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Jean-Philippe Derosier, constitutionnaliste, était en direct dans Première édition ce mardi 2 juillet pour évoquer les trois scénarios possibles à l'issue du second tour des élections législatives. 

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Transcription
00:00– On voit Jean-Philippe Derosier, il y a plein de cas de figure.
00:02On va prendre un premier, on va les prendre dans l'ordre.
00:04Si le RN dispose d'une majorité absolue,
00:06est-ce que les institutions fonctionnent normalement ?
00:08– Oui, majorité absolue d'un seul parti ou d'une coalition,
00:13c'est le cas le plus fréquent que l'on peut connaître,
00:16le dit parti gouverne peut…
00:19– Le programme du RN est compatible avec la Constitution ?
00:21– À ça non, ça après c'est un autre problème.
00:23Il y a un certain nombre de points dans le programme du RN
00:26qui posent des questions, directes ou indirectes,
00:29plusieurs avocats, professeurs de droit comme moi l'ont souligné,
00:33la question des binationaux pose des problèmes constitutionnels,
00:37toutes les mesures qui conduisent à des inégalités,
00:40la question de la préférence nationale,
00:42tout cela remet en cause, directement ou indirectement,
00:45les principes constitutionnels, même l'abaissement de la TVA
00:49qui est vraisemblablement contraire aux règles de l'Union Européenne,
00:52qui s'impose par la Constitution,
00:54était également indirectement contraire à la Constitution.
00:56– Ce que vous nous dites, c'est qu'en cas de gouvernement RN,
00:58le Conseil constitutionnel invaliderait certains projets de loi
01:02que le RN ferait adopter dans le Nouveau Parlement ?
01:04– Je me refuse toujours à être aussi catégorique dans le futur
01:07par rapport à ce que ferait un juge et en particulier le Conseil constitutionnel,
01:10mais si le RN développait tout son programme,
01:15il y a des probabilités pour que le Conseil constitutionnel
01:18censure les lois qui seraient ainsi votées,
01:20comme il a pu le faire par le passé d'ailleurs à l'égard d'autres gouvernements.
01:23– Autre cas, alors pas de majorité, pas de majorité absolue
01:25mais une majorité relative.
01:27Qu'est-ce qui se passe dans ce cas-là ?
01:28Est-ce que la France est gouvernable ?
01:30– Depuis 2022, on a un gouvernement de majorité relative.
01:33La Constitution de la Ve République, en 1958, a été conçue, imaginée,
01:38écrite pour gouverner en hypothèse de majorité relative.
01:41En 1958, la majorité absolue était une hypothèse d'école,
01:44elle n'était pratiquement jamais réalisée.
01:46– Sauf que dans ce cas-là, Bardella dit « je ne vais pas à Matignon ».
01:49– Alors ça, il le dit effectivement, c'est son choix,
01:52mais on peut le comprendre, parce que le gouvernement de Gabriel Attal
01:56et avant lui d'Elisabeth Borne, pouvaient s'appuyer sur le soutien
02:00au moins tacite de l'un des partis au Parlement et en particulier des Républicains.
02:05Pourquoi ? Parce qu'il n'engendrait pas, il ne susciterait pas
02:10une coalition contre lui qui le censurerait immédiatement.
02:13– Or, l'extrême-droite… – Et l'autre armée dans le 49-3, c'est-à-dire ?
02:15– Oui, oui, tout à fait, mais précisément, avec le 49-3,
02:18c'est-à-dire l'engagement de la responsabilité qui conduit au rejet du texte
02:22et à la chute du gouvernement en cas de l'adoption d'une motion de censure,
02:25il faut 289 députés au moins pour la voter,
02:28tant que vous avez quelqu'un qui, tacitement, ne va pas contre,
02:34le budget notamment peut être adopté.
02:38Là, avec l'extrême-droite, le problème c'est qu'il suscite
02:41un tel rejet de la classe politique qu'il s'expose assez rapidement
02:45à une telle motion de censure et donc à une démission obligatoire.
02:48– Alors, on entend, depuis quelques temps, parler, évoquer l'hypothèse
02:51d'un gouvernement technique, et ça veut dire quoi ?
02:54Qui peut être nommé Premier ministre si M. Barthéla,
02:58encore une fois en majorité relative, refuse d'éclire Matignon ? Qui ?
03:03– Alors, qui, ça, ce n'est pas moi qui vais composer aujourd'hui,
03:05c'est la lourde tâche du Président de la République.
03:07– Quel profit ? – Tout à fait.
03:09Le gouvernement technique, c'est une inspiration notamment italienne
03:12qui avait expérimenté ça il y a quelques années
03:15avec le gouvernement de Mario Draghi
03:17et qui a précédé celui de Meloni actuellement et qui veut dire
03:21qu'effectivement, on va nommer à Matignon et dans les ministères
03:25des techniciens du domaine.
03:27– Mais qui vont suivre quelles lignes politiques ?
03:29– Celles que l'Assemblée voudra bien accompagner.
03:31Donc, tout cela reste indéterminé à ce jour parce qu'il faut connaître
03:34la composition de l'Assemblée et ils se borneront à gérer
03:37les affaires techniques de l'État, à faire adopter le budget.
03:40– Qui sont chargés de gérer les affaires courantes.
03:42– Un peu plus que les seules affaires courantes,
03:44qui est une notion juridique définie par la jurisprudence.
03:48Les affaires techniques, ça, ça n'existe pas.
03:51Et donc, c'est là, à interprétation de ce gouvernement
03:54en fonction de ce que l'Assemblée acceptera ou n'acceptera pas
03:58et on aura des spécialistes des différents sujets, des techniciens,
04:01des hauts responsables de l'administration, des sachants, des scientifiques.
04:04– Mais c'est tenable longtemps ça ?
04:06– Autant que l'Assemblée accompagne.
04:09Le gouvernement Draghi a tenu de longs mois.
04:13– Il faut juste rappeler à ceux qui nous regardent
04:15que ça va durer au moins un an.
04:16– Oui, un an, par la force des choses.
04:17– C'est effectivement au moins un an, puisqu'en tout cas,
04:20on ne peut pas dissoudre avant le 7 juillet 2025.
04:23Le deuxième tour a lieu le 7 juillet 2024
04:25et que la Constitution interdit une nouvelle dissolution
04:28dans les 12 mois qui suivent.
04:29– Même si le Président démissionne.
04:30– Même si le Président démissionne, ça s'applique à tout Président,
04:33c'est une interdiction générale.
04:36Mais, alors, il peut y avoir plusieurs expérimentations, après tout,
04:41il n'y a pas de durée de vie minimale d'un gouvernement.
04:43Donc, on peut avoir un gouvernement bardé là de deux mois,
04:46un gouvernement issu des Républicains ou de je ne sais qui
04:50pendant deux mois encore, un gouvernement technique,
04:52enfin, tout est possible.
04:54– Mais ça peut fonctionner.
04:55– S'il y a un gouvernement tous les deux mois,
04:57on ne peut pas dire que ça fonctionne véritablement.
04:59– Donc, on ne décidera rien.
05:01– On ne décidera de pas grand-chose.
05:03La Constitution permet quand même à l'État de survivre,
05:07à des moyens pour faire adopter un budget
05:09ou en tout cas, reconduire des crédits et s'assurer
05:12que la lumière ne tombe pas et que l'État continue de fonctionner,
05:16qu'on a toujours une police, une armée qui veille sur nos services publics
05:21et notre ordre public, mais on ne peut pas dire
05:23que ce sera la situation la plus confortable pour fonctionner.

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