Zoom - Gaële de La Brosse : Le pèlerinage Tro Breiz ou la Bretagne éternelle

  • il y a 3 mois
Editrice et journaliste, Gaële de La Brosse livre, dans "Tro Breiz - Les chemins du paradis", le fruit de dix années de recherches en nous faisant découvrir l’histoire de ce pèlerinage circulaire d’environ 700 kilomètres qui consiste à visiter les sept Saints bretons en leur évêchés, des saints qui ont abreuvé l’Armorique à la source du christianisme celtique.
Gaële de La Brosse nous emporte sur les routes de ce pèlerinage en évoquant sa portée symbolique, son originalité et sa renaissance actuelle qui en fait une alternative aux chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle. "Tro Breiz - Les chemins du paradis" est un ouvrage unique par la richesse de sa documentation et par l’accent mis sur la dimension humaine de la pérégrination, considérée avant tout comme un cheminement personnel, une métaphore de l’aventure de l’homme sur Terre.
Réveil de la fibre celtique ou retour vers le vieux pays de leurs pères (Bro ghoz ma zazou), les Bretons renforcent, chaque année, les troupes de ce "Compostelle breton" entre pèlerinage et festivités. Hent Vat, bonne route sur les chemins de Bretagne !
Transcription
00:00Gail Delabrosse est éditrice et journaliste, elle travaille depuis plus de 30 ans sur les
00:10chemins des pèlerinages, elle est l'auteur d'un éloge du pèlerinage et cet éloge passe
00:15par l'évocation du Trobraise, du tour de Bretagne qui mène au paradis, ces chemins
00:21qui mènent au paradis.
00:22Quel programme Gail Delabrosse.
00:23Bonjour.
00:24Bonjour.
00:25Alors, s'intéresser au compostel breton, était-ce dû à vos origines bretonnes, Broghoz
00:29c'est-à-dire le vieux pays de mes pères, ou est-ce que c'est tout simplement le réveil
00:32de votre fibre sceptique ?
00:35Oui, il se trouve qu'en fait, dès mon adolescence, j'ai parcouru beaucoup de chemins de pèlerinage
00:41en Europe, j'ai fait pas mal de camps itinérants avec des jeunes, donc ils m'ont menée vers
00:45Compostelle, vers Fatima, vers Assis, vers Rome, et en France également, j'ai accompli
00:52pas mal de chemins de pèlerinage menant vers des sanctuaires connus, comme Vézelay, le
00:58Mont-Saint-Michel, la Sainte-Baume, etc.
01:00Et donc, il se trouve que j'ai fait ces pèlerinages avec des amis bretons, et un jour, comme souvent
01:07les grandes idées naissent autour d'un verre en Bretagne, et pas seulement, on s'est dit
01:12eh bien on habite en Bretagne, on a fait beaucoup de pèlerinages et on n'a pas fait le pèlerinage
01:15qui est à domicile, n'est-ce pas, parce qu'on appelle ce pèlerinage le pèlerinage à domicile,
01:21qui est trop braise et qui passe tout près de chez nous, et donc voilà, on a décidé
01:25de le faire un peu d'un jour sur l'autre, et on a donc, comme un de mes amis avait deux
01:33enfants de 5 et 6 ans et qu'il fallait embarquer, eh bien on est parti avec une carriole, deux
01:37ânes, un âne bâté et un âne attelé, pour transporter les enfants et les bagages,
01:44et on est parti pour faire ce tour de Bretagne autour de notre région, qui fait entre 600
01:50et 700 kilomètres, et voilà, c'est ainsi qu'on a découvert à la fois le trop braise
01:55et à la fois la Bretagne, une Bretagne intérieure.
01:57– D'accord, ça s'appelle le trop braise, c'est-à-dire le tour de Bretagne,
02:00ça s'appelle le trop braise, quand on se rencontre, est-ce qu'on se dit bonjour,
02:02est-ce qu'on se dit des maths, salut ?
02:04– Non, c'est vrai que le breton c'est quand même un peu perdu en Bretagne,
02:08donc on utilise la langue courante, c'est vrai que simplement, au lieu de se dire,
02:14je parle pour les pèlerins de Saint-Jacques, au lieu de se dire « buen camino »,
02:17on se dit « ent watt », bonne route, voilà.
02:20– Bon chemin, « ent watt ».
02:21Vous nous indiquez qu'il a fallu dix ans d'enquête pour raconter cette histoire
02:26que vous brossez dans cet ouvrage publié aux éditions Salvatore
02:30et qui est en vente sur le site de TVL à la rubrique boutique,
02:33vous indiquez donc qu'il a fallu dix ans d'enquête pour raconter l'histoire,
02:36la renaissance de ce pèlerinage breton, dix ans pour trancher finalement,
02:40pour savoir si ce pèlerinage relève de la tradition
02:43ou est-ce que c'est une création contemporaine, il a fallu du temps, une enquête ?
02:47– Alors en fait, pendant qu'on a effectué ce pèlerinage,
02:50j'ai pris pas mal de notes, notamment sur tous les lieux traversés,
02:53la toponymie, etc.
02:55Et parce qu'il existait, il existe d'ailleurs peu de sources sur le Trôbrèse,
02:59à la différence de nombreux autres pèlerinages médiévaux.
03:02Et c'est la raison pour laquelle, en revenant,
03:05alors que je n'étais pas du tout dans l'idée de faire un livre,
03:08je me suis plongée dans les archives,
03:10j'ai été interviewée à la fois des pèlerins mais aussi des historiens,
03:15et donc c'est pour ça que j'ai un peu traqué les indices de l'histoire.
03:21Et pour répondre à votre question,
03:23donc je ne suis pas normande, je suis bretonne,
03:25mais je vais quand même répondre un peu des deux,
03:27c'est-à-dire qu'il y a des traces historiques,
03:30à la fois sur la dévotion aux sept saints et à la fois sur le pèlerinage.
03:34Alors la dévotion aux sept saints est plus ancienne que le pèlerinage en lui-même,
03:38elle remonte au début du deuxième millénaire,
03:41on a des mentions, d'ailleurs même dans le cycle arthurien,
03:45on a des mentions des sept saints de Bretagne.
03:47Voilà, donc on est sûr que les sept saints étaient vénérés à cette époque-là.
03:51Et ensuite, le fait de relier les sept évêchés
03:54et de vénérer les sept saints en faisant le tour de la Bretagne,
03:58eh bien ce pèlerinage a été pratiqué entre le XIIIe et le XVe siècle,
04:04de manière sûre, là on a des sources,
04:06on sait même que dans les écrits de Saint-Yves, il le mentionne.
04:12Et donc il y a un peu ces deux choses qu'il faut dissocier,
04:15à la fois la vénération des sept saints et puis le fait de faire le trobrèse.
04:19Et on a même Saint Anne, non c'est un lapsus, Anne de Bretagne,
04:23qui l'a fait en 1505 et avant elle le Duc Jean V,
04:26donc il y a des personnages historiques qui ont effectué ce pèlerinage.
04:31– Pourquoi cette rupture ? La révolution peut-être ?
04:33– Voilà, d'abord les guerres de la Ligue,
04:35ensuite bien sûr la révolution avec cet acte symbolique
04:38de toutes les statues de saints correntins
04:42qui sont brûlées à la révolution dans le bûcher,
04:44et puis bien sûr les saints de manière générale
04:47n'étaient pas en odeur de sainteté, c'est le moins qu'on puisse dire.
04:50Et ensuite ces saints ont été substitués,
04:53la dévotion à ces saints ont été substituées par la dévotion mariale,
04:57et donc il faut attendre la fin du XIXe siècle
05:00pour que ce pèlerinage soit vraiment baptisé trobrèse.
05:03Il était avant nommé circuitus britanniae,
05:07donc le mot latin, circuit, tour de Bretagne en latin,
05:10ou pèlerinage des sept saints de Bretagne.
05:12Voilà, et donc à partir de la fin du XIXe siècle,
05:14l'abbé Lucaud baptise ce pèlerinage trobrèse,
05:19qui veut dire trop en breton, tour et brèze qui veut dire Bretagne.
05:23– Le pèlerinage dites-vous consiste à visiter les sept saints bretons,
05:27en leur évêché, mais j'ai mené aussi une enquête,
05:31pas de dix années, et je me suis dit est-ce que l'affirmation est vraiment exacte ?
05:35À la différence d'autres pèlerinages médiévaux,
05:37il n'y a pas vraiment beaucoup de relations de voyage qui ne se soient pas revenues.
05:40Par ailleurs, je regarde les historiographes
05:43qui ont relaté les hauts faits de l'histoire bretonne,
05:46et ils ne font pas allusion aux sept saints, c'est troublant non ?
05:50– Oui, d'autant plus que les sept saints sont confondus avec d'autres sept saints,
05:54ce qui n'arrange pas l'affaire.
05:55Il y a les sept d'Ormand d'Éphèse qui sont vénérés au Vieux Marché,
05:58il y a les sept saints de Bikongui, les sept fils de Sainte-Félicité.
06:02Et donc du coup, il y a des énumérations des sept saints qui sont parfois fautives,
06:06et il n'y a en effet peu de relations de pèlerins.
06:10Mais simplement, le Trobrail, c'est mentionné quand même par des romanciers,
06:15c'est des traces assez ténues,
06:17mais ils n'étaient sûrement pas pratiqués de manière massive.
06:21On sait simplement que quand la Terre Sainte était fermée aux pèlerins,
06:25c'était un peu un pèlerinage de substitution.
06:27Ça, on en trouve des traces.
06:29On faisait le Trobrail parce que c'était un Trobrail qui était proche de chez nous
06:33et donc à l'intérieur de nos frontières.
06:36– Qui sont ces saints ?
06:37Alors, on cite par exemple Brieux à Saint-Brieux, tout ça va bien.
06:41Malot à Saint-Malot, tout ça va bien.
06:43– Ça c'était bien.
06:44– Tugdual à Tréguet, par exemple, quand on va à Tréguet,
06:46c'est Saint-Yves que l'on trouve physiquement là.
06:51Par contre, Tugdual a disparu, donc qui sont ces sept saints et d'où ils viennent ?
06:55– Alors, ces sept saints, on les prend dans l'ordre…
07:00on commence le Trobrail, c'est là où on veut.
07:01Donc nous, on est parti de Saint-Paul de Léon,
07:03donc à Saint-Paul de Léon, c'est Saint-Paul-Aurélien.
07:05Ensuite, on arrive à Tréguet où c'est Saint-Tugdual.
07:08À Saint-Brieux où c'est Brieux, donc Saint-Malot, Malot.
07:13Ensuite, on redescend vers Dol de Bretagne, Saint-Samson.
07:17On descend encore jusqu'à Vannes où c'est Saint-Paterne.
07:20On repart vers l'ouest jusqu'à Quimper où c'est Saint-Corentin
07:23et on revient vers Saint-Paul de Léon.
07:25Voilà, alors quand vous parliez effectivement du fait
07:29que ces sept saints sont parfois, leurs mentions sont parfois un peu ténues,
07:34il y a eu une substitution, là encore, de certains saints.
07:37Par exemple, Saint-Yves qui a remplacé Saint-Tugdual à Tréguet.
07:41– Le patron des pêcheurs.
07:43– Voilà, Saint-Vincent Ferrier qui a remplacé Saint-Paterne à Vannes.
07:47Saint-Tigduc qui a un peu aussi supplanté la dévotion à Saint-Corentin.
07:50Saint-Saint-Tigduc, le petit Saint-Noir qui a toujours du pain
07:53dans la cathédrale de Quimper, on lui apporte toujours du pain,
07:56c'est la piété populaire qui est si émouvante.
07:58Et donc on a ces saints qui sont passés parfois un peu au second plan.
08:02Cela dit, ce sont des saints qui sont effectivement…
08:06Alors, on est dans le domaine du merveilleux
08:09parce qu'il faut se projeter entre le Vème et le VIIème siècle.
08:12On a ces… au Pays de Galles, on a des invasions, des Angles,
08:15des Pictes, des Saxons.
08:18Et donc on a toute une émigration à la fois de moines et de laïcs,
08:23entre 10 000 et 20 000 personnes sans doute, qui partent sur des navires.
08:26Alors, la légende veut que ce soit des bateaux de pierre
08:29ou bien on aurait même Nolwenn qui arrive sur une feuille.
08:32Enfin voilà, on est entre l'histoire merveilleuse et la géographie.
08:36Mais enfin, l'important c'est qu'ils sont arrivés
08:40soit sur des îles, soit sur le littoral, qu'ils ont défriché la Bretagne.
08:45Alors, important, la Bretagne ne s'appelait pas à cette époque la Bretagne,
08:49elle s'appelait Armorique et c'est parce qu'ils sont venus de l'Île-de-Bretagne
08:52qu'ils ont baptisé la Bretagne telle qu'on la connaît aujourd'hui.
08:56Et donc, ils ont défriché à la fois symboliquement et matériellement la région
09:04pour installer ce qu'ils apportaient comme…
09:08c'était le christianisme celtique en fait, comme croyance,
09:12qui a remplacé le paganisme que connaissait en fait la Bretagne.
09:17Donc ils se sont installés dans des ermitages.
09:20Ils ont aussi… c'est eux qui sont à l'origine de la première infrastructure
09:25à la fois administrative et religieuse, les lannes qui sont les ermitages,
09:30l'anderneau, l'ampole, etc.
09:32Les ploucs qui sont les premières paroisses, Plouc-Gastel, Plouc-Dalméseau.
09:36Et puis les traits qui sont les premières trêves.
09:39Donc c'est à eux, c'est à ces saints, les sept saints fondateurs
09:43et tous les autres saints aussi, Guénolé, etc.
09:47– C'est ma question parce que le boulot qui parle va vous dire
09:50que la dévotion à Saint Guénolé est proche,
09:52elle est à quelques kilomètres à Basseraire.
09:55Mais pourquoi eux et pas Guénolé ? Pourquoi il n'est pas le 8ème ?
10:00– Eh oui, parce qu'en fait ils sont devenus évêques,
10:02ils ont été proclamés par la foule, alors qu'ils ne le souhaitaient pas du tout.
10:06C'était des moines, d'ailleurs très modestes,
10:09c'était ce qui caractérise le christianisme celtique,
10:12c'est une certaine sobriété, pour le moins qu'on puisse dire.
10:16C'est vraiment des saints qui pratiquaient, comme Saint Patrick,
10:20comme Saint Colomban, c'est vraiment dans cette optique-là
10:23qu'ils pratiquaient leur religion et ce christianisme celtique.
10:28– Madame de Laval, je vais vous demander le papier que vous avez devant vous,
10:30comme ça je vais le montrer au téléspectateur,
10:32et ça me permettra d'illustrer mon propos,
10:34même si on le verra mieux peut-être avec nos amis
10:38qui vont faire le montage de cette émission.
10:39Vous voyez, il y a beaucoup de questions sur ce pèlerinage
10:42qui a gagné le cœur des Bretons,
10:44au-delà d'ailleurs des marcheurs en quête de sens,
10:46mais on voit que ce pèlerinage, je vous avais évoqué,
10:48600 km, 700, il n'est pas l'énéer.
10:51Paris-Chartres, c'est de Paris à Charles, Saint-Jacques-de-Compostelle,
10:56c'est du Puy-de-Orvelay ou d'autres lieux d'ailleurs clois
11:01jusqu'à Saint-Jacques-de-Compostelle, mais ils ne sont pas circulaires.
11:04Et là, c'est une marche qui vous ramène au lieu de départ.
11:07Et je me suis dit, est-ce que ce n'est pas une incongruité ?
11:10Parce que comme si tout cheminement finalement,
11:12et surtout spirituel, nous ramenait au point de départ,
11:14c'est très distant.
11:17– C'est aussi une des raisons pour lesquelles
11:19ce pèlerinage m'a beaucoup intéressée,
11:20parce que j'avais en effet pratiqué ces pèlerinages classiques
11:23où l'on va vers un sanctuaire,
11:25et là c'est assez classique, on a un chemin et on a un sanctuaire.
11:28Là c'est très différent parce que le but c'est de boucler la boucle
11:31en passant par les sept évêchés,
11:33il n'y a d'ailleurs pas de chemin historique
11:34à part deux lieux où on est obligé de passer,
11:36on a les sept évêchés, puis on a l'Aum Maria Anent
11:39près de Camp Perlé, et près de Vannes on a Saint-Avet.
11:43Voilà, on est sûr que les pèlerins passaient par là,
11:45donc on essaye de passer par là,
11:47mais à part ça, on a juste à boucler cette boucle.
11:49Et ce pèlerinage circulaire, qu'on appelle circumambulation en latin,
11:57est quelque chose de très particulier, c'est le cercle,
11:59à la différence du carré, le cercle est le symbole divin en fait,
12:02c'est vraiment… le carré c'est la terre, le cercle c'est le ciel,
12:07et donc de tout temps, faire un cercle,
12:12ça a été un signe et un symbole de purification et de protection,
12:16même avant l'institution de ces pérégrinations,
12:21puisque du temps des druides, des celtes, etc.
12:23c'était faire le tour d'un endroit,
12:27c'est à la fois faire le tour d'éliminer un territoire,
12:30mais c'est aussi le protéger.
12:32Et on a d'ailleurs, dans les pardons bretons,
12:34on a le prêtre qui fait le tour de la chapelle,
12:36et puis pendant la messe, le prêtre qui fait le tour de l'hôtel pour l'encenser,
12:40enfin on a tout ce symbole du cercle.
12:44Et dans le domaine plus laïque, faire un voyage circulaire,
12:53c'est aussi un voyage initiatique, comme le tour de France des compagnons,
12:58ou bien on avait aussi au Moyen-Âge,
13:00les nobles anglais, les aristocrates anglais qui allaient en Italie faire le grand tour,
13:05là c'était plus de manière artistique,
13:06mais on a tout ça en arrière-fond, faire un tour.
13:10Et d'ailleurs quand on le fait, quand on arrive et qu'on a bouclé la boucle,
13:13eh bien on a l'impression d'avoir… c'est une totalité en fait.
13:18– Vous dites même, on revient différent.
13:19– On revient différent, certes.
13:21– C'était votre cas ?
13:21– Ah oui, oui, oui, tout à fait.
13:23– En quoi vous êtes revenue différente ?
13:25– Alors je pense qu'on laisse toujours beaucoup de choses derrière soi sur le chemin,
13:29mais ça c'est de manière générale.
13:31Mais moi, très personnellement, c'est que j'ai vraiment découvert la Bretagne.
13:34Je l'habitais depuis plus de 20 ans et je ne la connaissais pas en fait.
13:39Et j'ai découvert en traversant des paysages comme les monts d'Huménée,
13:43les monts d'Arrée, etc.
13:46C'est vraiment… voilà.
13:47Et puis j'ai aussi découvert ces sept saints
13:49qui m'ont beaucoup attachée à cette spiritualité chrétienne.
13:53– Vous voulez me dire que la Bretagne intérieure c'est la vraie Bretagne ?
13:57– C'est la Bretagne qui n'est pas touristique en tout cas,
13:58parce que c'est vrai que le Troubrès, il ne faut pas trop s'attendre
14:03à pouvoir se baigner sur les plages des Côtes d'Armor.
14:07– Ça m'amène d'ailleurs à une autre question,
14:09parce que lors de ma rencontre avec Philippe Abjonc,
14:12qui est venu il y a quelques années à les fondateurs de Troubrès,
14:14qui était venu à TV Liberté nous en parler déjà,
14:16il m'invitait en substance, en gros, mais c'est ce que vous rapportez dans l'ouvrage,
14:20les âmes se sont remises en marche.
14:22Et il est vrai que tout comme à Chartres,
14:23le pèlerinage connaît un renouveau, mais aussi un vrai succès populaire.
14:28Et comment vous expliquez, vous, ce renouveau,
14:30et notamment ce renouveau spirituel aussi,
14:33dans une région, dans une province où la déchristianisation
14:38fonctionne aussi malheureusement ?
14:40– Bien sûr, alors je crois qu'il faut voir ce renouveau de manière générale.
14:43C'est vrai que depuis le renouveau vraiment spectaculaire des chemins de Saint-Jacques,
14:48où il y a 500 000 pèlerins qui arrivent à Compostelle maintenant,
14:51quasiment, du moins l'année dernière,
14:55et donc il y a de plus en plus d'équivalents
14:57dans les différentes régions de France.
14:58Il y a les pèlerinages de Saint-Martin, de Tours,
15:01il y a le pèlerinage de Saint-Gilles, du Gard,
15:02de Marie-Madeleine autour de la Sainte-Baume, enfin voilà.
15:05Et donc les chemins du Mont-Saint-Michel.
15:08Et donc chaque région a un peu son pèlerinage
15:10qui lui permet aussi de reprendre un peu du souffle spirituel
15:14qui nous manque grandement dans ce siècle.
15:16Et donc c'est vrai qu'il y avait ce pèlerinage qui était un peu en jachère,
15:20qui avait été redécouvert quand même dans les années 50,
15:23il y avait quelques récits de pèlerinage.
15:25Et puis Philippe Abjean, avec plusieurs Saint-Politains,
15:28c'est-à-dire des habitants de Saint-Paul-de-Léon,
15:30ont eu l'idée de revivifier ce pèlerinage
15:35en créant des étapes collectives du Trôbrès.
15:38Et donc en 1994, ils étaient déjà 600 à faire tous les étés,
15:43en fait, entre deux cathédrales.
15:45Ils partent de manière en tête, voilà, c'est vraiment un pèlerinage.
15:48Et donc en cette année, ils font le tour de la Bretagne.
15:54Et là, ils en sont à leur quatrième boucle, je crois, cet été.
15:58– Il en parle de milliers de personnes, madame.
15:59– Voilà, de milliers de personnes chaque été.
16:02– De plusieurs milliers de personnes.
16:03– C'est le pèlerinage collectif.
16:04Mais il ne faut pas oublier que le Trôbrès, c'est un pèlerinage en soi.
16:07Et donc on peut très bien le faire de manière individuelle,
16:09comme nous, on l'a fait en prenant son bourdon et son sac à dos.
16:13– Kaël Delabrosse, les chemins du paradis, je veux bien.
16:16Mais est-ce que le Trôbrès, c'est vraiment religieux ?
16:18Ou est-ce que ce n'est pas simplement l'occasion de se rencontrer,
16:21se parler et faire la fête ?
16:22– Je cite Nicolas Briand, membre de l'association, c'est ce qu'il dit.
16:26Se rencontrer, se parler et faire la fête.
16:28Alors là, on n'est plus dans le pèlerinage, on est dans les festivités,
16:30il faudra falloir choisir entre les deux.
16:32– Alors on est en Bretagne, et vous savez que les pardons en Bretagne,
16:35si vous êtes déjà allés dimanche, des pardons locaux en fait,
16:41puisque les saints sont vraiment nos amis en Bretagne, on vit avec eux.
16:44Eh bien, il y a les deux, il y a la religion et puis il y a la fête.
16:47Et la fête fait partie de la religion.
16:49Ça fait partie aussi de la foi populaire et de la tradition populaire.
16:52Il y a le parti Kermesse, mais depuis très longtemps, ce n'est pas récent.
16:58Cela dit, dans le pèlerinage collectif, il y a tout un encadrement religieux,
17:02donc avec l'aumônier qui était jusqu'à peu le père Dominique de la Forêt,
17:08il y a aussi tout un encadrement de moines, de prêtres, de religieuses
17:12qui marchent avec les pèlerins, qui leur proposent les sacrements,
17:16de les confesser, il y a des méditations.
17:18Le soir, il y a la messe qui est prévue aussi, il y a des veillées de prière.
17:23Cependant, il est évident que tous ceux qui font le pèlerinage
17:26de manière collective ne sont pas croyants.
17:30Et c'est aussi une manière de les amener à découvrir la foi.
17:33Ils viennent de manière… Ils sont ouverts déjà à quelque chose.
17:36Il y a énormément de conversions qui se passent durant cette reprise.
17:39– Vous dites que le cortège est à l'image de la société contemporaine,
17:42hétéroclite et bigarrée.
17:43– Tout à fait, je crois que c'est Philippe Abjean qui dit
17:47venez comme vous êtes, et donc chacun, c'est un peu l'auberge espagnole,
17:50chacun amène ce qu'il veut, mais je crois qu'il y a tout ce qu'il faut
17:55pour qu'ils repartent différents et en effet, peut-être avec quelques grâces en plus.
18:00– Le point commun à tous les participants, vous l'avez dit tout à l'heure d'ailleurs,
18:03c'était votre cas simplement, la Bretagne.
18:06– L'amour de la Bretagne, ça c'est sûr, qu'il y en a beaucoup qui viennent,
18:09même en dehors de Bretagne et en dehors de France,
18:11il y a des étrangers qui viennent faire ce pèlerinage.
18:13Et donc, ils viennent pour découvrir la Bretagne au départ,
18:15mais comme la Bretagne a des racines vraiment très spirituelles
18:18et au-delà très religieuses, je crois que ça va ensemble.
18:21– Et ça reste encore une réalité ?
18:24– Oui, tout à fait, oui, je crois que…
18:26Et moi, je me bats pour que le pèlerinage d'Utrobrèze reste un pèlerinage
18:30et ne soit pas une randonnée, j'ai mis au verso du livre,
18:34cette marche n'est pas qu'une randonnée,
18:35elle nous invite à remonter jusqu'aux origines de la Bretagne
18:37en quête d'une sagesse perdue à retrouver.
18:40Voilà, et moi, ça reste aussi mon combat,
18:42et cette année, cet été, on va fêter les 30 ans d'Utrobrèze,
18:45c'est le raison pour laquelle j'ai publié ce livre,
18:48on va fêter ça près de Nantes, le 1er août,
18:51et donc, voilà, j'y vais aussi pour encourager
18:56cette dimension pèlerine d'Utrobrèze.
19:00– Dernière question Gaëlle Delabro,
19:01ce n'est peut-être pas la plus simple,
19:02est-ce que la hiérarchie catholique voit d'un bon oeil
19:05cette manifestation qu'on a qualifiée de foi populaire ?
19:08On a toujours eu le sentiment, ces dernières années,
19:11peut-être que ça change, vous allez me le dire,
19:12que certains évêques ont souvent fait preuve,
19:15soit d'incompréhension, soit peut-être même de réticence
19:19devant ces manifestations de foi populaire,
19:21est-ce que c'est le cas pour l'Utrobrèze ?
19:24– Alors, c'est vrai que la hiérarchie catholique
19:25a toujours été méfiante par rapport à la foi populaire,
19:28dans le cas d'Utrobrèze collectif en tout cas,
19:31ça n'est pas le cas, les évêques accompagnent ce mouvement,
19:34même si ce n'était pas le cas au début,
19:35mais c'est normal, parce qu'ils étaient un peu méfiants.
19:39Là, il y a des évêques comme Mgr Santenne ou l'évêque de Quimper
19:42ou d'autres évêques qui se joignent,
19:44et puis chaque étape arrive à une cathédrale,
19:48donc les évêques ouvrent bien sûr leurs portes,
19:51et puis, comme je le disais, tous les soirs, aux étapes,
19:55il y a des veillés dans les églises,
19:57c'est très ancré dans le milieu paroissial,
20:01et donc je crois que c'est aussi ce qui fait le succès de ce pèlerinage,
20:05qui n'est pas déconnecté des paroisses et puis de la hiérarchie catholique.
20:11– Oui, c'est une toute petite minute alors,
20:13j'ai une question qui est encore plus personnelle,
20:15je regarde, est-ce qu'il y a les images des cathédrales,
20:20voilà, j'ai y arrivé, citées, donc Saint-Paul de Léon,
20:24Tréguier, Saint-Brieuc, Saint-Malo, Dol de Bretagne, Vannes et Quimper,
20:30quelle est la plus belle ?
20:31Elle se ressemble un peu à, peut-être, celle de Quimper près,
20:35sinon les autres ont vraiment la même pierre, la même image.
20:39– Oui, c'est vrai que, sur le plan esthétique,
20:42celle de Dol de Bretagne est fantastique parce que c'est de la dentelle,
20:45elle est magnifique, elle est très surprenante quand on rentre à l'intérieur,
20:47ça n'est pas, c'est autre chose que du gothique,
20:50on est un peu, au Portugal, on est un peu à Tomar, à Batalia,
20:54enfin, on a le soleil qui arrive, et on domine en plus, voilà.
21:00– Oui, oui, oui.
21:01– Pas Quimper, alors ?
21:02– Mais bien sûr, Quimper, c'est quand même, forcément,
21:05moi je suis finistérienne, donc je ne voulais pas paraître trop sauvine.
21:10– Merci beaucoup Gaëlle de Lavoie, je vous invite vraiment à lire Troubrès,
21:13c'est un bon moment à passer, et puis c'est une belle marche qui n'est pas,
21:16on l'a bien compris, une randonnée.
21:18Qu'est-ce qu'il me reste à vous dire ?
21:21Merci, Trugarès, au revoir, Pénaveau, et puis…
21:26– Avéchal.
21:27– Et puis N'Vath, N'Vath, bon chemin.
21:29– Merci, merci beaucoup.

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