• il y a 6 mois
Nous sommes le Jeudi 25 avril 1974, la nuit tombe sur Lisbonne au moment où une chanson, la “Grândola vila morena”, retentit sur les ondes de la radio. C’est un signal : elle vient déclencher une révolution qui en quelques heures mettra fin au régime salazariste qui depuis 1926 gouverne le Portugal. Cette révolution, sans effusion de sang, fut la dernière d’Europe occidentale. Etait-elle inéluctable ? Le régime, empêtré dans une terrible guerre de décolonisation était-il à bout de souffle ? Réponses avec notre invité Jean-Claude Rolinat !

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00:14de vos chaînes.
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00:36Bonjour à tous, nous sommes le jeudi 25 avril 1974, la nuit tombe sur Lisbonne au moment
01:04où une chanson, la Grandola Villa Morena, retentit sur les ondes de la radio.
01:08C'est un signal.
01:09Elle vient de déclencher une révolution qui en quelques heures mettra fin au régime
01:13salazariste qui depuis 1926 gouverne le Portugal.
01:17Cette révolution sans effusion de sang qui fut la dernière d'Europe occidentale était-elle
01:22inéluctable ? Le régime empêtré dans une terrible guerre de décolonisation était-il
01:27à bout de souffle ? Réponse avec notre invité Jean-Claude Rollina.
01:30Jean-Claude Rollina, bonjour.
01:31Bonjour Guillaume.
01:32Vous étiez là la semaine dernière pour nous parler de la Grèce, donc vous revenez
01:36cette fois-ci pour nous parler du Portugal.
01:38Alors je vous représente pour les téléspectateurs qui n'ont pas regardé la lettre.
01:41J'ai mon grande serviette.
01:42Votre grande serviette.
01:43Donc vous êtes écrivain, reporter, grand voyageur, devant l'éternel.
01:47Alors je ne vais pas citer tous vos ouvrages mais uniquement ceux pour lesquels je vous
01:51ai reçus.
01:52Donc déjà paru à l'audition de l'encre Eva Evita Perón, la reine sans couronne des
01:58Descaminados, paru en 2020, également un dictionnaire des états éphémères où disparu
02:05de 1900 à nos jours en 2020, paru chez Dualpha où c'est drôle d'état grand comme un
02:11mouchoir de poche, 2021 toujours chez Dualpha et puis tout dernièrement un savoureux guide
02:17touristique et géopolitique des pays imaginaires de la bande dessinée en 2022 encore et toujours
02:24chez Dualpha et puis je rappelle, ça c'était l'émission de la semaine dernière, les
02:30cahiers d'histoire du nationalisme chez Synthèse Nationale, le septennat des colonels.
02:35Mais aujourd'hui nous allons parler du Portugal.
02:39Nous sommes en 1974, Salazar est mort depuis 4 ans et c'est Marcelo Caetano qui lui succède.
02:48Alors comment d'abord se passe le salazarisme sans Salazar ?
02:52Oui c'est comme le gaullisme sans De Gaulle, c'est la continuité sans changement.
02:59Le professeur Marcelo Caetano a été sollicité effectivement, bon c'est un juriste, il a
03:08été sollicité pour remplacer Salazar, victime dans un premier temps d'un AVC, donc comme
03:15vous l'avez dit, il est arrivé au pouvoir en 1926 et il l'a quitté en 1968.
03:23C'est lui qui est l'initiateur de ce qui a été appelé l'Estado Novo qui stabilisait
03:28enfin le Portugal après moult péripéties historiques puisque la monarchie a été renversée
03:36et la république proclamée dans la violence d'un certain côté en 1910 et donc il y a
03:42eu des crises financières successives, le Portugal était évidemment un pays qui partait
03:48à volo.
03:49Et Salazar, professeur d'économie émérite, a été appelé par les militaires qui cherchaient
03:59un homme pour sauver la situation et effectivement il a été l'homme qui a rétabli les finances
04:04du Portugal à un prix évidemment peut-être élevé, à savoir que la démocratie classique
04:11telle que nous la connaissons a été mise entre parenthèses pendant une trentaine d'années.
04:14– D'ailleurs je vous interromps à propos de Salazar que vous avez édité, toujours
04:18chez Santé Nationale, Salazar le regrettait, je ne l'ai pas cité dans mon introduction.
04:23– Oui, contrairement à ce qu'on pourrait penser aujourd'hui, Salazar était haï.
04:28Il n'était pas peut-être haï par certains mais il a été regretté puisqu'il y a eu
04:33il y a une dizaine d'années un sondage effectué par la radio-télévision portugaise et par
04:38la BBC, à 41% les gens sollicités ont dit que le plus grand homme du Portugal avec
04:47Vasco de Gama c'était Olivera Salazar et pire ou mieux Otelo de Carvalho dont on parlera
04:53tout à l'heure qui était au centre du coup d'État renversant le régime caïtaniste
05:00et bien a reconnu qu'à l'époque, il y a une dizaine d'années, il fallait un
05:05homme comme Salazar pour rétablir le pays, j'avoue que c'est le clin d'œil du vice
05:12à la vertu.
05:13– Donc avec Caetano, ça continue sur la même lancée ou on sent que ça commence
05:16à patiner ?
05:17– Ça patine parce qu'il y a quand même un parti politique qui existe qui s'appelle
05:21l'Union Nationale qui est un petit peu l'équivalent du Movimiento Nacional en Espagne, l'Union
05:27Nationale, il y a des jeunes turcs qui commencent à trouver que c'est vieillissant, c'est
05:35moisi, il faudrait donner de l'air, ouvrir des portes pour qu'il y ait une possibilité
05:40d'expression offerte au peuple, parce qu'évidemment le parti unique, quand il y a des élections,
05:46vous n'avez pas grand choix, c'est l'Union Nationale qui troste tous les sièges de l'Assemblée
05:51Nationale, en plus c'est un régime corporatiste donc vous avez une chambre bisse qui représente
05:56elle les métiers, le patronat, le salariat etc. puisque là on est dans une doctrine
06:01de condamnation de la lutte des classes, donc si vous voulez on a des branches verticales,
06:06le salariat comme le patronat c'est par branches et non pas l'affrontement classique
06:12que nous connaissons entre les pseudo-opprimés et les pseudo-possédants, voilà.
06:18– Et économiquement parlant le Portugal s'en tire comment dans ces années 70 ?
06:22– Tant bien que mal, il est séché par les guerres coloniales, c'est ce qui va l'emporter
06:28d'ailleurs, nous y viendrons.
06:29– Parce que c'est une exception portugaise.
06:31– Ah c'est l'exception européenne ?
06:33– Son importance dans l'événement ce sont les colonies, alors que tous les autres
06:37pays européens, le Portugal lui possède encore l'Angola, le Mozambique…
06:43– La Guinée, la Guinée-Bissau, Timor en Indonésie, il avait Goa en Inde qui est tombée,
06:51qui a été annexée par Nehru, brutalement, vous voyez c'est un vaste empire, ce ne sont pas des reliefs.
06:59– Donc c'est la dernière grande puissance coloniale.
07:01– C'est la dernière grande puissance coloniale, les Belges ont renoncé au Congo, la France
07:04a perdu l'Algérie, la OEF et la EF, les Britanniques eux ont substitué à leurs colonies
07:11ou à leurs gouvernements indirects le Commonwealth, mais qui n'est qu'une communauté aux liens
07:16très lâches, donc si vous voulez, les Pays-Bas on n'en parle plus, ils ont juste quelques
07:20îles aux Antilles, donc c'est fini, le Portugal est le dernier à résister, et il est membre
07:27de l'OTAN, et il est soutenu du bout des doigts par l'OTAN, alors bien sûr les Italiens
07:33lui livrent des avions FIAT G91, les Français livrent aussi des automobiles blindées AML
07:40Panhard etc., bon mais il n'y a pas de soutien idéologique, le colonialisme portugais n'est
07:50pas en odeur de sainteté au sein de la communauté économique européenne, ce n'était pas
07:55encore le cas, et ni au sein de l'Alliance Atlantique dont il est membre.
07:59Et donc la grosse épine coloniale, enfin la grosse épine c'est l'Angola, c'est le point
08:04chaud ? Alors le problème c'est que dans les trois
08:07principales colonies portugais, Guinée-Guisao, où il y a le PIJC d'Alvaro Cabral, le parti
08:14africain de l'indépendance de la Guinée du Cap-Vert, là inflige des pertes sévères
08:20à l'armée portugaise. En Angola, vous avez trois mouvements, vous
08:25avez le mouvement populaire angolais d'Agostino Netto, vous avez le FNLA, Front National de
08:32Libération de l'Angola de Robert Walden, et vous avez l'UNITA de Jonas Savimbi qui
08:37continuera la lutte, lui, contre le pouvoir indépendant angolais, qui sera d'ailleurs
08:41soutenu par la France, les Etats-Unis et le Zaire, et vous avez donc ces trois forces
08:45politiques en Angola qui ont des maquis, coriaces, et qui infligent des pertes assez
08:51lourdes à l'armée portugaise. Et ça, ça commence quand la rébellion ?
08:53Alors en 1961, ça démarre en 1961, c'est terrible, ça démarre dans le sang, c'est
08:59le FNLA qui avait succédé à l'UPA, Union des Populations Angolaises, dans le nord de
09:06l'Angola, ce sont des populations bas-Congo, les mêmes qu'au Congo belge, et les mêmes
09:11d'ailleurs qu'au Congo Brazza, tout autour du fleuve Congo qui se jette là, que Mobutu
09:18appelait Zaire, un ancien nom récupéré au portugais. Alors autour de cette embouchure
09:26du Congo, vous avez les bas-Congo, et les bas-Congo du côté de l'Angola vont se révéler
09:31de farouches assassins, puisqu'ils vont massacrer des colons, et ils vont massacrer sans discernement
09:39d'ailleurs des noirs et des blancs, mais dans des conditions horribles. Je me souviens,
09:45moi j'étais encore jeune à l'époque, l'ambassade du Portugal avait diffusé, ce
09:50que n'a pas fait Israël d'ailleurs, à tort pour lui, avait diffusé une brochure
09:54avec les photos, avec les photos, et là, je veux dire, il faut s'accrocher pour les
10:00voir.
10:01Ce qui avait été fait par l'ami Roger Hollandre au sujet de l'égalité de l'idée.
10:04qui a été, lui, grand reporter. Eh bien, évidemment, ça a suscité l'horreur. C'est
10:09du même topo que ce que les félagres du FLN, au début, ont fait en Algérie. Donc,
10:15ça soude, si vous voulez, et Salazar était encore au pouvoir, ça soude les Portugais,
10:19dans un premier temps, comme pour la France. La France était pro-Algérie-France à son
10:24départ.
10:25On est dans un scénario d'Algérie-Bisse.
10:26On est dans un scénario d'Algérie-Bisse, tout à fait, en ce qui concerne l'Angola.
10:29Je termine le Mozambique. Au Mozambique, vous avez le Frélimo, front de libération
10:33du Mozambique, à la tête duquel est Samora Machel, qui mourra d'ailleurs dans un étrange
10:38accident aérien, beaucoup plus tard, du côté de l'Afrique du Sud. Alors, le Frélimo,
10:43c'est pareil. Il occupe le tiers nord du Mozambique et il mène la vie dure aux troupes
10:48portugaises.
10:49Vous imaginez un pays de 9,5 millions d'habitants devant contrôler une vingtaine de millions
10:55d'habitants, répartis sur des territoires qui sont X fois plus vastes que lui, avec
11:01une armée de seulement 200 000 hommes. Mais vous imaginez, 200 000 hommes pour 9 millions
11:06d'habitants. Et sur ces 200 000 hommes, 120 000 sont dans les colonies. Alors, sur ces
11:11120 000, il y a évidemment des troupes indigènes, des troupes autochtones, notamment en Guinée-Bissau.
11:15Et la Guinée-Bissau, politiquement, c'est là où le Portugal a du fil à retordre,
11:21mais c'est là où il aurait pu réussir, avec le général de Spinola. Nous y reviendrons.
11:26En Angola, les colons sont 500 000, excusez du peu. 500 000 colons pour 4-5 millions d'habitants.
11:33C'est énorme. Et ils regardent du côté de la Rhodesie. Ils voient que la Rhodesie
11:37blanche, elle survit. Ils regardent du côté de ce qui s'appelait l'Union sud-africaine,
11:41qui connaissait le régime d'Apartheid, où les blancs étaient au sommet de la pyramide.
11:44Ça leur donne des idées. Et ils ont certains militaires qui sont pour eux. Donc, Algérie-Bisse,
11:49effectivement, il y a des activistes, j'allais dire, pour Angola-Portugais. Et puis, le Mozambique.
11:56Alors, le Mozambique, là, les Européens sont beaucoup moins nombreux. Ils sont 100 000.
11:59Là, démographiquement, ils sont submergés. Donc, c'est la doctrine de Salazar, qui est
12:07maurassien. Il est très imprégné de Charles Maurras. Le Portugal connaît un régime politique,
12:14je l'ai dit tout à l'heure, à caractère autoritaire, anticommuniste, profondément
12:18catholique et corporatiste. Et il exalte, comme les colonels grecs voulaient exalter
12:24la grandeur de la Grèce antique, il exalte la lusitanité, la grandeur de ce Portugal,
12:29qui a quand même été le premier. Il faut bien le reconnaître. Ce tout petit pays,
12:34ce bout de rectangle au bout de la péninsule ibérique, a été le grand découvreur du
12:39monde. Vasco de Gama, Magellan. Bon, le Brésil. Le Brésil a été portugais. Au Brésil,
12:46on parle portugais. Ils ont été jusqu'à Timor, en Indonésie. En Inde, ils avaient
12:53des comptoirs comme nous. Et eux, ils ont essayé de les garder jusqu'au bout. Et Salazar
12:59a refusé en 1961 de restituer Goaneru, qui a envoyé 30 000 soldats et qui a nettoyé
13:04évidemment la petite garnison portugaise en moins de 24 heures. Donc, si vous voulez,
13:08il y a un irridentisme. D'ailleurs, quelque part, c'est admirable, je dois dire, cette
13:14volonté de vouloir conserver l'Empire. Et alors, il y en a un, je l'ai évoqué
13:19tout à l'heure, c'est Spinola. Spinola est un général aux fêtes de la gloire.
13:24Il a été proconsul en Guinée-Bissau, la Guinée portugaise, qui est coincée quelque
13:29part vers le Sénégal, si on regarde une carte, vers la Sierra Leone, etc. Et là,
13:36il a eu du fil à retorner parce que le PIJC contrôle de vastes portions de territoires.
13:41Le PIJC va même jusqu'à proclamer l'indépendance avant l'indépendance formelle que lui attribueront
13:48les capitaines, les capitaines du mouvement des forces armées. Alors, Spinola, lui, a compris
13:53que ça ne pouvait pas rester comme ça et qu'il fallait faire monter l'indigénat. Parce que,
13:58dans la doctrine et la mentalité du Portugal salazariste, il y avait les colons portugais
14:04et puis il y avait l'indigénat. Et puis, quand il a senti qu'il y avait des élites
14:08qui sortaient des masses colonisées, on a créé le statut d'assimilados. Alors,
14:15les assimilados, en général, c'était soit des métis, soit des autochtones, qui arrivaient
14:20au statut plein et entier de citoyens portugais. Les autres restaient au statut de l'indigénat.
14:26Et donc, le général de Spinola, qui avait beaucoup étudié les lectures des officiers
14:33français en Algérie, qui regardait ce qui se passait en Vietnam, il avait une allure
14:43aristocratique. Il portait monocle et cravache sous l'aisselle, le stick à la manière britannique.
14:50Mais, malgré cette allure aristocratique, il avait compris que ça ne pouvait pas rester
14:54comme ça. Et donc, il avait essayé d'insuffler un nouveau discours. Et ce nouveau discours
15:01va trouver sa concrétisation par un livre qui va s'appeler Portugal e o futuro. Le Portugal
15:09et son avenir, qui sort justement en 1974, quelques temps avant le soulèvement des capitaines.
15:17Et ce livre va lui attirer les foudres du pouvoir de Marcelo Caetano, qui reste cramponné,
15:23lui, sur une vision statique de l'empire portugais. Il n'a pas senti que les choses évoluaient,
15:30et que les mouvements insurrectionnels étaient soutenus par les pays communistes, mais qu'ils
15:35bénéficient... – Oui, vous posez la question, ce sont tous des mouvements d'obéissance marxiste.
15:38– Ah, tous. Mais, alors, à part le FNLA. Le FNLA de Roberto Holden, lui, il était soutenu
15:43dans un premier temps par le Congo ex-Belge, lequel a été soutenu par les Américains.
15:48Donc, vous voyez, bon. Et l'UNITA angolaise était soutenue par les Chinois, alors que le MPLA
15:54d'Agostino Netto était soutenu par l'URSS, comme le frélimo de Samora Machel. Donc,
16:00la caractéristique de l'Angola, c'est que les mouvements insurrectionnels étaient partagés
16:05en trois influences politiques extérieures. Ce qui va, d'ailleurs, expliquer la suite
16:09de la vie politique de l'Angola. Alors, le général pond son livre. Il est de tradition
16:16que ses livres soient soumis à la censure. Et là, il n'est pas soumis à la censure.
16:20Il est publié, et il sort en librairie. Et alors, là, aux grandes dames du pouvoir
16:24officiel qui s'aperçoient qu'effectivement, ce livre est révolutionnaire. Et que se
16:29propose-t-il ? Que proposait le général Spinola ? Il proposait un coup de ripollinage
16:34sérieux sur l'empire portugais qui était vermouillé. Et il proposait une nouvelle
16:39communauté lusitanienne. À savoir que le Portugal, dans sa vision à lui, n'aurait été
16:44que l'une des provinces d'un empire portugais fédéral. L'Angola, le Mozambique, la Guinée
16:51auraient été des États au même titre que le Portugal. Et il y aurait eu un gouvernement
16:56spécifique pour chaque entité et un gouvernement fédéral. C'est ce que De Gaulle a tenté
17:00de faire d'ailleurs avec la communauté française qui n'a duré qu'un an. Il a lancé la communauté
17:06française en 59 et en 60, la plupart des pays africains accédaient à l'indépendance.
17:11Mais c'était une même inspiration. Et quel est le retentissement de ce livre
17:15dans la classe politique ou chez les militaires ?
17:17Ah, ben, il est énorme. Retentissement énorme et vent de panique chez les conservateurs.
17:23Mais l'armée était déjà travaillée depuis longtemps par de mauvaises lectures.
17:32Alors, cette armée portugaise s'écadre parce que les appelés, on ne leur demande pas leur avis.
17:36Il y a beaucoup d'appelés dans l'armée.
17:38Beaucoup d'appelés, oui.
17:39Donc, ils sont envoyés également en Angola.
17:41Ils sont envoyés en 4 ans. En 1973, on comptabilisait pour un pays de 9 millions d'habitants,
17:489 000 morts. 9 000 soldats portugais qui sont morts outre-mer. Ce n'est pas rien.
17:55Bon. Et évidemment, là aussi, on a envie de la quille.
17:59Dont beaucoup d'appelés.
18:00Dont beaucoup d'appelés. C'est vrai, qu'est-ce qu'il s'est passé en Algérie ?
18:05En Algérie, à part une minorité, les appelés étaient massivement pour leur tour.
18:09Bon. Et quand il y a eu le putsch d'Alger, les appelés massivement n'ont pas suivi.
18:13N'ont pas suivi.
18:13Bon. Donc là, ça se joint entre militaires de métier.
18:17Or, dans les militaires professionnels, il y avait les militaires de carrière, traditionnels.
18:22Bon. Pas forcément aristocratiques, issus des classes moyennes.
18:26Petites bourgeoisies qui s'élèvent.
18:28Et puis, on a fait appel parce que, contrairement à ce qu'on racontait aussi,
18:33on a dit que Saint-Lazare, il avait confisqué l'éducation, etc.
18:37Non, non. Ça s'était élargi. L'école arrivait dans les villages.
18:41Il y avait quand même de plus en plus de Portugais qui savaient lire et écrire
18:43et qui poursuivaient des études.
18:45Et donc, on a eu un vivier de jeunes officiers réservistes.
18:51Et comme le Portugal avait besoin d'hommes, il a mobilisé ces jeunes réservistes.
18:56Or, est arrivée, si vous voulez, une revendication à caractère corporatif.
19:01Le MFA, Mouvement des Forces Armées, au départ, c'était presque un syndicat militaire
19:05qui réclamait d'avoir une meilleure vie, un meilleur statut, un meilleur confort.
19:11Ça a d'abord été ça.
19:12Et puis, il y a eu quand même d'autres prémices sur les craquements de l'Empire.
19:17Avant même qu'il y ait les rébellions marxistes,
19:21vous avez eu, je l'ai évoqué, l'affaire de Goa.
19:24Déjà, une perte terrible, mais Saint-Lazare a voulu maintenir la fiction.
19:29Il a créé un gouverneur à général dans Goa, en exil, qui résidait au Portugal,
19:36car il n'a jamais reconnu l'annexion par Neyrou du Goa.
19:38Et puis, il y a eu une mutinerie, un paquebot, très beau paquebot, en 61.
19:43Le Santa Maria, le capitaine Enrique Galvão s'en est emparé avec ses partisans.
19:51Et ce paquebot de croisière est devenu, pendant une quinzaine de jours,
19:56la vitrine, si vous voulez, de la révolte contre le salazarisme.
20:01Et puis, il y a eu un soulèvement d'une garnison à Béja, une ville de Provence.
20:05Et puis, il y a eu un général, Monis, qui s'est lancé dans l'aventure d'un putsch tout seul, pour malheureux.
20:12Et puis, alors, cette revendication salariale.
20:15Donc, il y a un mécontentement. Si vous voulez, ça infuse.
20:19– Mais il y a toujours volonté de garder l'Empire, pour l'instant.
20:21– Officiellement, il y a une volonté de garder l'Empire.
20:23Et même les officiers, si vous voulez, qui sont sur le terrain, eux aussi,
20:28ils ont lu les lectures de leur père algérien,
20:32eux aussi ont compris qu'il fallait changer les choses, qu'il fallait faire une révolution.
20:38C'est-à-dire faire excéder la masse de l'indigène à un statut de citoyen.
20:47Mais cette armée va se diviser après, nous le verrons après.
20:51Après le coup d'État, elle va se diviser entre les marxistes et les anti-marxistes.
20:56Et c'est ces derniers qui l'emporteront.
20:57Donc, nous arrivons au coup d'État.
20:59– Et la population civile, elle, est-ce qu'elle est encore attachée à l'Empire ?
21:04– Ah oui, sentimentalement, la population est attachée à l'Empire.
21:08Seulement, plus les appelés reviennent dans des cercueils,
21:11moins cet attachement sera fort.
21:13– Est-ce que ça provoque également une vague d'immigration ?
21:18– Oui, alors la vague d'immigration, elle n'est pas spécialement...
21:21Oui, de deux ordres.
21:23Elle est économique, parce qu'effectivement,
21:27beaucoup de Portugais n'arrivent pas à gagner leur vie au Portugal,
21:31qui est un pays quand même pauvre.
21:33Il est naturellement pauvre, à part quelques industries, la pêche, etc.
21:38Tout le monde connaît la morue.
21:39Non, mais si vous voulez, soyons sérieux,
21:41ce n'est pas un pays qui a une économie florissante.
21:44Et Salazar y est peut-être pour un petit quelque chose.
21:47Contrairement à Franco, qui, lui, n'a pas hésité à industrialiser l'Espagne
21:52et à l'ouvrir grandement au tourisme,
21:54Salazar considérait, c'était un homme quand même d'un autre temps,
21:59admirable d'ailleurs comme théoricien, comme écrivain, comme penseur,
22:04mais en tant que gestionnaire, s'il a été bon dans un premier temps
22:08parce qu'il fallait absolument, si vous voulez, rétablir les finances,
22:12parce qu'il faut savoir que les scudos étaient une monnaie très cotée,
22:17eh bien Salazar, lui, considérait que le paysan pouvait avoir
22:22une paire de bœufs et quelques arpents de vignes
22:24et que ça lui suffisait pour vivre.
22:26Oui, mais c'était, nous étions déjà dans un autre temps.
22:30Donc, beaucoup de Portugais émigrent, et notamment en France,
22:33et je pense que, comme le cholestérol, il y a le bon et le mauvais,
22:37nous avons eu, avec les Portugais, une bonne immigration.
22:41Alors ces gens-là, certains, pour des raisons politiques,
22:44voulaient fuir le service militaire, c'est vrai, il y a eu des déserteurs.
22:47Bon, mais il y en a beaucoup aussi qui sont venus en France
22:50gagner leur pain pour s'acheter, après, la petite cacha au pays.
22:54Voilà, donc il y a ce phénomène.
22:56Et puis alors, je reviens dessus, j'insiste,
22:58ce mécontentement des militaires pour leurs soldes.
23:01Bon, et alors…
23:03– Donc, ça commence à… – Ben, ils parlent dans les popotes.
23:06– Ça commence à comploter, il y a des relais dans la société civile également.
23:09– Oui, il y a des relais.
23:10Et il y a aussi, au sein de l'Union Nationale, le parti unique,
23:14il y a une classe, une jeune classe de dirigeants
23:17qui veut accéder au pouvoir,
23:20or ce pouvoir est confisqué, quand même, par les anciens.
23:22Or, ces jeunes futurs, on va les retrouver
23:27dans les nouveaux partis politiques de droite, notamment au CDS, plus tard.
23:32– Plus tard, alors, là, nous sommes maintenant en 1974,
23:36vous pourriez nous parler de deux mouvements qui se dessinent,
23:39donc vous avez évoqué tout à l'heure le mouvement des forces armées,
23:41qu'est-ce que c'est exactement ?
23:43Et il y a également ce qu'on appelle le mouvement des capitaines.
23:45– Oui, alors c'est la même chose.
23:46– Non, mais attendez, c'est en deux temps.
23:50Le mouvement des capitaines, c'est, si vous voulez, c'est les popotes.
23:55Et quand ça va être structuré par des officiers supérieurs,
23:58ça s'appellera le MFA, le mouvement des forces armées.
24:00Et donc, il y a des réunions clandestines.
24:03– Oui.
24:04– Alors, je suis très étonné que la redoutable PIDE,
24:08la Police Internationale de Défense de l'État,
24:12qui était réputée pour être féroce,
24:14je suis très, très étonné qu'elle n'ait pas été au courant
24:17de ces conjurations, de ces complots, de ces murmures d'arrière-boutique,
24:21et qu'elle n'ait pas sonné le toxin auprès du pouvoir.
24:24Très étonnant, même étrange.
24:27Donc, je pense que le pouvoir politique était quand même sacrément vermoulu.
24:31Et le général Spinola a servi de vitrine aux jeunes capitaines.
24:37Alors, ce mouvement des capitaines,
24:39ça grenouille, ça fermante, ça se réunit,
24:41en Guinée, en Angola, au Mozambique, en métropole.
24:45Les communications, ça existe, on se téléphone, on s'écrit, etc., on se parle.
24:49Bon, et ça se structure.
24:52Et la cheville ouvrière, ça va être le major Otello de Carvalho,
24:56alors lui, résolument marxiste.
24:58Parce que là, l'armée, ce qui est quand même troublant,
25:01c'est que le communisme a réussi quand même
25:05à gangréner un certain nombre d'officiers, de cervelles d'officiers.
25:09Or, Álvaro Cuñal, qui est le premier secrétaire du parti communiste portugais,
25:12il est en exil.
25:13Donc, il a forcément des relais à l'intérieur du Portugal.
25:17Il y a des cellules dormantes, ou bavardes, qui essayent de convaincre.
25:23– Et donc, ce Carvalho, il y a une espèce d'alliance objective avec Spinola ?
25:28Comment ça se passe ?
25:29– On va se servir de Spinola comme d'une vitrine, la belle vitrine.
25:34Alors, dans un premier temps, donc, ça complote.
25:38Et en fin de compte, le MFA rédige un manifeste
25:41qui sera rendu public le jour du coup d'État.
25:44– Donc, le MFA devient un mouvement officiel ?
25:46– Ça va devenir officiel le jour de la révolution.
25:48– D'accord.
25:49– Il reste l'endestin.
25:51Ce mouvement des forces armées avec l'endestin,
25:53on l'appelle initialement au moment des capitaines, pourquoi ?
25:55Parce que ça a d'abord été des officiers subalternes.
25:57Les lieutenants, sous-lieutenants, capitaines, majors,
26:00les colonels et généraux viendront qu'après.
26:04À part que vous aviez quand même,
26:06quand Salvesc a été président provisoire, était coco,
26:09bon, il y a eu aussi des officiers qui étaient supérieurs,
26:14gangrénés par le communisme, mais minoritaires, minoritaires.
26:17Et puis, vous aviez aussi des officiers comme le général Cosa de Arriaga
26:20qui, eux, alors là, étaient radicalement hostiles.
26:23Bon, là aussi, il y a un clivage.
26:25Bon, mais en général, l'armée, une armée, en général,
26:28elle est, pour l'ordre, elle est plutôt à droite.
26:30Bon, en général.
26:32Bon, il y a des exceptions.
26:34Et là, il y a eu une exception au Portugal.
26:36Alors, ces officiers, donc, se structurent, s'organisent.
26:40Et, comme vous l'avez dit tout à l'heure,
26:42sur les ondes d'une radio, Radio Renascença,
26:46on va entendre les premiers vers, les premières paroles d'une chanson
26:52d'un chanteur, si vous voulez, gauchiste, entre guillemets,
26:55qui s'appelait Afonso.
26:57Et c'est Gandola, Gandola, ville brune.
27:02Et quand, eux, les officiers qui étaient dans la combine,
27:08si vous voulez, entendent sur les ondes de Radio Renascença
27:12ces notes, ces premières paroles,
27:15ils savent que le putsch va être déclenché.
27:17Et, confirmation viendra d'une deuxième radio,
27:21une chaîne émettrice, bien sûr portugaise,
27:24qui va diffuser un disque qui était convenu,
27:29dont le titre, je l'ai oublié, j'ai oublié, j'ai oublié,
27:32et cette chanson s'appelait « Et après, l'adieu ».
27:36Alors, quand les officiers vont entendre,
27:37un, c'est un petit peu comme pendant la Deuxième Guerre mondiale,
27:41bon, ici Londres, là, c'est un petit peu le même genre.
27:44Donc, quand ils entendent Gandola Morena, Gandola ville brune,
27:48et qu'ils entendent la chanson « Et après, l'adieu »,
27:52c'est la sûreté, c'est le verrou, comme quoi il faut y aller.
27:56Alors, bon, ils ne sont pas nombreux, ils sont 5 000,
27:585 000 militaires vont converger sur Lisbonne.
28:02– C'est le 25 avril… – Dans la nuit.
28:06– Dans la nuit. – 25 avril 1974, dans la nuit.
28:08– On voit quand même que tout est bien préparé.
28:10– Tout est bien préparé, les unités sont repérées.
28:13Il y avait déjà eu une petite répétition qui avait raté.
28:17Le 5e régiment d'infanterie, lui, s'était mutiné tout seul,
28:21en avance, et trop tôt.
28:23Donc, là, ça avait mis la puce à l'oreille au pouvoir.
28:27Et ça a précipité probablement le mouvement,
28:30parce que le 5e est sorti de ses casernes
28:32quelques temps avant le mois d'avril.
28:34Et donc, 5 000 militaires de différents régiments,
28:39en métropole, convergent sur Lisbonne.
28:42Et alors, même scénario qu'en Grèce, évidemment,
28:45on s'empare des ministères,
28:47on s'empare de tout ce qui est radio, télécommunications,
28:51et on essaye de faire main basse sur le président du conseil
28:55et le président de la République, l'américal Americo Thomas.
28:57Or, dès qu'ils sont avertis qu'il se passe quelque chose d'anormal,
29:02qu'il y a un mouvement dans les garnisons,
29:04parce que quand même, elles téléphonent, ça fonctionne,
29:07ils vont se réfugier, l'un à la caserne du 2e lancier,
29:13l'amiral, qui est chef de l'État,
29:15le président de la République au Portugal,
29:17au Portugal Salazaris, n'a aucun pouvoir.
29:19C'est Vincent Riol ou René Coty,
29:22c'est l'inauguration des chrysanthèmes.
29:24Le vrai patron, c'est le président du conseil.
29:25Qui se réfugie à la caserne de Carlemont,
29:28place des Carmes à Lisbonne,
29:30caserne de la Garde nationale républicaine, la GNR,
29:33qui est réputée, elle, loyaliste ?
29:37Caetano, dans un premier temps, essaye de résister.
29:40Alors, il téléphone un peu partout,
29:42il ordonne à une frégate qui se trouve sur l'estuaire du Taj
29:46d'ouvrir le feu sur la Praça do Comercio,
29:48la grande place de Lisbonne,
29:50qui donne sur le fleuve,
29:52il lui ordonne d'ouvrir le feu
29:53parce que les incendiaux blindés rebelles sont là, concentrés,
29:57notamment des blindés français, de fabrication française.
30:00Et, bien entendu, la marine, pourtant réputée aristocrate,
30:04refuse de tirer sur des Portugais.
30:06Premier échec.
30:07L'aviation est mise dans le coup,
30:09aucun avion ne décolle,
30:10et, bien entendu, les garnisons africaines,
30:12qui n'attendaient que ça,
30:14s'emparent du pouvoir dans les différentes capitales,
30:19Bissau, Luanda, Lorenzo Marquez,
30:21et renversent, si nécessaire, les gouverneurs en place,
30:25ou le gouverneur en place,
30:27eh bien, écoutez, vire sa cutie sur place.
30:30Donc, l'affaire est quand même rondement menée.
30:33– Est-ce qu'il y a une résistance de la part de la police ?
30:36– Non.
30:38– La PIDE ?
30:38– La PIDE, c'est la seule, la PIDE va résister jusqu'au lendemain.
30:42Elle va ouvrir le feu et il y aura quelques morts,
30:44quelques victimes.
30:45Dès que la population apprend cette affaire,
30:48la radio, évidemment, l'inonde de messages,
30:53en disant que cette révolution est pacifique,
30:56qu'il ne faut pas répandre le sang portugais,
30:59que nous allons rétablir la démocratie, etc., etc.
31:03Et que, dans un deuxième temps,
31:05les militaires annonceront qu'en direction des mouvements insurgés
31:10de guerriers communistes et non communistes,
31:12que le Portugal va ouvrir des négociations
31:15pour mettre fin au colonialisme.
31:18Ça va beaucoup plus vite que ce que voulait faire le général de Spinola.
31:22Et alors, évidemment, pour asseoir leur pouvoir,
31:25ces officiers qui sont d'illustres inconnus cherchent une vitrine.
31:30Ils mettent le général Spinola,
31:32qui devait être plus ou moins quand même au courant de ce qui se tramait,
31:35il le nomme président provisoire de la République, ce qu'il accepte.
31:42Donc, la population est assez rassurée
31:46et les chancelleries européennes le sont aussi, d'un certain côté.
31:50Parce que, bon, une chante militaire,
31:52on a déjà vu le coup avec l'Espagne en 1936,
31:55on a vu le coup avec les Grecs,
31:57là, on voit le coup avec le Portugal.
32:00Ce n'est pas dans les traditions européennes.
32:02Bon, même s'il y a eu une exception algérie-française.
32:06Donc, ça rassure un petit peu les chancelleries européennes
32:08que le général de Spinola soit officiellement le patron.
32:11En réalité, il va servir d'homme de paille
32:14et il va être dépassé.
32:16C'est un ouvrage qui rêvait d'un commonwealth à la portugaise,
32:20d'une fédération lusitanienne.
32:23Les capitaines, enfin le majeur Otello Carvelo et tous ceux qui sont aux manettes,
32:29vont vite aller plus loin
32:30et entamer des négociations avec les différents mouvements de rébellion
32:34pour conduire aux indépendances.
32:35– Alors, je voudrais m'arrêter là.
32:38Donc, est-ce qu'on peut qualifier ça, on appelle une révolution,
32:41est-ce que c'est un coup d'État, est-ce que c'est un putsch
32:43ou est-ce que c'est une vraie révolution ?
32:44– Alors, techniquement, c'est un coup d'État.
32:49Le pouvoir politique est renversé par une jonque militaire.
32:53Bon, ça, c'est le prononciamento à la sud-américaine classique.
32:57En revanche, la suite est une vraie révolution.
33:01Parce que l'Estado Novo s'effondre,
33:03parce que les partis politiques traditionnels sont réhabilités
33:07et les communistes reviennent.
33:08Et Mario Soares et Álvaro Cuñal rappliquent.
33:11– Alors, est-ce que la population, dès le premier matin…
33:14– Elle suit.
33:15– La population suit, descend dans la rue,
33:16il y a une vraie fraternisation.
33:17– Elle descend dans la rue et pourquoi on l'appelle ?
33:18Oui, vous l'avez lâché le mot.
33:21Elle fraternise et les soldats fraternisent.
33:23Alors, les soldats sont surtout des appelés.
33:25– Je vais vous poser la question, pourquoi les œillets ?
33:27– C'est la fleur du moment, c'est la fleur du moment.
33:30Et donc, la population offre cette fleur aux soldats
33:33qui les mettent au bout du fusil.
33:35Si certains mettaient leur peau au bout du fusil,
33:37eux, ils mettent les œillets.
33:38Donc, c'est curieux.
33:40C'est essentiellement des garnisons non combattantes
33:44qui font le boulot en métropole.
33:46– Garnisons composées d'appelés principalement.
33:48– Principalement d'appelés.
33:50Alors, évidemment, certains revenaient des colonies,
33:53n'avaient pas envie d'y retourner.
33:54Et d'autres étaient appelés à y partir et n'avaient pas envie d'y aller.
33:57– Et dans toutes les villes du Portugal, ça se passe ?
33:59– Il y a eu des officiers qui ont été arrêtés quand même,
34:02qui ne voulaient pas suivre.
34:03Le Portugal, si vous voulez, sociologiquement,
34:07le Portugal du Nord est plus conservateur que le reste.
34:10Du côté de Porto, vous voyez, Porto, Braga, etc.
34:12Jusqu'à la Galice espagnole.
34:16Mais il y a des garnisons, oui, il y a eu des officiers
34:18qui ont été arrêtés par leur zone.
34:20Mais il n'y a pas eu d'effusion de sang,
34:21sauf la PIDE qui a résisté,
34:24enfin certains éléments de la PIDE qui ont résisté.
34:26Tous ceux qui gardaient les ministères ou la radio-télévision,
34:30que ce soit les GNR, Garde Nationale Républicaine,
34:32l'équivalent des gendarmes, ou des soldats,
34:34ou des policiers civils, ont fraternisé ou se sont rendus.
34:38Il n'y a pas eu de résistance du tout.
34:40Donc le régime, si vous voulez, était à bout de souffle,
34:44il était vermoulu.
34:46Ce qui a précipité sa chute,
34:48c'est vraiment de vouloir, à tout prix,
34:51conserver les colonies en l'état.
34:55Si la proposition de Spinola avait été lancée
34:59un paquet d'années avant,
35:01peut-être que, mais ça c'est de l'Ukrainie,
35:04on ne le sait pas.
35:05– On ne va pas le faire ici.
35:06Donc Spinola devient président de la République.
35:10– Président de la République, pas pour longtemps.
35:12– Pas pour longtemps, on va terminer là-dessus.
35:15Combien de temps il reste ?
35:16Quelques mois, je n'ai plus la date en tête.
35:18Il reste quelques mois, il va suivre l'amiral Américo Thomas,
35:24président de la République,
35:25et Marcello Caetano, président du conseil,
35:27qui sont mis dans un avion, direction Bader,
35:30et après Rio de Janeiro, en exil.
35:32Et le général Spinola va connaître le même dessin.
35:34– Le même dessin, parce qu'il y a un petit coup encore.
35:36– Ah ben c'est un coup de gauche là.
35:37C'est un coup de gauche,
35:39c'est les officiers de gauche qui serrent la vis.
35:42Et ils vont être, si vous voulez,
35:45de même que la Révolution dévore ses enfants,
35:47à leur tour, ils vont être purgés par des militaires de droite,
35:50notamment le général Ernest,
35:52qui sera lui confirmé par un vote populaire dans sa fonction.
35:56Et Ernest fait revenir Spinola, voilà.
35:58Bon et Spinola terminera ses jours,
36:01bon, avec évidemment quelques heures de gloire,
36:05mais sans aucun doute c'était,
36:07si vous me permettez la comparaison,
36:09indépendamment de ce qu'on peut penser du de Gaulle de l'Algérie,
36:12c'était Spinola un de Gaulle aux petits pieds.
36:14– Donc après Spinola, il y a un nouveau chef d'État qui est nommé, qui est élu.
36:18– Oui, alors le général Ramalho et Hanèche,
36:20dans un premier temps, n'est pas élu,
36:21mais il va solliciter les suffrages des Portugais,
36:23et il sera, lui, brillamment élu aux suffrages populaires, oui.
36:27– Donc là, on a plutôt, c'était plutôt un homme de droite, lui.
36:30– Alors oui, plutôt de droite,
36:32en réaction aux tentatives communistes de court-circuiter,
36:37de confisquer le pouvoir pour eux seuls, voilà.
36:40Là, il y a eu un coup d'arrêt sévère.
36:42– Bon, et puis après, la vie démocratique reprend ses droits.
36:44– Absolument.
36:45– Et on a le retour du personnel politique.
36:48– Oui, et oui, nous avons déjà évoqué, peut-être,
36:52Mario Soares, et puis tous les autres, voilà.
36:55Et un nouveau personnel politique,
36:57issu de l'Union Nationale, qui a été dissoute, bien entendu.
37:00Et là, qui va créer un parti de droite,
37:02qui s'appelle le CDS, Centre Démocratique et Social.
37:06Et un petit parti monarchiste aussi.
37:08– Il n'y a pas eu, le régime salazariste n'a pas été jugé par la suite,
37:12il n'y a pas eu de représailles, il n'y a pas eu d'épuration, il n'y a pas eu de…
37:14– Il n'y a pas eu de tribunal de Nuremberg, si vous voulez me le faire dire.
37:17– Non.
37:19Et au niveau des colonies, donc ?
37:20– Alors, au niveau des colonies, bah écoutez, ça c'est…
37:23Eh oui, avec de hauts et des bas,
37:26parce qu'il y a eu presque 800 000 retornados,
37:31c'est-à-dire les pieds noirs portugais, il faut bien le dire.
37:33Parce que très peu sont restés au Mozambique ou en Angola.
37:36En Guinée-Bissau, il n'y avait pratiquement pas de colons.
37:39Mais en Angola, je l'ai dit tout à l'heure, un demi-million, c'est pas rien.
37:42Bon, et là, évidemment, leur sort était aussi pénible
37:46que celui des pieds noirs dans l'Algérie, l'UFLN, pareil pour le Mozambique.
37:49Donc là, si vous voulez, c'est un échec, c'est un échec.
37:52Encore une fois, je le redis, si on avait écouté peut-être à temps…
37:57– Mais avec décis.
37:58– Avec décis, on referait le monde.
38:02– Exactement. Jean-Claude Ruminat, merci infiniment.
38:04Vous avez quelques projets de livres prochainement ?
38:08– Ah mais, j'ai dû vous le dire la dernière fois.
38:10– Mais on va le redire.
38:11– Il n'est pas encore sorti, mais il va sortir.
38:13C'est un bouquin qui s'appelle « Israël-Palestine, la mort aux trousses ».
38:19– Ça fait très itchcockien.
38:21– C'est très itchcockien, mais ce n'est pas coquin du tout.
38:25– C'était Passé-présent, l'émission historique de TVL,
38:30réalisée en partenariat avec la revue d'Histoire Européenne.
38:33Vous allez maintenant retrouver Christopher Lanne et sa petite histoire.
38:36Mais avant, n'oubliez pas de cliquer sur le pouce levé sous la vidéo
38:40et de vous abonner à notre chaîne YouTube.
38:42Merci et à bientôt.
38:44– Sous-titrage Société Radio-Canada
38:50
38:55Salut les amis, aujourd'hui, on va parler des mousquetaires.
38:59– Oui, c'est le seul accessoire que j'avais,
39:01et puis en plus, c'est marqué 1830, donc c'est même pas bon.
39:05Quand je dis les mousquetaires, je ne veux pas parler de l'image
39:07qui a été brodée par la littérature,
39:09mais bien sûr de la véritable histoire des mousquetaires.
39:12Qui étaient-ils ?
39:12Des gens qui arpentaient les rues,
39:14tiraient l'épée pour défendre une jolie dame ?
39:16Non. Enfin, peut-être, mais j'en sais rien.
39:18Comme l'explique l'historien René Masson,
39:20les mousquetaires étaient avant tout voués pour la guerre de siège
39:23et utilisés en tant que police politique.
39:25Sûr, c'est moins romantique.
39:26À l'origine, un mousquetaire est tout simplement un soldat qui porte un mousquet.
39:30Le mousquet, c'est une arme qui a succédé à l'arc-buse,
39:33il est donc un fantassin tout à fait banal.
39:35Mais c'est en France que le mot va prendre un sens tout à fait différent,
39:37à partir de 1620, sous le règne de Louis XIII.
39:40À l'époque, les rois possédaient une petite armée personnelle
39:42qu'on appelait la maison du roi et qui faisait partie du personnel de maison.
39:46Cette maison du roi comprenait plusieurs compagnies
39:48et chaque roi avait pour coutume d'y ajouter la sienne.
39:51En 1622, Louis XIII crée donc une compagnie de mousquetaires
39:55à partir de carabiniers montés légers.
39:57Ils sont armés d'un mousquet et sont à cheval,
39:59ils ont donc une double nature et peuvent combattre à cheval comme à pied.
40:03Au début, ils servent d'escorte et accompagnent le souverain à la chasse,
40:06donc dans son intimité.
40:07C'est alors une unité à la mode
40:09qui permet l'ascension sociale et la reconnaissance sociale.
40:12Contrairement à beaucoup d'autres compagnies qui sont habillées n'importe comment
40:15et comme ils peuvent, ils sont vêtus d'un véritable uniforme
40:18qui les distingue des autres.
40:19Ils ont une identité forte et accompagnent la théâtralisation de l'état
40:23qui monte en puissance.
40:24Si on a une image des mousquetaires comme étant des hommes du sud-ouest,
40:27c'est tout simplement parce que les premiers capitaines,
40:29issus de la petite noblesse, étaient issus de cette région, Gascogne-Béarnes.
40:33Ils ont donc recruté des gens qui étaient proches de leur entourage.
40:36Le sud-ouest était donc un vivier de choix pour cette unité
40:38car la petite noblesse du sud-ouest avait une tradition batailleuse.
40:42On le voit encore aujourd'hui les gens du sud-ouest,
40:43je suis sûr qu'il y en a qui nous regardent.
40:44Cherche la merde ! Cherche la merde !
40:45Toujours des problèmes avec eux.
40:46Sous Louis XIV, le recrutement s'étendra à l'entièreté du royaume.
41:29Des guerriers voués à la guerre de siège et notamment à se lancer à l'assaut des brèches.
41:33Une tâche extrêmement périlleuse, comme vous vous en doutez,
41:36ben oui, vous vous en doutez, je le savais,
41:38et qui va occasionner de nombreuses pertes.
41:40L'unité des mousquetaires est alors non pas une garde impériale comme sous Napoléon,
41:44qui reste en arrière et qui intervient dans les moments décisifs,
41:47mais le fer de lance de l'armée.
41:48Les mousquetaires sont en pointe et ils s'élancent au devant de toute l'armée.
41:52Leur combat est d'une grande violence et d'ailleurs,
41:54parmi les nombreuses pertes, on peut compter d'Artagnan,
41:56qui a été fracassé par un boulet au siège de Maastricht.
41:59D'ailleurs, cette spécificité pour la guerre de siège va beaucoup servir à l'U14,
42:03car on connaît le règne de l'U14 et le nombre incroyable de sièges que le roi a menés.
42:08Vous voyez déjà le problème se présenter ?
42:10Perte élevée dans la petite noblesse ?
42:12On ne va pas laisser sacrifier un réservoir de cette qualité.
42:14On va alors créer très vite la compagnie des grenadiers à cheval
42:17pour servir de tampon entre les mousquetaires et l'ennemi.
42:20C'est à la fin du règne de l'U14, évidemment,
42:23que les mousquetaires sont à l'apogée de leur gloire.
42:25En plus de cette fonction de guerrier d'élite vouée à la guerre de siège,
42:29les mousquetaires revêtent également une fonction de police politique,
42:32comme on l'a dit au début.
42:32Eh oui, on l'a dit au début, mais il fallait écouter.
42:35Dès le U13, ils constituent une véritable haute police
42:37à laquelle on confie des missions spéciales et délicates
42:40et qui ont toute la confiance du roi.
42:42Cette fonction va prendre une plus grande ampleur encore sous l'U14,
42:45et c'est d'ailleurs les mousquetaires, dirigés par d'Artagnan,
42:48qui iront arrêter Nicolas Fouquet, si vous connaissez l'épisode.
42:50Ils sont le bras armé du pouvoir de l'État,
42:53une arme implacable qui ferait saliver Manuel Valls.
42:56D'ailleurs, je sais qu'il nous regarde, Manu.
42:58Sous le règne de l'U15, ils deviennent rapidement une simple unité de cavalerie,
43:02et d'ailleurs, à la bataille de Fontenoy,
43:04la célèbre bataille où on aurait crié
43:06« Tirez les premiers, messieurs les Anglais ! »,
43:08les mousquetaires chargent comme n'importe quelle unité de cavalerie.
43:12Le Grand Théâtre Équestre crée ou qui du foot vous envoie son salut.
43:19Tu n'as rien pour te battre.
43:20Non, pas l'égalité.
43:22Et j'ai juste une épée.
43:24Alors, viens nous chercher !
43:38Fontaines de grenades, castagnettes et galots,
43:42je rêve que l'eau jaillisse sous le pas des chapeaux.
43:52Ils sont dissous en 1775 par le ministre de la guerre de l'époque, le comte de Saint-Germain.
43:58Il faut dire qu'il coûtait très cher,
44:00et qu'on a préféré, avec cet argent, créer plusieurs unités de cavalerie
44:04plutôt qu'une unité de cavalerie d'élite,
44:06qui, en plus, ne servait plus beaucoup à l'heure où la quantité allait progressivement diminuer,
44:10et qu'on a préféré, avec cet argent, créer plusieurs unités de cavalerie
44:13plutôt qu'une unité de cavalerie d'élite,
44:15qui, en plus, ne servait plus beaucoup à l'heure où la quantité allait progressivement diminuer,
44:19et qu'on a préféré, avec cet argent, créer plusieurs unités de cavalerie
44:23plutôt qu'une unité de cavalerie d'élite,
44:25qui, en plus, ne servait plus beaucoup à l'heure où la quantité allait progressivement prendre le pas sur la qualité.
44:31L'unité va être restaurée très brièvement en 1814 sous la restauration de l'huile 18,
44:36mais l'expérience va se montrer de peu d'intérêt,
44:38tout comme le règne de l'huile 18, d'ailleurs.
44:40Allez !
44:41Mais alors pourquoi l'image que nous avons des mousquetaires,
44:43guerriers de siège, polices politiques,
44:45est-elle à l'extrême opposée de la littérature qu'on nous a brodée ?
44:48En 1850, Alexandre Dumas va publier dans la presse toute une série de feuilletons qui vont avoir un grand succès.
44:53Le problème, c'est qu'ils se basent sur des faux-mémoires de d'Artagnan.
44:56Ces faux-mémoires ont été publiées en 1701 par Gassien de Courtille de Sandras,
45:01qui s'est basé sur des notes de d'Artagnan, mais les a considérablement embellies.
45:05Malgré tout, comme je l'ai dit, ces feuilletons auront un grand succès,
45:08parce que tout le monde se reconnaissait dans les aventures de d'Artagnan.
45:11De plus, à l'époque où le souvenir de l'épopée impériale était encore très vif,
45:14vous vous doutez bien que l'imaginaire a fait son travail.
45:17L'antique, évidemment, saupoudrera le tout.
45:19Ainsi, derrière le panache légendaire des mousquetaires,
45:21il y a en réalité des bons vieux grognards de la Grande Armée.
45:24Et ça, c'est beau !
45:26Merci à tous d'avoir suivi ce nouvel épisode de La Petite Histoire.
45:29A bientôt pour de nouvelles aventures sur TV Liberté !
45:47Sous-titrage Société Radio-Canada

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