Élections, gouvernement, cohabitation...Zacharie Legros et Yanis Chouiter ont relayé toutes vos questions à Fleur Jourdan, avocate spécialisée en droit public, et Ivan Valerio, directeur des rédactions digitales BFM-RMC, en direct sur BFM Radio et les réseaux sociaux de BFMTV.
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00:00Il est 19h15 sur BFM Radio.
00:02Zachary Legraud, BFM Radio Soir, répond à vos questions.
00:06C'est une situation que l'on n'avait jamais vue sous la 5ème République,
00:09une dissolution après une élection en l'occurrence perdue par le parti présidentiel.
00:14Une situation inédite et donc forcément difficile d'anticiper la suite.
00:18C'est pourtant ce que l'on va faire ce soir.
00:20Vous avez été nombreux à nous poser vos questions sur la situation politique que traverse le pays
00:25par mail et sur nos réseaux sociaux.
00:27De mon côté, Yannis Schoueter, journaliste à BFMTV.com.
00:30C'est vous, Yannis, qui allez nous soumettre les questions des internautes.
00:32Bonsoir.
00:33Bonsoir, Zachary.
00:34Celles que l'on a déjà reçues et celles que vous continuez à nous soumettre
00:37puisque ce soir, BFM Radio Soir répond à vos questions.
00:40Émission spéciale à suivre sur notre site internet, sur l'application,
00:44mais aussi sur Twitter, Instagram, YouTube et bien sûr la radio.
00:48Des interrogations nombreuses ce soir sur le futur gouvernement de la France.
00:51Qui choisira le prochain Premier ministre ?
00:53Pour nommer qui d'ailleurs ?
00:55Une quatrième cohabitation se dessine-t-elle ?
00:58Pour y répondre, j'accueille Fleur Jourdan.
01:00Vous êtes avocate et spécialiste en droit public.
01:02Bonsoir.
01:03Bonsoir.
01:04Avec nous aussi, Yvan Valériot, directeur des rédactions ici à BFM et RMC.
01:07Bonsoir, Yvan.
01:08Bonsoir.
01:09On commence avec ces élections législatives au pluriel.
01:12577 dans chaque circonscription.
01:14Et pourtant, il y a un poste qui concentre toutes les attentions, Yannis.
01:17Oui, ce poste, c'est celui de Premier ministre.
01:20Kevin nous pose une question.
01:22Bardella, Premier ministre ?
01:23Attal, Premier ministre ?
01:24C'est ce qu'on voit sur les affiches de campagne de Renaissance
01:27ou encore du Rassemblement national.
01:29Est-ce qu'on vote pour élire le Premier ministre ?
01:32Fleur Jourdan.
01:33Alors non, on ne vote pas pour élire le Premier ministre
01:36parce qu'on élit des députés qui vont composer l'Assemblée nationale.
01:41C'est le président en France qui a le pouvoir de nommer le Premier ministre
01:44en vertu de l'article 8 de la Constitution.
01:46On y reviendra après sur qui nommera qui la boule de cristal.
01:50On l'attend, Fleur Jourdan.
01:51Mais donc, vous nous rappelez bien qu'on vote d'abord pour des députés
01:54et d'abord pour composer l'Assemblée.
01:55Tout à fait.
01:56577 députés, donc, qui prendront place dans l'hémicycle.
01:59Yannis ?
02:00Oui, pardon.
02:01On a une question de Christophe, ensuite, qui nous demande
02:04est-ce que le RN est un parti d'extrême droite
02:06et la France insoumise un parti d'extrême gauche ?
02:09Pour y répondre, Yvan ?
02:11On peut répondre en droit et on peut répondre en politique, en fait.
02:14Si on se réfère au droit, il y a le Conseil d'État qui a tranché cette question
02:18puisqu'il y a eu des recours suite à l'étiquetage de ces partis politiques
02:22par le ministère de l'Intérieur, notamment à l'occasion des dernières sénatoriales
02:25où l'étiquette extrême droite a été contestée par le RN
02:30prétextant que ça pouvait altérer la sincérité du scrutin.
02:34Et dans ces cas-là, le Conseil d'État a tranché.
02:36On peut bien accoler l'étiquette extrême droite au RN.
02:41Et concernant la France insoumise ?
02:43Concernant la France insoumise, c'est un peu le même sujet.
02:46Le Conseil d'État a aussi tranché.
02:48La France insoumise n'est pas rangée derrière une étiquette extrême gauche,
02:51mais derrière un bloc de gauche, puisque le ministère de l'Intérieur
02:54donne pour chaque élection des étiquettes à des partis,
02:57ce qui permet d'avoir une lecture politique des élections.
03:01La France insoumise, tout comme le Parti socialiste, les écologistes
03:05et le Parti communiste français, est derrière une étiquette gauche,
03:08contrairement au NPA ou à l'Utouvrière qui est derrière une étiquette extrême gauche.
03:11Le tout formant donc cette tripartition théorisée par le candidat Macron en 2017
03:15avec cette extrême gauche, cette extrême droite et cet ultra-centre
03:18que serait donc la majorité présidentielle.
03:21Autre question de Nadou, je crois Yannis.
03:23Nadou sur Instagram qui nous a écrit pour une question très franchement qu'on n'attendait pas.
03:27C'est pour vous Fleur. Est-ce qu'un président peut revenir sur la dissolution ?
03:31Est-ce qu'il peut annuler ?
03:33Alors non, il ne peut pas revenir sur cette décision puisqu'elle a été prise par décret.
03:38Le décret a dissous l'Assemblée nationale.
03:40Donc ça a eu pour effet de mettre un terme au mandat des députés.
03:44Et quand bien même il déciderait d'abroger ce décret,
03:49ça ne ferait pas pour autant revivre le mandat des parlementaires
03:54qui ne peuvent être désignés que par l'élection.
03:56Très bien, donc on est donc embarqués dans cette dissolution
03:58et donc dans ces élections.
04:00Projetons-nous donc au 8 juillet, au lendemain du second tour,
04:04de quelle couleur sera l'Assemblée nationale ?
04:06Ça interroge nos internautes Yanis.
04:08Et oui, Alexandre nous écrit,
04:10en cas d'égalité au second tour des élections législatives,
04:13imaginons même nombre de députés pour le Nouveau Front Populaire et Rassemblement National,
04:17comment est désigné le Premier ministre ?
04:20Alors, l'intérêt d'avoir 577 députés
04:24permet de faire qu'il y a nécessairement une majorité,
04:27puisqu'on ne peut pas avoir une stricte égalité.
04:30Ce qui pourrait se dessiner, c'est effectivement
04:34qu'on ait des groupes parlementaires qui soient assez homogènes,
04:38même deux groupes parlementaires assez homogènes,
04:41ou trois groupes parlementaires assez homogènes.
04:43Et là, effectivement, il faudrait qu'il y ait un accord
04:47soit entre deux groupes, s'il y en a trois,
04:51soit un groupe qui serait, par exemple, le RN,
04:57qui aurait à peu près autant de députés que le Front Populaire
05:02pour se trouver un accord avec un petit parti pour devenir majoritaire.
05:05Donc vous dites que c'est bien à l'Assemblée que ça va se décider ?
05:07C'est l'Assemblée qui va définir, en fait, l'équilibre.
05:11Parce qu'en fait, si c'est le Président qui nomme le Premier ministre,
05:15ce Premier ministre et ce gouvernement sont responsables devant l'Assemblée.
05:19C'est-à-dire que si, imaginons qu'Emmanuel Macron ne prenne pas en considération
05:23ce qui va se dessiner, ce qui va ressortir, et qu'il nomme, puisqu'il a ce pouvoir,
05:27un Premier ministre qui n'est pas représentatif de ce qui ressortira d'élection,
05:31alors l'Assemblée nationale pourra renverser ce gouvernement.
05:36D'où l'intérêt qu'il nomme un Premier ministre qui a la confiance du Parlement.
05:41Mais si le RN a plus de votes, imaginons plus de députés,
05:45mais sans avoir la majorité absolue, Jordan Bardella a affirmé qu'il ne souhaitait pas être Premier ministre.
05:49Et du coup, qu'est-ce qui pourrait se passer, Yvan ?
05:51C'est le cas cité par notre invité, c'est-à-dire qu'il faudrait trouver une autre majorité
05:58qu'une majorité absolue, avec un groupe qui suffirait à une majorité.
06:03Donc là, on peut imaginer une alliance de circonstances entre deux groupes minoritaires,
06:08mais qui formerait une majorité qui pourrait rassembler plus de 289 députés
06:13afin de soutenir le gouvernement.
06:15C'est déjà arrivé, ça, sous la Ve République, des alliances pour former un gouvernement ?
06:20Là, justement, la majorité n'était que relative.
06:24La majorité de Renaissance n'était que relative et elle devait, sur chaque texte,
06:29aller chercher une majorité.
06:31Et effectivement, elle risquait une motion de censure
06:35puisqu'elle n'était pas à elle seule majoritaire dans l'Assemblée.
06:39Donc oui, c'est déjà arrivé, c'est très récemment,
06:42mais normalement, les institutions de la Ve République n'étaient pas faites pour ça.
06:47C'était même censé être l'inverse, je crois.
06:49Exactement, c'était plutôt fait pour un bipartisme.
06:51On n'avait pas anticipé cette possibilité de trois partis.
06:56Et on a une question de Sylvestre, plutôt lui, du côté du Front populaire.
07:00Il se demande pourquoi le Front populaire n'est pas clair
07:02sur la désignation du futur éventuel Premier ministre.
07:06Ce qui est amusant, c'est qu'en 2022, à l'occasion des élections législatives,
07:10un des arguments de campagne, c'était de dire Jean-Luc Mélenchon Premier ministre.
07:14Argument qu'on se garde bien de présenter cette fois,
07:18contrairement au Rassemblement national qui avance le ticket Bardella pour Matignon,
07:22contrairement au tract dont vous parliez, de Renaissance,
07:25qui avance Attal Premier ministre.
07:28Là, on se garde bien parce qu'il y a un rapport de force à voir à gauche,
07:31un équilibre qui se jugera après les élections législatives.
07:34Est-ce que le Parti socialiste emmènera plus de députés que la France insoumise à l'Assemblée
07:38ou les écologistes ou le Parti communiste français ?
07:42Principalement le Parti socialiste et la France insoumise, évidemment.
07:45Et en fonction de ce rapport de force-là, je pense que sera décidé, acté,
07:49peut-être dans l'entre-deux tours, peut-être après le second tour,
07:51mais entre les différentes forces politiques de gauche,
07:55en cas de victoire d'un potentiel Premier ministre qui puisse mettre tout le monde d'accord.
07:59Donc, l'Assemblée a encore une fois la main, même en cas d'une couleur politique,
08:03pour décider du nom qui pourra en sortir selon telle ou telle tendance.
08:07L'Assemblée a la main parce qu'elle a un pouvoir de censure sur le gouvernement.
08:10Et donc, à partir de là, sur la base de ce pouvoir-là,
08:12oui, on ne peut pas imaginer Emmanuel Macron nommer un Premier ministre
08:16qui n'aura pas le soutien de l'Assemblée,
08:19ni même parfois, c'est vrai qu'on peut lire ça sur les réseaux sociaux,
08:22est-ce qu'il est obligé de choisir Bardella si le Rassemblement national est en tête ?
08:25Alors non, il n'est factuellement pas obligé de choisir Jordan Bardella
08:28comme Premier ministre, mais ça serait s'amuser avec les institutions
08:31que de choisir une autre personnalité issue du Rassemblement national.
08:34Ça ne s'est jamais vu dans l'histoire de la Ve République.
08:36Oui, parce qu'il y a le droit et il y a la politique.
08:37On l'a vu, Elisabeth Borne avait bien le droit avec elle,
08:40la Constitution avec elle, en usant à répétition de ces 49-3.
08:43Mais finalement, c'est bien sa légitimité politique qui s'est érodée.
08:47Oui, c'est une question.
08:50En fait, la légitimité, elle vient du vote
08:53et notamment du vote de la représentation nationale à l'Assemblée.
08:56Et pour avoir un gouvernement, on va dire, en fonction,
09:00qui fonctionne, qui est en capacité de faire, par exemple,
09:04voter un budget, des projets de loi, etc.,
09:07il faut avoir l'adhésion de l'Assemblée nationale.
09:09Et si ça n'est pas le cas, à l'Assemblée, un pouvoir de censure
09:12qui fait qu'on renverserait le gouvernement.
09:14Et là, on peut entrer dans une crise de régime
09:16si on va vers des motions de censure à répétition, etc.
09:19On a une autre question politique qui est beaucoup revenue
09:22sur les réseaux sociaux de BFMTV.
09:24Est-ce qu'Emmanuel Macron peut démissionner après ses législatives
09:27s'il les perd ?
09:28Et surtout, est-ce qu'il peut se représenter ensuite à la présidentielle ?
09:31Claire Jourdan.
09:32Alors, effectivement, la réponse est assez simple
09:36sur est-ce qu'il peut démissionner ?
09:38Bien sûr qu'il peut démissionner.
09:40La question qui est plus embêtante, c'est est-ce qu'il devra démissionner ?
09:44C'est-à-dire, est-ce que si le parti présidentiel
09:47fait un score vraiment très faible,
09:49est-ce qu'il ne sera pas, finalement, contraint de démissionner ?
09:52Justement, comme on le disait tout à l'heure,
09:54avec le pouvoir du Parlement qui pourrait entraver...
09:59Enfin, par exemple, on a eu cette crise constitutionnelle
10:03au début du siècle,
10:05où, en fait, le Parlement ne faisait que renverser
10:08tous les gouvernements qui étaient successivement nommés,
10:11quand bien même ils émanaient de la majorité parlementaire.
10:14Et, en fait, on n'arrivait plus à nommer de Premier ministre.
10:19Et c'était pour pousser le Président à démissionner.
10:24Donc, il pourrait peut-être être poussé à démissionner in fine.
10:28Et votre deuxième question, c'est...
10:30Est-ce qu'il peut se représenter s'il démissionne ?
10:32Alors, s'il démissionne, il ne pourra pas se représenter immédiatement,
10:36puisque la Constitution...
10:38Alors, il y a des débats, mais, enfin, bon, je pense que, quand même,
10:40c'est assez tranché.
10:41Interdit de mandat successif.
10:43Donc, il ne pourrait pas être...
10:44Enfin, consécutif, plutôt.
10:46Il ne pourrait pas être candidat aux prochaines élections,
10:48mais aux élections encore après, peut-être, oui.
10:51Oui, l'Élysée...
10:52Enfin, Emmanuel Macron rappelait encore,
10:53pendant ce Conseil des ministres ce matin,
10:55qu'il n'y avait aucune stratégie dans cette dissolution.
10:58Stratégie, donc, que prêtent certains aux présidents
11:00de pouvoir démissionner pour se représenter dans la foulée.
11:02Vous nous dites, pas possible.
11:04Fleur Jourdan.
11:06On a une question un peu plus insolite sur François Hollande.
11:08Vous savez qu'il se présente en Corrèze
11:10sans l'étiquette du Nouveau Front Populaire,
11:13mais en étant investi par la section locale du Parti Socialiste.
11:16S'il est élu, nous demande Laurent sur Instagram,
11:19est-ce qu'il peut cumuler son salaire de député
11:21avec sa retraite d'ancien président ?
11:25Alors, c'est une bonne question.
11:28J'étais vraiment fier de ce que François Hollande nous écoute.
11:30On peut répondre quelque chose, c'est qu'en droit,
11:33on peut très bien cumuler une pension de retraite et un salaire.
11:36Je veux dire, le contribuable, un citoyen lambda
11:39qui n'a pas une pension d'ancien président de la République,
11:41peut le faire sous certaines conditions, mais on peut le faire.
11:44Donc, je ne vois pas pourquoi François Hollande
11:46serait empêché de cumuler les deux.
11:50Oui, parce qu'il y a des règles de cumul et de décrètement,
11:53en tout cas sur les mandats
11:56et les indemnisations de mandat,
11:59qui ne sont pas vraiment des salaires,
12:00donc c'est une réglementation un peu particulière.
12:02Mais pourquoi pas.
12:03A vérifier, on invitera François Hollande,
12:05vous pourrez répondre dès lui, dès lui,
12:07je vous le garantis.
12:09Une dernière question de Steven qui nous demande,
12:11est-ce que le président peut-il instaurer l'état d'urgence
12:13après les élections, alors qu'il y a les Jeux Olympiques juste après ?
12:16Oui, situation particulière pour cette période politique.
12:20Un état d'urgence, mais un état d'urgence
12:22après l'élection de la nouvelle Assemblée ?
12:24C'est ça, oui.
12:25Il devra être validé du coup par l'Assemblée.
12:28On ne pourra pas le faire tout seul.
12:30Il faudrait que ça réunisse certaines conditions
12:32du trouble à l'ordre public ou des conditions de ce type-là.
12:36Conditions qui n'ont été réunies ou en tout cas utilisées
12:40pour mettre en place cet état d'urgence qu'une seule fois,
12:42je crois, sous la Ve République.
12:44Vous parlez de l'article 16 ?
12:45Je parlais de l'article 16, pardon.
12:46Ah, l'article 16, oui, tout à fait.
12:48On va donc continuer à avancer dans le temps
12:51après la nomination d'un potentiel premier ministre
12:54gouverné avec qui ?
12:55Ça, ça devrait se faire assez vite.
12:56Mais aussi, comment gouverner ?
12:58Puisqu'il reste trois ans de mandat pour Emmanuel Macron.
13:00Depuis 2017, il avait, on l'a dit, toujours eu la majorité
13:03absolue en 2017, relative en 2022.
13:06Mais comment faire ?
13:07Voter des lois gouvernées, réformées
13:09dans la situation qui va advenir, Yanis ?
13:11Oui, Gabriel nous pose la question.
13:12Si aucune majorité ne se dégage lors du second tour,
13:15quelles sont les possibilités de déblocage
13:17du système parlementaire ?
13:20On le disait tout à l'heure.
13:21Déjà, la majorité, elle est peut-être à trouver
13:23qu'il y a des coalitions qui sont peu habituelles en France.
13:25Il y a d'autres pays, on cite souvent l'Allemagne,
13:27qui est habituée à des coalitions plus atypiques
13:29entre des forces politiques qui ne sont pas toujours
13:31en accord les unes avec les autres.
13:32Donc, ça, on peut aussi imaginer ça,
13:34qu'une partie de la gauche puisse s'allier
13:35à une partie de Renaissance et à une partie de LR.
13:38Aujourd'hui, ça paraît peu probable,
13:39mais l'histoire récente nous a réservé quelques surprises.
13:42Donc, pourquoi pas avoir d'autres surprises
13:44dans les semaines qui viennent ?
13:46Après, s'il n'y a pas de majorité
13:48qui se dégage, effectivement,
13:50on peut être dans une situation de blocage,
13:52malgré tout, l'Assemblée va se réunir,
13:54va commencer à étudier des premiers textes
13:57et la majorité peut aussi se dessiner
13:59au fil de certains textes.
14:02Donc, on moque souvent nos voisins belges
14:04de ces situations bloquées,
14:06ça nous peint au nez, Fleur Jourdan ?
14:08Oui, absolument.
14:09Il va falloir trouver,
14:10s'il n'y a aucune majorité absolue
14:13qui se dégage,
14:14il faudra de toute manière trouver des coalitions,
14:16des nouvelles coalitions qui n'auront pas été
14:19énoncées telles quelles
14:21dans le cadre du vote
14:23de ces législatives.
14:25Et donc, il risque forcément
14:27de se heurter à des difficultés
14:29dans l'exécution.
14:31Et s'il n'y a pas de majorité absolue,
14:33il risque quand même d'y avoir pas mal d'instabilité
14:35dans les années à venir, oui.
14:37Cette instabilité, justement,
14:38est-ce qu'elle pourrait se retrouver
14:39au niveau du budget ?
14:40C'est Alexandre qui nous pose la question.
14:42Sans majorité claire à l'Assemblée nationale,
14:44risque-t-on un blocage sur le vote du budget,
14:46comme c'est le cas parfois aux Etats-Unis
14:49Fleur Jordan, vous faites les gros yeux !
14:51Oui, oui, absolument.
14:53Il faudra trouver une majorité
14:55pour voter le budget.
14:57Effectivement,
14:59et ça ne va forcément pas être évident,
15:01et ça va être forcément un des premiers enjeux
15:03de cette nouvelle législature.
15:05On n'a pas exactement le même système
15:07qu'aux Etats-Unis,
15:09et il y a une possibilité
15:11de reconduction du budget
15:13en France.
15:15Oui, parce que c'est un texte important,
15:17c'est sur ce texte que se dessine
15:19l'appartenance ou non à la majorité,
15:21et donc l'inscription dans la minorité.
15:23Ça sera le premier chantier-clé de la nouvelle
15:25Assemblée. En fait, le budget va arriver
15:27dès la rentrée, dès septembre-octobre,
15:29et c'est là que se définit la majorité.
15:31On n'imagine pas un groupe majoritaire
15:33avec des frondeurs,
15:35d'une certaine manière, sur la question
15:37budgétaire. C'est là que se dessine
15:39vraiment une majorité politique,
15:41et on ne pourra pas enjamber
15:43ce texte-là. Enfin, techniquement,
15:45c'est vrai, mais ça serait un peu invraisemblable.
15:47Donc, c'est vrai que le premier rendez-vous-clé
15:49de cette nouvelle Assemblée, ce sera au mois de septembre
15:51avec le premier texte budgétaire.
15:53Et là, une majorité, même
15:55atypique, même inhabituelle en France,
15:57devra être trouvée.
15:59Et en cas de cohabitation,
16:01c'est Mathilde qui nous pose la question,
16:03quels sont les pouvoirs du président de la République ?
16:05Qu'est-ce qu'il peut faire ?
16:07Alors, il y a
16:09certains pouvoirs qui relèvent de la Constitution,
16:11et certains pouvoirs qui relèvent
16:13de la tradition.
16:15Globalement, ce sont toutes les affaires réservées,
16:17les affaires de politique
16:19extérieure. Il peut
16:21dissoudre, enfin, dans un an.
16:23Il peut prendre... Il y a certains actes
16:25qu'il signe tout seul.
16:27Et puis...
16:29En règle générale,
16:31depuis les différentes cohabitations,
16:33c'est le premier
16:35ministre qui, vraiment, fixe la ligne
16:37du gouvernement
16:39et donc fixe les grandes orientations.
16:41Ce qui serait original, là,
16:43dans une situation de cohabitation, c'est que, jusqu'à présent,
16:45toutes les cohabitations ont vu
16:47un président et
16:49un gouvernement être sur une
16:51même ligne, à peu près, sur les questions
16:53internationales et de valeurs. C'est ce qui s'est passé
16:55en 1997 et précédemment.
16:57Là, en cas de cohabitation entre
16:59un Jordan Bardella, premier ministre,
17:01ou un Jean-Luc Mélenchon, premier ministre,
17:03et Emmanuel Macron, on a quand même des dissensions
17:05très importantes sur les questions internationales,
17:07notamment sur le rapport à la Russie,
17:09mais aussi sur certaines valeurs, notamment avec le Rassemblement
17:11national. Et en cela,
17:13la situation serait inédite, puisqu'il y aurait une cohabitation
17:15avec, vraiment, certaines
17:17questions qui seraient
17:19des différences très importantes entre
17:21le chef de l'État
17:23et le chef de gouvernement. Et ça,
17:25ça serait nouveau.
17:27Et j'insiste, Yvan, sur cette question de l'international, puisqu'on parle
17:29de domaine réservé. C'est-à-dire que l'international,
17:31la défense, c'est le président de la République, mais ce domaine réservé,
17:33il n'est pas dans la Constitution Fleur Jordan.
17:35C'est l'esprit
17:37qu'on en a déduit. C'est pour ça que je parlais de coutumes,
17:39effectivement. Et puis, aussi,
17:41une volonté, je pense, de ne pas
17:43perdre face vis-à-vis
17:45de l'affichage à l'international. C'est-à-dire
17:47qu'on peut avoir des décisions souvent en France,
17:49mais l'idée, c'est quand même d'afficher
17:51une homogénéité dans
17:53le discours vis-à-vis de nos interlocuteurs étrangers.
17:55Mais, effectivement, ça n'est pas
17:57protégé par la Constitution. Et donc, qui
17:59pourrait trancher ? Est-ce qu'on peut imaginer l'Assemblée
18:01s'immiscer dans les questions internationales ?
18:03Ou alors, quoi qu'il en soit, c'est des questions qui doivent être
18:05réglées entre Matignon et l'Elysée ?
18:07Ça serait un changement de philosophie dans la pratique
18:09du pouvoir tel qu'imaginé
18:11par
18:13De Gaulle au début de la Vème
18:15République. Mais, au bout du bout,
18:17oui, je pense que l'Assemblée serait souveraine
18:19sur ces questions-là, puisque là, il s'agit de traditions,
18:21même s'il y a certaines questions,
18:23notamment les questions militaires,
18:25sur lesquelles, effectivement, Emmanuel Macron
18:27est chef des armées. Mais, en fait, il dépend
18:29du pouvoir législatif pour tout un tas de choses.
18:31On avance vers une situation inédite,
18:33effectivement, qui redonnerait d'une certaine manière
18:35du pouvoir à l'Assemblée.
18:37Et, justement, sur la cohabitation, on a
18:39Michael qui nous pose une question. Comment réformer
18:41les lois sur l'immigration ?
18:43Il prend l'exemple du programme du Rassemblement national
18:45et notamment le droit du sol sans
18:47passer par un référendum que refusera
18:49de valider le président de la République. C'est le président
18:51de la République qui peut valider ou pas un référendum ?
18:53Oui. Par exemple, ça fait
18:55partie de ses pouvoirs propres, effectivement.
18:57Il n'y a pas
18:59beaucoup de réformes
19:01législatives,
19:03c'est sûr,
19:05qui sont obligatoires
19:07de passer par référendum. Même une réforme constitutionnelle,
19:09elle peut passer. Mais, alors là,
19:11c'est avec un vote du
19:13Parlement. Assemblée nationale
19:15plus Sénat, il faut une majorité
19:17assez large pour faire passer une réforme
19:19constitutionnelle sans référendum.
19:21Et quand on voit la majorité actuelle au Sénat, on imagine mal
19:23le Rassemblement national, trouvé d'une manière ou d'une autre
19:25qu'une majorité, avec l'ensemble
19:27du Congrès rassemblé.
19:29Sur le reste des textes, c'est peut-être un moment de s'arrêter
19:31sur le Sénat. On parle énormément de l'Assemblée nationale.
19:33Le Sénat, lui, on en connaît
19:35la couleur politique, c'est une couleur de droite
19:37avec une coalition de centres droits.
19:39Mais le système est fait
19:41de telle sorte que l'Assemblée
19:43peut outrepasser le Sénat.
19:45Sur la
19:47plupart des lois ? Sur la plupart
19:49des lois, effectivement, elle peut avoir le dernier mot.
19:51Il y a eu un rééquilibrage
19:53quand même au profit du Sénat,
19:55avec un vote en première lecture,
19:57etc. Mais globalement,
19:59c'est quand même l'Assemblée nationale
20:01qui a le dernier mot
20:03sur certains textes. On a une question qui nous
20:05arrive sur Instagram, en direct de Nina.
20:07Est-ce qu'une cohabitation, elle est envisageable
20:09s'il y a une majorité relative, mais
20:11pas absolue ?
20:13Si le RN ou
20:15le Front populaire n'a pas 289 députés,
20:17est-ce que c'est possible de faire une cohabitation ?
20:19Oui, absolument. C'est l'hypothèse
20:21où, je ne sais pas moi, il y aurait
20:23un accord entre le RN et
20:25le Front populaire,
20:27mais ce n'est pas impossible.
20:29Il n'y a pas de défis
20:31totalement improbables.
20:33Mais si eux deux
20:35dépassent
20:37la majorité absolue,
20:39c'est eux qui définiront
20:41qui est le premier ministre.
20:43Enfin, en tout cas,
20:45ils donneront au président
20:47de la République une indication
20:49sur le premier ministre.
20:51Ce qui ne veut pas dire qu'ils vont gouverner ensemble,
20:53On a d'autres questions sur cette crise qui pourrait arriver s'il n'y a pas de majorité
21:00pour la majorité sortante. Sarah, notamment, qui nous envoie un mail et qui nous demande
21:04« Emmanuel Macron peut-il proposer une nouvelle constitution pour sortir de la crise ? »
21:08Ça, ça fait partie des scénarios qu'on envisage assez peu jusqu'à présent,
21:13mais ça nous renverrait à la situation de 1958 quelque part, en cas de blocage absolu,
21:20institutionnel, etc. Franchement, ce n'est pas du tout le scénario privilégié jusqu'à présent,
21:24mais si on joue à faire un peu de la politique fiction, on peut imaginer,
21:28techniquement je pense que c'est possible et notre invité confirmera peut-être,
21:31mais que soit proposé une nouvelle constitution, donc un nouveau texte avec de nouvelles institutions
21:36et qui nous emmène dans un univers qu'on ne connaît pas aujourd'hui, mais qui serait adopté
21:40par référendum. Et dans ce cas-là, Emmanuel Macron a parfaitement le droit de convoquer un référendum
21:45qui serait constitutionnel, en fait, et de proposer une nouvelle constitution.
21:49Oui, absolument. Alors, ça ne serait pas fait en deux temps, en trois mouvements,
21:55parce qu'il faut un petit peu de temps pour rédiger une constitution. Mais la constitution,
21:59c'est la règle fondamentale que le peuple français a choisie. Il pourrait très bien en choisir un autre.
22:05Donc, il n'y a pas de règle pour réformer la constitution. Il faut qu'il y ait une majorité
22:09de Français qui soit d'accord avec ça et qui adopte la nouvelle constitution. Mais donc,
22:13ça s'organiserait. Ça serait un geste absolument gaullien de la part d'Emmanuel Macron pour marquer
22:18l'histoire politique française. Déjà, il faudrait qu'il la rédige, qu'il la soumette au vote et
22:22qu'il gagne ce vote. On va terminer avec la question d'Ephraim qui nous demande,
22:27cette crise politique pourrait-elle pousser le Président à déclencher l'article 16 de la
22:31Constitution ? On va voir avec vous, Fleur Jourdain, quel est cet article 16 et en tout cas,
22:35qu'est-ce qui pourrait l'en empêcher ? Je ne pense pas que les conditions de l'article 16 soient
22:42réunies. Il faut que l'indépendance de la nation, l'intégrité du territoire ou l'exécution des
22:48engagements internationaux soient menacées d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement
22:53régulier du pouvoir public constitutionnel soit interrompu. Et c'est dans ce cas-là seulement
22:56que le Président peut s'arroger les pleins pouvoirs et déclencher cet article 16. Donc,
23:04ça a été fait, comme vous l'avez rappelé, une fois et même là...
23:06Qui est trop long en m'en mêlant les pinceaux, mais donc, c'est bien de ses pleins pouvoirs
23:09d'être en part là ! Exactement, et même là, certains constitutionnalistes ont contesté le
23:14fait que les conditions aient été vraiment réunies. Là, on est vraiment dans une situation de crise
23:19extrêmement grave avec un péril qui viendrait de l'extérieur. Ce n'est pas pour ça que cet article
23:2416 a été pensé, non. On ne peut pas imaginer qu'un dysfonctionnement, un ralentissement de nos
23:29institutions et de l'Assemblée constituent une menace grave de nature à mettre en péril notre
23:34État et donc à déclencher l'article 16. D'autant plus que ce serait le résultat d'un vote et
23:40de l'expression de la légitimité populaire et du vote. Donc, ce n'est pas un dysfonctionnement.
23:44Eh bien, justement, on votera le 30 juin et le 7 juillet. Merci à vous deux d'avoir éclairé
23:51nos lanternes. Je vous remercie Fleur Jourdans, avocate, d'avoir répondu aux questions des
23:55auditeurs et des internautes de BFM Radio. Merci Yvan Valériot et merci Yanis d'avoir fait remonter
24:00ainsi toutes ces questions et d'avoir permis toutes ces réponses autour de la situation
24:03politique du pays. 9h39 sur BFM Radio.