Dissolution de l'Assemblée en France : quel regard du côté des Etats-Unis ?
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00:00Mais avant tout, donc, traversons l'Atlantique, retrouvé comme chaque jour Mathieu Mavin à cette heure-ci.
00:05Bonjour Mathieu. La dissolution surprise d'Emmanuel Macron a aussi estomaqué les observateurs politiques américains ?
00:14Oui. Alors d'abord, si c'était vu comme une menace, effectivement, puisque c'est de cela qu'il s'agit et on va en parler,
00:20ce serait évidemment d'abord circonscrit au camp démocrate, bien entendu.
00:25Vous savez, l'erreur que commet souvent l'observateur européen et l'observateur français en particulier sur la politique américaine,
00:33c'est de penser que le parti démocrate serait en réalité l'équivalent de la gauche républicaine française,
00:39en quelque sorte le parti socialiste de François Mitterrand, pour faire simple.
00:43Alors qu'en réalité, prenons Joe Biden, par exemple, bien peu de choses en ferait un homme de gauche à Paris, vous en conviendrez.
00:51Alors bien sûr, il y a sa conception de l'utilisation qu'il faut faire de l'argent public pour relancer l'emploi, par exemple.
00:59En cela, on pourrait voir une influence mitterrandienne et si on compare la politique sociale mise en oeuvre par le général De Gaulle,
01:07qui n'était pas vraiment un homme de gauche, les mesures réclamées par Joe Biden sont très loin derrière.
01:13Et un président démocrate qui voudrait instaurer aux Etats-Unis la sécurité sociale à la française, par exemple,
01:19passerait pour un rêveur, voire un communiste.
01:21Chez les républicains, c'est pareil, la politique libérale menée par la dynastie des Bush, par exemple,
01:27est sans comparaison avec celle d'un Jacques Chirac ou d'un Nicolas Sarkozy,
01:31mais s'ajoutent à cela des différences majeures dans le fonctionnement même des deux démocraties.
01:37Prenons Donald Trump, par exemple.
01:39Quand il a découvert lors d'un voyage en France, peu après son élection,
01:42que le président français avait le pouvoir de dissoudre l'Assemblée nationale,
01:47qui est ici l'équivalent de la Chambre des représentants, il n'en croyait tout simplement pas ses oreilles.
01:52Trois choses fascinaient Donald Trump en France.
01:55Le défilé du 14 juillet, le fait que le président français puisse engager son armée sans l'autorisation du Parlement
02:01et, on l'a dit, le fait que le président français a le pouvoir de dissoudre l'Assemblée nationale.
02:07Ici, c'est plutôt l'inverse.
02:09Et Donald Trump en sait quelque chose puisqu'il a essuyé, durant son mandat,
02:12deux tentatives de destitution par le Congrès.
02:15Ici, donc, c'est plutôt le Congrès qui a le pouvoir de dissoudre le président, en quelque sorte.
02:20Et le président des États-Unis peut se trouver totalement paralysé
02:25s'il n'a pas une majorité franche dans les deux chambres.
02:28Joe Biden ne l'a jamais formulé, mais il sait que, par exemple,
02:32s'il avait possédé un outil comme le 49-3,
02:35l'Amérique disposerait probablement, enfin, d'une loi encadrant le droit à l'avortement
02:40et d'une autre interdisant, par exemple, ou encadrant strictement, la vente des armes à feu.
02:45Et tout cela pour ne citer que les deux grandes impasses
02:49qui ont marqué les mandats de tous les présidents démocrates de ce pays
02:53depuis le dernier quart du XXème siècle.
02:56Alors, oui, pour répondre directement à votre question,
02:59et parce que les principaux acteurs politiques américains
03:03n'ont pas toujours en tête les règles de la Constitution de la Vème République française,
03:07c'est le moins qu'on puisse dire,
03:09tout le monde tombe un peu de sa chaise aujourd'hui à Washington.
03:12Et selon qu'ils sont républicains ou démocrates,
03:15réagissent globalement et respectivement à la dissolution
03:19avec un sentiment de fascination pour le pouvoir conféré au président français
03:24ou d'effroi face, finalement, à la fragilité du Parlement français face à l'exécutif.
03:30Et pour finir, j'ai échangé hier avec un membre du Congrès
03:33qui me disait qu'heureusement que le président des États-Unis n'a pas ce pouvoir,
03:37celui de dissoudre, puisqu'au rythme où vont les choses ici,
03:41cela se traduirait par des dissolutions à répétition
03:45et donc par une impasse démocratique qui paralyserait le pays, finalement.
03:49La dissolution bien réalisée en France,
03:51qui s'accompagne d'une possible arrivée de l'extrême droite au pouvoir en France,
03:55Mathieu, est-ce vue comme une menace au pays de Donald Trump ?
04:00Alors, il y a évidemment autant de façons de voir les choses ici que de sensibilité politique.
04:07Côté démocrate d'abord, il y a d'abord un relatif sentiment de soulagement
04:13de ne pas voir de percées majeures de l'extrême droite à l'échelle européenne.
04:18Cela peut paraître paradoxal, mais c'est la réalité des chiffres.
04:21Mais bien sûr, le score du Rassemblement national inquiète l'entourage du président
04:26qui voit en la France et encore plus ces derniers temps son principal allié de votre côté de l'Atlantique.
04:32C'est bien la France qui a mené les principales batailles diplomatiques
04:35aux côtés de la Maison-Blanche et du département d'État ces dernières années
04:39et dans quelques dossiers majeurs comme l'Ukraine évidemment, ou Gaza,
04:43ou encore la posture face à la Chine.
04:46La perspective de voir le gouvernement aux mains de l'extrême droite est donc étudiée de près ici.
04:53Même si nous ne faisons pas d'illusions, l'intérêt de l'Amérique primera toujours à la fin.
05:00Côté républicain en revanche, la réaction la plus visible est probablement celle de Marjorie Taylor Greene,
05:06une figure de la droite ultra conservatrice américaine, véritable groupie de Donald Trump,
05:11qui elle, a tout simplement célébré le score du RN comme s'il s'agissait de sa propre victoire.
05:16Il ne fait concrètement aucun doute que Donald Trump s'accommoderait volontiers d'un Premier ministre français d'extrême droite.
05:23Même si là encore, la seule politique qui guide réellement un président américain,
05:28quelle que soit sa couleur, et Donald Trump en particulier, c'est America First.
05:33Mais le premier dossier auquel on pense est évidemment le dossier ukrainien.
05:38L'Ukraine, qui en cas de victoire de Donald Trump et avec une droite conservatrice forte en Europe,
05:44pourrait raisonnablement s'inquiéter tout simplement pour l'intégrité de son territoire et son existence en tant que nation.
05:50Ça promet tout ça. Merci beaucoup Mathieu Mabin en direct de Washington et à demain.