Xavier Magnée.

  • il y a 3 mois
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00:00:00Cette année-là, il y a vingt ans, j'ai écrit qu'il y avait un réseau, qu'il y avait un complot général
00:00:07et que la vérité avait été étouffée. C'est ce qu'on sort aujourd'hui, vingt ans plus tard.
00:00:20Celle qu'on a appelée l'affaire Dutroux n'a pas seulement défrayé la chronique,
00:00:25elle a surtout totalement et littéralement bouleversé la Belgique et tous les Belges avec dans les années 90.
00:00:32Alors que vingt ans après le procès d'Arlon, le couvercle qu'on avait essayé de refermer sur cette affaire
00:00:41est en train de remonter, avec notamment le livre d'Emmebile sur Dutroux, l'enquête assassinée.
00:00:49J'ai voulu contacter Maître Manier, qui était à l'époque l'avocat de Marc Dutroux,
00:00:57et qui m'a répondu positivement à cette invitation à faire une interview.
00:01:04Et je lui ai dit, si l'affaire Dutroux est une des défenses qui vous restent en mémoire précisément,
00:01:09ce n'est pas pour rien, je vais vous laisser la parole totalement libre pour exprimer ce que vous avez à dire,
00:01:16tout ce qui n'a pas été dit, aucun piège.
00:01:19Merci Maître Manier d'avoir accepté cette interview.
00:01:24Merci, c'est à vous de m'entendre.
00:01:27Le 13 octobre 2003, vous recevez un courrier très particulier, vous ne vous y attendez pas ?
00:01:36Oui, une lettre d'un certain Marc Dutroux, qui est évidemment bien connu,
00:01:42dont la cause malheureusement est tristement célèbre, et qui cherche un avocat.
00:01:49Il s'était adressé à un ami à moi, Maître Vergès.
00:01:56Bien connu aussi ?
00:01:58Jacques Vergès était malheureusement pris par une autre affaire, et lui avait conseillé de s'adresser à moi.
00:02:06Ce qui fait que Marc Dutroux, sur les recommandations de Vergès, s'est adressé à Xavier Manier,
00:02:13en lui demandant de bien vouloir l'assister.
00:02:18Ce que j'ai accepté de faire, considérant que tout le monde a le droit d'être représenté en justice,
00:02:31pour ce qu'on appelle la défense, ce qui n'est pas nécessairement la justification.
00:02:36C'est ça que les gens confondent souvent. Est-ce que vous vous rendez compte à l'époque,
00:02:40en acceptant ce dossier, dans quoi vous mettez le pied, ou est-ce que vous découvrez après,
00:02:47l'énormité de ce que ça représentera ?
00:02:51Peut-être pas l'énormité de ce que ça représente, alors l'énormité n'a jamais été clairement représentée non plus,
00:02:58mais j'avais le sentiment d'accepter, je cite, la défense, fermez les guillemets,
00:03:04d'un homme quasi indéfendable sur le plan moral, car ce qui avait été commis était impardonnable.
00:03:14Dans votre livre, Marc Dutroux, un pervers isolé, écrit en 2004 pendant le procès,
00:03:21vous parlez de la vérité, la question de la vérité judiciaire.
00:03:25Je parle de ça en 2004, quand je sors du procès, l'année même où le procès se termine,
00:03:31l'année même où il se terminera de la façon que nous évoquerons et qui est insuffisante et décevante.
00:03:38Cette année-là, il y a 20 ans, j'ai écrit qu'il y avait un réseau, qu'il y avait un complot général
00:03:45et que la vérité avait été étouffée. C'est ce qu'on sort aujourd'hui, 20 ans plus tard.
00:03:50La vérité judiciaire qui résultera du procès d'Arlon n'était pas conforme à la vérité.
00:04:00Est-ce que, pour vous, cette vérité est importante ? Les gens confondent parfois.
00:04:06J'ai l'impression, en vous lisant, que ce que vous cherchez le plus à défendre,
00:04:12face à un client presque indéfendable, c'est justement la vérité.
00:04:17Et que, dans votre rôle, vous défendez autant, d'une certaine manière, les familles des victimes,
00:04:23les parents de Julie Meissa, les parents de Anne et Ève, de Samine Laetitia,
00:04:28que vous défendez votre client. Mais c'est surtout la vérité que vous cherchez.
00:04:33J'étais d'ailleurs très bien considéré par les parents des pauvres victimes,
00:04:38qui comprenaient mon combat pour une vérité totale.
00:04:44Ce combat a été étouffé dans l'œuf, malgré mes avertissements au jury,
00:04:50disant au jury que s'il faisait confiance à la solution que la justice lui proposait,
00:04:57on n'arriverait plus jamais à rien. Et la solution que la justice proposait,
00:05:03c'était de confier le restant de l'enquête à un dossier bis.
00:05:10Ce dossier bis, ai-je promis, serait classé sans suite très rapidement.
00:05:15C'est ce qui a été fait. Quatre mois plus tard, la Cour d'appel de Liège classait le dossier bis sans suite.
00:05:20Et l'affaire est refermée pour toujours, croit-on. Sauf si maintenant, grâce à l'initiative
00:05:26de différents policiers brimés, une commission d'enquête parlementaire
00:05:32s'empare de ce silence inadmissible.
00:05:35On en parlera. Alors, dossier de 450.000 pages, 60 mètres de couloir de dossier,
00:05:41vous avez tout parcouru ?
00:05:44Oui, j'ai tout commandé, j'ai tout obtenu. Et j'ai aussi demandé et obtenu
00:05:50que le dossier soit sur ordinateur. Et j'ai demandé et obtenu que Dutroux puisse consulter
00:05:57sur ordinateur lui aussi, en prison, son propre dossier. J'ai dû me battre pour cela.
00:06:05Est-ce que vous vous souvenez la première fois que vous rencontrez Marc Dutroux ?
00:06:09Oui. Je suis à la prison d'Arlon. Arlon que je connais bien parce que dans les années 60,
00:06:17j'ai fait mon service militaire aux chasseurs ardennais. C'est un autre job.
00:06:23Je me vois là, à Arlon, et au moment où on m'annonce Monsieur Dutroux,
00:06:30je vois arriver une pile de dossiers dans les bras d'un homme. Je ne vois pas son visage,
00:06:37je vois ses jambes. Et c'est la pile de dossiers qui se met devant moi, qui se pose sur la table
00:06:42et puis apparaît Dutroux qui me dit « Avez-vous fait mon voyage ? »
00:06:47parce que je venais de Bruxelles en train pour le voir.
00:06:51C'est comme ça que notre conversation a commencé.
00:06:56Et Dutroux lui-même s'en tenait à un certain silence. D'ailleurs, il ne tenait qu'à lui,
00:07:03s'il le voulait bien, de se lever à l'audience et de dire « Mes commanditaires, mes clients
00:07:09sont un tel, un tel, un tel et un tel et j'ose enfin le dire ».
00:07:15Il ne s'est pas prononcé. C'est maintenant, assez récemment, que 20 ans après,
00:07:20il prend contact avec certains de vos confrères pour faire des déclarations
00:07:25sur pourquoi il y avait effectivement un réseau et qu'il n'était que l'ouvrier de ce réseau-là.
00:07:30Justement, votre livre écrit en 2004 soulève plus de questions que de réponses.
00:07:39Je lis un passage, page 154 « Pourquoi n'a-t-on en réalité rien expliqué sur l'enlèvement de Julie et Mélissa ?
00:07:45Qui les a enlevées ? Comment ? Pour qui ? Pourquoi ? Qui les a violées ? Qui les a assassinées ?
00:07:51Quand sont-elles décédées ? Selon beaucoup d'observateurs, on aurait clôturé l'instruction
00:07:55sans que la justice ait apporté une réponse sérieuse à ces questions.
00:07:59Une soudaine hâte, alors que l'analyse des cheveux, prélevée cinq ans plus tôt,
00:08:03commençait à donner les résultats.
00:08:05Pourquoi la reconstitution de l'enlèvement à Gracelone n'a-t-elle eu lieu qu'en juin 2000 ?
00:08:10Exact.
00:08:11Quatre ans après l'arrestation de ceux qu'on a présentés à la cour d'assises d'Arlon
00:08:15comme les auteurs uniques isolés.
00:08:17Pourquoi a-t-il fallu cinq ans pour qu'on commence enfin l'analyse des microtraces
00:08:21relevées dans la maison de Marc Dutroux, essentiellement dans la cave ?
00:08:24Pourquoi a-t-on en novembre 2004 annulé leur analyse ?
00:08:28Pourquoi les partis civils ont-elles été tenus dans l'ignorance d'une liste de devoirs
00:08:32que le procureur Bourlet réclamait à la Chambre des mises en accusation de liège ?
00:08:36Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?
00:08:39Et ce sont des questions que je pose, non seulement dans le livre, mais à l'audience.
00:08:44Attention, j'avertis le jury.
00:08:47Il est tout à fait au courant, mais le jury sera pris dans ce drame mental que s'il
00:08:55s'abstient de juger Dutroux et qu'on le renvoie, les parents des victimes vont considérer
00:09:01cela comme un échec.
00:09:04Ce serait un échec, mais c'était aussi un échec de juger et puis de clore plus tard
00:09:09le dossier Bisse ensuite.
00:09:11Les parents avaient besoin d'une condamnation de Dutroux, je peux le comprendre, et je peux
00:09:18comprendre que le jury est craqué de ce côté-là, parce que le grand public le lui
00:09:25aurait sans doute reproché.
00:09:27On cherchait plus à punir ce coupable évident qu'à chercher un réseau qui a déclenché
00:09:34un grave conflit politique.
00:09:37On peut dire que c'était un coupable...
00:09:40En or.
00:09:41...idéal.
00:09:42On touche aussi à une réalité sociale, notamment du milieu de Charleroi, et vous
00:09:49dites qu'il faut situer ces faits incroyables dans leur cadre.
00:09:51L'enquête elle-même a ressemblé au crime dont elle se mêlait.
00:09:55Il est à Charleroi un milieu de gens bien en aide, dignes travailleurs, courageux,
00:09:58pauvres ou riches, mais dignes de respect.
00:09:59Ils ne sont pas en cause.
00:10:00Ici, nous sommes en plein délire, dans un monde de paumés, de combinards, de trafiquants,
00:10:04de malfaiteurs.
00:10:05Milieu auquel se mêlent les policiers et les enquêteurs de tous bords.
00:10:08Police communale, police judiciaire, gendarmerie, même certains magistrats.
00:10:11Le tout dans une implication générale qui excuse les principes policiers de l'infiltration.
00:10:15Mais en définitive, du milieu et des forces de l'ordre, qui infiltre qui ?
00:10:20Et comment un enquêteur peut-il mériter les tuyaux qu'on lui passe, autrement qu'en
00:10:23fermant les yeux de temps à autre ?
00:10:25Et comment tel marlou se fait-il oublier, sans peut-être accorder des conditions
00:10:29exceptionnelles à l'achat d'une voiture, certains en ont parlé, ou un libre, accès
00:10:33au faveur d'une prostituée, ou rendre de très grands services en révélant quelques
00:10:37honteux secrets d'impuissants ?
00:10:39On est aussi dans un milieu interlope, un milieu mafieux où la police et les voyous
00:10:45se confondent parfois, et dans un milieu très pauvre où on ne cherche pas du tout à excuser
00:10:52Marc Dutroux, mais il est issu de ce milieu.
00:10:58Il est issu d'une ambiance et d'un milieu qui font que son activité, si horrible soit
00:11:04telle, entre parfaitement dans le cadre des combines.
00:11:10Et j'ai dénoncé tout cela en cours de procès et en termes de plaidoiries.
00:11:16J'ai d'ailleurs eu le bonheur de lire les critiques des journalistes après ma plaidoirie.
00:11:26Par exemple, Jean-Claude Madguen, votre confrère de la Libre Belgique,
00:11:33« Même si la gendarmerie méritait les boulets rouges que Maître Magny a tirés sur elle,
00:11:37même s'il était de bon droit d'évoquer les ombres qui traversent encore la salle
00:11:41d'audience, le baroud d'honneur du Cyrano de Bergerac, Bruxellois, n'a pas convaincu
00:11:47tout le monde et c'est un euphémisme.
00:11:49Mais dans le soir, Jean-Pierre Bourleau dit « Soit l'instruction a simplement renoncé
00:11:54à certaines pistes, soit encore l'instruction a été victime de négligence, de manquement,
00:12:00de carence, de lourdeur de l'appareil.
00:12:02Qui sait ? Quoi qu'il en soit, les jurés doivent être plus simplement informés sur
00:12:06ce sujet. » Et Christian Hubert, dans la dernière heure, en démontrant la médiocrité
00:12:11de l'instruction en mettant le doigt sur ces immenses lacunes, il a porté ces mots
00:12:15« Les stockades finales, peut-on dans ces conditions déplorables juger du trou ? Il
00:12:20ne demande pas de circonstances atténuantes pour son client, il suggère simplement qu'il
00:12:24ne puisse pas être jugé sans un supplément d'enquête.
00:12:27Cela, il fallait oser y penser.
00:12:29Et par là, par contre, il ne risque pas de rencontrer l'assentiment du procureur.
00:12:34C'est très important parce qu'il dit « Vous ne demandez pas de circonstances atténuantes
00:12:38pour du trou.
00:12:39Vous voulez juste qu'on creuse et qu'on aille…
00:12:42Tout savoir sur tout le monde.
00:12:44Voilà.
00:12:45Il faut parler, et ça c'est indispensable et beaucoup de spectateurs ne le savent pas,
00:12:51c'est du dispositif qu'on appelle POSA, peloton d'observation, de surveillance et
00:12:58d'arrestation, qui est mis en place devant la Maison du Trou, où supposément sont
00:13:04enfermés Julie et Mélissa, et que pendant des mois, le dispositif qu'on appellera
00:13:11L'opération Othello.
00:13:12L'opération Othello.
00:13:13Dirigée par Michaud, à l'insu des juges d'instruction et à l'insu du parquet.
00:13:18Ça consistait en quoi ?
00:13:20Ça consistait à observer qui entrait et qui sortait, voire même à filmer.
00:13:24Entre juillet 1995 et août 1996.
00:13:27Il faut aussi observer que quand on a perquisitionné Maison 20 sans trouver les petites filles,
00:13:32quand on a perquisitionné, on a saisi sur place plus de 80 cassettes pornographiques
00:13:38qui n'ont jamais été montrées, ni au procès, ni jamais.
00:13:43Dont certaines ont été visionnées sur place et où on voyait des scènes de porno, des
00:13:49viols, en fin de cassette, et jamais elles n'ont été saisies.
00:13:53Il y en a même certaines qui ont été rendues à Marc Dutroux quand il est sorti en 1996
00:13:58de ses trois mois de détention.
00:13:59Voilà.
00:14:00Et sur ces cassettes, il y a les violés et il y a bien sûr les violeurs.
00:14:04Les violeurs, on ne saura jamais qui c'était.
00:14:08C'est ce que Michaud, le gendarme, appelle une perquisition négative.
00:14:15Alors, c'est très étrange parce qu'il y a des doutes, mais même ce qui paraît évident,
00:14:23on a encore des doutes.
00:14:24Et dans votre livre, c'est ça qu'on relève aussi, c'est qu'on se demande même si,
00:14:30parfois, vous le dites, tout n'a pas été fait.
00:14:33Tout n'a pas été fait, puisqu'il faut savoir que le gendarme Michaud va dans la cave.
00:14:39Oui, avec le serrurier.
00:14:41Avec le serrurier.
00:14:42Le serrurier va déclarer, j'ai entendu clairement des petites voix.
00:14:46Des chuchotis, ils disent, oui.
00:14:48Ça, c'est Michaud qui dit des chuchotis.
00:14:51L'autre dit clairement des petites voix.
00:14:54Et c'est à ce moment-là que Michaud, dans la cave avec le serrurier, crie, taisez-vous !
00:15:01Et les voix se taisent.
00:15:03Évidemment.
00:15:04Et Michaud, on conclura qu'il n'y a personne.
00:15:07Et que ce sont des enfants qui jouent dans la rue, un matin en semaine, alors qu'on n'est pas en vacances.
00:15:18Mais alors, vous, qu'est-ce que vous pensez ?
00:15:22Je pense que Michaud avait pour mission de ne pas trouver les filles,
00:15:26parce que tout le monde savait très bien qu'elles s'y trouvaient,
00:15:28et l'opération Othello, qui avait commencé le jour de l'arrivée de Julie et Mélissa,
00:15:33était sans doute très claire et pouvait démontrer que les petites s'y trouvaient.
00:15:37Sans compter que l'opération Othello de la gendarmerie pouvait aussi nous dire,
00:15:44si on le voulait bien, qui fréquentait la maison, qui violait les petites,
00:15:49qui étaient les clients de Dutroux.
00:15:53L'opération Othello a commencé le jour de l'enlèvement d'Anne et Effie, ou de Julie et Mélissa ?
00:16:01Je crois que c'est Julie et Mélissa, mais je me trompe peut-être.
00:16:03C'est peut-être Anne et Effie, mais en tout cas, elle commence en juillet 1995,
00:16:09et s'achève en août 1996.
00:16:14Donc, pendant toutes ces périodes, Julie et Mélissa sont supposément présentes.
00:16:21D'accord.
00:16:22Il y a même certains témoins qui disent aussi qu'ils l'ont...
00:16:26C'est pour ça, j'ai...
00:16:27Il y a une dame qui a vu une petite fille...
00:16:29Devant une boîte ?
00:16:30Devant une boîte.
00:16:31Partout ?
00:16:32Partout, ce qui se trouve en proximité, et que cette petite fille serait rentrée dans cette boîte.
00:16:38Il y a aussi une autre dame qui a vu une petite, les lèvres tremblantes, sur le pas de la porte,
00:16:44et qui a vu arriver Madame Dutroux, rechercher la petite fille assez fermement,
00:16:50pour lui dire de rentrer dans la maison.
00:16:52On sait aussi que c'est Anne ou Effie qui a essayé de s'échapper,
00:16:56pendant cette surveillance hôtelot.
00:16:58Elle est sortie, et elle a été rattrapée.
00:17:02Donc, en fait, on se demande à quoi elle sert.
00:17:04Il y a des petites filles qui sortent, qui rentrent...
00:17:07Et on ne les délivre pas.
00:17:08Et on ne les délivre pas.
00:17:09Mais au contraire, on continue à filmer la maison pour savoir qui fréquente.
00:17:16Et la gendarmerie détient un dossier hôtelot qui n'a jamais été produit.
00:17:23Jamais.
00:17:24Vous pensez que le dossier hôtelot existe toujours ?
00:17:26Il a sans doute été détruit.
00:17:29Comme les billets de banque de...
00:17:31Comme la gendarmerie.
00:17:33De Vandenbrouck, oui.
00:17:35Comme la gendarmerie a été détruite.
00:17:38Donc, votre thèse aussi, c'est que tout a été fait pour penser Dutroux,
00:17:45qu'on pense Dutroux comme un pervers isolé,
00:17:47alors que même des experts américains, des tueurs en série,
00:17:50ont dit qu'il ne correspond pas du tout au profil Marc Dutroux, un pervers isolé,
00:17:56avec un point d'interrogation.
00:17:57Il ne correspond pas du tout au profil du psychopathe isolé qui tue des victimes.
00:18:03Il était plutôt l'exécutant d'un réseau.
00:18:08Étant un modeste travailleur, il était propriétaire de quatre maisons.
00:18:11Voulez-vous me dire avec quoi il se les a payées ?
00:18:15On voit aussi, et c'est le travail d'Emmebile et de Patrick Batts,
00:18:21qu'à chaque enlèvement, il y a des transferts d'argent sur le compte de Dutroux.
00:18:26Voilà.
00:18:28Et c'est Emmebile qui se rend compte de ça,
00:18:31avec une note de l'inspecteur des impôts,
00:18:36où il indique justement toutes les possessions de bâtiments.
00:18:40Voilà, c'est de là que ça vient.
00:18:42De nouveau, quand Emmebile, le gendarme, prévient, on le bloque.
00:18:47On le bloque.
00:18:48Je n'ai pas été très informé du blocage dont Bill a été victime,
00:18:53et qu'il raconte très très bien dans le livre qui sort 20 ans plus tard.
00:18:57À l'époque, j'avais été informé que Bill était très déçu.
00:19:02Bien, mais pas beaucoup plus.
00:19:05Et je dois vous dire que pour ma thèse du pervers non isolé,
00:19:12je me suis senti très seul à cette audience.
00:19:16On disait qu'il y avait les croyants et les incroyants.
00:19:21Les croyants étant ceux qui inventaient toutes sortes de circonstances
00:19:25pour compliquer l'affaire Dutroux.
00:19:28Je ne voulais pas la compliquer, je voulais au contraire l'éclaircir.
00:19:32Aujourd'hui, les croyants, on les appellerait les complotistes, sans doute.
00:19:37Peut-être.
00:19:38Mais en attendant, la question n'était pas entre croyant et incroyant,
00:19:42c'était surtout de chercher la vérité.
00:19:45C'est ce que je cherchais.
00:19:48Mais je n'ai pas été suivi du tout puisque Dutroux était condamné au maximum de la peine.
00:19:54Et Dutroux aujourd'hui, peut-être, va donner des révélations,
00:20:01mais je n'en sais rien, je ne suis plus son conseil.
00:20:04Et je n'ai aucune opinion à propos de sa stratégie actuelle.
00:20:12Alors, vous le dites, page 199.
00:20:16Et toujours, en 2004.
00:20:19Et toujours. Mais là, c'est votre acte de défense.
00:20:22Oui, en 2004.
00:20:23Vous dites que c'est plutôt un état des lieux.
00:20:25On trouve clairement dans le dossier la preuve matérielle péremptoire
00:20:29Les cheveux, les traces.
00:20:33Les spermes d'un inconnu sur la trace de sang d'une petite fille.
00:20:41Oui.
00:20:58Dutroux est en toute hypothèse maintenu en détention préventive
00:21:01et qu'il peut s'attendre aux travaux forcés à perpétuité.
00:21:04Voulez-vous nous dire quelle était brusquement l'urgence,
00:21:07au bout de sept ans, de le juger seul ou quasi seul ?
00:21:10De se contenter d'évidence ?
00:21:12Parce que c'est en fin de compte ça.
00:21:14C'est ça.
00:21:15C'était évident.
00:21:16Procedure 6, Arlon, c'était ça.
00:21:18Les évidences et rien d'autre.
00:21:21Et j'essayais même de planer un doute sur mon attitude
00:21:25parce que moi, l'avocat d'un monstre,
00:21:27comment pouvais-je encore donner des leçons à la police ?
00:21:31Voilà.
00:21:34Alors que c'est dans le principe du droit, on en parlait avant,
00:21:37que tout...
00:21:39La vérité.
00:21:40La vérité et que tout coupable, en tout cas, je veux dire,
00:21:47toute personne tout justiciable a droit à un avocat.
00:21:51C'est quelque chose de...
00:21:54C'est dans la loi.
00:21:55Oui.
00:21:56C'est éthique.
00:22:01Dans la dernière heure,
00:22:02Christian Hubert, après ma plaidoirie,
00:22:05a écrit,
00:22:06en démontrant la médiocrité de l'instruction,
00:22:09en mettant le doigt sur ces immenses lacunes,
00:22:12il a porté l'estocade final.
00:22:14Peut-on, dans ces conditions déplorables,
00:22:16juger du trou ?
00:22:17Il ne demande pas de circonstances atténuantes pour son client.
00:22:20Il suggère simplement qu'il ne puisse pas être jugé
00:22:22sans un supplément d'enquête.
00:22:24Cela, il fallait oser y penser,
00:22:26mais là, par contre, il ne risque pas de rencontrer
00:22:28l'assentiment du procureur, comme on l'a déjà lu.
00:22:31Vous l'aviez lu ? Oui, oui.
00:22:32Mais c'est important de le répéter.
00:22:34Voilà.
00:22:36Et ils le disent, aux assises d'Arlon, en juin 2024,
00:22:39les avocats de Marc Dutroux ont plaidé qu'il était difficile,
00:22:41sinon impossible,
00:22:43de juger Dutroux dans des conditions pareilles.
00:22:45En ignorant les complices,
00:22:46en ignorant les protections,
00:22:48en ignorant les filières,
00:22:50n'était-ce pas une manière d'envoyer à la poubelle
00:22:53des pistes dérangeantes ?
00:22:54Et on pourrait dire, en fin de compte,
00:22:55que, est-ce que le procès d'Arlon,
00:22:57et je vous pose la question,
00:22:58c'était une manière d'en finir,
00:22:59et en fin de compte, d'enterrer l'affaire ?
00:23:01Non, ce n'était pas une manière d'en finir,
00:23:02c'était une manière de commencer la vérité.
00:23:04Oui, normalement.
00:23:06Mais la manière...
00:23:07Et non pas en finir, justement.
00:23:08Mais la manière dont c'était mené...
00:23:10D'en finir avec ce procédé d'occultation.
00:23:14Voilà.
00:23:15Ça aurait dû être ça.
00:23:16Ça aurait dû être ça.
00:23:17Mais la manière dont ça s'est passé, c'était...
00:23:19C'est pour ça que le jury est un courage extraordinaire,
00:23:22et le magistrat de presse,
00:23:24qui est officiellement chargé de commenter
00:23:27les articles de journaux
00:23:29et les développements juridiques du procès,
00:23:31a dit...
00:23:35Il a publiquement menacé le jury de poursuite pénale
00:23:38au cas où le jury poserait son verdict.
00:23:43J'ai dit, ce fait c'est sans précédent
00:23:45et constitue une atteinte à la liberté du jury
00:23:47et une violation du procès équitable.
00:23:49J'ai ajouté, la régularité du procès
00:23:51est menacée dans ces conditions.
00:23:53Un magistrat ne peut pas délibérément
00:23:55poursuivre dans cette voie
00:23:57sans se rendre lui-même coupable de forfaiture.
00:24:00Et je dis à propos du magistrat de presse
00:24:02qui menaçait le jury
00:24:04au cas où il suivait mon avis.
00:24:08Alors, la juge...
00:24:09Oui, c'est incroyable.
00:24:10Donc, l'avocat général qui menace
00:24:15le jury de poursuite pénale
00:24:18s'il ne juge pas.
00:24:19Voilà.
00:24:20Or, c'est mal fondé.
00:24:22C'est une menace mal fondée.
00:24:24Le jury est parfaitement comme n'importe quel juge
00:24:26déclaré que l'affaire n'est pas en état
00:24:28et demandé par conséquent
00:24:30que l'instruction se poursuive.
00:24:33J'ai d'ailleurs, en plaidoirie,
00:24:36demandé plus de 80 devoirs complémentaires
00:24:40qui sont repris à la fin de mon livre
00:24:42et que j'ai cités à l'audience.
00:24:4495 enquêtes complémentaires
00:24:46refusées par le juge non loi.
00:24:48Exactement.
00:24:50Et refusées par la cour d'assises.
00:24:52Je ne vais pas vous faire dire
00:24:54ce que vous ne savez pas
00:24:55ou ce que vous n'avez pas envie de dire,
00:24:56mais est-ce qu'on pourrait penser
00:24:58qu'un juge soit corrompu aussi
00:24:59ou est-ce que c'est de la bêtise ?
00:25:01Est-ce que c'est...
00:25:02On peut penser qu'un juge obéit
00:25:09au désir de sauvegarder
00:25:12la sécurité et la paix du pays.
00:25:15Parce que le juge Conroth,
00:25:16ce n'était pas du tout la même chose.
00:25:18Ah, le juge Conroth, il était...
00:25:19Il était libre.
00:25:20Il était extrêmement courageux
00:25:22et il a été viré au prétexte
00:25:24d'un dîner spaghetti.
00:25:25Il a eu la pitié de participer
00:25:28à un dîner spaghetti organisé
00:25:30par les parents des victimes
00:25:31et à cause de ça, on l'a destitué.
00:25:33Mais le juge Conroth a l'effort,
00:25:35avec d'ailleurs l'accord
00:25:37et l'appui du procureur du roi Bourlet.
00:25:39Bourlet.
00:25:40Bourlet et Conroth.
00:25:41Par contre, Hubert Massa,
00:25:43qui était l'avocat général de Liège
00:25:45qui a mené cette instruction incomplète,
00:25:48s'est suicidé.
00:25:50On ne sait pas pourquoi.
00:25:51À 50 et des années,
00:25:53il s'est suicidé.
00:25:54Oui.
00:25:56Personne ne sait pourquoi.
00:25:57Non.
00:26:00Et on est sûr que c'est un suicide ?
00:26:01Ah oui, tout à fait.
00:26:05Énormément de gens ont souffert
00:26:06dans ces affaires.
00:26:07Évidemment, on pense aux petites filles
00:26:10dont le calvaire est innommable.
00:26:12Mais il y a beaucoup de gens autour aussi
00:26:14qui ont dû se taire
00:26:15et qui ont souffert
00:26:17de devoir se taire.
00:26:18Et ce qui est intéressant,
00:26:20c'est que même dans le procès,
00:26:22on continue les techniques d'intimidation.
00:26:25Parce que menacer le jury,
00:26:26c'est aussi une manière de dire
00:26:27tu te tais maintenant.
00:26:28Oui, bien sûr.
00:26:29Voilà.
00:26:30Le magistrat Spreys a menacé le jury.
00:26:33Le menaçant de poursuite,
00:26:34disant que je l'invitais à commettre
00:26:36une infraction en ne jugeant pas.
00:26:38Ce qui est faux.
00:26:40Je l'ai répondu d'ailleurs officiellement.
00:26:42Je lui ai pris la parole.
00:26:44Mais rien ne va dans cette histoire.
00:26:48Revenons juste sur la juge d'instruction d'Outreux
00:26:51qui est tenue dans l'ignorance.
00:26:52Donc juge d'instruction à Grasse-Aulogne,
00:26:55je pense.
00:26:56Et le parquet.
00:26:57Qui est tenue totalement dans l'ignorance
00:26:58de ce que fait la gendarmerie de Charleroi.
00:27:00Exactement. Et le parquet aussi.
00:27:02Donc par exemple, l'opération Othello,
00:27:04alors qu'elle est à la recherche de Juliet Mélissa.
00:27:07Exactement.
00:27:08La gendarmerie de Charleroi ne la tient pas informée.
00:27:13Il y a une surveillance de la maison de Dutroux.
00:27:15Il n'y a pas de l'existence de cette opération.
00:27:17Oui, elle ne connaît même pas Dutroux.
00:27:18On n'en parle même pas.
00:27:19Ils se sont arrangés pour que le parquet
00:27:23se décommande en quelque sorte des armes
00:27:26et que ce soit les gendarmes seuls qui cherchent.
00:27:30Et ils ont cherché dans l'ignorance du juge d'instruction
00:27:34et dans l'ignorance du procureur du roi.
00:27:36Je cite M. Bourlet, le procureur du roi de Neuchâtel,
00:27:40il dit que les lacunes de l'enquête sont à ce point graves
00:27:42que j'en viens nécessairement à me demander
00:27:44si elles s'expliquent uniquement par la négligence
00:27:47ou bien si Dutroux bénéficiait de protections
00:27:49tant policières que judiciaires.
00:27:52Voilà.
00:27:53Je suis incompétent pour poursuivre des magistrats
00:27:56mais pour les policiers, cela m'inquiète beaucoup.
00:27:59Et je me demande s'il n'y a pas un trafic de voitures d'occasion.
00:28:02C'est ça.
00:28:03Concernant les protections policières,
00:28:04des enquêtes sont en cours.
00:28:05Quant aux protections judiciaires,
00:28:06je n'ai pas d'éléments à vous donner.
00:28:07Je n'ai pas compétence pour enquêter en cause de magistrats
00:28:10mais je me demande si certains de ceux-ci
00:28:12n'auraient pas bénéficié de certaines voitures
00:28:14avantageusement acquises par l'intermédiaire de M22V.
00:28:18Je pourrais difficilement préciser.
00:28:19Je me borne à m'interroger
00:28:21et je ne trouve pas d'explication raisonnable
00:28:23aux lacunes déjà relevées dans l'instruction relative
00:28:25à l'affaire Daubet
00:28:26et qui sont nécessairement le fait de magistrats.
00:28:28Et voilà.
00:28:29M. le procureur du roi Bourlet a d'ailleurs rajouté
00:28:32qu'il chercherait la vérité
00:28:36« si on me laisse faire »
00:28:38a-t-il dit.
00:28:39« Si on me laisse faire »
00:28:42Il était en quelque sorte pris en otage au procès d'Assige
00:28:45et il a été là à côté du procureur général.
00:28:48Il a été mêlé aux poursuites
00:28:50et il a été chargé de faire croire aux jurés
00:28:52que le poteau sébiste donnerait des réponses.
00:28:54Gignac Rousseau dans une émission télévisuelle
00:28:57a d'ailleurs dit au procureur
00:28:59écoutez, on arrête là, on ne discute plus.
00:29:01S'ils vous disent « si on me laisse faire »
00:29:02ça veut tout dire.
00:29:03Moi je ne discute plus.
00:29:04Et Bourlet a répondu
00:29:06je ne suis pas sur les rotules
00:29:08si on me laisse faire.
00:29:11Donc il y a plein d'incohérences.
00:29:13Il parle de lacunes ici.
00:29:14C'est un euphémisme.
00:29:16Donc tous ces témoignages
00:29:17sur la présence de Julien Mélissa
00:29:19Pirot aussi, rappelez.
00:29:22Pirot qui se fait assassiner
00:29:24alors qu'il tient une boîte échangeiste aussi.
00:29:26Il avait promis qu'il allait tout dire.
00:29:28Expliquer ce qu'il savait.
00:29:31Il allait faire un dîner avec les parents.
00:29:33Oui.
00:29:34De Julien Mélissa.
00:29:35Et faire des révélations.
00:29:37Il était assassiné.
00:29:38Et on lui tire la chevrotine.
00:29:40En tout cas, il fait une halte
00:29:42sur une aire d'autoroute.
00:29:43Voilà.
00:29:44Il est avec sa femme et
00:29:46il est dégommé.
00:29:48Aucune chance de s'en sortir.
00:29:50Et il était quand même
00:29:52il tenait une boîte, un bar
00:29:54où on a, où Néoul
00:29:56Des échangeistes, c'est pas conséquent.
00:29:58Néoul, Dutroux.
00:30:00Martin Lelievre, semble-t-il.
00:30:02Peut-être, oui.
00:30:04Voilà.
00:30:08Clioul a été acquittée
00:30:10d'être la cheville ouvrière
00:30:12entre le commerce des petites filles
00:30:14et le milieu
00:30:16le milieu bourgeois.
00:30:18Elle a été acquittée de cela.
00:30:20Qu'est-ce que vous pensez
00:30:22à ce sujet-là, de son acquittement ?
00:30:24D'abord,
00:30:26le jury l'a déclaré coupable
00:30:28d'être le point de liaison,
00:30:30d'être complice.
00:30:32Par 6 voix contre 5.
00:30:36Ce n'est pas assez.
00:30:38Dans ces cas, la loi prévoit
00:30:40que la cour d'assises,
00:30:42les magistrats rejoignent le jury
00:30:44et décident avec eux
00:30:46si c'est 7 ou si c'est 5.
00:30:48Coupable ou pas.
00:30:50Les 3 magistrats
00:30:52ont rejoint les 5
00:30:54qui étaient pleurnis d'innocence
00:30:56et c'est par conséquent
00:30:58par 8 voix contre 7
00:31:00qu'il a été
00:31:02décarré
00:31:04innocent d'être auteur.
00:31:06Restait la question
00:31:08de savoir s'il était complice.
00:31:10S'il n'était pas auteur,
00:31:12était-il complice ?
00:31:14On a reposé la question au jury
00:31:16et là le jury a répondu non, il n'est pas complice.
00:31:18Donc il a été acquitté.
00:31:20Mais je comprends le jury.
00:31:22Allons, dit-on,
00:31:24on nous demande auteur, on dit auteur.
00:31:26On nous dit non, pas auteur,
00:31:28complice.
00:31:30On dit non, pas complice, auteur,
00:31:32pas complice, donc il est acquitté.
00:31:34Est-ce que vous pensez l'affaire
00:31:36être tellement grave,
00:31:38il y a tellement de pression,
00:31:40de corruption
00:31:42à tous les niveaux, que le jury
00:31:44aurait pu être sous pression et influencé ?
00:31:46Je ne crois pas.
00:31:48A mon avis, on n'aurait pas
00:31:50pris l'imprudence
00:31:52de menacer des jurés
00:31:54il suffit qu'un d'eux parle pour que ça explose.
00:31:56Je crois qu'on a laissé
00:31:58le jury
00:32:00bien penser à la situation,
00:32:02chacun rentrant chez lui,
00:32:04à consulter sa femme, ses parents,
00:32:06ses enfants.
00:32:08Qu'est-ce que je fais maintenant ?
00:32:10C'est enfin pareil.
00:32:12Du trou, on l'a recoffré,
00:32:14on va punir du trou, le reste,
00:32:16ils n'ont qu'à voir eux-mêmes,
00:32:18puisqu'ils ont quand même le dossier vice.
00:32:20Quelle est votre intime conviction
00:32:22à propos des réseaux ?
00:32:24On dirait presque que
00:32:26Sabine et Laetitia,
00:32:28ça vient conforter
00:32:30la thèse d'un prédateur isolé.
00:32:32Comme si
00:32:34tout rentrait dans l'ordre.
00:32:36Vous dites d'ailleurs à un moment donné,
00:32:38mais c'est avant, pendant la détention du trou,
00:32:40que Michel Martin
00:32:42rentre à Waterloo,
00:32:44elle ne va plus visiter du trou,
00:32:46comme si le spectacle était terminé.
00:32:48C'est peut-être ce qui a convenu
00:32:50à tout le monde,
00:32:52c'est peut-être ça, effectivement.
00:32:54Mais je n'en suis pas certain,
00:32:56je n'ai pas de démonstration de ce style.
00:32:58Et quelle est votre intime conviction
00:33:00à propos des réseaux ?
00:33:02C'est qu'il y a des réseaux,
00:33:04c'est que du trou n'a pas gagné l'argent
00:33:06pour s'acheter quatre maisons
00:33:08sans avoir des clients pour les petites.
00:33:10Donc vous êtes persuadé
00:33:12qu'il y a des orgies qui se font,
00:33:14et peut-être aussi,
00:33:16on en parlera, des rituels plus sataniques,
00:33:18avec des enfants assassinés
00:33:20dans des snuff movies.
00:33:22Abrasax.
00:33:24On va parler du réseau Abrasax.
00:33:26C'est un réseau satanique.
00:33:28Voilà.
00:33:30Les témoins X en racontent beaucoup,
00:33:32les témoins X ont été rangés
00:33:34dans le dossier BISS, à mon avis.
00:33:36On n'en entend plus parler.
00:33:38Vous avez posé la question, d'ailleurs,
00:33:40pourquoi X1, Régina Louf, n'a pas été
00:33:42interviewée au procès d'Arlon,
00:33:44puisqu'on a refusé
00:33:46de la recevoir aussi,
00:33:48alors que ses propos étaient très clairs,
00:33:50qu'elle était qualifiée de loufoque
00:33:52et de demeurée, alors qu'un psychiatre
00:33:54très réputé a dit qu'elle était brillante
00:33:56et qu'elle n'était pas du tout folle.
00:33:58Parfaitement.
00:34:00De nouveau, encore,
00:34:04des lacunes,
00:34:06ou plutôt...
00:34:08Tellement de lacunes qu'on peut se demander
00:34:10s'il n'y a pas de protection,
00:34:12comme dit le procureur du roi.
00:34:14La logique croyait
00:34:16à la thèse des réseaux.
00:34:22Et on était à une époque
00:34:24où la marmite risquait
00:34:26d'exploser.
00:34:28On est en plein contexte...
00:34:30On l'avait vu, comme je l'ai dit, pour la marche planche.
00:34:32Avec, en plus, une conjonction,
00:34:34un rapprochement entre la Flandre,
00:34:36puisqu'il y a Anne Héfieux,
00:34:38et la Wallonie, et Bruxelles,
00:34:40qui est à son fait...
00:34:44Le phénomène était national.
00:34:46Son plus haut point national,
00:34:48une vraie solidarité nationale,
00:34:50qui atteint son fait
00:34:52avec le dessaisissement du juge Conroth.
00:34:54On voit à Anvers
00:34:56des étudiants
00:34:58qui demandent à ce que le juge Conroth,
00:35:00qui sont des milliers en rue,
00:35:02puisse reprendre l'affaire.
00:35:04Et on voit la même chose
00:35:06dans différentes villes de Wallonie, à Bruxelles.
00:35:08Donc...
00:35:10Est-ce que...
00:35:12Est-ce que vous pensez qu'à ce moment-là,
00:35:14ça aurait pu basculer,
00:35:16mais qu'on a demandé aux familles
00:35:18de se calmer ?
00:35:20Et puis, il y avait aussi l'histoire
00:35:22de Klabeck, à l'époque.
00:35:24Il y avait des ouvriers en colère.
00:35:26Tout le monde aurait pu se mettre ensemble.
00:35:28Il y avait plus de 300 000 personnes
00:35:30à la marche blanche.
00:35:32Ça aurait pu complètement exploser.
00:35:34Alors, question.
00:35:36Est-ce que vous pensez
00:35:38qu'on a raté quelque chose ?
00:35:40Je crois, moi, que la...
00:35:42les vérités
00:35:44qu'on soupçonne
00:35:46sont à ce point terribles
00:35:48que
00:35:50des responsables politiques
00:35:52ont pu avoir port
00:35:54pour la survie
00:35:56de l'État belge.
00:35:58Je crois que la personnalité
00:36:00de Jean soupçonné
00:36:02était à ce point impressionnante
00:36:04qu'il y avait
00:36:06un grand danger
00:36:08de désordre fondamental
00:36:10et d'explosion populaire.
00:36:14Il y a donc,
00:36:16de ce côté-là,
00:36:18un aspect raison d'État
00:36:20qui aura sans doute
00:36:22inspiré
00:36:24les responsables,
00:36:26notamment de la Cour d'appel de Liège,
00:36:28de classer sans suite ce dossier bis
00:36:30sans qu'il soit plus poursuivi.
00:36:32J'ai demandé
00:36:34à me constituer partie civile
00:36:36dans le dossier bis, ça m'a été refusé.
00:36:38J'ai demandé à avoir
00:36:40accès au dossier bis, ça m'a été
00:36:42refusé, du tout n'étant
00:36:44rien officiellement dans le dossier bis.
00:36:48Je l'avais annoncé que ce serait comme ça.
00:36:50Et ça a été comme je l'avais annoncé.
00:36:52Et je l'ai dénoncé
00:36:54en 2004, l'année même
00:36:56de l'arrêt de la Cour d'assises.
00:36:58Ce livre n'a pas eu
00:37:00grand publicité.
00:37:02Je ne suis pas là pour vendre des livres,
00:37:04par conséquent, ce n'est pas
00:37:06le succès commercial de mon livre
00:37:08qui m'intéresse, c'est que
00:37:10ce que j'explique
00:37:12et que j'y dénonce s'y trouvait
00:37:14en 2004 et qu'on le dénonce
00:37:16aujourd'hui en 2024.
00:37:18Vous voulez dire
00:37:20que votre livre était quand même l'objet
00:37:22de l'OMERTA, censure ? Je crois.
00:37:24Mais c'est la même chose que les dossiers X,
00:37:26le livre... Peut-être.
00:37:28Moi, le journaliste s'attendait à un raz-de-marée.
00:37:30Ça a été un flop,
00:37:32parce que justement... Le livre
00:37:34et les dossiers X, oui. Alors qu'il est excellent,
00:37:36ils n'ont été invités nulle part. Voilà.
00:37:38Vous, c'est pareil ? Je crois.
00:37:40Donc, on est de nouveau... C'est pourtant
00:37:42un bon éditeur. La raison d'état...
00:37:44C'est un bon éditeur, c'est Calman Levy.
00:37:46C'est une préface de...
00:37:48Jacques Vergès. C'est pas n'importe quoi.
00:37:50Et puis le titre
00:37:52dit ce qu'il pense,
00:37:54c'était
00:37:56un zéro.
00:37:58Qu'est-ce que Marc Dutroux vous a dit
00:38:00sur les réseaux ? Rien.
00:38:02Et est-ce qu'il vous a donné
00:38:04des noms ? Rien.
00:38:06Jamais ? Jamais. Est-ce que vous avez
00:38:08plus ou moins évalué le nombre d'heures que vous l'avez vu ?
00:38:10Que vous avez passé avec lui ?
00:38:12Ah oui, une centaine
00:38:14d'heures. Et jamais ?
00:38:16Jamais.
00:38:18Il était muet comme une carpe ?
00:38:20Muet comme une carpe, à ce sujet en tout cas.
00:38:22Pourquoi ?
00:38:24Pour être logique avec lui-même.
00:38:26Qu'est-ce qu'il risquait ?
00:38:28Voilà.
00:38:30Qu'est-ce qu'il risquait selon vous ?
00:38:32Sa logique c'est qu'il était un prédateur isolé
00:38:34et
00:38:36un déficient mental,
00:38:38un déséquilibré.
00:38:40Lui-même le disait ?
00:38:42Ils le laissaient ensemble.
00:38:44Vous avez eu l'impression d'être devant un déséquilibré ?
00:38:46Non,
00:38:48moi je le trouvais très rationnel.
00:38:50Ça doit être perturbant.
00:38:52Et
00:38:54à l'audience il s'est comporté
00:38:56comme quelqu'un de rationnel.
00:38:58Sauf qu'il était
00:39:00particulièrement désinvolte et
00:39:02apparemment désintéressé
00:39:04par ce qui se passe.
00:39:06Apparemment ?
00:39:08Oui.
00:39:10Je ne suis juge que des apparences.
00:39:12Vous le voyez après, peut-être que
00:39:14ça l'intéressait plus que ce qui
00:39:16donnait l'impression.
00:39:18Il ne m'a jamais soutenu
00:39:20qu'il fût condamné injustement.
00:39:22Des gens comme ça en général
00:39:24se font liquider
00:39:26quand ils en savent trop ?
00:39:28Jusqu'après il n'a pas parlé.
00:39:30Ils sont sûrs qu'il ne va pas parler ?
00:39:32Ça doit être ça.
00:39:34Ou bien
00:39:36aujourd'hui il joue
00:39:38qu'on me libère
00:39:40ou bien je dis tout.
00:39:42Vous pensez qu'il pourrait être libéré un jour ?
00:39:44Je n'ai pas affaire
00:39:46à ce genre de pari.
00:39:48Pour évoquer
00:39:50à nouveau les perquisitions
00:39:52notamment qui ont eu lieu, il y en a deux
00:39:54qui ont eu lieu pendant que
00:39:56Julien Mélissa
00:39:58était, semble-t-il,
00:40:00parce qu'on n'est pas sûr,
00:40:02mais était semble-t-il dans les caches.
00:40:04Il y a tellement de doutes que même ce qui paraît évident
00:40:06comme je disais tout à l'heure,
00:40:08lève chez vous aussi des doutes
00:40:10et vous dites
00:40:12cette information de Michaud
00:40:14par rapport
00:40:16aux voix. Étaient-elles sincères ?
00:40:18Les voix n'ont-elles pas été inventées ?
00:40:20Cette fable tardive et suspecte n'avait-elle pas
00:40:22pour mobile de démontrer que les petites étaient bien dans la cave
00:40:24le 13 décembre 1901 ?
00:40:26Alors qu'elles auraient été mortes.
00:40:28En l'absence de marques du trou détenues depuis le 6.
00:40:30Et donc qu'il n'existait pas de réseau qu'ils auraient enlevé
00:40:32ou pris en charge.
00:40:36Oui, on est dans...
00:40:38Cette perquisition aussi
00:40:40a été très peu préparée.
00:40:42Normalement
00:40:44un membre
00:40:46de la PJ
00:40:48de Wint je pense
00:40:50aurait dû perquisitionner mais il l'aurait fait
00:40:52librement.
00:40:54Et Michaud s'est à tout prix opposé à cette perquisition.
00:40:56Et vous dites
00:40:58peut-être que cette perquisition devait nécessairement
00:41:00être négative, qu'elle ne visait pas nécessairement
00:41:02la découverte des prisonniers.
00:41:04Alors, aller dans la cave, décider de ne pas trouver.
00:41:06Ou sachant qu'il n'y avait plus rien à découvrir.
00:41:08Le soupçon est insupportable sans doute.
00:41:10Mais l'incompétence de René Michaud
00:41:12pourrait être une hypothèse trop courte.
00:41:14Bien qu'elle soit de nature à sauver l'honneur.
00:41:16Parce qu'on a toujours dit, c'est un idiot,
00:41:18un incompétent.
00:41:20Mais c'était plus facile de faire sauter
00:41:22un lampiste
00:41:24de faire passer Michaud
00:41:26plutôt que de faire sauter 20 gendarmes par exemple.
00:41:28Voilà.
00:41:30Je maintiens cette appréciation
00:41:32que j'ai écrite.
00:41:36L'échec de Michaud
00:41:38à ces deux perquisitions
00:41:40est injustifiable
00:41:42et inexplicable
00:41:44sauf si
00:41:46on découvre
00:41:48qu'il est stratégique
00:41:50de ne pas trouver les filles.
00:41:54La Belgique
00:41:56est en ébullition.
00:41:58On décide
00:42:00d'une commission parlementaire.
00:42:02Alors, est-ce que c'est pour les calmer
00:42:04ou est-ce que véritablement
00:42:06on donne des pouvoirs à cette commission
00:42:08pour aller plus loin ?
00:42:10Eh bien, je crois que la commission
00:42:12a dénoncé des incompétences,
00:42:14des irrégularités, des imprudences,
00:42:16des manques.
00:42:18Elle n'a pas
00:42:20dénoncé de mauvaise foi
00:42:22ou de complot coupable.
00:42:26Mais la commission
00:42:28a été très sévère
00:42:30à l'égard
00:42:32d'une gendarmerie
00:42:34décrite comme maladroite.
00:42:36Maladroite ?
00:42:38De bonne volonté, mais maladroite.
00:42:40Et la commission
00:42:42n'a pas dénoncé
00:42:44de complot.
00:42:46Elle a simplement fait part
00:42:48de sa perplexité.
00:42:50J'ai demandé
00:42:52à la cour d'assises
00:42:54de faire témoigner M. Verwillgen,
00:42:56le président de la commission.
00:42:58Qui a refusé ?
00:43:00La cour d'assises m'a refusé l'audition
00:43:02du président de la commission.
00:43:04De toute façon...
00:43:06Rendez-vous compte.
00:43:08C'est incroyable.
00:43:10Le procureur général s'y est opposé
00:43:12et la cour a suivi.
00:43:16Et quand vous avez demandé
00:43:18d'auditionner une troisième fois Michaud,
00:43:20ça vous a été refusé aussi ?
00:43:22Aussi la troisième fois.
00:43:24La commission a quand même dit
00:43:26dans l'enquête sur la disparition de Jean-Yves Mélissage,
00:43:28la site menée à Charleroi,
00:43:30on a observé trop de dysfonctionnements
00:43:32et trop d'occasions manquées et d'erreurs.
00:43:34Donc à demi-mot, elle dit quand même...
00:43:36La voie est ouverte vers l'explication
00:43:38d'une fraude quelque part
00:43:40ou d'un complot stratégique.
00:43:42Oui, mais pas en termes formels.
00:43:46Je vous l'ai fait répéter ça
00:43:48par le président à la cour d'assises.
00:43:50On m'a refusé de l'entendre.
00:43:52Rendez-vous compte, le président de la commission
00:43:54parlementaire refusait comme témoin.
00:43:586000 cheveux
00:44:00retrouvés dans la cache de Marcinelle.
00:44:04775...
00:44:08119 seulement sur
00:44:10775 nécessitant une expertise
00:44:12ont été examinés.
00:44:14119.
00:44:16Et des années après, n'est-ce pas ?
00:44:20Oui. Et on a cessé.
00:44:22Et puis ça s'arrête.
00:44:24Oui, mais on trouvait que c'était
00:44:26somme toute, sans intérêt.
00:44:28702 cheveux d'inconnus.
00:44:30Evidemment, vous dites,
00:44:32seul un inconnu peut perdre plusieurs cheveux.
00:44:34Il n'y a pas 702 inconnus ?
00:44:38Il y a même un témoin à charge
00:44:40qui est connu,
00:44:42qui est cité.
00:44:44Guissard ?
00:44:48Un de ses cheveux...
00:44:50C'est Giraud.
00:44:52Giraud a laissé un cheveu dans la cache.
00:44:54Un indicateur.
00:44:56C'est un cheveu de la gendarmerie.
00:44:58Bizarre.
00:45:00Ça n'a pas été plus loin.
00:45:02Il y a d'ailleurs ces gendarmes
00:45:04Petens et les autres
00:45:06qui tout d'un coup viennent avec des nouveaux témoignages.
00:45:08Alors qu'ils n'ont pas été consignés dans des PV.
00:45:10Exactement.
00:45:12C'est aussi étrange ça.
00:45:14Il y a des tas de choses étranges.
00:45:16Expliquez peut-être un peu plus
00:45:18par rapport à ces témoignages qui viennent plus tard
00:45:20qui confortent la thèse
00:45:22d'un prédateur isolé, évidemment.
00:45:24C'était tout à fait organisé
00:45:26pour le prédateur isolé.
00:45:30On a peut-être voulu sauver l'État.
00:45:34Je ne sais pas.
00:45:36Je m'empresse de dire que je ne sais pas
00:45:38qui sont les sommités
00:45:40qui seraient
00:45:42mises à l'abri.
00:45:44Je n'en sais rien. Je ne sais pas qui c'est.
00:45:46Bizarre.
00:45:48Il manque quatre cheveux d'inconnus.
00:45:50Comme il manque deux copies de cassettes vidéo.
00:45:52Il disparaît.
00:45:54Les cassettes porno
00:45:56qui ont été saisies au moment des perquisitions,
00:45:58certaines ont même été restituées à Dutroux.
00:46:02C'est énorme.
00:46:04Or,
00:46:06sur ces cassettes porno,
00:46:08on aurait certainement vu les pauvres victimes
00:46:10mais aussi les auteurs.
00:46:12Et pendant ce temps-là,
00:46:14on enquête sur les enquêteurs,
00:46:16comme avec Aimé Bill,
00:46:18mais aussi un autre qui faisait bien son boulot.
00:46:20On enquête sur lui, au fait.
00:46:22On demande à des policiers d'enquêter sur des policiers
00:46:24qui font bien leur travail.
00:46:26Oui. On prétend que ce seraient
00:46:28des meneurs
00:46:30de désordre.
00:46:34Et...
00:46:36que ce n'est pas souhaitable.
00:46:38Voilà.
00:46:40Vous pensez que l'affaire Dutroux aurait lieu
00:46:42aujourd'hui ? Ce serait pareil ? Qu'est-ce qui a changé ?
00:46:44Est-ce que c'est pire
00:46:46qu'avant ?
00:46:50On en connaît peu
00:46:52de ce style.
00:46:56Ça dépend un peu de ce qu'on cache.
00:46:58Parce que l'ampleur
00:47:00des manœuvres pour cacher
00:47:02le fond est telle
00:47:04qu'on peut se dire
00:47:06que ce qu'on cache est important.
00:47:10Je dis cela de l'ampleur des manœuvres.
00:47:16Et...
00:47:18ce qui est extraordinaire aujourd'hui, c'est que
00:47:2020 ans plus tard, Dutroux lui-même
00:47:22dit encore un mot et je le dis tout.
00:47:26Il avait déjà fait cette menace ?
00:47:28Non. Pas à ma connaissance.
00:47:30Je ne l'ai plus vue depuis 20 ans.
00:47:32On s'est quitté après le procès.
00:47:36Le père de Anne a dit qu'il y a des personnes
00:47:38haut placées qu'on cherche à protéger.
00:47:40Peut-être.
00:47:42Je peux aussi ajouter que Dutroux ne m'a jamais
00:47:44encouragé à plaider ce que je plaidais.
00:47:46Et moi non plus.
00:47:48Comme si mes menaces d'un côté
00:47:50et son silence de l'autre
00:47:52constituaient une balance
00:47:54utilisable.
00:48:00Comme si vous disiez
00:48:02ce que lui ne pouvait pas dire.
00:48:04Oui, voilà.
00:48:06Et encore un mot, je dis que Bagny a raison.
00:48:10Alors qu'à côté de ça,
00:48:12tous les autres
00:48:14vous discréditaient, décrédibilisaient
00:48:16uniquement parce que vous étiez l'avocat d'un monstre.
00:48:18Voilà.
00:48:20Vos paroles n'avaient pas vraiment d'importance.
00:48:22J'ai été
00:48:24très mal vu
00:48:26par la bonne société
00:48:28parce que je défendais
00:48:30un individu méprisable
00:48:32dont la cause ne méritait
00:48:34pas d'être défendue.
00:48:36Et j'ai été encore très mal vu
00:48:38par la bonne société
00:48:40quand j'ai écrit ce que j'ai écrit
00:48:42parce que je semblais dénoncer
00:48:44certains membres de cette belle société.
00:48:46Encore une piste
00:48:48qui n'a pas été creusée,
00:48:50c'est celle de la secte Satanax.
00:48:52Puisqu'en allant perquisitionner
00:48:54chez Weinstein, un complice
00:48:56de Dutroux, on découvre
00:48:58une note assez curieuse où on parle
00:49:00de cadeau pour...
00:49:02Anubis.
00:49:04Alors on ne sait pas si c'est une fausse piste.
00:49:06Si c'est une fausse piste, qui l'a mise ?
00:49:08Je ne sais pas si c'est une question de tempérament personnel
00:49:10mais moi, les sectes
00:49:12diaboliques,
00:49:14sataniques,
00:49:16ça ne m'intéresse pas beaucoup.
00:49:18Je ne crois pas que ça puisse déclencher
00:49:22des horreurs pareilles.
00:49:24Je ne crois pas.
00:49:26Pas avec la protection
00:49:28de la gendarmerie.
00:49:30Je ne vois pas de grands
00:49:32personnages trempés dans des diableries
00:49:34de ce style.
00:49:36C'est pourtant défendu
00:49:38par certains.
00:49:40Vous pensez
00:49:42que c'est plus banal ?
00:49:44Quand on pense à la champignonnière,
00:49:46ce qui s'est passé
00:49:48à Bruxelles,
00:49:50avec cette jeune Christine Vallée
00:49:52sacrifiée, ça fait quand même penser
00:49:54à des rituels assez sataniques.
00:49:56On est dans la piste des témoins X.
00:49:58Ça ouvre un horizon
00:50:00immense
00:50:02auquel je ne connais rien.
00:50:04J'ai lu comme vous
00:50:06tout ce qui a été
00:50:08publié sur cette affaire Dutroux,
00:50:10sur les pistes parallèles.
00:50:12Moi, je me suis attaché
00:50:14au contenu de mon dossier
00:50:16et au contenu du procès.
00:50:20Je ne pars pas sur des pistes
00:50:22que je ne connais pas.
00:50:24Il y a pas mal d'ironie
00:50:26dans votre livre,
00:50:28d'insinuations, de non-dits.
00:50:30Qu'est-ce que vous ressentez aujourd'hui
00:50:32et quelle a été
00:50:34l'importance de ce dossier
00:50:36dans votre vie
00:50:38privée et professionnelle ?
00:50:40Je crois que l'ironie est
00:50:42un trait de caractère
00:50:44qui se traduit
00:50:46et qui ressort
00:50:48quand on écrit, forcément.
00:50:50On écrit ce qu'on pense,
00:50:52et quand on pense, on a toujours un peu d'ironie
00:50:54si on veut penser vrai, penser juste.
00:50:58Mais je ne suis pas d'humeur
00:51:00à plaisanter.
00:51:04Je veux bien qu'on y trouve
00:51:06de l'ironie, si c'est de l'ironie
00:51:08dans le jugement,
00:51:10et que ce jugement
00:51:12trahisse
00:51:14de l'objectivité
00:51:16et du réalisme.
00:51:20Est-ce que vous avez souffert
00:51:22pendant ce procès ?
00:51:24Oui, bien sûr, et après,
00:51:26ma vie familiale a explosé.
00:51:30Toute ma vie
00:51:32a été changée aussi.
00:51:36Je ne peux pas dire que j'ai conservé
00:51:38beaucoup d'amis.
00:51:40À cause du fait d'avoir
00:51:42défendu Dutroux ?
00:51:44Oui.
00:51:48Et je n'ai sans doute pas
00:51:52amélioré ma position
00:51:54en laissant entendre que Dutroux
00:51:56n'était pas tout seul.
00:52:00Ça me t'égale.
00:52:02Ce n'est pas ça qui compte,
00:52:04c'est la vérité.
00:52:06Et je suis assez
00:52:08heureux que vingt ans plus tard,
00:52:10plusieurs auteurs
00:52:12me rejoignent sans me citer.
00:52:22C'est au point que la lumière s'éteint
00:52:24quand on évoque ce genre de choses.
00:52:26Les thèses, vous dites,
00:52:28les thèses de Marc Dutroux étaient-elles si
00:52:30absurdes ou autant d'indices
00:52:32d'une réalité hors de portée ?
00:52:34Mon angoisse qui répond à celle des victimes m'impose de le dire.
00:52:36Je dénonce moins le silence
00:52:38de Marc Dutroux que les forces
00:52:40qui s'en assurent peut-être. Comme disait
00:52:42Gino Russo, j'en veux moins
00:52:44à Marc Dutroux
00:52:46qu'à ceux qui n'ont pas
00:52:48cherché.
00:52:50C'est courageux aussi pour,
00:52:52de votre part, mais pour un père qui a perdu
00:52:54sa fille dans ces circonstances.
00:52:56D'une rare objectivité.
00:52:58Parce qu'il ne s'attardait pas
00:53:00au réel et au
00:53:02visible immédiat
00:53:04qui est Dutroux.
00:53:06Il va chercher plus loin.
00:53:08Il est objectif.
00:53:10C'est le signe d'intelligence aussi,
00:53:12de grandeur.
00:53:14Je crois.
00:53:16Finalement, que signifie le silence
00:53:18et les histoires de Marc Dutroux ?
00:53:20Que l'horrible récit pourrait être bien
00:53:22pire, quoi, qui ?
00:53:24Pourquoi pas la vérité ?
00:53:26C'est ça.
00:53:30Après 20 ans,
00:53:32il y a plein de questions
00:53:34dans ce livre,
00:53:36elles restent en suspens ?
00:53:38Je les avais annoncées 20 ans avant.
00:53:40C'est ça.
00:53:42On peut dire,
00:53:44ceux qui maintenant se réveillent peuvent vous rendre hommage,
00:53:46et c'est vrai, peut-être vous citer aussi,
00:53:48parce que ce livre
00:53:50se lit
00:53:52c'est passionnant.
00:53:54C'est horrible, mais c'est passionnant.
00:53:56Parce que ça se lit,
00:53:58on préférait que ça soit
00:54:00un roman policier.
00:54:02Mais c'est la vérité
00:54:04qui dépasse la fiction,
00:54:06en fin de compte.
00:54:08Et l'affliction aussi.
00:54:14Et donc,
00:54:16le procès Dutroux
00:54:18bouleverse votre vie privée,
00:54:20professionnelle.
00:54:22Est-ce que vous avez subi
00:54:24des menaces ?
00:54:26Aucune menace.
00:54:28Aucune menace. Je l'aurais dit.
00:54:30Non pas pour me plaindre
00:54:32ou me faire protéger,
00:54:34mais pour dénoncer ceux qui le font.
00:54:36Parce qu'on sait que,
00:54:38il tenait évidemment un autre rôle,
00:54:40mais le procureur
00:54:42Bourlet et le juge Conroth
00:54:44étaient protégés
00:54:46par des gardes du corps.
00:54:48Les enfants, je pense,
00:54:50des deux, étaient conduits à l'école
00:54:52par la police.
00:54:54Et donc, ils ont subi une pression
00:54:56énorme, qui fait même dire à certains
00:54:58que le coup du repas
00:55:00spaghetti, le juge Conroth
00:55:02n'aurait pas pu faire
00:55:04une telle erreur, et que c'était
00:55:06un moyen de partir
00:55:08par la petite porte, ou par la grande porte
00:55:10plutôt, pour cesser d'être menacé.
00:55:12Parce qu'il avait peur.
00:55:14Et c'est crédible, peut-être
00:55:16vu l'importance
00:55:18de ces réseaux,
00:55:20que ceux qui
00:55:22allaient un peu trop loin...
00:55:24Conroth n'a plus jamais rien dit
00:55:26après avoir été évincé.
00:55:28Plus jamais rien dit.
00:55:30Et on connaît le livre aussi
00:55:32du journaliste flamand
00:55:3430 témoins morts,
00:55:3630 témoins qui disparaissent
00:55:38curieusement.
00:55:40Quel goût vous laisse tout cela ?
00:55:42Et qu'est-ce que vous avez appris
00:55:44de tout cela ?
00:55:46J'ai appris que
00:55:48le métier d'avocat
00:55:50est
00:55:52fondamental.
00:55:56Qu'il faut le vivre
00:55:58au service de la vérité,
00:56:00quoi qu'on risque.
00:56:06Que c'est la vérité qui doit
00:56:08exploser si nécessaire.
00:56:10Et mon travail
00:56:12a été pour
00:56:14que cette vérité
00:56:16soit connue, soit dénoncée.
00:56:18Que ma plaidoirie,
00:56:20qui était un appel à la vérité,
00:56:22ne soit pas
00:56:24classée sans suite.
00:56:28J'avais annoncé,
00:56:30en redoutant la chose,
00:56:32que le dossier BISS
00:56:34serait classé sans suite.
00:56:36Je le craignais.
00:56:38Ce fut une décision de la Chambre des ministres
00:56:40et de l'administration de la Cour d'appel de Liège
00:56:42après quelques mois.
00:56:46Eh bien,
00:56:48nous les avocats, c'est un sac le cerveau
00:56:50à dénoncer
00:56:52et à servir
00:56:54la justice avec un grand J.
00:56:58Voilà.
00:57:00Gino Russo disait à l'époque
00:57:02qu'il espérait qu'un jour
00:57:04la vérité arrive,
00:57:06mais il disait que la vérité n'arriverait pas
00:57:08et que la justice, on peut comprendre sa déception,
00:57:10ce qu'il a vécu,
00:57:12parce que c'est des parents qui ont été vraiment
00:57:14laissés à eux-mêmes,
00:57:16empêchés d'accéder au dossier,
00:57:18parfois,
00:57:22traités comme
00:57:24des coupables.
00:57:26Ils ne croient plus en la justice.
00:57:28Certains, comme Mbille, demandent
00:57:30la réouverture d'une commission parlementaire.
00:57:32Est-ce que vous pensez
00:57:34que ce soit utile ? Je suppose oui.
00:57:36Est-ce que ce soit possible ?
00:57:38Est-ce que vous pensez que ça pourrait se faire ?
00:57:40Je crois,
00:57:42j'espère,
00:57:44que ça se fasse.
00:57:46Je comprends très bien
00:57:50que l'on réclame cette commission d'enquête.
00:57:54Je n'ai pas écrit tout ça pour rien il y a 20 ans.
00:57:58Je ne suis plus l'avocat
00:58:00de personne dans cette affaire.
00:58:02C'est de moi qu'il s'agit,
00:58:04de ce que j'en pense,
00:58:06de ce que j'en souffre, de ce que j'en subis,
00:58:08et qu'il y ait très peu de choses
00:58:10à côté des parents des victimes.
00:58:14Je n'ai été qu'un rouage
00:58:16dans un grand système,
00:58:18et je m'aperçois que,
00:58:20dans la mesure où j'ai demandé
00:58:22certaines choses et que je ne les ai pas obtenues,
00:58:24comme je l'ai déjà dit,
00:58:26j'ai le sentiment dans cette affaire
00:58:28de n'avoir servi à rien.
00:58:32À ce point-là ?
00:58:34Oui.
00:58:36Mais si vous deviez reprendre,
00:58:38si vous deviez aller
00:58:40dans le passé,
00:58:42en sachant ce que vous savez maintenant ?
00:58:44J'agirais exactement de la même manière.
00:58:46Qu'est-ce que vous ne feriez pas ?
00:58:48Qu'est-ce que vous referiez ?
00:58:52Je me comporterais de la même manière.
00:58:54Vous savez, je suis intervenu
00:58:56dans cette affaire du Trou
00:58:58quand dans ma vie
00:59:00j'avais
00:59:02accompli
00:59:04mon chemin d'avocat.
00:59:06J'avais été bâtonnier
00:59:10dans les années 90-91.
00:59:12On ne peut pas imaginer
00:59:14mieux.
00:59:16J'avais été élu alors que j'étais
00:59:18un avocat solitaire,
00:59:20ne faisant partie
00:59:22d'aucune grande association.
00:59:26C'était le tour des
00:59:28candidats dits de droite,
00:59:30c'est-à-dire catholiques,
00:59:32de se présenter au bâtonnat.
00:59:34C'est une fois
00:59:36ULB, une fois Louvain.
00:59:38Une fois ULB, une fois Louvain.
00:59:40C'était le tour de Louvain.
00:59:42Je me suis présenté alors que je sortais de l'ULB
00:59:44et que j'étais déjà divorcé deux fois.
00:59:46Je me suis présenté dans le rang
00:59:48des catholiques parce que je suis catholique.
00:59:50Et j'ai été élu.
00:59:54Mon concurrent était membre d'une grande association
00:59:56dont le président était le chef
00:59:58de la conférence
01:00:00des conférences catholiques.
01:00:04Je l'ai battu aux élections,
01:00:06sans doute parce que
01:00:08toute l'ULB a voté pour moi.
01:00:12Tout le monde vote.
01:00:14J'avais donc accompli mon destin
01:00:16d'avocat.
01:00:18J'avais obtenu
01:00:20ce que je souhaitais de ce palais de justice.
01:00:22Et je me suis
01:00:24je ne vais pas dire
01:00:26que je me suis payé, mais je me suis
01:00:28offert
01:00:30une cause impossible.
01:00:32Une affaire difficile.
01:00:34Une affaire dangereuse.
01:00:36Une affaire
01:00:38où j'intervenais
01:00:40pour un être indéfendable
01:00:42mais où j'ai défendu
01:00:44la vérité
01:00:46et la cause des victimes.
01:00:50Et j'ai plaidé pour des victimes
01:00:52en plaidant ce que je plaidais
01:00:54et que les gens, bien intentionnés,
01:00:56soutiennent 20 ans plus tard.
01:00:58Mais moi, c'est
01:01:00en 2004
01:01:02que c'est sorti dans l'année
01:01:04du procès.
01:01:06Vous y pensez encore souvent ?
01:01:08A peu près tous les jours.
01:01:10Un peu.
01:01:12Chaque fois un peu
01:01:14autre chose.
01:01:16Ça file dans tous les sens.
01:01:18Voilà.
01:01:20Merci Maître Manier.
01:01:22Merci à vous.
01:01:50Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org