En remportant l'or en l'espace de deux heures sur 200m papillon et 200m brasse ce mercredi, Léon Marchand a réussi un pari complètement fou. Une nouvelle fois scotché par l'ambiance, le Toulousain avait déjà le regard tourné vers la suite de son programme des Jeux olympiques de Paris.
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00:00Comment marche le Léon Marchand ? Avec nous pour en parler, Angèle Ouatta, journaliste de BFM TV.
00:04Je salue Sophie Camoun, évidemment, qui est avec nous, consultante RMC ancienne nageuse qui avait la chance d'être dans l'aréna hier soir.
00:11Amandine Aftalion, qui est mathématicienne, qui est directrice de recherche au CNRS, qui va nous expliquer la physique de la coulée de Léon Marchand.
00:18Angie, je commence avec vous. Vous étiez, vous, au Club France, où ça a fait beaucoup de bruit aussi, ambiance de feu.
00:24Vous avez suivi les deux finales du 200. On voit les images que vous avez ramenées. Ça a été phénoménal.
00:31Oui, ça a été incroyable. Je veux même vous dire, quand vous parlez, ça a sûrement du sens, sauf que moi, j'entends rien.
00:37J'entends juste « Cha-la-la-la-la-la, Léon Marchand ». Et ça, c'est revenu tout au long de la soirée. Il y a des Toulousains…
00:45Vous avez encore des oreilles, ce matin ?
00:46Non, justement, je vous dis vraiment, Apérine, je sais que vous avez une voix. Je sais ce que vous dites.
00:51Théoriquement, c'est bien écrit, etc. Mais là, je n'entends vraiment rien. Non, non, c'était une ambiance de folie.
00:57On l'a assez dit à l'antenne, les soirs, quand on fait nos duplex, il fait 70 degrés dans la grande halle de la Villette.
01:05Il n'y a pas de clim, etc. Mais finalement, les gens s'en fichent, en fait. Les gens s'en fichent.
01:09Et c'est une fournaise, c'est un chaudron. Et c'est un Stéphanois qui vous le dit, donc je sais de quoi je parle.
01:14C'est une ambiance exceptionnelle. Et en plus, Léon Marchand, il a cette capacité, on dirait qu'il le fait presque exprès.
01:20C'est Spielberg, il nous fait un scénario, il nous raconte une histoire avec justement, et on va en parler d'un point de vue scientifique,
01:27cette dernière coulée sur le 200 mètres papillon qui a surpris tout le monde.
01:31Tout le monde se disait, mais non, il n'y arrivera jamais. Il est en retard. L'autre a le record du monde sur ce 200 mètres papillon.
01:39Franchement, c'était vraiment fou. C'était exceptionnel. On prend de la bière sur la chemise, mais ça fait du bien.
01:45C'était un chaudron au Club France. Alors imaginez un petit peu l'ambiance à la Défense Arena où vous étiez, Sophie Camoun.
01:52Est-ce que vous avez déjà entendu une telle ambiance dans une piscine olympique ?
01:59Absolument pas. C'est la première fois. Et je peux vous dire que même en Australie, aux Jeux olympiques de Sydney,
02:03où pourtant la natation là-bas est une institution, on n'a jamais entendu une telle ambiance.
02:08Je n'imaginais pas qu'un jour je vivrais ça dans une piscine. C'était exceptionnel.
02:13Alors on est là pour essayer de comprendre, Sophie, à la fois la portée de l'exploit et la façon dont il a été réalisé.
02:18Et un élément qui interpelle les spécialistes, c'est ce passage, ces deux heures entre la première finale, la deuxième,
02:24son donnage qu'ils ont pratiquement antagoniste. C'est quoi la méthode marchande pour réussir ?
02:31Il y a de tout. Il y a déjà un énorme talent et on le voit justement aussi dans ses coulées parce qu'on voit qu'il glisse mieux que les autres.
02:40Il a des qualités de glisse. Il y a des nageurs qui sont plus aquatiques que d'autres, probablement liés à la génétique.
02:45Ses deux parents ont été aux Jeux olympiques tous les deux. Il a une technique absolument parfaite.
02:51Il a une énorme capacité de travail, Léon Marchand, qui fait qu'il s'entraîne beaucoup, qu'il s'entraîne très bien.
02:57Il est très exigeant avec lui-même. Et puis, de par cette capacité de travail, il a aussi une énorme capacité de récupération.
03:08On prend les lactates aux nageurs juste après leurs courses pour voir s'ils ont chargé leurs muscles d'acide lactique.
03:17Avec Léon Marchand, le jour où il a nagé ses quatre courses, c'est-à-dire les deux séries et les deux demi-finales,
03:22le lendemain matin, il était dans un état quasiment de fraîcheur absolue, c'est-à-dire comme s'il n'avait pas nagé les quatre courses la veille.
03:31C'est vraiment l'avantage de Léon aussi, c'est qu'il récupère très vite. Sinon, il n'aurait jamais été capable de faire ce doublé.
03:38Ce qui est dingue, c'est qu'à la fin de son 200 mètres papillon, on avait le sentiment qu'il était exténué, qu'il avait tout donné.
03:44Et d'ailleurs, on a eu très peur sur le 200 mètres papillon. On se dit qu'il n'y arrivera pas, qu'il ne va pas réussir à remonter.
03:51Est-ce que quand il est sur ses derniers 50 mètres, on entend la clameur au sein de la Défense Arena ?
03:57Est-ce qu'il a pu aller puiser là-dedans pour aller chercher cette énergie, ces derniers watts, pour essayer de rattraper son retard et d'arriver en tête ?
04:07Bien sûr que le public l'a aidé, mais Léon savait ce qu'il faisait aussi. Il ne s'est pas affolé parce qu'il savait que son concurrent hongrois, Christophe Milak, partait toujours très vite.
04:16Donc l'idée, c'était vraiment de rester dans son sillage le plus longtemps possible, de faire une très grosse dernière coulée pour justement s'envoler en suite dernière dans le dernier 50.
04:27Et vous savez, quand vous êtes en papillon et que vous voyez un nageur à côté de vous qui est en train de craquer, en plus, ça vous donne des ailes.
04:33Mais c'est incroyable ce qu'il a fait Léon, parce que c'est vrai que sur le papier, Christophe Milak avait deux secondes d'avance, il avait le record du monde.
04:41Lors de leur dernière confrontation, Milak l'avait remporté au championnat du monde il y a deux ans.
04:46Quand Léon avait été champion du monde de la distance l'année dernière, tout le monde lui disait oui, mais enfin bon, il n'y avait pas Milak.
04:51Et là, il l'a battu vraiment à la régulière et puis avec la manière surtout.
04:55Il y a une question que tout le monde se pose, même le compte de Paris 2024.
05:01Vous nous confirmez, Amandine, que ce n'est pas un robot, c'est bien humain.
05:08Et ça s'explique, ça s'explique mathématiquement grâce à cette technique incroyable autour de cette coulée qui est son atout maître.
05:14C'est son atout maître, mais je pense qu'il y a beaucoup de choses.
05:18Il y a une technique impeccable déjà dans les quatre nages, ce qui est rare chez les nageurs.
05:22Il y a un mental d'acier, on en a parlé, mais la motivation, il faut savoir mathématiquement.
05:27Aujourd'hui, on sait la mettre en équation et on a compris que la motivation permet d'aller plus loin parce que justement, le nageur n'est pas un robot.
05:36Le nageur a un cerveau et c'est le cerveau qui donne les instructions au muscle.
05:40Et quand on donne l'instruction au muscle, on peut être fatigué et pas avoir envie d'y aller ou on peut être extrêmement motivé.
05:47Et quand on est motivé, le cerveau donne les instructions de manière différente.
05:52Sa motivation permet d'aller plus loin dans l'effort, permet de supprimer la pénibilité de la douleur.
05:58Et ça, c'est très clair chez Léon Marchand.
06:02Sa motivation lui permet de nager sur des limites qu'il dépasse grâce en particulier au public et grâce à cette ambiance à la Défense Arena où il y avait visiblement une clameur qui l'entourait et l'amenait plus loin.
06:21Alors évidemment, il y a la poulée. Donc c'est sûr que sur le 200 mètres papillon, la poulée, c'est ce qui a fait la différence, la dernière poulée.
06:29Il faut savoir que nager sous l'eau, ça permet de nager plus vite.
06:33Quand la nage sous l'eau a été mise en avant, il y a eu des records qui ont été battus avec 50 mètres sous l'eau.
06:40Pourquoi ? Parce que la résistance de l'eau sous l'eau est plus faible que quand on nage à la surface.
06:47Donc aujourd'hui, on a droit à 15 mètres maximum de nage sous l'eau sur chaque longueur.
06:52Si on fait plus de 15 mètres, on est disqualifié.
06:55Et Léon Marchand a un atout extraordinaire qui vient de deux choses, sa morphologie et sa technique de poulée.
07:03Donc sa morphologie, il est extrêmement long, fin et souple, ce qui lui permet d'être extrêmement longiligne sous l'eau, donc de limiter la traînée, la force de résistance de l'eau.
07:16Il y a des nageurs qui ont des épaules qui sont beaucoup plus larges, qui sont moins fins que lui.
07:21Donc lui, il est très fin, très souple.
07:22Ça, c'est une grande qualité.
07:25Et après, on en vient à la poulée, à l'ondulation.
07:28Donc la façon de nager sous l'eau, c'est une ondulation où le corps ondule.
07:33Il y a beaucoup de nageurs qui ondulent à partir des hanches.
07:37Et la bonne ondulation, comme l'a fait Léon Marchand, elle part de la tête.
07:42Il y a tout le dos qui se courbe et ensuite les jambes qui se courbent.
07:47Donc c'est une nage qui est parfois comparée à celle du dauphin.
07:52En anglais, on appelle ça le coup de queue du dauphin.
07:56Donc pour bien indiquer qu'il y a à la fin, dans les pieds, les pieds vont renvoyer de l'eau.
08:05Quand l'ondulation est bien réussie, la vague que le nageur va créer derrière lui,
08:10puisque tout nageur crée une vague derrière lui,
08:13la vague qu'il va créer derrière lui, il arrive, s'il a bien les jambes bien enroulées,
08:18le corps bien enroulé, à se la renvoyer dessus pour qu'elle le repropulse.
08:22On fait de la biologie, on fait de la physique grâce à vous, Amandine Aftalian,
08:25juste parce qu'on n'a pas beaucoup de temps.
08:26J'ai quand même une dernière question importante pour Sophie Camoun.
08:28Sophie, il y a trois titres olympiques pour Léon Marchand.
08:32Il y en aura combien dans dix jours ?
08:35On espère qu'il en aura un quatrième en individuel demain,
08:40puisqu'il y a les finales demain soir du 200 mètres quatennage.
08:43Une course sur laquelle il n'a pas le meilleur temps sur le papier,
08:45mais dans la forme dans laquelle il est, il est favori, tout simplement.
08:51Et puis le relais 400 mètres quatennage avec l'équipe de France,
08:54où il nagera avec Johan Ndoye-Brouard, Maxime Grousset et Florent Manodou.
08:58Un relais quatennage qui leur tient à cœur et qu'ils peuvent gagner aussi,
09:01enfin en tout cas au moins avoir une médaille.
09:03Voilà le marathon de Léon Marchand qui n'est pas terminé.
09:06Il faudra aussi qu'on s'attarde sur sa capacité à gérer son statut,
09:11parce qu'il n'est même pas dépassé, il n'a que 22 ans,
09:14il n'est même pas dépassé par ce qui lui arrive.
09:16Et voilà, c'est bluffant la façon dont il gère la pression.