• il y a 6 mois
Cinq cercueils ont été retrouvés devant la tour Eiffel ce samedi, recouverts de drapeaux français et portant l'inscription "Soldats français morts en Ukraine". Trois personnes ont été placées en garde à vue. L'enquête doit déterminer s'il s'agit d'une opération d'ingérence russe. 

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00:00 8h12, retour sur le plateau de première édition, le 7 minutes pour comprendre la guerre souterraine de la Russie.
00:05 Ingérence russe, la guerre secrète.
00:07 Avec nous ce matin Paul Gogo, le correspondant de BFM TV à Moscou dont on profite de la présence passagère à Paris.
00:20 Merci d'être là Paul ce matin face à Quentin Bollier, grand reporter à Ligne Rouge,
00:24 auteur de cette enquête que vous découvrirez ce soir sur BFM TV à 20h50, "Ingérence russe, la guerre secrète".
00:31 Il se trouve que l'actualité a en quelque sorte rattrapé votre enquête avec la découverte ce week-end de ces 5 cercueils déposés au pied de la tour Eiffel.
00:40 3 individus ont été arrêtés, placés en garde à vue et déferés devant un juge hier soir.
00:47 Une information judiciaire va être ouverte dans les toutes prochaines heures et l'enquête va déterminer s'il s'agit d'une opération d'ingérence russe.
00:56 Quentin, qu'est-ce qui permet ce matin de dire qu'il y a une ingérence russe derrière ces 5 cercueils ?
01:04 A l'heure actuelle, il n'y a aucune preuve formelle qu'il s'agisse d'ingérence russe.
01:09 Après ça ressemble beaucoup à ce que sait faire et ce qu'aime faire la Russie.
01:13 D'abord choisir un thème qui fait débat au sein de l'opinion publique française, au sein du monde politique français,
01:20 savoir l'envoi de troupes françaises en Ukraine.
01:22 Le président Macron en avait parlé en février, il en a reparlé la semaine dernière.
01:25 Il y avait déjà des paroles qu'on avait pu entendre, notamment au vice-président de la Duma,
01:29 qui disait "attention, si vous envoyez des soldats français en Ukraine, vous aurez des cercueils qui vont revenir".
01:33 Il s'était aussi servi de l'actualité au moment des étoiles jaunes au mois d'octobre, on s'en souvient,
01:37 au moment des mains rouges taguées sur le mur des Justes au mémorial de la Shoah, c'était début mai.
01:42 À chaque fois, choisir des thèmes d'actualité qui divisent un petit peu l'opinion publique
01:46 et enfoncer le doigt dans la plaie finalement, pour justement polariser la société.
01:51 Ça c'est ce que cherche à faire depuis longtemps le Kremlin.
01:54 Il le fait depuis, avec plus de vigueur ces derniers mois, parce qu'il y a les élections européennes qui arrivent,
01:58 parce qu'il y a les Jeux Olympiques aussi.
02:00 Il s'agit de créer du trouble, de créer du doute dans la société française.
02:03 Voilà, aucune preuve à l'heure actuelle qu'il s'agit de ça, mais ça ressemble au mode opératoire et à ce qu'aime faire le Kremlin.
02:08 Mais il y a un vrai système organisé de désinformation en Russie, Paul ?
02:12 Oui, et c'est ce qui est assez troublant, c'est que là on passe quand même à des actions sur le terrain,
02:16 parce qu'évidemment il y a un système de désinformation qu'on connaît très bien.
02:19 On se rappelle notamment, c'était presque la première étape de tout ça,
02:22 de la fermeture de Russia Today en France et de son interdiction en Europe.
02:26 C'était à la limite très classique, un média financé par le Kremlin qui travaillait sur notre sol,
02:32 qui essayait de faire passer les éléments de langage, la ligne éditoriale du Kremlin et de ses médias en France.
02:37 Ce média n'existe plus, mais maintenant il y a effectivement, c'est presque un ministère de la guerre de l'information.
02:43 Mais quelle forme ça peut prendre ? Parce qu'on se souvient tous des doubles numériques des grands organes de presse
02:47 qui consistaient à faire croire que Le Monde, Le Figaro, Libération véhiculaient un type d'information
02:52 qui n'était pas des informations, qui étaient des fake news.
02:55 Oui, exactement, mais c'est ce qui est assez compliqué aujourd'hui,
02:58 c'est que plein de services, de ministères sont impliqués dans ce genre d'action.
03:02 Là, si par exemple ce qui s'est passé devant la tour Eiffel vient de Russie,
03:07 c'est certainement le FSB qui est derrière cette manipulation par des hommes
03:12 qu'ils ont trouvés dans les pays tiers pour venir agir en France.
03:14 Il y a le GER ou les services de renseignement du ministère de la Défense aussi
03:18 qui sont impliqués dans des actions généralement plus violentes en Europe.
03:21 Ils sont capables d'assassiner des gens, de saboter des entrepôts.
03:25 C'est arrivé à Londres récemment un entrepôt qui a été saboté.
03:28 Et puis il y a les médias d'État russe, Russia Today, Spoutnik,
03:35 qui ont fait toute une galaxie de sites internet qui continuent à diffuser
03:38 sur notre territoire sans autorisation.
03:41 Alors ces sites sont souvent fermés et puis en fait ils sont ouverts d'une autre façon
03:44 quelques jours plus tard.
03:45 Via des mises en scène parfois soignées, comme on va le découvrir ce soir dans Ligne Rouge,
03:49 en voici d'ailleurs un extrait.
03:55 C'est une vidéo postée sur la messagerie Telegram
03:58 qui a mis en alerte tous les services de l'État.
04:01 Le 2 mars 2024, la cyberarmée de Russie revendique une attaque informatique
04:07 contre un barrage en France.
04:09 Des images de drones du barrage de Courlon sur Yonne, en Bourgogne,
04:23 et des captures vidéo.
04:25 Les pirates russes se vantent d'avoir pris le contrôle de l'infrastructure
04:28 via son interface informatique.
04:31 Ils activent des vannes à distance, agissent sur le niveau de la réserve d'eau
04:35 et sur la production électrique.
04:38 Ça c'est des images qui ont été volées à un photographe amateur
04:42 qui avait publié des images prises au drone de ce barrage.
04:46 Donc ils ont juste refait un montage avec la cible, une musique un peu entraînante
04:52 et puis très vite, quand on regarde un peu précisément cette vidéo de revendication
04:56 qui dit "on a piraté ce barrage", on se rend compte qu'en fait le nom n'est pas le bon.
05:00 Dans les vidéos du panneau intérieur qui présentent, c'est écrit en bas,
05:04 "centrale de Courlandon", qui n'est pas du tout la même ville en France.
05:07 L'installation piratée est à 115 km plus au nord, à Courlandon, en Champagne, 300 habitants.
05:14 Très bien fait Quentin, sauf que quand vous dites "ils activent des vannes à distance",
05:20 ils disent activer des vannes à distance.
05:22 Alors sur un petit moulin, ils ont activé des vannes à distance.
05:25 Mais qu'est-ce qui n'est pas, ils y arrivent, c'est une toute petite installation au bord d'une rivière
05:28 avec un petit bief qui… enfin, ils ne pouvaient pas dans cette installation-là faire de dégâts.
05:33 Mais ils sont quand même parvenus et donc ils montrent cette image.
05:36 Et comme on ne sait pas précisément pourquoi ils sont trompés,
05:38 est-ce qu'ils ont confondu les deux noms ?
05:40 Ils ont cherché sur le Google Russe, c'était pas le bon nom qui est tombé.
05:44 Ils ont tous emballé tout ça dans une espèce de vidéo de revendication
05:47 avec un barrage plus impressionnant parce qu'ils trouvaient que celui qu'ils avaient piraté n'était pas assez.
05:51 C'est possible. Est-ce que c'était volontaire ?
05:53 Donc est-ce qu'ils se sont trompés ? On ne sait pas.
05:54 Mais ils sont parvenus à pirater une petite installation.
05:56 Mais ce qu'il faut bien comprendre, et je parle sous le contrôle de Paul évidemment,
06:00 dans toutes ces opérations, c'est à double voire à triple niveau.
06:03 Il y a la première opération qui est de pirater et de faire peur.
06:06 Et la deuxième opération qui est de diffuser une vidéo sur des réseaux Telegram pro-russe
06:09 et de dire "regardez, on est capable de frapper l'Occident,
06:11 on est capable de s'en prendre à leurs infrastructures".
06:13 Les barrages, on pense forcément à celui qui a été piraté et surtout détruit par les Russes en Ukraine.
06:19 Donc il y a toujours plusieurs niveaux de lecture, plusieurs niveaux de propagande.
06:23 Et donc il y a à la fois du hacking informatique pur et de la propagande pour dire
06:27 "regardez, on est capable de frapper l'Occident".
06:29 Il y a un doute sur la capacité à agir vraiment sur des structures
06:32 dont on se dit qu'elles peuvent être hypersensibles.
06:34 Oui, exactement, sachant que venant des services russes,
06:37 il y a un côté un peu maladroit qui est presque un peu charmant parfois
06:41 parce que je me rappelle d'opérations en Europe,
06:43 on avait retrouvé des traces, des tickets de taxi que ces hommes avaient utilisés
06:48 entre leur antenne à Moscou et l'aéroport à Moscou pour se rendre en Europe ensuite.
06:52 Il y a souvent plein de petits détails comme ça qu'on retrouve finalement après coup,
06:56 qui nous permettent d'ailleurs de remonter généralement jusqu'à la Russie
06:59 et qui font qu'effectivement, des fois l'essentiel c'est plus le message que la réalité de l'action.
07:05 Parce que c'est évidemment une volonté, il y a une volonté de désinformer,
07:11 de faire peur un peu en Europe, mais aussi en interne, c'est effectivement le cas.
07:15 C'est-à-dire qu'il y a un côté fierté, regardez, on est capable de toucher les Français sur leur sol,
07:20 ce qui de facto est un peu le cas parce que des gens sont bien venus,
07:23 se sont rendus au pied de la tour Eiffel ce week-end.
07:25 Et la France est particulièrement visée ou est-ce que ça touche d'autres pays d'Europe ?
07:28 Alors en ce moment, effectivement, en Russie, moi je reviens de Russie,
07:31 effectivement la France est au cœur de toute cette propagande, de toute cette rhétorique.
07:36 On comprend que ces suites aux propos d'Emmanuel Macron,
07:40 à ces décisions plus ou moins officielles d'envoyer des instructeurs en Ukraine,
07:45 c'est quelque chose qui ne passe pas du tout en Russie.
07:47 Et on comprend même que ces actes, que ce soit de désinformation…
07:50 Les propos qui passent mal, c'est le fait d'avoir suggéré l'envoi éventuel de troupes au sol en Ukraine
07:55 ou c'est le fait d'autoriser l'Ukraine à utiliser des armes occidentales sur le territoire russe ?
08:00 Alors effectivement, on en arrive maintenant à ce sujet-là dans la propagande russe.
08:04 C'est le sujet qui devient un peu majeur aujourd'hui.
08:06 Mais déjà, cette première idée d'envoyer des armes en Ukraine,
08:10 c'est quelque chose qui ne passe pas du tout en Russie.
08:12 Et on comprend que tout ce qui se passe aujourd'hui, ça répond à tout ça.
08:16 Et que ces actions sont même quelque part une autre ligne rouge
08:19 qui existe en parallèle de ces fameux débats sur le nucléaire
08:22 dont le Kremlin nous gratifie régulièrement.
08:24 Mais Quentin, on se trompe si on voit derrière ces différentes actions,
08:27 les cercueils ou les mains rouges, des opérations de pieds nickelés ?
08:31 Alors, pour ne pas se faire avoir, il passe toujours par des intermédiaires,
08:36 voire par deux, trois, quatre intermédiaires.
08:38 C'est ce qui s'est passé sur l'affaire des étoiles de David, bleu, tagué à Paris.
08:42 On voit qu'il y a plusieurs niveaux.
08:44 Après, ce n'est pas non plus des opérations purement de pieds nickelés.
08:47 Si on prend l'affaire du piratage du barrage, vous regardez le moulin qui est en Champagne,
08:51 c'est tout piti, ça n'a l'air de rien, la rivière, bon, ça ne paraît pas très dangereux.
08:54 Derrière, c'est le GRU, c'est les services militaires russes,
08:57 les services de renseignement militaires russes, extrêmement puissants.
09:00 C'est une société américaine qui s'appelle Mondian,
09:03 une société cybersécurité qui a attribué cette attaque aux services militaires russes.
09:06 Et ces services secrets militaires, via un groupe de hackers qui s'appelle APT44,
09:09 ils sont extrêmement actifs dans le monde entier,
09:11 en particulier en ce moment contre la France, contre la Pologne, contre l'Allemagne.
09:14 Mais ça peut, au dernier niveau, avoir l'air d'être quelque chose de pieds nickelés.
09:18 C'est extrêmement organisé et c'est voulu directement par l'État russe.
09:21 Ce qui est aussi inquiétant, c'est que les Russes peuvent aussi aller directement
09:25 chercher des soutiens chez certains députés européens.
09:29 Ça s'appelle de la corruption, via notamment le média pro-russe qui s'appelle Voice of Europe.
09:36 Voice of Europe, c'est une affaire qui est... alors l'enquête est en cours,
09:38 c'est les services de renseignement tchèque qui l'ont révélée.
09:42 Et effectivement, il y a un média fantoche qui a été créé de toute pièce
09:45 par un oligarque ukrainien pro-russe.
09:48 Souvenez-vous, Viktor Medvedchuk, il avait été emprisonné par le pouvoir ukrainien
09:52 juste après le début de l'invasion en février 2022,
09:55 fut libéré lors d'un échange de prisonniers.
09:57 C'est le parrain de... Poutine est le parrain de sa fille,
10:00 donc c'est un oligarque pro-Poutine extrêmement puissant.
10:03 Il a créé ce média de toute pièce qui s'appelle Voice of Europe,
10:05 donc un petit peu la réplique à Voice of America,
10:07 qui est un média pro-occidental installé dans beaucoup de pays de l'Est.
10:11 Et il y a des Français qui meurent dans l'hameçon ?
10:12 Et il y a des Français... alors on ne sait pas à l'heure actuelle
10:14 si des eurodéputés français ont été payés,
10:16 mais ils ont répondu à des interviews.
10:18 Et ce que disent les services de chèque à l'heure actuelle,
10:20 mais l'enquête est encore en cours, c'est que justement,
10:22 il y avait un système de rétribution où des gens étaient payés
10:25 pour participer à ce faux média.
10:28 Et il y a notamment un député allemand, numéro 2 sur la liste de l'AFD aux Européennes,
10:33 qui est soupçonné d'avoir touché 30 000 euros en cash à Prague dans cette organisation.
10:39 Voilà, et il y a quelques jours, évidemment, des Européennes s'inquiètent,
10:42 évidemment, un peu, ça s'annonce passionnant à 20h50,
10:44 ingérence russe, donc à suivre sur BFMTV,
10:48 à quoi joue Moscou, et évidemment, le pouvoir de nuisance de Vladimir Poutine
10:53 à travers ces réseaux.

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