"C’est un calme relatif", concernant les feux de forêt en France, explique Éric Brocardi

  • il y a 3 mois
Les étés se suivent, et malheureusement se ressemblent. On a vu ces derniers jours des feux dévastateurs, toujours en cours d'ailleurs, dans l'ouest du Canada et dans le nord de la Californie. Pour l'instant, la France est plutôt épargnée par les feux de forêts, avec en mémoire ceux de l'été 2022.

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Transcription
00:00Jusqu'à quand pourrons-nous lutter contre les feux de forêt ? Devons-nous d'ailleurs déjà nous résigner, en quelque sorte, en tout cas nous adapter pour subir le moins possible ?
00:09On en parle ce matin avec le porte-parole de la Fédération Nationale des Sapeurs-Pompiers de France, Eric Brocardi, bonjour.
00:14Bonjour.
00:15Et avec une spécialiste des feux de forêt, Pauline Villain-Carlotti, vous êtes docteur en géographie, bonjour.
00:20Bonjour.
00:20Nos auditeurs, vous le savez, peuvent vous poser leurs questions au 01 45 24 7000, c'est le standard d'Inter,
00:28et sur l'onglet « Réagir de l'application d'Inter ».
00:32Évidemment, les étés se suivent, malheureusement se ressemblent.
00:35On a vu ces derniers jours des feux dévastateurs, toujours en cours d'ailleurs, dans l'Ouest du Canada et dans le Nord de la Californie, on va en parler.
00:42Pour l'instant, la France semble relativement épargnée, Eric Brocardi, c'est le cas ?
00:47C'est un calme relatif quand même, il faut toujours se méfier et prendre ça avec beaucoup d'humilité,
00:52parce qu'on sait pertinemment qu'une moindre dégradation de la météo sur des conditions qui peuvent favoriser le démarrage des incendies
00:59peuvent causer des dégâts assez importants.
01:01On se souvient forcément de 2022, c'est encore assez proche.
01:03C'était particulièrement catastrophique.
01:05Néanmoins, tous les services de la préfecture, tous les services d'incendie et de secours départementaux
01:09permettent aujourd'hui d'essayer de cantonner très rapidement les incendies dès lors qu'ils éclosent,
01:15avec cette fameuse doctrine de l'attaque massive sur feu naissant,
01:18une doctrine qui fait ses preuves, mais sur lequel encore nous devons être extrêmement vigilants par rapport aux conditions météorologiques.
01:25Ça consiste en quoi ?
01:27C'est-à-dire qu'en fait, on va pré-positionner déjà des moyens terrestres sur le terrain,
01:31on va gonfler les effectifs en caisernes, on va permettre aux guerriers armés,
01:35donc tous les avions de la sécurité civile, de pouvoir faire des rondes dans les airs
01:39pour pouvoir, dès lors qu'il y a un incendie qui éclose, de taper très rapidement l'incendie.
01:43En plus de cela, aujourd'hui, certains SDIS sont équipés,
01:46les services départementaux d'incendie et de secours sont équipés de caméras
01:49qui permettent, on va dire, de sillonner l'ensemble des massifs et les lignes d'horizon
01:53pour permettre justement de détecter le plus rapidement possible.
01:56On en appelle surtout à toute une méthode de prévention vis-à-vis des concitoyens
02:00qui permet de limiter les risques, limiter les dégâts et de permettre de passer un été encore tranquille.
02:05On va parler de la prévention, évidemment.
02:08On parle aussi ce matin de cette première vague de chaleur,
02:11premier épisode caniculaire de l'été.
02:13Évidemment, ça peut favoriser les départs de feu.
02:17C'est exactement ça.
02:18Ce sont des conditions qui, aujourd'hui, s'inscrivent quelque part, on va dire,
02:22dans des logiques de départ de feu avec des conditions assez favorables
02:25puisqu'on sait aujourd'hui que plus de 30 km heure de vent,
02:28une température supérieure à 30 degrés et un taux d'humidité inférieur à 30%
02:32favorisent les conditions d'éclosion des incendies.
02:35Donc, on demande à la population d'être extrêmement vigilante dans leurs actes,
02:38dans leurs gestes, à éviter les actes de négligence avec des jets de cigarettes,
02:42avec tout simplement des espaces qui ne soient pas forcément très propres autour de chez soi.
02:49On rappelle qu'il y a une obligation légale de dépossèlement
02:51qui sert vraiment de bouclier, on va dire, pour protéger sa maison et sa famille.
02:55Donc, il est évident qu'aujourd'hui, tout ce qui est barbecue sauvage,
02:57tout ce qui est appareils qui peuvent provoquer des intersalles en termes de collaborateurs,
03:02peuvent permettre à un moment donné de favoriser l'éclosion d'un incendie.
03:06Donc, être extrêmement vigilant.
03:08Justement, sur ces consignes, Pauline Villain-Carlotti,
03:10est-ce que le risque, c'est aussi le relâchement quand on voit que le début de saison a été plutôt calme,
03:16que les gens se disent, il a beaucoup plu ces dernières semaines, ces derniers mois,
03:20je peux fumer une cigarette en me baladant dans la forêt ou faire un barbecue sans problème ?
03:25Oui, alors déjà, il faut savoir que quasiment 90% des incendies de forêt
03:29sont liés à des causes anthropiques, donc liés à l'homme.
03:32Ça veut dire que c'est une mauvaise nouvelle et en même temps, c'est une bonne nouvelle.
03:35Ça veut dire qu'on a une marge d'amélioration très importante,
03:38qu'on peut agir à notre niveau, au niveau de la prévention, avec des bonnes pratiques, effectivement.
03:43Des pratiques individuelles, respecter les obligations légales de déboursaillement.
03:46Mais moi, j'irais encore plus loin, c'est-à-dire que la prévention,
03:49ça doit être aussi d'adapter nos manières de travailler,
03:53parce qu'on sait que dans les causes des incendies,
03:55il y a un grand nombre qui sont liés aussi à des travaux agricoles ou d'entretiens paysagers,
03:58avec des machines-outils qui déclenchent des étincelles à des périodes de fortes chaleurs.
04:03Donc, adapter les pratiques professionnelles à certaines périodes de l'année,
04:08à certains horaires également.
04:10Aussi, beaucoup de marges de progression en matière d'aménagement du territoire.
04:14C'est-à-dire qu'aujourd'hui, on a peu de plans de prévention des risques d'incendies de forêt,
04:19à l'échelle du territoire français.
04:21Ils sont très peu prescriptifs.
04:22Et de fait aussi, ces plans de prévention des risques,
04:26ils sont peu nombreux et peu prescriptifs,
04:28parce que les gens recherchent le fait de s'installer dans des espaces de nature.
04:32La zone méditerranéenne française, elle est très prisée du point de vue foncier et immobilier
04:38pour le cadre de vie, l'environnement.
04:40Et il y a une difficulté d'arbitrage entre, justement, l'aménagement du territoire
04:47et la prévention des risques.
04:49Donc, travailler là-dessus.
04:50Prévention, adaptation, évidemment, sujet essentiel dont on va parler.
04:54Un mot encore tout de même sur ces gigantesques feux de forêt
04:57qu'on voit de plus en plus, on en a vu même ces derniers mois,
05:00en Alaska, en Sibérie.
05:02Ce sera de pire en pire ?
05:04Déjà, on a battu encore les records en 2024 sur les années les plus chaudes
05:09jamais constatées à l'échelle de la planète.
05:112023, c'était déjà un premier record.
05:13On sent très clairement les effets du changement climatique,
05:16la hausse des températures, le renforcement des épisodes de sécheresse.
05:20Après, il faut savoir raison garder sur le fait que,
05:24sur les incendies de forêt, on a toujours eu une sorte de course au sensationnalisme.
05:28C'est toujours le plus grand incendie jamais connu.
05:30Ça dépend de comparer à quoi, en fait.
05:33Des grands incendies, ça fait longtemps qu'il y en a.
05:35Il y en a toujours eu.
05:36Aujourd'hui, ils sont surtout plus médiatisés.
05:38On entend beaucoup parler de méga-feux,
05:40qui est un peu le néologisme à la mode,
05:42pas toujours bien utilisé d'ailleurs.
05:46Tant mieux s'il y a une prise de conscience,
05:48une planétarisation du phénomène,
05:50une prise de conscience des interrelations qu'il peut y avoir à l'échelle mondiale
05:55et de notre nécessité d'agir face aux dérèglements climatiques
05:59et aux incendies qui étendent des symptômes.
06:01Simplement pour avoir le regard du pompier là-dessus,
06:04Eric Brocard dit quelles sont les caractéristiques de ces méga-feux.
06:07Qu'est-ce qui fait que des centaines de milliers d'hectares,
06:10comme ça, peuvent partir en fumée ?
06:12C'est très important de ne pas forcément utiliser le mot méga-feux
06:14dès lors qu'on voit un grand panneau de fumée.
06:16Vous venez de le dire, Pauline Villain-Carlo.
06:18Je veux dire que, en fait, il y a trois critères.
06:20Il y a un critère, on va dire, de lutte et de moyens de lutte
06:23par rapport au type d'incendie.
06:25Est-ce que nous sommes toujours en capacité à pouvoir faire face à un incendie hors normes ?
06:28Le deuxième sujet, c'est l'impact directement sur la société
06:31avec, on va dire, quelque part, ce qui vient toucher les infrastructures,
06:34ce qui vient toucher aussi toute la partie sanitaire.
06:37Et puis, bien entendu, il y a évidemment le feu en lui-même,
06:40c'est-à-dire sa force naturelle, quel qu'il soit,
06:43avec justement cette particularité qu'il est, qu'il s'autogénère
06:47et qui est vraiment une source d'activité assez intense
06:51et qui permet aujourd'hui de dire, est-ce qu'on est sur un méga-feu ou pas un méga-feu ?
06:55Ça correspond à trois critères assez précis.
06:58Mais néanmoins, voilà, aujourd'hui, à toute raison gardée en France,
07:01on limite un petit peu ce type d'utilisation de ce terme
07:05parce qu'on n'est pas sur la même densité.
07:07Et les critères, c'est quoi ?
07:08Les critères, ce sont tout simplement les trois critères que je viens d'expliquer,
07:10c'est-à-dire, est-ce qu'en termes de lutte,
07:12nous pouvons toujours faire face par rapport à un incendie ?
07:15Est-ce qu'on a une rupture capacitaire ou non ?
07:17En 2022, nous avons vu que le feu de la TEST ou autre était en limite.
07:21La TEST de Buche en Gironde.
07:22Voilà, exactement.
07:23Et on était en limite de capacité.
07:24Mais pour autant, nous étions en ligne rouge,
07:26mais pour autant, nous n'avions pas franchi cette ligne rouge.
07:28Le deuxième sujet, c'est l'impact.
07:30Est-ce que les infrastructures de type hôpitaux,
07:32est-ce que les infrastructures de type télécommunications ont été endommagées ?
07:36Est-ce que les infrastructures de type énergétique,
07:38comme les centrales nucléaires ou autres, ont été endommagées ?
07:40Est-ce qu'il y a eu un blackout ? Non.
07:41Et est-ce qu'il y a eu aussi un problème lié à la santé directement ?
07:43Est-ce qu'on a eu des décès, contrairement en Australie il y a quelques années de cela,
07:46où les fumées ont provoqué d'innombrables décès sur le territoire australien,
07:50alors que le feu n'impactait pas directement la zone ?
07:52Et en plus, est-ce que derrière cela, l'incendie en lui-même est dans sa capacité à s'autogénérer ?
07:58Est-ce qu'il y a une formation de pyrolyse à l'intérieur du feu qui est suffisamment importante
08:03pour pouvoir permettre à ce que le feu se régénère tout seul ?
08:06Parlons donc de la question de la prévention,
08:10la question de la responsabilité humaine que vous avez pointée tout à l'heure, Pauline Villain-Carlotti,
08:15l'homme qui est en cause dans l'immense majorité des feux de forêt,
08:19à la fois pour son rôle dans le dérèglement climatique et très directement dans les départs de feu.
08:26Il y a encore un travail énorme à faire sur les comportements.
08:29Comment vous l'expliquez, ça ?
08:31Oui, il y a un travail très clair à faire sur les comportements,
08:33sans doute aussi passé par de la réglementation.
08:36On a de plus en plus encadrement des pratiques dans les massifs forestiers,
08:39les interdictions de fumée récentes, mais comment les faire respecter ?
08:44Il faut continuer à sensibiliser sur cette question pour qu'il y ait une vraie prise de conscience généralisée.
08:50Je disais, encadrer les pratiques professionnelles, les horaires de travail,
08:57Sur les chantiers, par exemple ?
08:59Sur les chantiers agricoles, ne pas utiliser de machines qui vont pouvoir produire une étincelle, déclencher un feu.
09:07Je pense qu'on a évolué.
09:11Il y a eu énormément de campagnes de sensibilisation depuis les années 90.
09:15Vous en faites, d'ailleurs, les sapeurs-pompiers ?
09:17On en fait beaucoup, effectivement. On a fait sur le tour de France cet été,
09:19avec une distribution de près de 500 000 cendriers de poche,
09:21avec la Confédération des Buralistes et le ministère de la Transition écologique.
09:24On a instauré un autocar qui a permis, pendant la flamme olympique et le tour de France,
09:27de pouvoir apprendre les bons comportements à avoir face aux risques d'incendie.
09:31Tout ça, aujourd'hui, c'est un sujet qui est porté par différentes institutions,
09:35mais qui doit s'insérer un peu plus dans le rôle éducatif au travers de l'école,
09:40au travers de messages récurrents.
09:44On le voit de plus en plus depuis 2022 avec la météo des incendies.
09:47On le voit avec une campagne de communication qui a été menée par le ministère de la Transition écologique.
09:52Ça veut dire que, quelque part, on essaie, on tente, ça fonctionne ou ça ne fonctionne pas.
09:55Il y a toujours des gestes de négligence.
09:589 sur 10 sont dus à la cause humaine.
10:00Comme vous venez de le dire à l'instant, je pense qu'il y a quand même un sujet d'adaptation du comportement,
10:05que ce soit dans le monde du travail, vous l'avez parfaitement souligné,
10:07mais que ce soit aussi dans la vie quotidienne.
10:09Pardon, je vous ai coupé, Pauline Vidin-Carletti,
10:11mais il y a aussi la question de l'entretien des forêts.
10:13Est-ce qu'on est au niveau, aujourd'hui ?
10:16Ça dépend de quel entretien on parle.
10:19L'entretien des forêts, ce n'est pas forcément ça qui va être en jeu.
10:23On a vu les incendies dévastateurs dans la forêt des Landes.
10:26La forêt des Landes, c'est une forêt qui est extrêmement bien entretenue.
10:30Ce n'est même pas vraiment une forêt, c'est une plantation.
10:32C'est une forêt complètement artificielle.
10:34Et on a un problème, c'est qu'on va avoir une strate unique dans la forêt des Landes.
10:38C'est-à-dire que, soit vous avez des arbres qui ont un peuplement qui a le même âge,
10:41soit vous avez une coupe rase et vous avez peu de combustibles.
10:46Ça peut être dramatique en termes d'incendie de forêt,
10:49comme on l'a vu justement en 2022.
10:51À la différence des forêts qui ne vont pas être considérées comme entretenues,
10:55mais qui vont avoir différentes strates végétales.
10:58Avec une végétation qui peut être de type xérophile ou pyrophile,
11:02adaptée au feu, va mieux résister à un incendie de forêt
11:07et mieux se régénérer à la suite de cet incendie de forêt.
11:10Donc, ce n'est pas forcément une question d'entretien.
11:13Ça serait plutôt une question d'entretien des interfaces Habitat Forêt.
11:16Donc, les zones de contact entre l'urbanisation et les espaces boisés.
11:21Qui là, généralement, aujourd'hui, même s'il y a l'obligation légale de débroussaillement,
11:26il y a encore une grosse marge de manœuvre à faire.
11:29Ce sujet de l'urbanisation n'est pas encore suffisamment pris en compte par les pouvoirs publics en général ?
11:34Non, il y a très peu de moyens de coercition en fait.
11:37Il y a une obligation légale de débroussaillement,
11:39par exemple, si vous avez des personnes âgées qui sont propriétaires de maisons,
11:44qui n'ont pas forcément les moyens.
11:45Donc, c'est difficile, après, humainement, de faire respecter cette obligation légale de débroussaillement.
11:50Ils ne peuvent pas faire les travaux eux-mêmes.
11:51Ils ne peuvent pas forcément payer.
11:53Donc, qui prend en charge ?
11:54Est-ce la commune ?
11:55La commune, dans ces cas-là, comment elle fait pour garantir sa trésorerie ?
11:59Est-ce qu'elle se fait rembourser ?
12:01Est-ce qu'on va mettre en place un système d'amende et de criminalisation
12:06ou pas des personnes qui y refusent ?
12:07Comment fait-on pour les résidences secondaires,
12:09les personnes qui ne sont pas sur place ?
12:10Comment fait-on pour les terrains et les maisons en indivision ?
12:13Enfin, il y a toute une problématique.
12:14C'est un grand plan, en fait.
12:15Oui, il faudrait le penser à l'échelle globale française,
12:18de voir comment on met en œuvre concrètement cette obligation légale de débroussaillement.
12:22Une question au Standard de France Inter.
12:24Bonjour, Chloé.
12:25Oui, bonjour à tous.
12:26Merci de prendre ma question.
12:28J'ai écouté vos invités avec attention,
12:31et du coup, mes questions rebondissent un peu sur ce qui vient de d'être dit.
12:35On est toujours, chaque été, de plus en plus impressionnés par les départs de feu.
12:39Et je me pose la question suivante.
12:41Est-ce que le dérèglement climatique qu'on est en train de tous subir,
12:45avec ces augmentations de chaleur,
12:47ne va pas finir par empêcher nos forêts de se reconstituer ?
12:51Combien de temps ça prend déjà pour que, après un départ de feu,
12:55la forêt puisse repousser ?
12:57Et deuxième question sous-jacente.
13:00J'ai été assez étonnée du rapport entre les départs de feu dus à l'homme
13:05et les départs de feu naturels.
13:07C'est quand même incroyable.
13:0890% sont des causes humaines.
13:10Quand une forêt brûle parce qu'il fait trop chaud,
13:13parce que, voilà, cause naturelle,
13:15elle se régénère d'elle-même,
13:17quand c'est l'homme qui agit dessus,
13:19à 90%, est-ce que ça met plus de temps ?
13:21Parce que la forêt n'aurait pas dû brûler.
13:23Donc, est-ce qu'il y a une différence ?
13:25Et est-ce que, du coup, ce n'est pas encore plus dramatique
13:28dans le fait qu'on va finir par ne plus avoir de forêt chez nous ?
13:31Alors, première question.
13:32Merci beaucoup, Chloé.
13:33D'abord, le regard peut-être de terrain, Eric Brocardi.
13:37Est-ce que vous constatez qu'avec ces températures plus fortes,
13:41ce climat plus sec, de plus en plus sec,
13:44la forêt a plus de mal à se régénérer ?
13:46Une chose est sûre, c'est que le dérèglement climatique
13:48va beaucoup plus vite que notre équipement
13:50en termes de lutte contre les incendies
13:52et en termes de lutte contre le dérèglement climatique
13:54d'une manière globale.
13:55Parce qu'on parle des feux de forêt aujourd'hui,
13:56mais les feux de forêt, pour les pompiers, c'est toute l'année.
13:58C'est du 1er janvier au 31 décembre.
14:00Au-delà de ça, vous l'avez vu,
14:01on sort d'une fenêtre de tir quand même
14:03avec les inondations, avec les risques de grêle,
14:05qui fait que ça vient rajouter, on va dire,
14:07toute une organisation au niveau des secours
14:10qui doivent systématiquement s'adapter par rapport aux risques,
14:13que ce soit en termes de disponibilité du volontariat,
14:15que ce soit en termes de disponibilité des pompiers professionnels.
14:17Tout ça met en évidence une chose,
14:19c'est que nous sommes de plus en plus affaiblis
14:22par ce dérèglement climatique
14:23et ça nécessite une grande adaptation.
14:25Donc le sujet, c'est 1. l'engagement,
14:272. appliquer les messages de prévention
14:29et 3. insuffler encore plus l'éducation du concitoyen face aux risques
14:33comme ça venait d'être expliqué.
14:34Sur l'engagement, très concrètement,
14:36il vous manque combien de volontaires et de professionnels aujourd'hui ?
14:38Aujourd'hui, nous sommes à 198.000 sapeurs-pompiers volontaires,
14:4140.000 sapeurs-pompiers professionnels.
14:42Nous devons arriver à près de 250.000 sapeurs-pompiers volontaires
14:46et 50.000 sapeurs-pompiers professionnels.
14:48Comparativement, en Allemagne,
14:50il y a près de 1,1 million de sapeurs-pompiers volontaires,
14:53ne serait-ce que le territoire allemand,
14:55contre 200.000 aujourd'hui en France,
14:57comme je viens de l'expliquer.
14:58Donc le sujet aujourd'hui, c'est la disponibilité,
15:01c'est devoir faire face aussi aux missions de secours d'urgence aux personnes
15:04et à tout le reste parce que le dérèglement climatique
15:06n'est qu'une composante supplémentaire face aux risques.
15:08Je reviens aux forêts et à la question de Chloé-Pauline Villain-Carlotti.
15:12La deuxième question, c'était de savoir,
15:14il y avait cette question sur la régénération des forêts,
15:16de savoir si les forêts se régénèrent plus difficilement
15:21ou si c'est un incendie d'origine humaine
15:24qui n'était pas prévu dans le cycle naturel, si j'ose dire.
15:28Oui, alors ce n'est pas exactement ces termes qu'il faut poser la question.
15:31On a dit que 90% des incendies étaient liés à une cause humaine.
15:34On va dire que la seule cause naturelle possible, c'est la foudre.
15:38Ça ne va pas changer grand-chose la cause
15:43en termes de régénération possible sur la végétation.
15:46Ce qui va impacter la végétation,
15:48c'est d'une part l'intensité du feu, mais aussi sa fréquence.
15:52C'est-à-dire qu'un incendie, même très intense,
15:55mais non répété dans le temps,
15:57va pouvoir permettre la régénération à postériori de l'incendie.
16:01Même si ça va être vécu par les contemporains comme une catastrophe,
16:04que visuellement la végétation sera brûlée et morte,
16:09on a une régénération à postériori qui peut se faire.
16:13Si l'incendie est répété, et même de faible intensité,
16:16mais toujours au même endroit, à échéances rapprochées,
16:20la régénération va être très compliquée, voire impossible.
16:23Généralement, on a une baisse de la biodiversité floristique
16:27dans les 4-5 ans qui suivent.
16:29Juste une question, puisqu'on parle de l'origine humaine encore une fois,
16:33sur les actes criminels.
16:35C'est difficile, on n'est pas dans la tête des pyromanes,
16:38mais qu'est-ce qui peut pousser ?
16:39Vous avez étudié ça, Pauline Villain-Carletti,
16:41des gens à déclencher des feux.
16:43Oui, plus ou moins, il faut faire la distinction
16:45entre incendiaire et pyromane.
16:47Le pyromane, c'est un fou.
16:49C'est quelqu'un qui a une maladie psychiatrique,
16:51il est fasciné par le feu, il aime le feu,
16:53il a besoin de mettre le feu.
16:55L'incendiaire, ça va être quelqu'un qui va mettre le feu
16:58à des fins intentionnelles.
17:00Dans la catégorie des incendiaires,
17:02il y a tout un tas de personnes qu'on peut retrouver.
17:06Ça peut être des rivalités, des conflits,
17:09de voisinage, de chasse.
17:11Ça peut être une nécessité d'entretien des milieux.
17:18On va mettre tout le monde dans la catégorie incendiaire,
17:21sachant que l'intentionnalité est le but
17:23qui est recherché, son impact.
17:26Une nouvelle question d'Alain,
17:28au Standard de France Inter.
17:29Bonjour Alain.
17:30Oui, bonjour.
17:32Ma question a déjà été un peu abordée
17:34concernant les interventions aériennes.
17:37Si l'on regarde bien le type d'avion qu'on oeuvre en ce moment,
17:41aucun n'est vraiment adapté pour faire des guerriers aériens longs
17:45et surtout se poser au plus près possible,
17:48même sur un champ,
17:49pour pouvoir faire le ravitaillement en eau
17:51et repartir en orient.
17:53Pourquoi on ne met pas nos ingénieurs aéronautiques,
17:55qui sont quand même parmi les meilleurs du monde,
17:58à définir un avion qui soit capable
18:00de se poser très près du feu,
18:02c'est-à-dire un avion stoll,
18:04et qui soit capable d'emmener des quantités d'eau moyennes,
18:07mais en choc aérien violent.
18:10C'est-à-dire qu'il tournerait en orient très très près.
18:13Le Canadair est merveilleux,
18:15mais quand on n'a pas de lac à côté ou de mer à côté,
18:17il ne peut rien.
18:19Et le A401 est trop lourd à mettre en œuvre.
18:22Vous avez l'air connaisseur Alain.
18:24Eric Brocardi a raison, il faudrait des avions plus légers.
18:27Il a raison, de toute façon aujourd'hui,
18:29tout ce qui est copage en mer,
18:30que ce soit sur un plan d'eau ouvert ou fermé,
18:33effectivement parfois on se plaint des Norias,
18:36mais ça correspond aujourd'hui à des critères aéronautiques très précis.
18:38On ne peut pas se permettre à un moment donné
18:40à ce que les avions de la sécurité civile
18:42puissent être posés à proximité d'un incendie.
18:44Les conditions ne sont jamais si favorables
18:46d'un point de vue topologique pour pouvoir les permettre.
18:48Et après le sujet, c'est qu'aujourd'hui,
18:49nous avons quand même des moyens qui sont extrêmement adaptés
18:51à ce qu'ils soient en nombre.
18:52Ça c'est autre chose,
18:53mais aujourd'hui, entre les hélicoptères bombardés d'eau,
18:55les avions bombardés d'eau,
18:56les avions de reconnaissance,
18:58les avions qui permettent aujourd'hui
19:00de faire des gaies aériens armés comme le Dash,
19:02permettent aujourd'hui d'être assez pointus en la matière.
19:06La question aujourd'hui, c'est effectivement le niveau d'entretien.
19:09La question aujourd'hui, c'est le niveau en termes de nombre,
19:11de capacité,
19:12parce qu'aujourd'hui, je le répète,
19:14c'est aujourd'hui pas uniquement la force française
19:16qui agit en France,
19:17c'est aussi une force française qui agit aussi à travers l'Europe.
19:19Et on entend aujourd'hui encore
19:21que les moyens aériens français sont en Bulgarie
19:24pour lutter contre les incendies.
19:26Donc il faut faire face à tout ça.
19:28Et aujourd'hui, je pense que le Canadair est un moyen agile.
19:30C'est vrai que la France peut être en retard
19:32par rapport à la capacité à pouvoir en produire.
19:34On a toujours affaire à des produits outre-Atlantique.
19:36Un dernier mot Pauline Villain-Carlotti,
19:38une question de Damien sur l'application de France Inter.
19:40Est-ce qu'il y a des départements exemplaires en France
19:42qui pourraient servir d'exemple
19:44pour une politique nationale que vous appeliez
19:46de vos voeux ?
19:48Des départements exemplaires,
19:50a priori, j'en connais pas.
19:52Sans doute ceux qui sont déjà
19:54les plus touchés, comme la Gironde par exemple.
19:56Pour être très clair,
19:58le sujet, c'est que quand on regarde
20:00les incendies historiquement en France,
20:02les années 80 et 90 ont particulièrement touché
20:04le porto-méditerranéen.
20:06Ils ont une avancée en doctrine en termes d'aménagement
20:08du territoire, comme les pistes DFCI,
20:10les pistes de défense des forêts
20:12contre les incendies, qui permettent,
20:14aujourd'hui on l'espère, de pouvoir être étendues
20:16sur l'ensemble du territoire national. Puisque c'est aujourd'hui
20:18l'enjeu, c'est le territoire national et pas uniquement
20:20le porto-méditerranéen.
20:22En tout cas, on a compris en vous écoutant
20:24que le dérèglement climatique allait plus vite
20:26que nous, que les moyens
20:28humains, forcément, avaient leurs limites
20:30et donc que la clé, c'était la prévention
20:32et l'adaptation
20:34à ces feux de forêt. Merci beaucoup.
20:36Pauline Villain-Carlotti, docteure en géographie spécialiste
20:38des feux de forêt et de la gestion sociale
20:40de l'environnement également.
20:42Et Éric Brocardi, porte-parole de la Fédération nationale
20:44des sapeurs-pompiers de France.

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