas être les mêmes.

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