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00:00La Routa, juger l'horreur, un reportage de Dana Alboz qui est avec nous sur ce plateau.
00:06Rebonsoir à vous Dana, merci à vous pour ce document à la fois édifiant et bouleversant.
00:12Je voudrais d'abord vous demander au terme de ce reportage, de ces mois de travail,
00:18votre sentiment peut-être plus personnel sur ce dossier.
00:22Qu'est-ce qui vous a touché, qu'est-ce qui vous a marqué ?
00:26Bien sûr, ça a été un travail extrêmement dur parce que le sujet est très sensible comme on l'a vu.
00:31Il y a aussi des images choquantes et donc ça a été un travail difficile aussi au niveau des émotions
00:38parce qu'en fait quand on est avec les témoins, quand on fait les interviews,
00:42c'est aussi en fait, ça nous touche nous, les journalistes qui sont derrière la caméra.
00:47Aussi, il y avait un moment extrêmement dur dans le tournage notamment avec notre témoin,
00:53la réfugiée syrienne, qu'on lui donne le prénom de Salwa,
00:58parce qu'en fait, elle craint encore la sécurité de ses parents qui sont encore en Syrie.
01:04La Syrie qui est dirigée par la famille d'Assad depuis les années 70.
01:09Donc oui, ça a été un moment extrêmement dur lors du tournage.
01:14On a dû arrêter plusieurs fois parce qu'elle raconte en détail ce qu'elle a vécu, ce qu'elle a ressenti.
01:21Et il y a aussi une sorte de frustration parce qu'elle a subi ses crimes, ses violations.
01:28Et elle me dit, en fait, moi la question qui persiste encore c'est que,
01:36est-ce qu'il viendra le jour où le régime syrien sera enfin jugé pour ses crimes présumés ?
01:42Patrick Baudon, justement, vous êtes avocat président de la Ligue des droits de l'homme.
01:48Bonsoir à vous, merci d'être avec nous sur ce plateau.
01:50Peut-être aussi votre réaction à la découverte de ce reportage et de ces témoignages
01:56qui sont aussi essentiels pour la justice ?
01:58Bien sûr.
02:00Juste en préambule, il se trouve que la semaine écoulée,
02:04j'étais avocat dans un procès qui a eu lieu à Paris
02:08et qui visait trois des plus hauts responsables des services de sécurité syriens,
02:15dont celui qui était à la tête du bureau de sécurité nationale,
02:19qui est vraiment l'organisme clé directement sous la coupe d'Assad.
02:25En tant qu'avocat, de même que Clémence Bechtard que je voyais là dans le reportage,
02:33on a vu beaucoup de dossiers.
02:36Je n'ai jamais vu un dossier d'horreur et de barbarie semblable.
02:42C'était vraiment le procès de la torture dans ce procès qui a eu lieu il y a quelques jours
02:48et dont il faut quand même se féliciter parce que c'est le premier procès
02:52qui est venu à son terme en France et qui a, en l'absence des accusés,
02:56ce que rappelait le procureur M. Ricard également dans votre reportage,
03:02mais qui a tout de même conduit à la réclusion criminelle à perpétuité.
03:06Je crois que c'est une avancée importante.
03:10Dans ce procès, on a pu voir un système de torture absolument systématisé
03:18avec une variété des moyens de torture utilisés incroyables
03:24et une sophistication dans l'horreur.
03:28Avec des corps qui, puisque beaucoup disparaissaient sous la torture,
03:34les corps n'étaient pas rendus, ils n'ont pas été rendus aux familles.
03:38Il y a des certificats de décès très douteux d'ailleurs qui ont été donnés tardivement.
03:42Vraiment l'horreur.
03:44Dans ce qu'on vient de voir sur la Gouta, on retrouve,
03:48je dirais évidemment c'est abominable d'ailleurs,
03:52on avait dit à l'époque, dès lors qu'il y aurait cette utilisation des armes chimiques,
03:58c'est ce qu'avait dit le président Hollande, c'est ce qu'a dit Obama,
04:02on va donner un coup d'arrêt, ce qui n'a pas été fait.
04:06Tout ce régime qui est vraiment un régime qui est allé au bout de l'horreur et de la barbarie.
04:12Et de la barbarie. Donc la Gouta, c'est la barbarie.
04:16Et votre reportage, je le trouve évidemment, il nous replonge dans une émotion considérable
04:22parce que quand on voit ces enfants qui ont été victimes par exemple des gaz sarins,
04:28c'est horrible mais ce qui est intéressant je dirais, c'est le combat pour la justice.
04:34Qui se poursuit ? Qui continue ? Et il est essentiel la lutte contre l'impunité.
04:39Et on a entendu beaucoup de ces familles de victimes ou victimes qui viennent dire
04:45mais quand sera-t-il jugé ? Est-ce qu'il va pouvoir être jugé ?
04:49Et je crois qu'il y a quand même de l'espoir que cela puisse arriver.
04:53On le voit à travers des procès donc en France,
04:57on le voit dans des procès qui ont eu lieu aussi en Allemagne ou dans d'autres pays.
05:01On pourrait peut-être expliquer très rapidement qu'est-ce qui rend le parquet antiterroriste français
05:05notamment compétent pour juger ces affaires-là qui ont eu lieu en Syrie.
05:09Oui, alors ce qu'il faut très rapidement simplement, ce qu'il faudrait idéalement,
05:13il faudrait que les procès aient lieu en Syrie.
05:16C'est-à-dire là où sont commis les crimes.
05:19Ce n'est pas possible, bien évidemment.
05:21A partir de là, deuxième solution, ce serait la Cour pénale internationale.
05:25Sauf que la Syrie n'en est pas membre.
05:29Et que le Conseil de sécurité, quand il a été saisi de cette question, n'a pas pu.
05:33Parce que le Conseil de sécurité peut saisir la Cour pénale internationale.
05:37Mais il y a eu usage du droit de veto de la part de la Chine et de la Russie, donc ce n'est pas possible.
05:41Alors quelles sont les solutions ?
05:43Les solutions, ce sont des justices nationales hors de la Syrie.
05:47Et pour la France, par exemple, ce qui a pu se faire dans le dossier dont je vous parlais,
05:51qui est un dossier d'Abag, c'est une famille qui s'appelle la famille d'Abag,
05:55il se trouve que ce sont des franco-syriens.
05:58Et que les victimes étaient franco-syriennes.
06:00Donc à compter du moment où des victimes sont franco-syriennes,
06:04même si ce sont des crimes commis en Syrie, la justice française, le PNAP,
06:08le parquet national antiterroriste, est compétente.
06:11Ce qui est le cas aussi pour la Gouta.
06:13Alors voilà pourquoi la justice française est compétente.
06:16Dernier point sur la Gouta qui est spécifique, c'est qu'il y a eu,
06:20on l'a vu aussi dans votre vraiment excellent reportage, le procureur le dit,
06:26il y a un mandat d'arrêt international qui a été délivré contre Assad lui-même.
06:30Mais il se trouve qu'en principe, les chefs d'État, voire les chefs de gouvernement,
06:36bénéficient d'une immunité.
06:38C'est-à-dire qu'on ne peut pas les poursuivre.
06:40Et il y a d'ailleurs un appel, la chambre de l'instruction à Paris va devoir statuer sur cette immunité.
06:45L'avantage de la Cour pénale internationale, c'est que dans le statut même de la Cour pénale internationale,
06:51il n'y a aucune immunité.
06:53C'est-à-dire que même les chefs d'État peuvent être poursuivis.
06:57Donc voilà pourquoi la justice française est compétente et elle peut agir.
07:01Alors effectivement, il y a des difficultés.
07:04Il y a des difficultés d'enquête parce qu'on ne peut pas aller dans le pays.
07:07Il y a des difficultés des témoins.
07:09Mais là, dans le procès dont je vous parlais la semaine dernière,
07:11il y a eu trois témoins qui ont eu le courage énorme, considérable de venir témoigner.
07:16Parce qu'ils prennent des risques pour eux-mêmes.
07:18Même s'ils ne sont plus en Syrie, ils prennent des risques pour leur famille.
07:22Mais on rassemble aussi beaucoup de documents.
07:24Il y a eu par exemple ce qu'on a appelé les photos César,
07:27c'est-à-dire ce photographe qui a pu photographier l'horreur,
07:31en particulier à Medzé, là où se trouve la pire des prisons à proximité de Damas,
07:38sous la coupe des services de renseignement de l'armée de l'air.
07:42Donc on a des éléments.
07:43Il y a un organisme onusien qui a été créé en 2016,
07:47qui est chargé de rassembler des preuves et des enquêtes.
07:50Donc on arrive à faire des procès en dehors même de la Syrie.
07:53Il faut bien le comprendre.
07:55Ce sont des avancées considérables parce que ça donne du courage
08:00à d'autres victimes ou familles de victimes pour pouvoir agir.
08:04Et malgré tout, les bourreaux, même M. Assad,
08:06je pense que malgré tout il a su qu'il y avait eu ces condamnations qui viennent de tomber.
08:11Il sait qu'il est poursuivi.
08:12Les bourreaux n'aiment pas être mis en lumière.
08:15Ce qu'ils souhaitent, c'est qu'on ne parle pas de leurs crimes.
08:18Donc il faut à tout prix que cette lutte contre l'impunité, le fléau,
08:22la poursuite de la barbarie n'existe que parce qu'il y a l'impunité.
08:26Donc c'est vraiment un combat essentiel.
08:28Et la Syrie est malheureusement pour les victimes et malheureusement pour ce pays
08:32qui continue de subir, il faut le dire, ça continue.
08:35Il y a toujours la torture, il y a toujours les mauvais traitements.
08:38Donc c'est vraiment essentiel qu'on puisse poursuivre ces actions.
08:42Et justement, cette justice qui repose sur la récolte des preuves,
08:46on sait à quel point il est difficile de réunir ces preuves.
08:49Cela repose essentiellement sur des témoignages, sur des photos,
08:52mais on voit à quel point c'est précaire.
08:54Vous avez senti justement dans votre reportage les difficultés liées à cette enquête ?
08:59Bien sûr.
09:00En fait, comme on vient de le dire, comme il y a un blocage international
09:05et on ne peut pas avoir des enquêtes sur place en Syrie,
09:09les Syriens se sont trouvés un peu seuls sur le terrain à réunir les preuves,
09:14malgré les risques sur leur vie.
09:16Parce qu'on peut trouver des mines, on peut trouver même des autorités syriennes
09:20qui peuvent aller poursuivre les personnes.
09:24C'est aussi notre avocat, Oweissel Doubouche, qui nous explique aussi
09:28qu'une fois le régime syrien a repris le contrôle sur la région de Larouta,
09:33il est allé pour masquer les preuves, pour même déplacer des charniers,
09:39pour masquer les preuves vraiment de ces crimes.
09:43Des crimes, bien sûr, nous, dans ce documentaire, dans ce reportage,
09:47on a fait le choix de consacrer ce reportage
09:52pour parler des crimes liés à l'utilisation d'armes chimiques,
09:57des armes qui sont interdites par le droit international.
10:00Donc c'est pour ça, c'était très difficile aussi pour les ONG,
10:03même pour les personnes sur place, de réunir ces preuves.
10:06Mais ils l'ont fait parce que c'est important pour toutes ces personnes
10:10de poursuivre la justice et pour dire aussi qu'en fait,
10:13aujourd'hui, on parle des crimes du passé, mais pas seulement.
10:16Ce sont des crimes qui continuent parce que le régime syrien,
10:19il est toujours en place avec le soutien de la Russie.
10:23Quel a été et quel est toujours d'ailleurs le rôle de la Fédération internationale
10:27des droits de l'homme dans la récolte de ces preuves
10:30et la mise en lumière des crimes du régime syrien ?
10:33C'est vrai qu'on est une des organisations qui a été vraiment parmi les premières.
10:37On a été l'organisation qui a été à l'origine du premier procès
10:42dit de compétence universelle qui avait abouti en 2005
10:45à la condamnation d'un officier mauritanien qui s'était rendu coupable
10:50de torture en Mauritanie contre des Mauritaniens.
10:53Et là, c'était ce qu'on appelle le principe de compétence universelle,
10:56c'est-à-dire qu'il était venu faire un stage en France
10:59dans une école militaire à Nîmes de mémoire ou à Montpellier.
11:03Puis le procès a eu lieu devant la cour d'assises de Nîmes.
11:06Et donc la FIDH est vraiment un des éléments moteurs.
11:11Alors nous travaillons avec beaucoup d'organisations
11:14qui sont des organisations membres de la FIDH,
11:17qui sont donc des associations de défense des droits de l'homme,
11:20de défense des droits humains dans les pays.
11:23Et je voyais par exemple aussi dans votre reportage une association
11:26qui s'appelle SCM avec Mazen Darwish,
11:30qui est à la tête de cette organisation.
11:33Et Mazen Darwish, c'est un peu, comment vous dire,
11:35le Klarsfeld de la poursuite des criminels syriens,
11:39comme Klarsfeld l'a été pour les criminels du régime nazi.
11:43Donc on travaille avec vraiment tous ces défenseurs des droits
11:48et on a des liens très étroits par exemple
11:53avec les policiers, les gendarmes qui travaillent avec le PNAT.
11:59On crée des liens, si vous voulez, pour essayer de documenter,
12:03d'alimenter en quelque sorte les justices
12:06pour contribuer justement à constituer les dossiers.
12:09Alors on ne le fait pas, il y a beaucoup d'autres organisations qui travaillent,
12:12mais il n'y a pas, si on prend d'autres organisations
12:15avec lesquelles on collabore beaucoup,
12:18comme Amnesty ou Human Rights Watch,
12:20ce sont des organisations qui ont moins ce rôle de poursuite devant les juridictions.
12:26Ça c'est vraiment une spécificité qu'on a essayé de mettre en œuvre
12:31et qui au bout du compte est quand même, je pense, très utile,
12:36et en particulier sur la Syrie où on va continuer à travailler.
12:40On le fait sur l'Ukraine aussi.
12:42C'est plus facile en Ukraine parce que là on peut documenter,
12:45je dirais en instantané, les crimes qui sont commis en Ukraine.
12:49On peut accéder, on peut collaborer avec les justices.
12:52La différence, c'est ce que disait aussi le procureur tout à l'heure, monsieur Ricard,
12:55c'est qu'en Syrie on ne peut pas aller sur place,
12:58ce qui complique quand même les choses.
13:00Mais moi je pense que toutes ces poursuites
13:03conduiront à un procès sans doute contre Assad lui-même,
13:07d'ailleurs même si c'est en son absence,
13:10et que ça peut faire vaciller un régime et ça peut faire avancer les choses.
13:16Ça ne sera pas, évidemment, le seul élément.
13:19On n'a pas cette naïveté, je dirais,
13:22mais c'est quand même une avancée dans la lutte contre l'impunité
13:26et contre la poursuite de toutes ces barbaries.
13:29Mais il y a aussi une arme qu'a le régime de Bachar el-Assad dans ces dossiers-là,
13:34c'est le temps, puisque les processus judiciaires sont extrêmement lents,
13:38extrêmement longs et justement compliqués aussi par les vétos russes.
13:44Au Conseil de sécurité de l'ONU, ça a aussi un impact très fort sur les victimes ?
13:50Bien sûr, c'est pour ça qu'il y a une sorte de contradiction.
13:56Il y a des personnes qui ont un peu d'espoir,
13:59parce qu'ils disent qu'il y a des choses qui bougent,
14:02il y a les dossiers, il y a les enquêtes judiciaires qui s'ouvrent,
14:05on est en train de poursuivre ces criminels, pas uniquement en France.
14:09D'ailleurs il y avait des enquêtes aussi ouvertes en Suède et en Allemagne
14:12qui concernent aussi les attaques chimiques,
14:14et bien sûr en Allemagne aussi qui concernent la détention arbitraire,
14:17parce qu'il y avait tout un tas de violations qui ont été mises contre le peuple syrien.
14:22Donc il y a le volet qui concerne la détention arbitraire,
14:25les prisons et la disparition forcée,
14:28et il y a aussi le bombardement indiscriminé,
14:31ce qui constitue aussi les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité.
14:36Donc même si ce travail c'est un peu long,
14:40parmi les exilés, il y a aussi ce sentiment d'espoir,
14:44des fois de frustration, mais ils résistent encore,
14:48ils continuent à lutter contre l'impunité,
14:51c'est d'ailleurs Loubna Elkanawati qui le dit,
14:54il dit que si Bachar el-Assad aujourd'hui n'est pas poursuivi,
14:57peut-être que d'autres régimes autoritaires pourraient utiliser les mêmes armes,
15:01ou même pire, pour attaquer le peuple et les civils.
15:07C'est le côté dissuasif qui est très important, si vous avez raison.
15:11Quand on mène ce combat, c'est bien sûr pour réprimer ceux qui se sont rendus coupables
15:18de crimes aussi abominables, mais c'est aussi cet effet qui peut être dissuasif.
15:23L'autre aspect, c'est que par exemple ce procès qui a eu lieu en France récemment,
15:27ou celui qui est en cours contre Assad, ça se sait en Syrie,
15:31dans les réseaux sociaux, et puis il y a une partie du territoire syrien
15:39qui n'est toujours pas sous contrôle d'Assad, dans le Nord-Ouest en particulier.
15:43Donc ça circule en Syrie, ça donne du courage, ça se répand, ça fragilise le régime.
15:49– Quels échos justement ?
15:51– En fait c'est un peu difficile d'avoir les échos de l'intérieur,
15:54parce que comme le régime est toujours là, on parle d'un pays,
15:58comme je l'ai dit tout à l'heure, dirigé par la famille d'Assad depuis les années 70,
16:02donc depuis plus de 50 ans.
16:04Donc on ne peut pas, c'est un peu difficile d'avoir ces réactions des Syriens
16:10qui sont encore en Syrie, bien sûr à l'exception d'Idlib au Nord-Ouest du pays.
16:18Donc c'est difficile, mais on sait très bien qu'ils le savent.
16:22Même, c'est aussi important pour les exilés syriens ici,
16:26ils savent qu'en fait peut-être qu'il n'y aura pas un procès bientôt
16:30contre le président syrien, parce qu'il est toujours en exercice,
16:32c'est à la cour d'appel d'Autranchet aussi sur cette question,
16:34sur la question du mandat d'arrêt.
16:36Mais il y a aussi une proteste symbolique, parce qu'on dit en fait,
16:40on ne va pas normaliser aussi, la France affirme sa position vis-à-vis de la Syrie,
16:46on dit, on ne va pas normaliser aussi la relation avec le régime syrien.
16:51Et pour les exilés syriens, ça c'est une question extrêmement importante,
16:55parce qu'on trouve aujourd'hui dans d'autres pays européens,
16:59notamment le Danemark, qui maintenant pousse pour renvoyer les Syriens chez eux
17:05et considérer qu'il y a des parties en Syrie, enfin certaines villes en Syrie sont sûres.
17:12Dimension évidemment très politique de ces différents procès,
17:16et avec quel calendrier justement ? A quoi faut-il s'attendre ?
17:19Vous avez raison, je reviens aussi, les dics sautent par rapport à ça.
17:23Ils rentrent petit à petit dans le jeu international.
17:26Donc le fait qu'il y ait ces condamnations, ça freine le processus,
17:32et c'est ce qui est quand même extrêmement souhaitable.
17:34De la même manière, quand il y a des condamnations,
17:37même sans condamnation, prenons le mandat d'arrêt international
17:40contre le président Poutine, qui a été délivré par la CPI.
17:46Il ne peut pas voyager partout.
17:49Ceux qui viennent d'être condamnés ici à Paris, les hauts responsables,
17:54vous me direz, je pense que ce ne sont pas ceux-là qui voyagent le plus,
17:57les responsables des services de sécurité, mais ils ne peuvent plus non plus,
18:00ils sont sous le coup d'un mandat d'arrêt international.
18:03Ce qu'on nous objecte, on dit que ça ne va pas les empêcher
18:10de continuer à gouverner ou à garder leur poste,
18:13mais ils sont quand même dans des positions déjà pénalisantes.
18:18Ce sont des débuts importants.
18:21Et justement, sur la question du calendrier,
18:23à quoi faut-il s'attendre pour les différentes décisions de justice,
18:26notamment celle de la Cour d'appel de Paris qui doit trancher le 26 juin prochain ?
18:30Celle de la Cour d'appel de Paris, c'est imminent, je pense qu'on va le savoir assez rapidement.
18:34Il faut reconnaître que jusqu'à présent, les droits nationaux et le droit international
18:41prévoyaient une immunité, hormis la Cour pénale internationale,
18:44pour les chefs d'État. C'est incontestable.
18:46Pourquoi le droit peut-il évoluer ?
18:48Parce que ce qu'on essaie de faire prévaloir, et on le plaide dans d'autres occasions,
18:52c'est que cette immunité a sa justification,
18:56mais que quand on accomplit des actes aussi abominables
18:59que d'utiliser les armes chimiques contre sa propre population,
19:03on ne peut plus dire que ça rentre dans l'exercice de la fonction du chef d'État.
19:08La fonction d'un chef d'État, ce n'est pas d'aller martyriser sa population,
19:12c'est plutôt de la protéger.
19:14Donc on dit que ça ne peut plus être la source d'une immunité,
19:19parce que c'est hors de ses fonctions.
19:22Ce sont des crimes internationaux d'une gravité telle
19:25qu'on ne peut plus avoir de protection.
19:28Alors ça progresse dans un certain nombre de pays et dans d'autres circonstances.
19:32Pour l'instant, il faut reconnaître qu'on est sur un combat difficile,
19:35on se base sur des coutumes, on se base sur le raisonnement
19:38que je viens d'essayer de résumer.
19:40Je pense que ça aboutira, mais là aussi, vous évoquez la justice,
19:45quand on est avocat comme je le suis et à l'âge que j'ai,
19:49on sait que c'est un temps long, ça c'est incontestable.
19:52Mais on sait aussi que la persévérance, l'obstination camusienne
19:56permet d'obtenir des résultats.
19:58Très rapidement, parce que c'est déjà la fin de ce débat d'Anna Alboz,
20:01est-ce que les exilés syriens sur le sol français
20:04ont encore cet espoir de rentrer en Syrie ?
20:08Ça, c'est une question aussi très difficile,
20:11parce que nous, Infomigrants, on fait beaucoup de reportages sur le terrain
20:15et on rencontre encore les exilés syriens sur la route d'exil,
20:19dans les pays limitrophes de la Syrie, mais aussi sur la route des Balkans
20:23et les premiers pays d'accueil en Europe, notamment la Grèce et Chypre, par exemple.
20:28Donc le retour des réfugiés syriens, pour moi, selon ce qu'on observe
20:33sur le terrain, c'est encore très difficile,
20:35parce qu'il y a encore des Syriens qui quittent leurs pays
20:38pour les mêmes raisons de 2011.
20:42La route à juger l'horreur, un reportage de Dana Alboz
20:47à retrouver sur notre site internet www.france24.com
20:51Merci beaucoup à vous pour ce document,
20:53et merci à vous Patrick Audouin,
20:56je rappelle que vous êtes avocat président de la Ligue des Droits de l'Homme.
20:59Merci pour votre décryptage.