Président de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH).
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00:00En face de moi ce matin, le Président de la Commission Nationale des Droits de l'Homme, Commission Consultative, Jean-Marie Burghuberu, bonjour.
00:08Bonjour.
00:09Merci d'être avec nous ce matin. On vous reçoit parce que vous avez mené des face-à-face avec 1 200 personnes, des entretiens.
00:16Vous venez de rendre votre rapport annuel et vous le confirmez. Dans ce rapport, les actes racistes augmentent, ce n'est pas qu'une impression.
00:25Oui, c'est exact. Il y a une dégradation de la situation depuis 2 ans et qui s'est accentuée encore l'année dernière.
00:34On peut penser effectivement que plusieurs éléments sont à la base de ce déchaînement de paroles racistes, comme s'il y avait une libération de la parole.
00:47Et cela est dû à une ambiance générale et peut-être à certains médias qui peuvent favoriser cette situation déplorable.
00:57Les médias donc en cause, mais pas que.
01:01Pas que, bien sûr. Il y a une ambiance, comme je le disais, et il y a également la montée en puissance d'un parti politique.
01:10Donc le Rassemblement National, l'extrême droite aux portes du pouvoir dans cette campagne des élections législatives.
01:17Mais ce que l'on voit dans votre rapport, c'est que quand même cette nette augmentation parle de plus de 32% d'actes racistes en 2023.
01:26Donc c'était bien avant la campagne. Comment on l'explique ?
01:29C'est exact. Ce n'est pas la campagne électorale actuelle, mais c'est l'accréditation d'un état d'esprit différent.
01:41En quelque sorte, la France n'est pas raciste. Mais il y a des racistes en France. Ce serait inconséquent de voir le nier.
01:54Il y a des racistes un peu partout dans tous les milieux sociaux.
01:57Des racistes dormants qui étaient en hibernation et qui se réveillent.
02:02Oui, et il y a ensuite des affirmations infondées qui circulent.
02:11Je voudrais ici signaler que la France est parmi les pays européens celui qui reçoit le moins d'immigrés.
02:20Cela peut paraître étonnant par rapport à ce que l'on entend, mais c'est la vérité des chiffres.
02:25Le problème, c'est qu'il y a parfois des difficultés, des infractions, des délits, voire des crimes commis par des immigrés.
02:34Comme il y en a par des non-immigrés.
02:37Mais de cette façon, il est laissé entendre que celui qui est différent, celui qui ne parle pas bien français, celui qui n'a pas une couleur de peau,
02:50comme la couleur générale en France peut-être, est mal vu et considéré comme la personne discriminée.
03:01La discrimination est la base du racisme.
03:06Considérer que des personnes sont supérieures à d'autres, c'est la base du racisme.
03:11Jean-Marie Burgubereux, j'aimerais qu'on écoute cette séquence qui a fait beaucoup réagir, qui a beaucoup choqué.
03:16C'est un extrait d'un reportage d'Envoyé Spécial, une habitante de Montargis, qui lance ça à sa voisine, qui est noire.
03:24« Tu viens ici, on t'a invitée ? Non ? Tu dégages, tu pars. On fait ce qu'on veut, on est chez nous. On est en France, on fait ce qu'on veut en France. Tu la prendras si tu le sais pas. Va à la niche. »
03:38« Va à la niche. » Il y a aussi ce chauffeur de bus traité de bougnoule.
03:43Athier est carrément agressé, percuté volontairement par un automobiliste.
03:47Est-ce qu'on a franchi un cap ? Est-ce que des digues ont sauté ? Est-ce qu'on va réussir à les reconstruire ? »
03:53« On peut craindre qu'un cap soit franchi, effectivement. J'avais entendu cette séquence, bien sûr, et même le commentaire sur cette séquence.
04:00Il s'agit bien sûr d'insultes racistes. Je rappelle ici que le racisme n'est pas seulement une opinion.
04:08Le racisme et l'antisémitisme sont des infractions qui doivent être poursuivies et condamnées.
04:16Cela est difficile parce qu'on n'a pas toujours la preuve à donner.
04:20Et les personnes qui sont victimes de ces actes hésitent elles-mêmes à s'en plaindre.
04:24Et quand elles s'en plaignent, elles ne sont pas toujours bien reçues par les autorités policières qui ne savent pas comment faire
04:30ou qui disent « Écoutez, c'est pas si grave que cela. » Mais si, c'est grave. Mais si, c'est grave.
04:36Par conséquent, ma situation actuelle est de lutter bien sûr contre le racisme, mais sans faire de politique.
04:44Je dénonce parce que la commission nationale que j'ai l'honneur de présider est le conseil indépendant du gouvernement
04:51en matière de droits fondamentaux, le droit notamment au respect de la personne.
04:55— Et on va voir ce que vous préconisez et comment vous voulez lutter.
04:59Mais d'abord, on va aller au standard 0, 1, 42, 30, 10, 10. Julien nous appelle parce qu'on pose cette question.
05:05Effectivement, est-ce que vous trouvez autour de vous que la parole raciste se libère et est-ce que ça vous inquiète ?
05:10— Oui, c'est le principe. Chaque matin, sur France Bleu Paris, recueillir vos impressions.
05:14Dans le quatrième arrondissement, Julien, bonjour. — Bonjour.
05:17— Vous, vous trouvez que la parole antisémite se libère ? Le racisme se développe de plus en plus en ce moment ?
05:23— Alors « se libère », c'est pas forcément le bon mot, mais ça répand, effectivement.
05:28Et puis j'ai l'impression qu'on a de moins en moins de barrières et de scrupules.
05:32Et puis ça va pas aller en s'arrangeant si les résultats des élections législatives sont ceux qu'on nous annonce.
05:39Parce qu'on va avoir une sorte de... Pas de légitimité, mais de bon droit, quoi, qui est un peu effrayant. Enfin moi, ça m'effraie, en tout cas.
05:48— Vous le constatez dans votre quotidien, Julien ?
05:51— Alors moi, je le constate dans mon quotidien. C'est pas visé contre moi, puisque je suis un garçon blanc de 50 ans, comme on dit.
06:05Donc voilà, on m'agresse pas là-dessus. Mais j'entends, effectivement, les gens...
06:10Et puis quand on l'entend, effectivement, j'ai été atterré par le reportage d'Envoyé spécial, des gens qui se permettent de dire ça à d'autres gens.
06:20C'est vraiment effrayant.
06:22— Merci, Julien, pour votre appel ce matin sur France Bleu Paris. Vous continuez à réagir. 0142 30 10 10.
06:28On entend l'inquiétude de Julien. C'est effrayant, dit-il. Vous, Jean-Marie Burgubureux, c'est quoi votre sentiment aujourd'hui face à tout ça, personnel, en tant qu'homme ?
06:38— Oui. Mon sentiment personnel est celui, bien sûr, d'un manque de respect, d'un manque de considération et d'un état d'esprit complètement faussé.
06:51Si l'on considère des secteurs de l'activité très connus – le bâtiment, les travaux publics, les BTP, la restauration, les hôpitaux, l'aide à la personne –,
07:03que ferait-on s'il n'y avait pas des immigrés parmi nous qui acceptent de faire ces travaux indispensables, difficiles, importants et souvent peu rémunérés ?
07:14— Est-ce que vous avez une crainte, une peur si le Rassemblement national, effectivement, passe au second tour à la majorité, comme l'évoquait Julien,
07:25d'une parole, d'actes racistes qui prennent – comment dire – que ce soit le début d'un mouvement beaucoup plus large ?
07:36— Je pense qu'il faut rester serein. Et l'on voit que ce parti qui s'approche du pouvoir est en train de prendre des précautions pour faire croire que tout ce qui est son fondement habituel,
07:50il ne va pas le mettre en œuvre. Mais il reviendra à chaque Française, à chaque Français de prendre ses responsabilités dans la vie quotidienne
08:00et dans son vote, bien sûr, mais dans sa vie quotidienne, avec ses voisins, avec les gens qu'il rencontre. Les autres qui sont différents de nous ne sont pas inférieurs à nous.
08:13— Et on continue de réagir et de débattre sur ce sujet ce matin, 0142 30 10 10. On va parler justement de la lutte contre le racisme.
08:21— Trouvez-vous que la parole raciste se libère ? Viviane Accrone, bonjour.
08:25— Bonjour. Comment il s'appelle ? Romain ? — Romain.
08:28— Bonjour, Mélodie. Voilà. Alors moi, je voulais dire que je ne suis pas pour ce que le gars a fait au chauffeur de bus, le traité de salle Bounnoul.
08:39Je suis contre. On n'a pas le droit de traiter de salle arabe ni de salle juive ni de salle...
08:46— Ni de salle qui que soit. — Oui. Mais attendez. Moi, je voulais vous dire que ces gens-là ne nous respectent pas.
08:53Ils viennent en France. Ils croient qu'ils peuvent faire tout ce qu'ils veulent. Alors ça, moi, je suis contre, parce qu'on est en France ici et on doit être respectés.
09:04Comme j'ai deux exemples. Un, quand j'habitais à Paris, il y a une personne qui squait ses tapis par la fenêtre.
09:12Alors quand on était en train de déjeuner, on avait toute la poussière dans notre assiette.
09:18Alors moi, je lui ai dit... J'ai dit « Madame, ici, on n'est pas ni au Maroc ni en Algérie. »
09:24— Viviane, je peux vous poser une question. Vous, vous secouez jamais vos tapis par la fenêtre ?
09:28— Non, non. Jamais. Jamais. — Parce que moi, ça m'arrive.
09:31— Ni quand que ce soit. — Moi, je vous le dis, ça m'arrive de secouer mes tapis.
09:34— Ah non, non, non. Mais vous avez raison. Mais moi, je l'ai jamais fait.
09:38Et puis deuxième exemple. Une fois, j'étais dans un cabinet médical et il y a une personne qui a téléphoné et qui a mis son haut-parleur devant tout le monde.
09:50Alors je lui ai dit... Je lui ai parlé gentiment. J'ai dit « Bonjour, madame. Est-ce que ça vous ennuierait pas d'enlever le haut-parleur ? »
09:57Elle ne l'a pas enlevé. Et elle m'a dit « Je suis pas en prison ici. »
10:02J'ai dit « Madame, ici, on est en France et vous devez nous respecter, nous qui sommes français. »
10:09— D'accord, Viviane. — Il faut pas que vous vous croyez une merde. Je lui ai dit carrément ça.
10:15— D'accord. Avec votre franc parlé. On l'entend ce matin, Viviane. Mais là encore, j'ai plein de contre-exemples avec des jeunes de très bonne famille dans le 16e arrondissement qui écoutaient aussi la musique à fond.
10:26Donc vraiment, on prend en compte votre avis ce matin. Vous l'avez dit sur France Bleu Paris. Et chacun se fera évidemment un avis de son côté.
10:330 à 42.36. On continue à réagir. Claire est avec nous à Antony. Bonjour, Claire.
10:37— Oui, bonjour. — Quel est votre avis par rapport à ce sujet ce matin, vous ?
10:41— Oui. Moi, je viens du pays du Sud. Ça fait 40 ans que je vis en France. Donc je suis à la retraite. Je dois jouer ma retraite en France. Donc je suis partagée.
10:53Il y a des torts d'un côté des uns et des autres, qu'il y ait des attitudes des uns des autres. Il y a bien des Français qui font les mêmes...
11:03Si j'ai entre parenthèses que je fais les mêmes fautes, les mêmes erreurs, les mêmes bêtises, c'est pas une question de couleur de peau ou une question de provenance.
11:13C'est l'état d'être des gens. Donc c'est pas parce qu'on n'est pas Français qu'on fait plus de bêtises. Donc la seule chose que je veux savoir pour les personnes qui sont très en colère,
11:24parce que ce soit un étranger ou une personne de couleur de peau différente qui fait une erreur ou qui tape son tapis devant la porte, ce que les Français de Souche font aussi, peut-être par ailleurs,
11:38est-ce qu'ils ont pensé aux Français qui vivent à l'étranger et qui travaillent à l'étranger ? Moi, j'ai un beau-frère breton. Il travaille à l'étranger, chez moi.
11:49Qu'est-ce qu'on ferait des collègues étrangers, de tous les Français qui sont étrangers, hors de la France ? Est-ce qu'ils ont pensé à tout cela, en ayant ces attitudes-là ?
12:01Merci Claire d'avoir réagi ce matin sur France Bleu Paris au 01.42.30.10.10.
12:06Et le mot de la fin sera pour notre invité Jean-Marie Burgu-Burru après ces témoignages que vous avez entendus, votre réaction.
12:14Je voudrais dire que le respect doit bien sûr être réciproque. Dans la vie en société, la liberté reste importante, essentielle, mais la liberté des uns s'arrête où commence la liberté des autres.
12:27Ou alors on doit vivre sur une île déserte. Il faut que ceux qui reçoivent des étrangers les respectent et que les étrangers qui arrivent respectent aussi les Français. Cela est tout à fait normal.
12:40Le vivre ensemble.
12:41Le vivre ensemble, exactement.
12:43On l'entend et on le voit dans cette campagne législative. Merci beaucoup Jean-Marie Burgu-Burru.
12:49J'ajoute que vous demandez au gouvernement de se mobiliser pour lutter contre le racisme sous toutes ses formes aujourd'hui parce que vous trouvez qu'il n'en fait pas assez.
12:58Et nous le demanderons à tous les gouvernements.
13:00Merci, à vous, très bonne journée.
13:03Merci.