Disparition de Ben: la réaction de Robert Roux
Robert Roux, adjoint au maire de Nice
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00:00Ben Proch, c'est un moindre mot. C'est quelqu'un qui, au fil du temps, faisait partie de ma famille.
00:06C'est quelqu'un que je connais depuis, même pas le début des années 2000, depuis 1990.
00:12J'ai toujours fréquenté Ben. J'ai même fait des pièces avec lui.
00:17Je partageais son humour parce qu'il avait un humour décapant.
00:21Et c'est quelqu'un pour qui j'ai une admiration profonde.
00:25Ben est quelqu'un... D'abord, c'est un couple.
00:29Parce qu'on ne peut pas parler de Ben sans parler d'Annie et réciproquement.
00:34Annie, c'était sa conscience en même temps.
00:38C'est celle qui pouvait, de temps en temps, calmer ses excès, et Dieu sait s'il en avait.
00:43Il ne pouvait pas vivre sans Annie.
00:45Et si c'était lui qui est parti, je pense qu'Annie serait partie derrière.
00:49On ne pouvait pas envisager Ben sans Annie.
00:52J'ai signé Ben et Annie, la plupart de ses œuvres, parce que tout ce qu'ils faisaient,
00:56en en parlant à Annie, c'est un couple modèle.
01:01C'est quelque chose qui peut rester comme un exemple d'amour fou entre deux êtres.
01:07Et ils étaient complices. Ils riaient tous les deux.
01:10Ils s'engueulaient aussi de façon prodigieuse quand ils s'engueulaient.
01:14Et Dieu sait si j'étais souvent chez eux.
01:16Mais c'est un couple magnifique, merveilleux et complémentaire.
01:20Vous étiez avec ses proches à l'instant ?
01:23Écoutez, non seulement j'étais avec ses proches à l'instant, mais dimanche encore,
01:28j'étais avec lui dans sa deuxième antre qu'il avait tout à fait en haut dans son sol.
01:36C'est pas Dieu, c'est un ventière.
01:39Et il rigolait, il était en pleine forme.
01:42Il ne faut pas oublier ce qu'est Ben.
01:44Ben est bien sûr un artiste majeur du XXe siècle.
01:48Les gens ne s'en rendent pas toujours compte.
01:50Mais il est classé comme un artiste majeur du XXe siècle.
01:53Ben, c'est le fervent de l'école de Nice.
01:56Sans Ben, l'école de Nice n'aurait pas existé.
01:59C'est Ben qui les rassemblait.
02:01C'est Ben qui les faisait rire.
02:03C'est Ben qui les provoquait dans toutes les provocations qu'il a su faire.
02:07Ben était ce fervent.
02:09Et j'en parlais à un d'autre de mes amis intimes, qui était là dimanche soir,
02:14qui est Ernest Pignard.
02:16Et Ernest me dit que sans Ben, l'école de Nice n'aurait pas existé.
02:20Parce qu'elle est tellement composée de gens différents.
02:23Que vous ayez Vené d'un côté, que vous ayez de l'autre côté Yves Klein,
02:29que vous ayez Dola, que vous ayez tous ces gens-là.
02:31Ce sont tous des gens qui ont des styles différents.
02:34Ce qui les réunissait, c'était l'humour, c'était ce chef de bande qu'était Ben.
02:38Ben était un chef de bande.
02:40En plus de ça, Ben était un homme de paradoxe.
02:44Ben est quelqu'un qui a toujours écrit des textes,
02:48et Dieu sait s'ils étaient importants, sur l'ego.
02:50L'ego, l'ego, l'ego.
02:52Et pour moi qui le connais bien,
02:54c'est certainement l'artiste qui en a le moins.
02:56Qui a le moins d'ego.
02:58C'est le seul artiste que je connaisse qui,
03:00quand il fait une grande exposition,
03:02consacre la moitié de cette exposition à des autres artistes.
03:06Des artistes parfois qui ne sont pas connus.
03:09Des artistes qu'il a trouvés au Vioniste,
03:11des artistes qu'il a trouvés dans la rue,
03:13et d'autres qui sont très connus, comme Combas ou d'autres.
03:16Pour lui, le nom, la notoriété et le talent sont deux choses différentes.
03:21C'est quelque chose qu'on a beaucoup trop oublié dans le domaine de la culture.
03:25On mélange le talent et la notoriété.
03:28On peut avoir une immense notoriété sans avoir aucun talent.
03:32Et puis, on peut avoir beaucoup de talent,
03:35et ne pas avoir eu la chance d'avoir la notoriété.
03:37Ben y percevait ça.
03:39Et sa maison est tapissée de pièces du sol au plafond,
03:43de gens connus et d'autres moins connus.
03:46C'est pour moi un exemple.
03:48Quelqu'un qu'on aura du mal à remplacer.
03:51Je ne connais pas d'autres exemples que Ben, avec ce qu'il fait.
03:55Et là où je suis particulièrement heureux,
03:58quelque chose me rend heureux, voyez,
04:00c'est d'avoir insisté aussi lourdement que j'ai pu le faire,
04:04il y a un peu plus d'un an,
04:06pour que Ben investisse le musée d'art naïf.
04:09J'ai essuyé quelques belles critiques quand j'ai demandé cela.
04:14Et bien aujourd'hui, je suis ravi.
04:16C'est la plus belle exposition que Ben nous a proposée.
04:19Elle a fermé il y a 15 jours.
04:21Voyez le hasard des choses, si le hasard existe.
04:25Et c'est certainement le plus bel hommage qu'on ait rendu à Ben.
04:28Et je suis heureux qu'on lui ait rendu de son vivant.
04:31Les hommages posthumes, c'est quelque chose qui est assez pathétique.
04:36La plupart du temps, on se dit, pourquoi on ne lui a pas dit de son vivant ?
04:39Pourquoi on a attendu qu'il soit mort pour dire que c'était un grand homme ?
04:42Ben, bien lui, on lui a rendu hommage avec cette exposition magnifique,
04:48où on a multiplié quand même les entrées du musée d'art naïf
04:52de plus de 140 %, pour vous dire l'attrait que pouvait avoir Ben.
04:56Et cette exposition, de toutes celles que je connais,
04:59puisque j'ai eu la chance d'exposer avec lui ailleurs,
05:02c'est certainement l'exposition qui lui ressemblait le plus.
05:05C'est une perte terrible pour la ville de Nice et le Niçois ?
05:07C'est une énorme perte pour la ville de Nice.
05:10C'est une énorme perte parce que, non seulement il ne s'était pas enfermé, Ben, dans ses acquis,
05:15mais il continuait en permanence à créer, à provoquer,
05:20à faire ce qui est cet esprit de provocation niçois.
05:25L'esprit niçois, il est fait de provocation.
05:28Depuis Garibaldi, en passant par Catherine Ségurane, en passant ce que vous voulez,
05:32l'esprit niçois, c'est de la provocation.
05:35C'est ce qu'avait compris Ernest Pignard-Nès lorsqu'il a fait cette sculpture au port de Nice,
05:39en montrant ce gamin niçarte qui se coiffait par-dessus l'autorité de Nicaïa.
05:45C'est l'esprit niçois, et s'il y avait bien un artiste
05:48qui vraiment montrait cet esprit niçois, c'était Ben.