Le piolet de verre

  • il y a 2 mois
Atteinte de la maladie des os de verre et de spondylarthrite ankylosante, Fabienne Sicot-Personnic se lance dans une aventure éprouvante et hors du commun : gravir le Mont Everest !

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00:00Je m'appelle Amélie, je suis réalisatrice, cadreuse, monteuse et je suis nulle en escalade.
00:29Et puis, je n'y connais strictement rien en alpinisme.
00:33Par contre, je sais raconter des histoires.
00:36Et là, j'ai une belle histoire à vous raconter.
00:39Du coup, en ce moment, je me prépare pour tenter l'ascension du Mont Everest.
00:44C'était ça que tu voulais ?
00:47Oui, c'est parfait !
00:48Gravir l'Everest. Ce concept me paraissait très fou il y a quelques mois.
00:52Bien sûr, j'en avais déjà entendu parler, mais je ne savais pas ce que ça signifiait exactement.
00:58Tout ce que ça implique.
01:00C'était très abstrait et maintenant, je sais exactement ce que ça signifie.
01:04Je sais exactement que je ne le ferai jamais et je sais à quel point c'est exceptionnel d'y arriver.
01:09En particulier pour Fabienne.
01:11Du coup, là, tu pars dans combien de temps ?
01:1424 jours.
01:16Est-ce que tu te sens prête mentalement et physiquement ?
01:19Ça fait deux ans de boulot et savoir que l'échéance est aussi proche, ça fait peur.
01:24Oui, j'avoue.
01:26J'aime raconter des histoires et j'aime surtout les making-of.
01:29Les coulisses. Voir le avant, le après. Apprendre et comprendre les règles du jeu.
01:35Vas-y, fais tourner ton truc.
01:38Et quand j'ai entendu parler de l'histoire de Fabienne, je me suis tout de suite dit qu'il fallait absolument faire un documentaire sur elle.
01:44Son parcours, ses pathologies et son projet.
01:48Ça fait combien de temps que tu peux parler russe ?
01:50C'est en décembre 2020 que j'ai eu le diagnostic pour mon genou qui indiquait qu'il n'était vraiment pas en très bonne posture.
01:57Et que du coup, si je voulais vraiment m'envoyer un gros truc, il fallait y aller.
02:01Il va falloir refaire.
02:14Je m'appelle Fabienne, j'ai 38 ans.
02:17Je suis infirmière à l'hôpital de Montpellier.
02:20J'ai trois garçons et je suis passionnée de montagne.
02:29Du coup, tu fais ça depuis combien de temps ?
02:32J'ai commencé ça depuis super longtemps.
02:37J'ai le souvenir d'une sortie à la mer de glace quand j'avais 5 ans.
02:41J'en ai toujours fait.
02:44Ça fait le taf.
02:46C'est parti, vas-y.
02:48T'étais sponso à l'époque aussi ou pas ?
02:50Oui, je gardais les chaussettes.
02:57Toute petite, avec son père et sa grande soeur, nous partions régulièrement en montagne, été et hiver.
03:02Et elle était toujours en tête, en train de marcher, courir entre son père et moi.
03:07Jamais en train de se plaindre, toujours ravie.
03:09La montagne, c'est toujours un chantier.
03:11Du coup, à aucun moment tu t'es posé des questions ?
03:14Sur ses pathologies ?
03:16Rien du tout.
03:18C'était terrible d'apprendre ça lorsqu'elle était adulte et maman.
03:22Rien n'aurait pu laisser entendre des choses pareilles.
03:26Avant, les moindres blessures, c'était des strapes.
03:29Ça passait pour quelque chose de bénin.
03:31On n'a jamais su qu'il y avait eu autant de fractures.
03:34Oui, parce que, je ne vous ai pas encore dit,
03:36mais la petite particularité de Fabienne, c'est qu'elle est atteinte à la fois du syndrome de Lopstein,
03:41communément appelé la maladie des hauts-de-verre,
03:44et de spondylarthrite ankylosante.
03:46C'est deux colloques, comme elle les appelle.
03:50La maladie des hauts-de-verre a été découverte après la naissance de mon premier enfant.
03:56J'ai commencé à avoir des douleurs dans les chevilles.
03:58Et à l'IRM, on m'a demandé d'aller dans le bureau.
04:01Généralement, ce n'est pas très bon d'aller dans le bureau.
04:03Et en fait, on me dit que j'ai fracturé l'astragale.
04:06C'est l'os qui fait jonction entre les os de la jambe et l'ensemble des os du pied.
04:11Et c'est un os qui est considéré comme le plus résistant dans le corps humain.
04:21Peu de temps après avoir repris le travail,
04:23j'ai de nouveau des douleurs à cette fois la cheville qui était fracturée,
04:26et j'ai des douleurs à l'autre cheville.
04:28Donc, je renvoie ma généraliste, qui me renvoie à faire cette fois-ci une scintigraphie osseuse.
04:32De nouveau, je vais dans le petit bureau.
04:34Et là, on me dit qu'effectivement, la fracture ancienne n'est pas consolidée.
04:39Mais en plus, ça a fracturé de l'autre côté.
04:41Et en fait, dans les dix minutes au cours de la consultation, le diagnostic tombe.
04:45Parce qu'à ce moment-là, je suis hyperlaxe.
04:47J'ai la partie blanche des yeux qui tire sur les bleus.
04:50Et au cours de la radio complète du corps,
04:53on voit qu'il y a plusieurs traces de fracture ancienne.
04:55Donc, elle me dit que c'est sûr, c'est le syndrome de Loebstein.
04:59Il y a plusieurs degrés de la maladie des eaux de verre.
05:02Les formes les plus modérées vont plutôt être appelées syndrome de Loebstein.
05:06La maladie des eaux de verre est due à une mutation génétique
05:09qui altère la production de collagène,
05:11qui est un des principaux constituants de l'os.
05:13Ce qui fait que l'os est plus fragile que la normale.
05:20Au cours de la scintigraphie osseuse,
05:22on se rend compte que Fabienne a eu au cours de sa vie plus de 50 fractures.
05:28Comme c'est une pathologie que l'on a dès la naissance,
05:31on peut se poser la question de comment est-ce possible
05:33que cela n'ait pas été détecté avant ?
05:36Comment une fracture peut passer inaperçue ?
05:40Il y en a beaucoup qui m'ont posé cette question-là,
05:42en me disant que si tu te fractures alors que tu arrives à continuer à marcher,
05:46alors que tu as la cheville cassée, etc.
05:49Pour moi, c'est normal.
05:51Ce n'est pas quelque chose que j'ai attrapé au cours de ma vie,
05:54c'est de naissance.
05:55J'ai du mal à dire que je suis plus résistante à la douleur que quelqu'un d'autre,
05:58c'est juste que pour moi, c'est mon quotidien.
06:02Cela reste une chose sur laquelle il faut que je sois vigilante.
06:07Mais après, je n'ai pas envie de m'interdire de vivre pour autant.
06:10J'ai vécu sous bulle après le diagnostic pendant peut-être 6-7 ans.
06:15Pas faire de vélo, pas de roller, pas de ski, pas courir.
06:20Ce n'est pas une vie.
06:25Je ne fais pas de vélo.
06:41Il y a des preuves de ce que tu viens de dire !
06:47Je n'ai pas fait la même méthode.
06:50Depuis deux ans, Fabien s'entraîne spécifiquement pour l'Everest.
06:55Pour la phase 1 du projet, en 2022, elle gravit le Mont-Blanc, ou plutôt regravit le Mont-Blanc.
07:02Ça fait trop, attends. Je sais que ça fait trop.
07:05Ça, c'est acceptable.
07:08C'était cet été, oui, donc j'ai déjà fait quand j'étais ado.
07:12Et là, du coup, c'était un peu le challenge de le refaire, là, en tant que phase 1 pour le projet,
07:20avec l'ascension de 6 autres 4000 avant.
07:23Mais qui fait le Mont-Blanc en adolescent ?
07:27On est plusieurs.
07:29Tout le monde n'a pas forcément envie de faire le Mont-Blanc, donc si on a envie, par contre, il faut y aller.
07:36Au tout début, comme je n'y connaissais absolument rien à tout ça,
07:39je me disais que si jamais on s'entendait bien et que j'avais un peu d'argent,
07:43je pourrais peut-être aller avec elle au Népal pour la filmer dans l'ascension.
07:47Je n'avais aucune idée de la préparation physique et mentale qu'il fallait faire.
07:51Mais très franchement, je pense que peu de gens sont au courant de ce que c'est vraiment gravier l'Everest.
07:56L'entraînement pour l'Everest, il y a beaucoup de choses.
08:00Il y a déjà une grosse partie en musculation, avec du renforcement musculaire ciblé.
08:05Donc ça va être beaucoup au niveau des jambes, beaucoup le haut du corps.
08:09Le cardio aussi, parce que les poumons vont beaucoup travailler.
08:13Et ensuite, j'ai de l'escalade, parce que l'escalade, c'est un peu mon sport de base.
08:18Il y a une partie qui rejoint le travail cardio,
08:21c'est l'accès que j'ai avec un appareil qui s'appelle l'altitrainer au CHU de Montpellier.
08:27C'est un appareil qui permet de refaire les conditions d'oxygénométrie jusqu'à une altitude de 5500 mètres.
08:36Le tout, c'est d'habituer son corps à cette altitude-là.
08:40Tâte-moi ce matelas de compétition pour le derche.
08:45Tu n'as pas le droit de te foutre de ma gueule.
08:47Tu veux voir ?
08:48C'est bonasse, hein ?
08:50Ça fait couche, quoi.
08:51Alors attendez que je me l'encule, vous allez voir.
08:55Est-ce que tu peux m'expliquer ce que c'est l'hypoxie ?
08:59Alors l'hypoxie, c'est le manque d'oxygène dans l'air.
09:03Donc en fait, l'air, on a 21% de contenance en molécules d'oxygène.
09:09Ce qui fait que c'est un air qui nous convient à tout être humain.
09:12Et plus on monte en altitude, plus ce pourcentage d'oxygène diminue.
09:17Et du coup, comme je vais monter sur l'ivresse qui est très très haut, il n'y aura pas beaucoup d'oxygène.
09:23Donc là, je fais l'entraînement à l'hypoxie pour adapter le corps à l'effort jusqu'à 5500 mètres d'altitude.
09:31Elle pourrait directement aller en altitude pour habituer son corps.
09:35Mais Fabienne n'a pas de congé pour s'entraîner.
09:38Donc le CHU lui met cette machine à disposition.
09:40Donc elle l'utilise plusieurs fois par mois.
09:42Toujours avec moi ?
09:44Non.
09:47Arrête.
09:52Toujours mal au cul ?
09:55C'est bon.
10:09Le diagnostic pour la deuxième pathologie de Fabienne a été beaucoup plus difficile à poser.
10:14Elle a commencé à avoir des douleurs très fortes dans le dos.
10:17Premier diagnostic, lumbago.
10:20Deuxième diagnostic, hernie discale.
10:23Petit à petit, elle se sentait de plus en plus raide dans son corps, comme si elle se rouillait.
10:28Fabienne savait qu'il y avait autre chose que la maladie des eaux de verre.
10:32Quelque chose de nouveau.
10:34La généraliste de Fabienne trouvera les mots en première.
10:37Spondylarthrite ankylosante.
10:39Plus communément appelée la SPA.
10:44C'est une inflammation chronique des articulations qui peut évoluer vers un enredissement total.
10:49Mais à cette époque, aucun cas de maladie des eaux de verre couplée à la SPA n'était connu.
10:57Avec Fabienne, il n'y avait pas de problème.
11:01Vu qu'il n'y avait pas de cas connus, ça n'existe pas.
11:05On m'a dit qu'il allait falloir faire une grosse rééducation,
11:10remuscler le dos, remuscler les scies, remuscler les mies, etc.
11:14Pendant ce temps, je perdais peu à peu mon corps.
11:19Parce que je perdais beaucoup de poids.
11:22Je suis arrivée en dessous de 40 kg, je me déplace en fauteuil roulant ou en béquille.
11:27J'avais une maison à étage, à ce moment-là, je ne pouvais plus monter à l'étage, je dormais dans le canapé.
11:32Ça devenait vraiment compliqué de perdre son autonomie.
11:36C'est difficile.
11:41Tu dis ce que tu veux qu'on fasse ou pas, non ?
11:44Non, parce que c'est ça la réalité aussi.
11:50Résilience. Capacité à surmonter des chocs traumatiques.
11:54C'est dans un groupe de réseaux sociaux de patients atteints de l'ASPA qu'elle trouvera enfin la solution.
11:59Fabienne va se diriger vers le rheumatologue qu'on lui a conseillé, et il lui sauvera la vie.
12:04Il a posé le diagnostic en 10 minutes.
12:08Et il m'a dit que je ne comprenais pas qu'on ne voulait pas poser plus tôt.
12:13J'avais été hospitalisée.
12:15J'avais eu des symptômes.
12:19Il m'a dit que je ne comprenais pas qu'on ne voulait pas poser plus tôt.
12:23J'avais été hospitalisée.
12:25A l'hospitalisation, on m'avait dit que j'étais sortie en me disant que c'était dans ma tête.
12:30J'avais l'impression de devenir folle.
12:33Et là, je me suis sentie entendue.
12:37Pour moi, ça a été une libération de me dire, enfin, ce diagnostic est posé.
12:44Et enfin, ça va avancer.
12:46Rapidement, il m'a dit qu'il fallait que je démarre le traitement de fond,
12:50parce que j'étais en train de m'ankyloser, vraiment, de partout.
12:54J'ai eu une hospitalisation de 2 jours à l'hôpital,
12:57où j'ai commencé l'habiotherapie.
12:59C'est le traitement de fond.
13:00C'est un traitement humide au suppresseur qui inhibe la réponse inflammatoire.
13:04Pendant 3 semaines, je commençais à remarcher.
13:07Et en 2 mois, j'ai lâché le béquille.
13:09Alors que ça faisait plus de 2 ans que j'étais avec béquille ou en fauteuil roulant.
13:14Et j'ai eu cette sensation qu'on remettait de l'huile dans le moteur.
13:26Du coup, c'est quoi tes traitements aujourd'hui ?
13:29Aujourd'hui, au quotidien, c'est le sport.
13:33Au fur et à mesure des séances, on se rend compte que notre corps
13:36prend de l'énergie d'une manière positive d'une musculature plus importante.
13:41Ça permet de limiter les chocs aussi.
13:43Parce que dès qu'il y a un choc, c'est plutôt le muscle
13:45qui va endranger le choc plutôt que l'os directement.
13:48De la vitamine D, parce que la vitamine D intervient
13:51dans la solidification de l'os et la sécrétion du collagène.
13:55Pour sponder l'arthrite ankylosante, j'ai la biothérapie.
13:59Et du coup, là, je suis encore sous biothérapie
14:01avec une injection que je me fais toutes les 4 semaines.
14:11On va voir comment ça se fait.
14:3116 kilos, 5 montées-descentes-escaliers.
14:34Je fais deux aller-retours ici sans retoucher le bois.
14:37Ensuite, j'enlève 5 kilos. Donc, ça sera 6 kilos.
14:41Moi, je ne suis pas là sur tous ces entraînements,
14:43mais je planifie tout.
14:45On va dire que moi, je suis là 2-3 fois par semaine.
14:47Et j'essaie de s'entraîner à peu près 5 fois par semaine.
14:50Bien sûr, pour la montée d'escalier, c'est sans la rambarde.
14:53Non, c'est trop facile.
14:55OK ? Allez, c'est parti.
15:06Du coup, pour l'entraînement, on va avoir plusieurs parties.
15:08Donc, il y a la première partie, c'est les échelles.
15:10Donc, c'est quelque chose qu'elle va avoir à faire
15:12assez régulièrement sur place à l'Everest.
15:15Ensuite, on a une partie escalade.
15:17Donc là, le but, c'est de travailler la résistance.
15:19Donc, c'est enchaîner beaucoup, beaucoup de voies
15:21dans un court laps de temps.
15:23Il y a aussi la partie musculation.
15:25Là, elle fait à peu près 2 fois par semaine.
15:27Musculation classique, un peu d'haltérophilie.
15:29Et après, un petit peu de randonnée
15:31ou de sortie en extérieur,
15:33directement en contact avec la nature
15:35pour pouvoir manipuler encore plus
15:37et être encore plus à l'aise.
15:53Le froid extrême, le vent, la fatigue
15:55et bien sûr l'altitude
15:57font que le moindre mouvement,
15:59comme mettre ses crampons, marcher ou respirer,
16:01va devenir une épreuve.
16:06Entre la Chine et le Népal,
16:08se trouve le malingour Himal,
16:10dans l'Himalaya.
16:12Et dans tout ça, se trouvent pas moins de 4 sommets
16:14qui sont dans le top 10 des plus hauts du monde.
16:16Le Shouoyu,
16:18le Makalu,
16:20le Lhotse
16:22et enfin, le Mont Everest.
16:24En 1847,
16:26des Européens voient un truc qui dépasse
16:28quand même vachement de tout le reste.
16:30Et après quelques calculs,
16:32ils le définissent comme le plus haut sommet du monde,
16:34soit 8849 mètres.
16:36A partir de 1920,
16:38les alpinistes se lancent dans la conquête
16:40du toit du monde.
16:42Ils ont fait la course pour être la première nation
16:44à réussir, un peu comme pour la Lune.
16:48Et c'est George Mallory et Andrew Irvine,
16:50des Britanniques,
16:52qui sont les premières victimes de cet environnement hostile,
16:54en 1924.
16:56On ne retrouvera leur corps que des années plus tard.
17:00Finalement, c'est en 1953
17:02que la Nouvelle-Zélande remporte le titre
17:04de première à gravir le Mont Everest,
17:06avec Imon Dilari,
17:08accompagnée de son Sherpa Tenzing Norgay.
17:12Pour arriver au sommet,
17:14on part du camp de basse qui est déjà
17:16à 5400 mètres d'altitude.
17:18On passe par le glacier Khumbu,
17:20on arrive au camp 1,
17:22camp 2,
17:24camp 3, à 7400 mètres,
17:26le camp 4, à la limite de la zone de la mort,
17:28puis le sommet,
17:30à 7400 mètres.
18:00Le budget pour gravir l'Everest
18:02est un très grand sujet.
18:04Et en novice que j'étais,
18:06je ne m'y attendais pas du tout.
18:08Pour l'expédition,
18:10ça coûte des sous,
18:12parce que c'est une grosse organisation,
18:14du point de vue sécurité
18:16et aussi tout ce qui est intendance.
18:18Je passe par une expédition
18:20qui s'appelle
18:22la Nouvelle-Zélande.
18:24C'est une expédition
18:26qui s'appelle la Nouvelle-Zélande.
18:28Je passe par une agence d'expédition
18:30et pour tout,
18:32il y en aurait pour environ 35 000 euros.
18:34Ça fait un gros budget !
18:36Donc j'ai quelques sponsors
18:38qui participent
18:40de manière pécuniaire,
18:42d'autres m'aident
18:44par du matériel.
18:46D'autres m'aident plus sur la préparation,
18:48en me laissant accéder
18:50à leurs dispositifs,
18:52par exemple celle d'escalade, celle de musculation.
18:54J'ai une partie que je finance moi-même
18:56et j'ai toujours une partie qui a besoin d'être financée.
18:5915 000 euros, sachant que dedans, il me reste encore la combinaison d'expédition à trouver.
19:11Depuis les débuts en 1920, il y a eu plus de 300 morts sur cette montagne impitoyable.
19:17Certains corps, encore présents car gelés, servent de repères de hauteur pour les alpinistes.
19:23Maintenant, des règles plutôt strictes ont été établies.
19:27L'accès est donc aujourd'hui limité, avec à peu près 400 permis délivrés chaque saison.
19:32Il faut payer très cher pour ce permis, il faut être accompagné par un charpas,
19:36être entraîné, et avoir des bouteilles d'oxygène pour obtenir l'autorisation d'y aller.
19:43Malgré tout, les éléments sont toujours plus forts que nous,
19:47et les avalanches, le vent, le froid, la glace, font que le risque zéro n'existera jamais.
19:57Il y a de plus en plus de marques qui commencent à proposer du matériel vraiment adapté aux femmes.
20:01Par contre, pour les combinaisons d'expédition, il y en a très peu.
20:05Du coup, la combinaison que moi j'avais essayée, qui m'allait sur une marque qui était vendue en France,
20:11financièrement, ça va être compliqué.
20:14Du coup, j'ai trouvé une autre marque qui propose vraiment des combinaisons taillées pour femmes.
20:18Par contre, c'est un site qui n'est qu'aux Etats-Unis, parce que c'est une marque américaine.
20:24Et du coup, il va falloir que je fasse livrer la combinaison chez quelqu'un de la famille aux Etats-Unis,
20:29qui me la renverra après en France.
20:35Le sport est historiquement masculin.
20:38Et même si les femmes pouvaient en exercer parfois, elles étaient interdites de compétition.
20:43Il faudra attendre le XXe siècle et l'émergence de figures féminines influentes
20:47pour que la place de la femme dans le sport s'impose à sa juste valeur.
20:51Du côté de l'alpinisme, on respecte la même règle sexiste.
20:55Dès le début de ce sport, la femme était obligée d'avoir une tutelle familiale masculine pour pouvoir pratiquer.
21:02À la fin des années 1920, l'Américaine Myriam O'Brien donne de l'espoir aux Françaises.
21:07Les premières cordées entre femmes s'organisent.
21:11On retiendra le nom d'Alice Damem et Micheline Morin,
21:14qui enchaîneront plusieurs ascensions, sans hommes, à partir de 1929.
21:19En 1957, Claude Cogan initie le projet d'une expédition exclusivement féminine, à la conquête du Shōryū.
21:26Malheureusement, elles se feront emporter par une avalanche au camp 4, juste avant le sommet.
21:33Niveau Everest, c'est en 1975, soit plus de 20 ans après la première réussite masculine,
21:39que Juko Tabei, d'origine japonaise, réussit l'ascension du mont Everest avec son équipe, composée uniquement de femmes.
21:46Côté France, c'est Christine Jeannin qui réussit la première en 1990.
21:51Si Fabienne réussit, elle sera la 14e Française à gravir l'Everest, et la première à le faire avec un double handicap.
22:02Tu montes ta combi ?
22:03Allez !
22:05Voilà, la bête !
22:07Waouh !
22:08Ouais, ils ont réussi à faire ça quand même plutôt fin, quoi, pour le...
22:12Si je la souffle, elle va se gonfler, vu que c'est des plumes, à l'intérieur.
22:15Et celle-là, tu vas la garder tout le temps, tout le temps ?
22:17C'est à partir du camp 1 que je vais la mettre. Elle va jusqu'à moins 40, du coup.
22:23Tout ce qui est matériel thermique, on peut pas faire la passe dessus, il faut prendre du qualité,
22:27parce que c'est pas là-bas qu'il faut se rendre compte,
22:29« Ah mince, j'aurais peut-être dû prendre une marque un peu mieux. »
22:31Non, c'est trop tard. On a perdu ses pouces, ses mains, ouais.
22:40Ça, c'est un entraînement commun, de faire ça sur une échelle, ou c'est toi qui l'as inventé ?
22:45Disons qu'on va tellement se coller, se mettre pas bien sur les échelles,
22:48dans les différents reportages qu'on a pu voir, ou les retours,
22:51qu'on s'est dit, si on peut bosser ça en un mois, ça fera déjà ça de moins à gérer là-bas.
22:55Ah, parce que là-bas, il y a des échelles ?
22:57Oui, entre le camp de base et le camp 1, c'est le moyen de passage du glacier,
23:01où il y a une bonne trentaine d'échelles, je pense.
23:11Tu lui as mis combien de kilos, là ?
23:1316 kilos, au maximum.
23:26Ah, c'est ça qu'il est gros !
23:46Attends, mais c'est pour 5 plus 6 ?
23:48Il y avait 16 kilos.
23:5016 kilos ! Ah, j'ai compris, c'est ça !
23:53Tu m'étonnes, j'en ai chié !
24:03Alors l'idée, je l'ai eue en décembre 2020,
24:08à la suite d'un énième examen qui indiquait que j'avais mon genou droit,
24:12qui était très très fatigué,
24:14et qu'en gros, incessamment, sous peu,
24:17en moyennant, on va dire 5 ans,
24:20j'allais de nouveau me retrouver en perte d'autonomie importante.
24:24Donc je me suis dit, 5 ans où je vais pouvoir bouger,
24:28je vais pouvoir peut-être faire un projet qui m'intéresse et qui me parle.
24:33Et l'Everest n'est pas venu forcément tout de suite.
24:36Initialement, c'était pourquoi pas le camp de base ?
24:39Et puis après, je me suis dit, mais quitte à y aller,
24:42autant aller à eux, quoi !
24:44Et du coup, t'as réagi comment quand elle t'a dit qu'elle voulait faire l'Everest ?
24:47Disons que déjà, j'ai déjà connu des cas avec un peu.
24:51Donc quand elle m'a annoncé l'Everest, et comme ça suivait le Mont-Blanc,
24:54je n'ai pas été si étonnée que ça.
24:56D'après l'essence, je me suis dit, le pire qui puisse arriver, c'est qu'elle réussisse.
25:00Mais alors, si elle vise déjà si haut, qu'est-ce qu'elle va envisager derrière ?
25:03Après, je me suis dit.
25:05Là, il faut qu'elle monte au milieu.
25:07On va la faire descendre comme si elle avait chuté de l'échelle.
25:10Le but, il faudrait qu'elle remonte tout seul.
25:24C'est un peu là.
25:26D'habitude, je croise bien, haut à gauche.
25:28J'ai droit, je le mets dessous et j'arrive à pousser dessus.
25:32Combien il fera ton sac à la fin ?
25:35En moyenne, 10.
25:37C'est en allume, hein ?
25:40C'est comme les tenues des cosmonautes.
25:43En fait, t'as trois doigts, l'index, le pouce.
25:45Sinon, tu peux mettre les quatre mains comme en boucle.
25:47C'est stylé.
25:48Trop cool.
25:51Ah oui, je suis d'un pire moment.
25:53J'ai un petit drapeau.
25:57Donc là, j'ai mon sac.
26:01C'est celle qui me reliera à la ligne de vie.
26:03À la vie.
26:04Ouais, tout le long, en fait.
26:06Ah, ça, très important.
26:09Ça, c'est pour faire dodo, même quand il fait jour.
26:11Pour la sieste.
26:12Donc celui-là, il part avec moi.
26:14Celui-là qui va partir.
26:17Pour ça, il faut prendre du temps.
26:19Pour se préparer à ce genre d'expédition.
26:21Du temps pour se préparer mentalement,
26:23mais aussi du temps d'expérience.
26:25Parce que plus on engage d'expérience
26:27et plus on arrive à vraiment se sélectionner
26:29de manière intuitive.
26:31Qu'est-ce qui va être important là-bas
26:33et qu'est-ce qui va être superflu.
26:35Le superflu, là-bas, n'a pas sa place.
26:37Non.
26:38Clairement pas.
26:40On va aller vers la 5C, là, tranquille.
26:46Du coup, aujourd'hui, je vais y aller tranquille
26:48parce que j'ai eu ma petite infiltration au genou hier.
27:01Tu grimpes toujours avec la même personne?
27:03J'ai quelques binômes, ouais, réguliers.
27:05Parce qu'avec mes pathologies,
27:07il faut que j'aie une confiance totale.
27:10Et que ce soit quelqu'un qui ait l'habitude d'assurer.
27:13Parce que quand on débute, on n'assure pas forcément dynamique.
27:16Et moi, une chute trop prise, sèche,
27:18en gros, je peux me faire les chevilles très rapidement.
27:21Tu as déjà fait l'Everest?
27:23Non, jamais.
27:25Je n'ai pas fait de cascade de glace, pas d'alpinisme.
27:28Il faudrait qu'on essaye quand même la cascade de glace.
27:30On pourrait essayer la cascade de glace 5C4.
27:32On va voir ce que ça dit.
27:36Qu'est-ce que tu redoutes le plus dans l'expédition?
27:40Beaucoup de choses.
27:43De manière générale, je vais être coupée de mes habitudes,
27:47de mes repères.
27:50Parce que du coup, je pars à l'étranger,
27:52je vais causer full anglais,
27:54ce qui n'est pas ma langue maternelle.
27:57Après, forcément, l'expédition elle-même,
27:59il y a beaucoup de parts d'inconnues entre la météo.
28:01Est-ce qu'on aura une fenêtre météo favorable
28:03pour faire le pêche au sommet?
28:05On ne sait pas.
28:07Et après, est-ce que mon corps va tenir tout le long?
28:10J'ai beau l'avoir préparée,
28:12l'avoir testée dans différentes postures
28:14plus ou moins désagréables,
28:16puisqu'à présent, il a tenu.
28:18Je ne sais pas s'il va tenir ces deux mois et demi là-bas.
28:22Tout vers l'intérieur.
28:26Tu arrives à passer la téléphone.
28:28Je te laisse bien guider.
28:30Rentre et coupe.
28:33Et là, tu ressors.
28:35Peut-être qu'on peut le remonter.
28:42Il y en a 20, en fait.
28:44Il y en aura 20 à perdre.
28:46Elle les fera à 5 par 5.
28:48Fais le plus que tu peux.
28:50C'est la dernière fois que je te filme avant de partir.
28:54Nostalgie.
28:56Tu peux te dire au revoir à la caméra.
28:58A cette caméra.
29:01Alors, ça va?
29:03En fait, c'est comme normal.
29:05Tu pars lundi, du coup?
29:07Lundi, oui.
29:09Après lundi, encore un énième refondissement
29:11parce que mon train est annulé.
29:13Après une grève.
29:17Et le mental?
29:19Le mental, c'est pareil.
29:21J'ai eu ma dernière séance ce matin
29:24avec la psychologue qui me suit depuis un moment
29:26et qui m'a aidée aussi pour la préparation mentale.
29:29Elle m'a posé les derniers bagages,
29:31les dernières craintes, les dernières peurs.
29:35Et quand elle m'a dit c'est bon, c'est prêt.
29:37C'est prêt, oui.
29:39Très ouf.
29:41Trop bien.
29:43En tout cas, je ne vais pas lâcher.
29:45Trop bien.
29:47Et n'oublie pas de filmer.
29:49Oui.
29:51J'ai ma petite GoPro.
29:53J'ai ticté comme ça,
29:55si elle est perdue ou là-bas.
29:58Mais c'était sans compter les moins 50 degrés
30:00de cette montagne impitoyable
30:02qui a fait geler la GoPro, le téléphone
30:04et tout le reste.
30:06Mais ça, c'est une autre histoire.
30:08À partir du moment où Fabien est parti,
30:10j'ai arrêté de travailler sur le documentaire.
30:12Comme si je n'attendais qu'une chose,
30:14c'était qu'elle rentre.
30:16J'avais trop peur pour faire quoi que ce soit.
30:18J'ai tout mis sur une timeline,
30:20sauvegardé, rangé mon disque dur
30:22et j'ai attendu.
30:24Ça aurait été incroyable évidemment
30:26de travailler avec elle et que je fasse
30:28de belles images de son ascension.
30:30J'ai appris sur le tas tout ce qu'il y avait
30:32à savoir sur le toit du monde.
30:34J'ai bu les paroles de Fabien
30:36et je vous les retransmets.
30:38Maintenant, je vais essayer au mieux de vous retranscrire
30:40les deux mois et demi d'expédition.
30:42Et ça y est, ça démarre.
30:44Jour 1 du journal de bord.
30:46Première impression, juste wow.
30:48Dès l'atterrissage,
30:50c'était incroyable.
30:52Et du coup, le départ prévu
30:54pour Lukla se fera
30:56après-demain, donc le 16 mars.
30:58Le trek initialement doit durer 12 jours.
31:00J'ai vraiment la sensation que ça va être
31:02juste dinguissime
31:04et je sur-kiffe
31:06chaque seconde.
31:16Jour 7.
31:18Heureusement, ça fait une semaine.
31:20Aujourd'hui, on est parti de Dole pour aller
31:22à Machamo.
31:24Là, on est à 4 400 m d'altitude.
31:26Le souffle est un peu court
31:28sur la montée.
31:34Pour vous expliquer un peu le programme,
31:36Fabien est arrivé à Katmandou
31:38le 14 mars.
31:40En général, il n'y a pas de push,
31:42donc de départ pour le sommet, avant mai.
31:44Elle a donc beaucoup de temps
31:46pour faire le trek et s'acclimater
31:48à l'altitude étape par étape.
31:50Le chemin donnera à peu près ça.
31:52Katmandou, avion jusqu'à Lukla,
31:54puis marche jusqu'à Pakding,
31:56Namche, Dole, Machamo,
31:58puis il y a eu trop de neige,
32:00donc rebrouche-chemin jusqu'à Porté,
32:02Dingboche, Lobuche,
32:04Gorachep, pour enfin arriver
32:06au camp de base, c'est-à-dire l'EBC,
32:08le 26 mars.
32:10Ça fait une trott.
32:12Jour 14.
32:14Non, 13.
32:16Ça fait un moment que je n'ai pas
32:18de vidéo.
32:20J'étais très fatiguée,
32:22pas l'envie.
32:24Il ne va vraiment pas faire beau.
32:26Demain, camp de base.
32:28Ça y est.
32:36C'est jour 14.
32:38C'est mon premier jour
32:40sur le camp de base.
32:44Il ne fait pas chaud-chaud.
32:46J'appréhende un peu la première nuit.
32:48Mon sac de couchage,
32:50c'est le petit que j'ai avec moi,
32:52ce n'est pas le gros.
32:54Ma tante est située sur une petite butte.
32:56Une avalanche ou quoi, ça devrait passer à côté.
32:58J'aurais été à peu près tranquille.
33:00Un petit mot de tête qui s'installe
33:02gentiment,
33:04avec un bon coup de barre.
33:06Je pense que c'est le contre-coup,
33:08trek, altitude,
33:10arriver au camp de base.
33:12Voilà.
33:14J'ai beaucoup à gérer.
33:16Ça va.
33:18J'ai rencontré Mingmar,
33:20le Sherpa climber.
33:28On s'est découvert au camp de base.
33:30Au début, ce n'était pas froid,
33:32mais comme si j'arrivais
33:34un peu comme un chou sur la soupe.
33:36Je suis arrivée tôt,
33:38le camp n'était pas installé.
33:40J'ai dû faire mes preuves
33:42et j'étais pas juste alpiniste
33:44et juste une nana.
33:46J'ai un peu fait le forcing
33:48pour pouvoir les aider.
33:50Là, ça a un peu détendu l'atmosphère.
33:52On a pris du temps pour se découvrir.
33:54Au final,
33:56il a 53 ans.
33:58C'est quelqu'un qui a beaucoup d'expérience
34:00au niveau de la haute montagne.
34:02Ce n'est pas quelqu'un qui m'a fait
34:04des cadeaux.
34:06C'est ça que j'ai apprécié avec lui.
34:08Il avait ce côté
34:10un peu paternel,
34:12dans la douceur, dans la gentillesse.
34:14Au moment où il fallait être direct
34:16pour une question de survie, il savait le faire.
34:26Le peuple Sherpa est un groupe d'ethnies tibétaines
34:28vivant dans les montagnes de l'Himalaya.
34:30Depuis 1950,
34:32pour les occidentaux,
34:34le terme Sherpa désigne aussi
34:36les porteurs et les guides
34:38qui sont habituellement tous de l'ethnie Sherpa.
34:42Les Sherpas, exposés à la haute altitude
34:44depuis des générations,
34:46auraient développé des mécanismes physiologiques
34:48d'acclimatation incroyables.
34:50Beaucoup ont risqué leur vie pour sauver des grimpeurs
34:52en détresse, et un peu moins du tiers
34:54des morts sur l'Everest sont des Sherpas.
34:58Concernant Minmar, le Sherpa de Fabienne,
35:00à 53 ans,
35:02après plusieurs ascensions de l'Everest,
35:04cette année était son dernier 8000.
35:06Il n'aura maintenant que dessiner.
35:36C'est ce qu'il faut pour me laver pour demain.
35:38Et voilà, au dodo.
35:50Là-bas, en moyenne,
35:52c'est entre 3000 et 3500 kilocalories
35:54consommées par jour,
35:56sans rien faire.
35:58Mon poids de base, c'est 47 kilos.
36:00Donc si je ne mange pas
36:02beaucoup avant, ou en tout cas
36:04si je ne prends pas en masse
36:06graisseuse et musculaire avant,
36:08très rapidement, je vais m'épuiser.
36:10Donc c'est pour ça que depuis le début
36:12de la préparation, j'ai suivi
36:14et coaché aussi sur la nutrition.
36:16Et l'un des aliments que je ne
36:18consommais plus depuis 8 ans, qui est de la viande,
36:20fait partie des aliments
36:22qui sont les plus énergétiques.
36:24Donc du coup, j'ai dû
36:26reprendre le chemin
36:28de la viande. C'est un long
36:30travail personnel. Maman,
36:32quand je mange, je pose le cerveau
36:34et je me dis que c'est pour le projet.
36:42La journée type,
36:44je me réveille vers 6 heures.
36:46Petit moment perso,
36:48on essaye d'avoir un minimum d'hygiène.
36:50On se lave avec l'équivalent
36:52d'un bol d'eau.
36:54Après, petit déj'
36:56avec l'équipe.
36:58Les autres alpinistes étaient
37:00arrivés, donc on essayait de voir
37:02un petit peu s'organiser
37:04sur la journée, se balader
37:06dans le camp de base.
37:08Éventuellement, c'était aussi un moment
37:10propice pour avoir un bon
37:12réseau Wi-Fi, pour pouvoir envoyer
37:14des messages à la famille.
37:20Et après, la préparation,
37:22et après l'après-midi,
37:24beaucoup aller se reposer.
37:26C'était un moment un peu plus repos,
37:28genre une sieste, une journée un peu pépouse.
37:30Le soir, on mangeait vers 18h.
37:32Et après, à 20h, grand max,
37:34chacun était dans sa tente au fond de son duvet.
37:36Parce que la température, elle descend vite.
37:38Est-ce que t'as eu la sensation
37:40de t'ennuyer ? Ouais, ça arrivait.
37:42Des fois, on avait des journées qui étaient vraiment très répétitives.
37:44Toujours la même chose.
37:46Sinon, les points de la journée,
37:48j'ai pu laver mes culottes.
37:50Voilà, ainsi, j'ai dormi.
37:52J'ai dormi 1h30, 2h, cet après-midi.
37:54Ils en ont fait très, très froid.
37:56Vous l'aurez compris, Fabienne n'aime pas trop s'ennuyer.
37:58Du coup, elle est allée faire
38:00un petit sommet de 6145m pour passer
38:02le temps. Bah ouais, tant qu'à faire.
38:08On est le
38:1026 avril.
38:12Depuis la dernière fois, il y a quand même eu
38:14l'ascension
38:16du Goûter Pic.
38:18On est partis le 17 avril
38:20du camp de base. Beaucoup de caillasses,
38:22beaucoup de pierres, de la poussière.
38:24Première corde fixe.
38:26Beaucoup d'efforts.
38:28L'essoufflement qui commençait à arriver parce qu'on était
38:30autour de 6000m d'altitude.
38:32Mais une vue de dingue, de ouf.
38:34Mentalement parlant, j'étais
38:36à la fois euphorique, heureuse de me dire
38:38« Putain, tu vas y arriver, tu vas y arriver, c'est sûr.
38:40Tu vas y arriver. »
38:42Et en même temps, la fatigue qui commençait à arriver
38:44et
38:46la douleur. La douleur dans les genoux,
38:48la douleur dans les articulations.
38:50Miss Bondy était avec moi
38:52ce jour-là. Elle m'a pas quittée.
38:54Après, c'était un intérêt de sommeil.
39:00Moi, j'étais complètement dans l'émotion.
39:02J'étais là sans être là, en fait.
39:04J'étais scotchée.
39:10Et après arriver ici,
39:12des bleus, mon Dieu, sur les jambes.
39:14J'ai un petit souvenir du Louboutcher.
39:16Je pense qu'il y en avait plus d'une dizaine.
39:18Les orteils, c'était des knackings.
39:20Donc j'espère que mes genoux vont tenir.
39:22Que mes pieds vont tenir.
39:26Que la fin de ma bronchite
39:28va pas trop me saouler.
39:34J'espère y arriver, quoi.
39:36Parce que c'est la dernière
39:38étape avant
39:40le pêche, quoi.
39:42On y est.
39:46Est-ce qu'il y a des gens
39:48qui ont essayé de te démotiver
39:50pour faire ça ?
39:52J'ai eu des retours très catégoriques
39:54sur le fait que je sois une femme.
39:56Sur le fait que je sois une femme polyhandicapée.
39:58Mon projet a été qualifié de suicidaire.
40:00Donc j'aurais vrai qu'il y ait
40:02peut-être un message de tolérance
40:04un peu plus grand.
40:06Si une femme a envie de s'y mettre,
40:08qu'on lui ferme pas la porte,
40:10on lui dit qu'elle n'a rien à faire là.
40:12Au même titre, si une personne est handicapée,
40:14elle n'a rien à faire en montagne.
40:16C'est faux.
40:18On a tous une place.
40:20Qu'on soit valide, qu'on soit handicapé,
40:22qu'on soit un homme, qu'on soit une femme.
40:24On se prépare en bien.
40:26C'est la base.
40:28Tout objectif a besoin d'une bonne préparation.
40:30Deux mois après son arrivée à Katmandou,
40:32le temps commence à se faire vraiment long.
40:34Deux mois sans ses proches.
40:36Deux mois sans confort.
40:38Deux mois dans le froid extrême.
40:40Deux mois d'attente.
40:42La météo n'est pas favorable
40:44et la santé de Fabienne dégringole.
40:46Est-ce que tu n'as jamais failli abandonner finalement ?
40:48Aucun moment je t'ai dit
40:50« Ok, je rentre ».
40:52Alors, abandonner,
40:54clairement, c'est une chose
40:56qui est très difficile.
40:58Abandonner,
41:00clairement, jamais.
41:02Par contre, des gros doutes sur mes capacités
41:04à pouvoir y aller carrément.
41:06C'est-à-dire que j'ai été malade pendant quasiment deux semaines
41:08avant le push.
41:10Entre la dernière rotation et le push pour le sommet,
41:12c'est là que j'ai ma première crise de Crohn.
41:14Avec la spondylarthrite ankylosante,
41:16le syndrome inflammatoire peut commencer
41:18à toucher d'autres choses,
41:20dont le tube digestif.
41:22Fabienne était en surveillance là-dessus.
41:24Elle savait que ça pouvait tomber à un moment donné.
41:26J'ai trouvé qu'à 5400 mètres d'altitude,
41:28il manquait d'ambiance.
41:30J'ai passé beaucoup de temps dans la tente chiotte.
41:32J'ai niggeré les chiottes locales.
41:34Bon, faut pas être pudique.
41:36Pour les paillettes,
41:38on attendra de retourner en France.
41:40J'ai eu gros doutes à ce moment-là
41:42parce que les médecins m'ont dit
41:44« Dans 48 heures, si c'est pas mieux,
41:46on vous évacue sur
41:48l'hôpital de Katmandou. »
41:50Et là, je me dis « Mais la fenêtre météo, elle va arriver.
41:52Mais meuf, tu ne vas même pas essayer. »
41:54On n'a pas chier pendant deux heures et demie
41:56pour que là, si proche du but,
41:58même pas t'essayes.
42:02Deux mois, et l'heure du push
42:04arrive enfin.
42:10La fenêtre météo s'ouvre.
42:12Les médicaments donnés par le médecin sur place fonctionnent.
42:14L'inflammation s'apaise.
42:16Fabienne est prête.
42:24On est partis le 12 mai au matin.
42:26Très rapidement, on est arrivés
42:28sur un premier mur vertical
42:30pour traverser l'Aïss-le-Congo
42:32qui nous amène au camp 1.
42:34Et c'est là que j'ai eu ma première
42:36saut dont je me suis dit
42:38« Oups, psonaline et avalanche. »
42:40Et là, du coup,
42:42je me tourne vers mon Sherpa qui me regarde
42:44avec le regard terrorisé.
42:46Et là, il me dit
42:48« Run. »
42:50Là, clairement, on s'en fout
42:52d'avoir 15 kilos sur le dos.
42:54On galope. On fait quelques pauses
42:56au camp 1 pendant peut-être
42:582-3 heures pour récupérer un peu.
43:00Et on enchaîne, on part directement pour le camp 2.
43:02Et là, énormément de vent.
43:04Donc, plutôt que de mettre
43:063 heures, on en met 4 heures,
43:084 heures et demie pour accéder au camp 2.
43:10Là, on est accueillis par ceux qui étaient partis la veille.
43:12On passe deux nuits
43:14au camp 2.
43:18Là, pour le camp 3, on part dans l'après-midi
43:20parce qu'on se dit « C'est pas très loin,
43:22on doit y être en 4 heures. »
43:24Là aussi, « Bonjour, Windy », c'était le nom du vent.
43:32Et à ce moment-là,
43:34on déclenche l'oxygène.
43:36Et moi, je ne le vis pas bien
43:38parce que j'ai une grosse sensation d'étouffement
43:40avec le masque.
43:42Et toute cette partie-là,
43:44je me dis que ça va être une horreur.
43:46On arrive au camp 3
43:48vers 20h.
43:50Et ça passe ou ça casse
43:52à partir de demain parce qu'une fois
43:54qu'on a déclenché l'oxygène, on se le garde tout le long.
43:56Il y a une seule ligne de vie,
43:58sinon on est quasiment à la queuleule.
44:00Après, on n'est pas très nombreux ce jour-là.
44:02Et là, Mingmar va augmenter
44:04un peu le débit de la bonbonne d'oxygène.
44:06Là, je me sens bien.
44:08Je kiffe, en fait.
44:10Je suis bien.
44:12Donc, on arrive sur le dernier mur
44:14un peu vertical avant d'arriver au camp 4.
44:16Et là, de nouveau,
44:18sensation d'étouffement qui me gagne
44:20parce que, mine de rien,
44:22on s'est mangé un certain nombre de dénivelés
44:24dans la journée.
44:26Quand on arrive là-bas,
44:28j'ai vu mon chère phare qui me dit
44:30qu'il y avait un problème avec les bouteilles d'oxygène.
44:32Si tu veux faire l'Everest,
44:34c'est ce soir le départ.
44:36J'ai dit comment ça, c'est ce soir le départ.
44:38Là, on s'est tapé 10h à marcher.
44:40On s'arrête 2h et on part.
44:42Il me dit c'est ce soir.
44:44Là, je dis en fait non.
44:46Parce que là, physiquement parlant,
44:48je suis fatiguée.
44:50Tu me parles de partir pour remarcher 20h,
44:52ben non.
44:54Et en fait, il y a un chère phare
44:56de notre équipe qui était avec
44:58d'autres alpinistes qui est malade,
45:00qui fait une primonie
45:02et qui a besoin d'oxygène.
45:04Et du coup,
45:06c'est mes bouteilles qui ont servi.
45:08Donc, il me dit c'est bon,
45:10demain, je fais monter 2 autres bouteilles.
45:12C'est bon, tu pourras y aller demain.
45:14Comme c'était prévu à la base.
45:20Le matin,
45:22je me fais réveiller
45:24avec l'impression d'avoir une spontex
45:26sur le visage.
45:28En fait, c'est mon chère phare qui me frotte le visage
45:30parce que j'ai gelé pendant la nuit.
45:32Là, je me rends compte qu'on est vraiment dans la zone
45:34de la mort.
45:36Les bouteilles arrivent
45:38en début, milieu d'après-midi.
45:40Et en fait, les bouteilles sont pas floues.
45:42Donc du coup,
45:44au moment où on part,
45:46je sais que je pars avec un débit réduit.
45:48On essaye consciemment
45:50de réduire son rythme cardiaque.
45:52Donc, c'est des exercices de respiration,
45:54c'est de la concentration sur un point,
45:56sur quelque chose, sur une idée.
45:58Et dès qu'on a cette sensation
46:00d'inconfort, d'avoir
46:02cette sensation d'étouffement,
46:04on a beaucoup d'idées pas très jolies
46:06qui nous viennent à la tête en disant
46:08j'ai tout, j'ai tout, j'ai pas tenir, c'est horrible,
46:10ou j'ai crevé, voilà.
46:12Et dans ma préparation physique,
46:14j'ai appris à bosser avec ça en me disant
46:16dès que j'ai une idée négative qui arrive,
46:18faut que derrière j'ai deux idées positives
46:20qui arrivent.
46:22Et je pense que c'est ce qui m'a permis en tout cas de supporter
46:24d'avoir un débit vraiment minime
46:26et des fois de plus avoir d'oxygène
46:28et réussir à continuer.
46:30Mon chère Pam, il fait vers 18h,
46:32on me dit dans une heure on part pour le push
46:34et il y a quasiment pas de vent au moment où on part.
46:36Première partie qui se passe bien.
46:38Et une fois qu'on arrive au balconnet,
46:40on arrive sur la crête et quand on est sur la crête
46:42on n'est plus couvert par
46:44la montagne ou par un bloc de roche,
46:46on est directement soumis aux éléments.
46:48Et là on se gèle.
46:50J'avais très soif, impossible d'enlever le masque
46:52parce que si t'enlèves le masque pour boire,
46:54tu risques de te geler.
46:56Et du coup je me suis mis à compter.
46:58J'ai compté mes pas, un pas,
47:00deux pas, trois pas, on s'arrête.
47:02À un moment donné il fait une pause un peu plus longue
47:04et je lève la tête.
47:06À droite j'ai le Tibet, à gauche j'ai le Népal.
47:08Et là en fait j'en prends plein l'abus.
47:10Il y a des sommets à perdre de vue.
47:12Et là pour moi c'était le moment.
47:14C'était le moment le plus ouf.
47:16Et là je réalise en fait
47:18que je vais y arriver.
47:20Donc je chiale ma race.
47:22Dans ton masque.
47:24Et ça gèle.
47:26C'est pas très confort.
47:30Et en fait c'est là que je me rends compte
47:32que j'ai tous mes appareils qui ont gelé.
47:34Je réalise que mes proches
47:36n'ont pas de nouvelles depuis.
47:42Ça c'est épouvantable.
47:44C'est épouvantable.
47:46Ça a été très très dur pour moi
47:48parce que j'avais pas le droit
47:50d'enlever mon masque.
47:52J'avais pas le droit d'enlever mon masque.
47:54J'avais pas le droit d'enlever mon masque.
47:56J'avais pas le droit d'enlever mon masque.
47:58Ça a été très très dur pour moi
48:00puisque pendant ces 17 heures
48:02j'ai quand même joué en 3 Sherpas.
48:04Mon passeport était prêt aussi.
48:06Donc tout de suite j'ai envisagé
48:08au cas où de partir directement en douche.
48:14J'ai réalisé l'objectif.
48:16La première partie de l'objectif
48:18parce que maintenant faut redescendre.
48:20Mais j'ai pas de moment émotion
48:22de fou en fait.
48:24Pour moi je l'ai vécu avant en fait.
48:26Mais c'était l'objectif.
48:28Maintenant faut redescendre en vie.
48:30Et moi quand je descends,
48:32je descends face à la pente.
48:34Et du coup moi j'ai pas vu le danger
48:36qui m'est venu dessus.
48:38Qui est un gros bloc de roche
48:40qui a certainement été détaché
48:42par d'autres alpinistes un peu plus haut.
48:44Qui est arrivé droit sur moi.
48:46Qui m'a fauché sur le passage.
48:48Et du coup c'est ma jambe droite
48:50qui a pris le choc.
48:52Donc on s'est arrêté.
48:54Il m'a entendu crier dans mon masque.
48:56Donc il s'est arrêté.
48:58On a enlevé tous les deux les masques.
49:00Pour récupérer un peu du choc.
49:02Et très rapidement il m'a dit
49:04Camp 2.
49:08Donc là je sais que
49:10tant que je suis pas arrivé au camp 2,
49:12y'aura pas d'aide, y'aura pas de secours, y'aura rien.
49:14On a quand même bien avancé.
49:16On est arrivé à 15h au camp 4.
49:18Là j'ai retrouvé une batterie
49:20que j'avais laissée au camp 4
49:22et j'ai envoyé un signe que j'étais en vie.
49:24Mais que j'avais besoin des secours.
49:26Émotion, elle est en vie.
49:28Ah merde, elle a besoin des secours.
49:30Donc là on est encore à 7950m d'altitude.
49:32Et là je me dis
49:34tu serres les dents et t'avances.
49:36Peu importe, dans tous les cas faut que t'arrives au camp 2.
49:38Donc on arrive à 17h
49:40au camp 2. Moi clairement je m'effondre.
49:42En fait j'ai une pneumonie carabinée.
49:44Et à côté j'ai une grosse poussée
49:46de condylarthrite qui arrive.
49:48Donc je peux plus refermer mes mains.
49:50J'ai de plus en plus de mal à bouger.
49:52Et dans la nuit,
49:54interminable.
49:58Je vois l'hélico arriver
50:00et là pour moi c'est une délivrance.
50:02Est-ce que tu saurais décrire
50:04ce que t'as ressenti quand t'as eu des nouvelles d'elle
50:06et que tout allait bien ?
50:08Ah c'était la folie, je crois que j'en ai pleuré.
50:10Ça a été un grand moment terrible
50:12quand je me suis dit c'est pas possible, elle a réussi.
50:14La mission a été accomplie
50:16puisque Fabienne a atteint
50:18le sommet de l'Everest, c'était jeudi
50:20à 8h17 du matin.
50:22Elle l'a fait.
50:24Et c'est 8800 mètres d'altitude.
50:26C'est son corps et son esprit
50:28qui ont été au bout donc bien sûr
50:30que je suis très fier et s'il y a d'autres projets
50:32je continuerai de l'entraîner fort.
50:34Tout se passe bien.
50:36Du coup, comme tu ne sais pas
50:38t'arrêter,
50:40quels sont tes prochains projets ?
50:42Je ne vois pas pourquoi tu dis ça. Du coup il y en a trois.
50:44Le premier
50:46est plus un projet de grimpe.
50:48Repartir dans le huitième degré
50:50en franèse.
50:52Il y a le projet 7th of Might.
50:54C'est le sommet le plus haut de chaque continent.
50:56Et après
50:58avoir goûté au 8000,
51:00on va forcément y retourner.
51:02Mais non, je n'ai pas encore dit
51:04à ma maman.
51:06L'ensemble de mon entourage a compris
51:08que si j'arrivais au sommet de celui-là,
51:10c'était m'ouvrir la porte forcément à d'autres
51:12perspectives derrière et que je n'allais pas m'arrêter.
51:14Et tant que mon corps
51:16et tant que la médecine actuelle
51:18me permet de vivre ça,
51:20je ne vais pas m'en priver.
51:22La première fois que j'ai rencontré Fabienne,
51:24la chose qui m'a le plus marquée,
51:26c'est son courage.
51:28Mais le message qu'elle voulait faire passer,
51:30ce n'était pas qu'elle était plus forte que les autres.
51:32C'était plutôt que quand on veut vraiment
51:34quelque chose, il ne faut pas lâcher.
51:36Jamais.
51:38On a tous des objectifs, des rêves
51:40et des moyens différents.
51:42Le but est de savoir se dépasser,
51:44de tout faire pour tenter d'y arriver,
51:46peu importe ce que les autres en pensent.
52:12Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org

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