D’Interstellar au Bureau Des Légendes en passant par Yannick, Yuksek, producteur et compositeur de musiques de film a fait un tour chez le disquaire pour nous présenter les bandes originales auxquelles il a participé et qui l’ont marqué.
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00:00Si je devais penser à un film pour évoquer un peu ma carrière ou mon état d'esprit,
00:05je ne sais pas, le truc qui me vient, ça serait un truc avec Pierre Richard.
00:13La musique devait vraiment être l'obsession, filtrée, tripatouillée.
00:19Ça fait deux fois que je dis ça dans cette interview et ce mot est vraiment à chier.
00:30Hello, je suis Youksank et on va parler de musique de film.
00:43Rob, la B.O. du Bureau des Légendes, c'est un peu le premier compositeur que j'ai
01:08connu, que je connaissais parce qu'on a fait pas mal de tournées dans les mêmes
01:13festivals à une époque avec Phénix.
01:14Ça a été un peu un modèle, pas nécessairement dans la musique, mais dans le fait qu'un
01:21musicien puisse assez facilement faire un switch avec les musiques de film et le faire
01:25bien.
01:26Et j'adore ces compositions, le Bureau des Légendes, c'était plutôt une réussite
01:33en termes de série et puis ainsi que la musique.
01:38Et alors là, j'ai choisi un truc étonnant, la B.O. d'Interstellar par Hans Zimmer.
02:04Quand ce film est sorti, je composais un film pour une réalisatrice qui m'a dit
02:10il faut absolument que tu ailles voir ce film qui est fou et cette B.O. d'Hans Zimmer
02:14incroyable.
02:15Et moi, comme un bon connard de français un peu méprisant, tu sais pour un petit gars
02:21comme Hans Zimmer comme ça, je me suis dit non plus sérieusement, les trucs de Zimmer
02:25ne m'avaient jamais vraiment retourné et donc je l'ai vu plusieurs mois plus tard
02:28et en vrai, le film m'a bien plu et vraiment retourné.
02:33Et la B.O. que je trouve incroyable aussi, qui n'est pas une B.O. à thème classique,
02:40mais plus vraiment sur des textures et sur de la profondeur et un travail de son qui
02:44est incroyable et qui pour le coup m'a vraiment beaucoup plu et que je trouvais hyper novatrice.
02:48J'ai pris un disque qui est un groupe de B.O. de François de Roubaix.
03:06J'ai vraiment un truc sur les compositeurs français de plus ou moins cette époque.
03:12Evidemment, Francis Lay, Pierre Barou, qui a bossé avec lui sur au moins une B.O.,
03:19peut-être plus, mais qui raccroche pour moi aussi à des choses que j'adore comme la
03:23musique brésilienne, qui est un peu l'ambassadeur de ce genre de choses.
03:28J'ai passé toute une époque vraiment de musique à thème, où on n'avait pas peur
03:34d'avoir des musiques assez simples et qui véhiculent vraiment des émotions et qui
03:38ne faisaient pas peur.
03:40J'ai l'impression qu'il y a un truc maintenant un peu dans les B.O. de films où il y a presque
03:45une frilosité à aller chercher vraiment un thème.
03:58Je pense qu'il y a vraiment une école française de cette époque avec les noms que j'ai cités
04:01avant et puis après ce son, ces espèces de lignes de basse très claires et très
04:09musicales.
04:10À cette époque, il y avait vraiment un son français dans la musique de films et dans
04:13la musique en général.
04:14Ce disque, c'est un album d'Emmanuel Tsegué Mariam Gebrou, qui est une compositrice éthiopienne
04:32qui a passé plusieurs années dans un couvent et qui a composé ce magnifique disque qu'un
04:38ami m'a fait écouter il y a quelques années.
04:41C'est un album de piano, piano libre, incroyable, justement, entre musique un peu éthiopienne
04:50et truc plus classique, Chopin, c'est hyper particulier et le lien avec la musique de
04:57films, c'est que Quentin Dupieux l'a utilisé pour un de ses derniers films comme B.O. de
05:03Yannick.
05:05J'ai trouvé ça beau et surtout, je trouve que c'est ce rapport à la synchro, ce qu'on
05:12appelle la synchro, c'est-à-dire utiliser des morceaux existants dans les films, ce
05:16qui est toujours hyper dur pour les compositeurs d'arriver à trouver l'équilibre et puis
05:22surtout très frustrant parce que des fois, un réalisateur, à l'écriture de son film,
05:26a une musique en tête et veut absolument acheter ce morceau pour ce moment du film.
05:32Après, on compose tout le reste et moi, je trouve ça assez frustrant et ce que je
05:38trouve chouette finalement dans le truc de Oiseau sur ce film et sur cette B.O., c'est
05:42qu'il a vraiment utilisé un disque, je pense que c'est un disque qu'il doit adorer et
05:45qu'il l'a pris, il n'a pas cherché à faire d'autres accords, d'autres choses, raconter
05:49quelque chose d'autre.
05:50C'est vraiment ce disque comme B.O. du film.
06:03Comment t'as bossé sur le prochain film qui sort de Jonathan Miller, Les fantômes ?
06:08Pour Les fantômes, c'est plutôt chouette parce qu'on a réussi à faire un truc qui
06:14marche rarement, c'est d'avoir un concept sur la musique.
06:20Le pitch, en gros, c'est un Syrien qui fait partie d'une organisation un peu secrète
06:24qui cherche des bourreaux du régime dans l'Europe entière, mais ce n'est pas du
06:30tout un film d'action, c'est un film complètement psychologique et on est du début à la fin
06:34dans la tête de ce personnage et la musique devait vraiment être l'obsession, juste
06:42vraiment être tout le temps dans sa tête, du coup, sur la boucle, sur la répétition
06:46et en termes de texture, d'utiliser pas mal de classiques en fait, parce que les textures,
06:53la base est plutôt violon, piano et des trucs électroniques, mais utilisé vraiment comme
07:00des samples en fait, c'est-à-dire que je n'ai rien enregistré et donc de vraiment
07:03n'être que sur la répétition, filtré, tripatouillé, ça fait deux fois que je dis
07:08ça dans cette interview et ce mot est vraiment à chier.
07:12J'avais en tête, dès le départ de ce film, le morceau de coup de lame sur un prophète
07:16avec cet arpège qui est là du début à la fin, vraiment qui ne bouge pas et c'est
07:21un morceau qui m'a complètement, qui m'a pas mal marqué à l'époque.
07:26C'est pas une idée de composition, mais par contre vraiment cette répétition et
07:30le côté obsédant qui va avec l'obsession de ce personnage et sur des moments très
07:35calmes où elle est à peine perceptible et ça monte et son obsession devient de plus
07:39en plus maladive.
07:40Est-ce qu'il y a une de tes B.O. dont t'es particulièrement fier ?
07:43J'ai fait la B.O. d'un documentaire pour Arte réalisé par Yvonne Demarché qui s'appelle
07:47Gaïa Land et là j'ai beaucoup aimé, alors Yvonne, on travaille ensemble depuis hyper
07:53longtemps, j'ai fait les musiques de tous ses docus.
07:56J'adore son travail, j'ai adoré ce documentaire, le propos et puis la composition où là c'est
08:03un album vraiment électronique pour le coup et qui se rapproche pas mal de mon deuxième
08:08projet qui s'appelle Destino, que je sors sur Lumière Noire, le label de Chloé et
08:14donc vraiment purement électronique, parfois un peu ambiante, assez psyché, mais psyché
08:19électronique et donc ouais, j'aime vraiment beaucoup cette B.O.
08:26Et donc si tu devais choisir un dernier disque, ce serait quoi ?
08:37Je sais pas, peut-être parler de musique de librairie avec par exemple cette fantastique
08:43compilation de Télé Musique qui est un peu le label emblématique français de musique
08:48de librairie des années 70.
08:50C'est quoi la librairie ?
08:52La librairie, c'est ce qu'on pourrait appeler de manière péjorative et c'est comme ça
08:58qu'elle est un peu nommée, c'est la musique au maître.
09:00C'est-à-dire que c'est la musique qui n'est pas un album d'artiste, qui n'est pas une
09:05musique de film ou une musique de documentaire, mais qui est plutôt un album thématique
09:09sur un type de musique et qui était utilisé pas mal pour les radios, les télés, parfois
09:16des documentaires pour prendre des trucs.
09:19C'était des albums qui étaient musique, je sais pas, musique qui fait peur, musique
09:24pour la route.
09:25À l'époque, c'était des compositeurs connus et des albums qui sortaient dans le commerce
09:31en vinyle.
09:32C'était une vraie discipline de la musique.
09:34Quel est l'impact pour un musicien qui compose de l'image d'être invité à Cannes ?
09:49Là, en l'occurrence, pour Les Fantômes.
09:50C'est toujours hyper flatteur.
09:52C'est un travail d'équipe.
09:53Donc, à un moment que le film soit sélectionné dans une compétition comme Cannes, là, en
09:57plus, on n'est pas sur la sélection officielle, mais on est en ouverture de la semaine de
10:01La Critique, qui est quand même une place vraiment forte.
10:06En tout cas, c'est super cool pour moi d'y être et qu'au-delà du fait qu'il n'y ait
10:10pas de prix pour la musique à Cannes, c'est d'ailleurs un des seuls festivals de cinéma
10:15qui ne donne pas de prix pour ça.
10:19Mais l'ASSASEM est hyper active à Cannes.
10:22Elle organise beaucoup de rencontres entre les compositeurs.
10:25C'est ce que je trouve vraiment chouette.
10:26Elle aide aussi à financer, parce que par exemple, il y a plein de films qui n'ont pas
10:31forcément les budgets d'emmener toute une équipe.
10:33Et donc, l'ASSASEM prend en charge une partie des frais des compositeurs.
10:37Si je devais penser à un film pour évoquer un peu ma carrière ou mon état d'esprit,
10:46je ne sais pas, le truc qui me vient, ça serait un truc avec Pierre Richard.
10:49Les choses passent comme ça et moi, je me promène un peu d'histoire en histoire avec
10:55un truc assez, finalement, assez positif, je crois.
11:01Et c'est aussi ce que m'a apporté de faire de la musique de film et travailler avec des
11:06gens.
11:07C'est que dans le film, on se trouve souvent à une position, à un moment dur, c'est-à-dire
11:12la fin.
11:13Tout commence à se tendre et nous, on est là avec la musique, en fait.
11:18Et la bonne position de toute façon psychologique, c'est d'être cool, d'être positif, d'arriver
11:25avec des idées, de ne pas se braquer quand quelque chose ne va pas, de ne pas le prendre
11:28personnellement tout ça.
11:29Et en vrai, moi, ça m'a vraiment apporté quelque chose en tant qu'humain.
11:36Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org