La détresse de ce berger de Jouques face aux attaques répétées du loup

  • il y a 2 mois
La Provence a suivi Adrien Constance et Patricia Lopez, deux éleveurs associés en transhumance. Adrien a perdu 80 bêtes l'été dernier, dans les alpages des Alpes-de-Haute-Provence, 15 autres en mars à Jouques, près d'Aix, où se trouve son exploitation. Soigné à cause d'une dépression en octobre, il est à deux doigts de jeter l'éponge. En cause, la prédation.

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00:00Cette année, on a eu une grosse attaque sur Jouk, où le matin, les propriétaires du domaine viticole où on faisait manger,
00:05ils m'ont rappelé, ah, ben, il y a un agneau de mort qui est mangé.
00:07Et en fait, quand on est arrivés, en tout, il y avait 15 agneaux morts.
00:21Là, on est à Ampus, donc c'est une commune du Var, et c'est une commune sur laquelle on passe en transhumance.
00:27Donc, on a fait manger les brebis ce matin, et là, elles sont dans un parc où elles chôment,
00:30et on va redémarrer dans un petit moment pour aller à Ampus, au village, à un autre endroit où on va passer la nuit.
00:37Oui, si vous voulez descendre, on va démarrer.
00:49Les conséquences du loup, des brebis mortes, tout ça, c'est quelque chose, honnêtement, qui est horrible,
00:52et moi, c'est pour ça qu'en 2024, je ne garde pas la montagne,
00:55parce que l'année dernière, le loup, ça m'a trop coûté financièrement, mais ça, ça ne changera pas.
00:59Mais après, moralement, ça m'a trop atteint.
01:01Nous, l'été dernier, sur le groupement, donc avec Patricia et deux autres éleveurs, on a perdu 80 bêtes,
01:06et il y avait 50 à moi.
01:08On va expliquer ce qui est le plus explicable, c'est le côté financier,
01:12parce que les brebis, c'est aussi notre gain de pain.
01:1380 bêtes, en moyenne, ça représente à peu près 8000 euros.
01:16J'ai perdu 50 brebis, donc entre mortes et disparues,
01:19parce que les mortes sont remboursées, mais les bêtes qui ont disparu ne sont pas remboursées.
01:24Sur les 50 bêtes que j'ai perdues, il y avait 30 brebis qui auraient dû agnoler au printemps,
01:27qui n'ont pas agnolé, donc j'ai perdu 5000 euros de brebis.
01:31J'ai perdu 3000 euros d'agneaux,
01:33donc 30 brebis qui auraient dû me faire un agneau à 100 euros, ça fait 3000 euros.
01:37Après, il a fallu que je garde 50 agnelles de plus pour en placer les 50 qui ont disparu.
01:42Donc, c'est 50 agneaux que je n'ai pas vendus, donc ça fait 5000 euros.
01:45Enfin, moi, j'ai fait le calcul, je suis arrivé à 13000 euros de pertes,
01:49et sur les 13000 euros, l'État m'a remboursé 5000 euros.
01:54Mais après, il y a le côté moral où, une fois par semaine, vous trouvez des brebis mortes,
01:59vous ramassez des brebis mortes, vous comptez, il vous manque des brebis,
02:02moi, c'est quelque chose que je ne veux plus vivre, en fait.
02:04Et honnêtement, ça m'embête énormément parce que l'hiver, je n'ai plus le temps de garder
02:07parce que je gère des brebis en filet, en parc, l'agneaulage, etc.
02:11Et donc, le seul moment où je pouvais garder, c'était l'été à la montagne.
02:13L'été à la montagne, vous n'avez qu'un seul troupeau,
02:15et là, vous pouvez vraiment regarder vos brebis mangées, vos brebis chaumées,
02:19Et là, cette année, je n'ai pas gardé l'hiver, et je ne garderai pas cet été à la montagne.
02:22Donc, il y a une partie de moi, en fait, qui n'est plus bergée.
02:25Et c'est...
02:27Et oui, j'ai fait une dépression cet automne, et je me suis fait soigner,
02:29et ça, je n'en ai pas parlé parce que ce n'est pas quelque chose de glorieux, quoi.
02:33Il y a la pudeur, il y a tout ce que vous voulez.
02:35Ça va mieux, mais après, aujourd'hui, je ne peux pas dire que je ferais ça toute ma vie.
02:38En fait, c'est ça qui est horrible.
02:40C'est de se rendre compte que,
02:42je n'ai pas le temps de faire ça, je n'ai pas le temps de faire ça,
02:45C'est poignant, et en fait, il ne me l'avait pas vraiment dit.
02:49Et du coup, je suis triste pour lui.
02:51Avec mon mari, en 83, on s'est installés,
02:53et cette montagne où on va aujourd'hui, on l'a commencé en 87.
02:56Je ne l'ai pas vu pareil qu'Adrien, parce qu'à l'époque, il n'y en avait pas de loups.
03:00En fait, on entendait parler du loup, mais je ne l'avais pas vu.
03:02Et donc, je me suis dit, je vais aller chercher un loup,
03:05et je vais aller chercher un loup.
03:06Et je me suis dit, je vais aller chercher un loup.
03:08Et je me suis dit, je vais aller chercher un loup,
03:10et je vais aller chercher un loup.
03:11Et je me suis dit, je vais aller chercher un loup.
03:13En fait, on entendait parler du loup, mais on croyait qu'il n'était pas chez nous.
03:16Et en fait, quand il a manqué beaucoup de bêtes à la fin de la montagne,
03:20on était même à se dire, mais on nous les a volées.
03:23Il faut aller voir dans les troupeaux voisins,
03:25si elles n'y sont pas, ou elles se sont égarées,
03:27et puis elles sont atterrées chez les voisins.
03:29Au début, on le prend comme ça, et puis après, quand c'est le loup,
03:33j'ai commencé à voir mon mari se transformer.
03:35Le même effet qu'Adrien, quoi.
03:37Mais zut, ce cadet-là, je l'aimais.
03:40Pourquoi le loup me l'a attaqué ?
03:42Il en manque 80.
03:46Moi, personnellement, sur la montagne,
03:47je vois que c'est de plus en plus récurrent.
03:50C'est une fois par semaine.
03:51On s'adapte, on met des chiens,
03:52on met deux bergers par montagne, par troupeau,
03:55on met des filets.
03:56Oui, on s'adapte, oui.
03:57Mais moralité des choses, ce n'est pas conclu.
04:00Ce serait horrible de dire que je n'ai pas d'espoir,
04:02mais l'espoir, non.
04:04Je ne vois pas comment les choses pourraient changer.
04:06Nous, on les a toutes connues, en fait, les méthodes de défense.
04:09On a introduit un patou, deux patous, trois patous.
04:12Après, il y a eu les tirs en l'air avec le fusil
04:14qui ne servaient absolument à rien.
04:16La radio, sur les chemins de randonneurs,
04:18il y avait des radios pour éloigner le loup,
04:20en faisant croire qu'il y avait des humains.
04:21Les feux, les petites fusées qui partaient.
04:24On a eu aussi des éco-volontaires.
04:26Les éco-volontaires, c'est des jeunes ou moins jeunes
04:29qui viennent volontairement dans nos montagnes
04:32dormir la nuit près du troupeau.
04:34Moi, je pense que si le loup avait eu peur de nous dès le début,
04:37on n'en serait pas arrivés là.
04:38Je pense que le loup n'aurait pas le même regard sur nous
04:41et il aurait plus peur de l'humain.
04:44Puis, même sans l'exterminer, on l'aurait peut-être un peu diminué.
04:48Maintenant, il y a des prélèvements qui sont minimes
04:50par rapport à la population.
04:52Au début, il n'y en avait pas.
05:07On va arriver fin juin.
05:09Les premières brebis à redescendre, c'est fin septembre.
05:11Donc, c'est toutes celles qui vont annuler.
05:13Et les dernières, théoriquement, on essaie de tenir
05:15jusqu'à fin octobre, début novembre.
05:17Après, en général, arrivé l'automne,
05:20les louveteaux, c'est là où ils apprennent à chasser.
05:22On est les derniers à partir.
05:23Le temps, il y a beaucoup de pluie, de brouillard, tout ça.
05:25Donc, en général, c'est là où on se fait bien, bien attaquer.
05:28Et souvent, c'est le loup qui nous fait partir.

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