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00:00Bonjour Virginie Legay, merci d'être avec nous. Vous êtes éditorialiste politique.
00:04Tout d'abord, c'est une campagne exceptionnellement courte et intense qui a pris tout le monde au dépourvu.
00:11Y a-t-il, d'après vous, un réel débat ?
00:14Il n'y a quasiment pas de débat parce qu'il n'y a pas de temps. C'est la campagne la plus courte de l'histoire.
00:18Trois semaines entre l'annonce de la dissolution et le premier tour.
00:22C'est une campagne qui va se jouer sur la peur.
00:26La peur de l'arrivée en tête du Rassemblement National ou la peur de l'arrivée en tête du nouveau Front Populaire.
00:34C'est une campagne qui va se jouer dans l'urgence où personne, finalement, n'a à cœur de réellement parler de son programme.
00:41Et les électeurs semblent avoir fait d'une certaine façon leur choix, même s'ils ne le disent pas tout à fait ou complètement.
00:49Et je suis très frappée par la forte participation.
00:53On a bien vu qu'il y a des queues devant les commissariats pour les procurations, que tout le monde s'organise.
00:58Et cette forte participation est très importante.
01:01D'abord, elle dira que les Français ont fait leur ce scrutin, quel que soit le résultat,
01:06et qu'ils ont décidé de se rendre aux unes pour dire ce qu'ils avaient à dire.
01:09La première victime à ce jour de cette dissolution surprise semblait être le président lui-même.
01:14Oui, je pense qu'Emmanuel Macron a voulu faire un coup politique.
01:18Il semblerait d'ailleurs qu'il s'en est vanté auprès de son entourage dans les jours qui ont suivi cette annonce.
01:22Ce coup politique semble se retourner contre lui, parce que s'il dissout l'Assemblée nationale,
01:26il dissout en partie sa majorité, qui déjà était relative et qui pourrait n'être même plus relative.
01:32Et on voit bien la colère de ces grands barons du macronisme qui, depuis quelques jours, multiplient les déclarations d'indépendance,
01:40voire même des séances vis-à-vis du président de la République.
01:43Je parle rapidement de Bruno Le Maire, de Gabriel Attal et d'Edouard Philippe, qui ont eu des déclarations peu amènes vis-à-vis du président.
01:51Et parmi les victimes, il y a également le parti LR, les Républicains, écartelés entre son président Éric Ciotti, qui a rejoint le RN,
01:58et ceux qui seraient tentés de rejoindre Edouard Philippe, horizon.
02:02LR paye son manque de clarté durant ces dernières années.
02:08Il n'a jamais très bien su à quel camp il appartenait, s'il devait se rallier au camp de la majorité
02:14ou s'il devait aller vers l'extrême droite.
02:16Il était pris en sandwich en étau.
02:18Aujourd'hui, Éric Ciotti a décidé de faire alliance.
02:21Alors, je trouve que parmi la bonne nouvelle de la droite,
02:25dans les très mauvaises nouvelles qui s'accumulent pour elle depuis quelques mois,
02:28c'est la façon dont non seulement les responsables de LR ont tenu le choc,
02:33mais même les électeurs.
02:34On voit bien dans les enquêtes d'opinion que tous les électeurs ne sont pas d'accord avec cette alliance.
02:38Je crois que selon les enquêtes d'opinion, il y en a entre 30 et 40 qui sont d'accord avec une alliance entre la droite classique républicaine et le RN.
02:46Les autres sont assez réticents.
02:48Et ça dit bien de l'envie des électeurs d'appartenir à une droite qui ne serait pas le supplétif du RN.
02:56Une droite républicaine.
02:57La gauche, elle, après s'être invectivée pendant la campagne des européennes, on s'en souvient, a trouvé son unité.
03:03Est-ce que le Nouveau Front Populaire entraîne une véritable dynamique, d'après vous ?
03:07En tout cas, ce qu'on voit, c'est que les scores qui sont prêtés au Nouveau Front Populaire,
03:13et là, je parle de scores, je ne parle pas de résultats en termes de circonstruction,
03:16sont inférieurs au total des gauches des européennes.
03:21Donc, il n'y a pas réellement de dynamique.
03:24Et il semblerait que ce qui explique ce manque de dynamique, moi, je donnerais deux raisons.
03:29D'abord, les électeurs de Raphaël Glucksmann, qui ont clairement dit, et qui le disent encore,
03:34que pour eux, la gauche, ce n'est pas Jean-Luc Mélenchon et ce n'est pas l'alliance du Front Populaire.
03:38Et puis, probablement, justement, la répulsion qu'inspire Jean-Luc Mélenchon à certains électeurs de gauche.
03:47Il vient encore de s'exprimer hier pour dire qu'il était prêt à être Premier ministre,
03:51et je crois que, ce faisant, il joue contre son propre camp, mais ce n'est sans doute pas son problème de jouer contre son propre camp.
03:56Le RN, maintenant, reste en tête, toujours dans les sondages.
03:59Alors, que pensez-vous de sa stratégie, Virginie Legay ?
04:01Reculer sur un certain nombre de questions sociales pour rassurer le patronat, tout en restant fidèle à son ADN.
04:07La préférence nationale et la discrimination à l'égard des étrangers.
04:11Le RN marche sur deux jambes.
04:13Une jambe très à droite en ce qui concerne l'immigration, la sécurité, les problèmes sociétaux,
04:19et une jambe beaucoup plus à gauche en ce qui concerne le programme économique.
04:23Donc, il y a là une incompatibilité, mais une incompatibilité qu'il ne cherche pas vraiment à lever.
04:27Le RN arrive un peu dans cette élection par surprise.
04:32Je pense que personne ne s'y attendait, y compris pas lui.
04:34Pourtant, il avait réclamé une dissolution depuis très, très longtemps.
04:37Et j'ai le sentiment qu'il ne prendra pas de risques dans la perspective de 2027.
04:42Le RN se dit, si d'aventure on avait une majorité absolue, ce que ne disent pas encore les sondages aujourd'hui.
04:48Et si d'aventure on avait un Premier ministre RN, il nous faudra gouverner pendant trois ans.
04:52Mais ce qui va compter, c'est 2027.
04:54Donc, ils vont se montrer extrêmement prudents pour à la fois ne pas semer le chaos dans le pays,
04:59pour à la fois ne pas prendre de décisions trop impopulaires auprès d'une partie des électeurs.
05:04Et quand Jordan Bardella dit « je serai le président de tous les Français »,
05:07ça veut aussi dire en sous-texte « mon programme sera finalement arrangeant pour tout le monde ».
05:13Mais je ne pense pas qu'ils auront un programme pour la droite.
05:15Mais je ne pense pas qu'ils auront un programme pour la droite.
05:17Mais leur mise en cause, par exemple, du droit du sol, ça supposerait un changement de la Constitution.
05:22Et le Conseil constitutionnel, par la voix de Laurent Fabius, a déjà fait savoir qu'ils étaient opposés.
05:26Bien sûr. Donc, on voit bien que le RN sera confronté à un certain nombre d'impossibilités.
05:30De même que dire « ceux qui sont en situation irrégulière sur le sol français seront raccompagnés chez eux »,
05:35c'est une impossibilité. On ne peut pas raccompagner les gens dans leur pays d'origine
05:39si le pays d'origine n'est pas décidé à les accepter, s'il n'a pas rendu ce qu'on appelle des visas.
05:45Il y a beaucoup de choses qui sont absolument impossibles dans le programme du RN.
05:49Mais je crois que ce n'est plus la question.
05:50Les Français se sentent rejetés sur le bord du chemin pour une partie d'entre eux.
05:56Ils ne se sentent plus maîtres de leur destin.
05:57Ils ont l'impression que voter pour le RN va les rendre maîtres de leur destin.
06:01Donc, les incompréhensions, les flous, les mêmes insuffisances du programme, ce n'est plus tout à fait leur question.
06:08Et quand on leur dit « mais attention, rien n'est raisonnable »,
06:11ils disent « mais qu'est-ce qui est raisonnable dans le bilan aujourd'hui d'Emmanuel Macron qui est là depuis 7 ans ?
06:15Les finances publiques ont explosé. Les questions que nous nous posions n'ont pas été résolues.
06:20Donc, il n'y a rien de raisonnable. Vous ne pouvez pas nous proposer en alternance quelque chose de raisonnable.
06:25Il n'y a rien de raisonnable. On veut redevenir maîtres de notre destin.
06:28Et la phrase qui revient et qu'on a souvent citée, c'est « pourquoi ne pas essayer quelque chose que jusqu'à présent on n'a pas essayé ? »
06:33Oui, ça, il faudrait voir déjà sur le plan historique.
06:36Mais il n'y a pas que les partis qui se mobilisent.
06:37Il y a aussi la société civile, dont on va le voir tout à l'heure, notamment les femmes.
06:41Plus de 200 associations, dont le planning familial, nous toutes, la CGT, la CFDT.
06:46Le RN n'a pas voté pour l'égalité salariale au Parlement européen.
06:50Et leurs alliés européens remettent clairement en cause le droit à l'IVG,
06:54l'interruption volontaire de grossesse.
06:55Est-ce que vous pensez que cette mobilisation féministe, qui a lieu cet après-midi un peu partout en France,
07:00peut avoir un impact sur le plan électoral ?
07:03Elle peut avoir un impact auprès des électeurs qui hésiteraient.
07:07Je rappelle quand même que le vote des femmes en faveur du RN a beaucoup progressé.
07:11Et que c'est toute la question, justement, du vote du RN.
07:14C'est que le vote du RN a progressé dans toutes les catégories, dans les deux sexes, évidemment,
07:19et quasiment dans tous les départements et toutes les régions de France.
07:23Il est arrivé en tête aux européennes en neuf comme une sur dix.
07:26Ça dit quelque chose d'un mouvement qui, je ne sais pas s'il sera sensible
07:30aux tensions, aux observations, aux alertes qui sont émises ces dernières semaines,
07:35mais en tout cas d'un mouvement qui est très fort et qui était peut-être un mouvement de fond.
07:38Une lame de fond et d'un sentiment aussi que vous décriviez du déclassement des classes moyennes ?
07:44Oui, ce que disaient d'ailleurs les Gilets jaunes quand ils sont venus défiler dans les rues de Paris le samedi,
07:48ville dans laquelle ils venaient parfois pour la première fois.
07:51Ils disaient, nous on a l'impression de jouer le jeu, on a l'impression de faire ce qu'on nous demande
07:55et on n'y arrive pas et on ne se sent absolument pas regardé par le pouvoir d'en haut.
08:00Et le pouvoir d'en haut, celui d'Emmanuel Macron, mais celui de la gauche et de la droite avant,
08:05leur a donné l'impression pendant des années de ne pas s'intéresser à eux, de ne pas s'occuper d'eux.
08:09Et là, ils viennent dire tout haut que puisque c'est comme ça, ils iront voter ailleurs.
08:13Dernière question, comment va se passer d'après vous le second tour ?
08:17On voit mal les candidats du Nouveau Front Populaire se rallier au camp Ensemble pour la République,
08:24les partisans d'Emmanuel Macron, et l'inverse aussi.
08:26Et est-ce que tout ça, ça ne va pas faire le jeu du Rassemblement National ?
08:30Ça sera très intéressant de voir qui va se désister en faveur de qui au second tour.
08:35D'autant que plus de participation, ça veut aussi dire que peut-être deux ou trois candidats
08:41pourront franchir la barre des 12,5% des inscrits pour figurer au second tour.
08:45Est-ce que ça veut dire qu'un camp se désistera pour éviter le Rassemblement National ?
08:52Franchement, je n'en suis pas si sûre.
08:54Mais ça sera très intéressant à regarder, ça dira beaucoup du désir absolu qu'ont certains,
08:59soit de se faire élire, soit vraiment de faire barrage au RN.
09:02Merci beaucoup Virginie Legay d'être venue. Merci pour votre analyse politique.

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