Un nouveau féminicide a eu lieu le 28 janvier dernier à Beussent, dans le département du Pas-de-Calais. L'auteur présumé des faits est passé aux aveux lundi dernier. Il était mis en examen aujourd'hui pour assassinat. C'est une relation amoureuse née sur Internet qui aurait poussé l'homme à tuer sa compagne de 28 ans. On en parle avec : Naoufel El Khaouafi, envoyé spécial BFMTV à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais). Laurent Valdiguié, journaliste d'investigation au magazine Marianne. Victor Baissait, spécialiste des brouteurs et enseignant en tech-web. Ophélie, sœur d'Anthony, il s'est suicidé après un chantage d'un brouteur en ligne. Et Anna, victime d'un brouteur aux sentiments en 2019.
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00 Le 90 minutes.
00:02 Alice Darfeuil.
00:04 C'est un nouveau féminicide qui a eu lieu le 28 janvier dernier à Besan, dans le département du Pas-de-Calais.
00:15 L'auteur présumé des faits est passé aux aveux.
00:18 Lundi dernier, il a été mis en examen aujourd'hui pour assassiner une histoire dramatique et une histoire aussi assez folle,
00:25 puisque cet homme a reconnu avoir tué sa compagne pour concrétiser la relation virtuelle qui l'entretenait,
00:32 sauf que derrière cette relation virtuelle se cachait un escroc.
00:36 On va se rendre sur place à Boulogne-sur-Mer, plus précisément à proximité de là où les faits se sont produits.
00:42 C'est là que nous attend Naoufelle Elkawafi.
00:44 Bonsoir Naoufelle. Vous avez pu échanger avec l'avocat de cet homme ?
00:50 Absolument. L'avocat a confirmé cet après-midi que son client a été mis en examen pour assassiner.
00:55 Ce qu'il faut comprendre pour savoir un peu ce qui s'est passé, c'est que le 28 janvier, le corps de cette dame a été retrouvé sans vie chez elle.
01:01 C'est son compagnon qui donne l'alerte. Il va expliquer aux policiers qu'il s'était rendu à la boulangerie.
01:06 Lorsqu'il est revenu, il a trouvé le corps de sa femme morte.
01:09 Il va expliquer aux policiers qu'il pourrait s'agir d'un cambriolage qui aurait mal tourné.
01:14 Sauf que les enquêteurs, très vite, se rendent compte qu'il y a quand même pas mal d'incohérence dans les propos de cet homme.
01:19 Ils vont surtout découvrir que cet homme a entretenu depuis plusieurs semaines, depuis plusieurs mois, une relation extra-conjugale.
01:26 Mais pas n'importe quelle relation, une relation virtuelle avec ce qu'on appelle des brouteurs.
01:30 Ce sont ces personnes qui, très souvent, sont basées à l'étranger, notamment en Afrique de l'Ouest,
01:34 qui se font passer pour des femmes pour tenter d'escroquer, d'arnaquer, pour soutirer de l'argent à des personnes.
01:41 C'est ce qui s'est passé avec cet homme.
01:44 Je vous propose d'ailleurs d'écouter l'avocate qu'on a pu interviewer tout à l'heure avec Hubaudor ce semaine.
01:49 Jusqu'à hier, il n'avait pas compris que cette relation était purement virtuelle et que c'était une arnaque.
01:55 Il continuait à penser que cette personne existait et qu'il aurait pu vivre avec elle, sans doute, une relation amoureuse.
02:02 Il vient de comprendre que tout ça, c'est du vent.
02:05 Il n'a aucune explication sur le fait qu'effectivement, tous les jours, des millions de personnes se séparent.
02:11 Pourquoi tuer sa compagne alors même qu'il pouvait tout simplement la quitter ?
02:19 Il est dans ce questionnement aussi.
02:21 Il répète qu'il aimerait revenir en arrière, qu'il ne comprend pas pourquoi il a fait ça et qu'il aimerait revenir en arrière.
02:26 Mais il a compris qu'il ne le pouvait pas, bien évidemment, parce qu'il n'est pas délirant là.
02:31 Mais il aimerait revenir en arrière.
02:33 Naoufel, vous avez aussi pu échanger avec des personnes qui connaissaient, côtoyaient ou croisaient ce couple.
02:40 Qu'est-ce qu'ils vous ont dit ?
02:42 Il y a énormément d'émotions, de stupeur, d'incompréhension, surtout parce que tous nous ont décrit cet homme comme un homme plutôt calme, posé.
02:52 Il portait même, rendez-vous compte, le surnom de gros nounours, quelqu'un qui ne ferait pas de mal à une mouche.
02:56 C'est ce que nous a expliqué tout à l'heure une voisine, voisine, qui l'a d'ailleurs vue lorsque le corps de sa compagne a été découvert,
03:02 en train de pleurer, en train de crier.
03:05 Tout le monde nous a décrit aussi que c'est un couple plutôt ordinaire, banal, qui venait d'acheter une maison.
03:10 Un couple qui avait même prévu de se marier en septembre prochain.
03:13 Alors d'un côté, oui, il y a cette émotion, il y a cette incompréhension dont je viens de vous parler.
03:17 Il y a également le soulagement de la part de ses habitants.
03:19 Parce que, ce que je vous disais tout à l'heure, très rapidement, effectivement, il y a la thèse du cambriolage qui remaltournait,
03:24 qui avait été avancée.
03:26 Et résultat, ça a créé une certaine forme de psychose dans le village,
03:29 parce que beaucoup craignaient que ce genre de drame puisse se reproduire dans une autre habitation.
03:34 Soulagement, donc, de la part de ses habitants qu'on a pu rencontrer,
03:38 qu'un dénouement ait été trouvé pour ce énième féminicide.
03:41 - Merci beaucoup, Naoufelle.
03:43 Et merci à Hugo d'Orsemène, qui est avec vous sur place.
03:47 Laurent Valdigier, Naoufelle nous a rappelé rapidement les faits,
03:51 mais il faut quand même replacer, reconstituer la scène.
03:55 On est donc le 28 janvier dernier.
03:57 Ce fameux Nicolas H, appelle les gendarmes,
04:00 ils arrivent chez lui à son domicile et il découvre un corps.
04:03 - Il est allé acheter du pain.
04:05 Il est parti à peine 40 minutes.
04:08 C'est vrai que ça paraît bizarre aux gendarmes.
04:10 Il y a quand même un corps, Alicia, elle a 28 ans,
04:13 elle a été poignardée, elle gît par terre dans cette maison qu'on vient de voir,
04:16 posée un peu à la sortie du village.
04:19 C'est suspect tout de suite.
04:21 - Poignardée plusieurs fois.
04:23 - Poignardée plusieurs fois, et puis il n'y a pas grand-chose à voler.
04:25 Lui, il parle d'une tirelire.
04:27 Et puis alors on sait très vite tout d'eux,
04:29 puisque c'est un couple 2.0,
04:31 Alicia et Nicolas se sont rencontrés en 2016,
04:34 ils ont deux chiens, ils se sont fait plein de bisous sur Facebook,
04:37 vous en doutez, on sait tout de leur relation,
04:40 on sait même qu'ils allaient se marier.
04:42 C'est un couple sans histoire.
04:44 Il fait de la chasse aux canards, et elle, elle retape la maison.
04:48 Donc les gendarmes de la SR de Lille qui sont saisis d'entrée,
04:53 pensent qu'il y a quelque chose qui cloche.
04:55 Et puis c'est vrai qu'on ne s'improvise pas durant la série.
04:59 Donc d'entrée, ils surveillent son téléphone,
05:03 ses ordinateurs, et puis un peu toutes ses allées et venues.
05:06 Donc là, ils ont décidé de le mettre en garde à vue lundi,
05:10 ils avaient déjà plein d'éléments,
05:12 et puis les gendarmes, ils avaient découvert avant lui,
05:14 que depuis quelques semaines, il avait une autre femme.
05:19 Il faut juste préciser qu'avant qu'il fasse cette découverte,
05:22 cette relation virtuelle, ce femme Nicolas Hache
05:26 a repris son travail en tant qu'employé municipal,
05:29 et il continue à livrer la même version des faits.
05:32 Ça m'a tout de suite fait penser à Jonathan Daval.
05:34 Lui, il est employé municipal, dans les espaces verts,
05:38 à l'éducateur médical, il joue son rôle,
05:40 il dit qu'il faut qu'il reprenne le travail
05:42 pour se remettre dans la vie, que ça lui fait du bien,
05:44 après tout, pourquoi pas ? En tant que tel,
05:48 c'est pas ça qui en fait de lui le suspect numéro un.
05:50 Ce qui va faire de lui le suspect numéro un,
05:52 c'est que les gendarmes découvrent sa double vie.
05:54 En tout cas, sa double vie amoureuse sur la toile,
05:58 et uniquement sur la toile,
06:00 parce que les gendarmes, en quelques clics,
06:02 ça pour le coup, la cyber enquête, elle est formelle,
06:06 en quelques clics, ils se rendent compte
06:08 que Brigitte ou Béatrice Leroux, sa nouvelle compagne
06:12 qui est censée être commerçante à Brest,
06:14 en réalité, elle a une adresse IP,
06:16 donc un ordinateur, qui bip à Abidjan, en Côte d'Ivoire.
06:21 Alors là, les gendarmes se rendent compte
06:23 qu'ils ont un levier pour essayer de comprendre
06:26 ce qui a pu se passer, ils le placent en garde à vue,
06:30 et en quelques heures, Nicolas va raconter,
06:33 effectivement, tous ces ressorts de cette autre vie,
06:37 virtuelle, qui lui a fait faire ce geste fou,
06:42 consistant à supprimer sa femme,
06:44 il a expliqué aussi que la veille,
06:46 il avait tenté de l'empoisonner.
06:48 - En vain ?
06:49 - En vain, autrement dit que son geste,
06:51 c'est l'avocate qui aura à le défendre,
06:54 qui va avoir toute cette séquence à expliquer,
06:58 c'est qu'en réalité...
06:59 - Il y a deux histoires dans l'histoire, en fait.
07:01 - Et puis ça lui a pris du temps d'essayer de gamberger
07:04 comment supprimer sa femme, en l'empoisonnant,
07:07 en la tuant à coups de couteau, en partant à la boulangerie,
07:10 et en essayant de faire croire que finalement,
07:12 elle a été tuée parce que quelqu'un voulait lui voler sa tirelière.
07:14 - Derrière cette relation extra-conjugale,
07:16 il y avait donc ce qu'on appelle un "brouteur",
07:19 et c'est là où vous intervenez, Victor Bessé,
07:21 bonsoir, vous êtes spécialiste des brouteurs,
07:25 et même chasseur de brouteurs, on peut le dire,
07:28 et enseignant en tech web, aussi, dans plusieurs écoles.
07:31 Tout d'abord, pourquoi ce terme ? Qu'est-ce que ça veut dire ?
07:34 - Alors, il faut bien comprendre que c'est un terme historique,
07:37 qui vient donc de la Côte d'Ivoire, ça désigne...
07:40 Il y a plusieurs significations, mais la signification la plus commune,
07:43 c'est le mouton qui est tranquille, qui a de l'herbe à disposition,
07:47 et c'est une métaphore que sur Internet,
07:49 on est un clip de n'importe quel potentiel victime,
07:52 et les brouteurs adorent faire beaucoup de victimes.
07:54 Il faut savoir que c'est un terme de gens
07:56 qui ne sont pas uniquement en Côte d'Ivoire,
07:58 qui sont évidemment, pour la plupart, en Afrique de l'Ouest,
08:00 mais ce n'est pas parce qu'ils sont en Afrique de l'Ouest
08:02 qu'il faut tenir à propos raciste ou des choses comme ça,
08:04 je préfère le préciser.
08:06 - Pourquoi la plupart, d'ailleurs, opèrent depuis l'Afrique de l'Ouest ?
08:09 - Parce qu'il y a beaucoup de pauvreté dans certains de ces pays,
08:12 et c'est un bon moyen pour eux d'essayer de gagner de l'argent,
08:15 mais il y a des arnaques, il y en a partout,
08:17 et dans d'autres pays, c'est d'autres non.
08:19 Dans d'autres pays, ça va être d'autres types de personnes
08:21 qui vont avoir d'autres comportements,
08:23 mais aussi quelque chose de socio-culturel.
08:25 - D'accord. Ce n'est pas une raison technique ?
08:27 - Non.
08:28 - Comment on découvre un brouteur ?
08:32 Comment là, ces gendarmes qui étaient en charge de cette enquête
08:35 se sont rendus compte que finalement,
08:37 derrière cette relation extra-conjugale,
08:39 il y avait en fait un brouteur ? Comment on le démasque ?
08:42 - En fait, il y a plusieurs choses à faire.
08:44 Ça va être allé à deux niveaux.
08:46 Déjà, comment une simple personne non d'Appel voit,
08:49 et comment un gendarme qui a beaucoup plus de moyens peut le voir ?
08:52 Déjà, moi, j'ai eu accès au profil.
08:54 J'ai pu voir le profil, et souvent, dans ces profils-là,
08:56 il y a beaucoup d'incohérences.
08:58 Il y a beaucoup de choses qui ne vont pas.
09:00 Par exemple, ils vont mettre Paris, mais ils sont gourés de Paris.
09:02 Sur Facebook, c'est Paris-Texas.
09:04 Ils ont pris le premier Paris qui est dans la liste.
09:06 Évidemment, quand on en voit, il ne faut jamais les corriger
09:08 pour ne pas qu'ils s'améliorent.
09:10 Et après, ils vont mettre des choses, des phrases,
09:12 qui sont des copiers-collés,
09:14 des textes qu'on appelle des formats,
09:16 des textes qu'ils prennent sur Internet
09:18 pour discuter avec la victime
09:20 ou pour mettre, pour appâter les gens.
09:22 Généralement, ça commence souvent par "Coucou, bonjour.
09:24 Depuis combien de temps tu es sur Internet ?
09:26 On ne se connaît pas, mais j'aimerais
09:28 qu'on puisse faire connaissance."
09:30 Si quelqu'un, dans vos commentaires, quel que soit
09:32 le réseau social, vous demande à vous connaître,
09:34 méfiez-vous, c'est très probablement un brouteur.
09:36 - Comment ils choisissent leur proie ?
09:38 - Pour avoir accès à des groupes Facebook...
09:40 - Parce que vous, ce que vous faites,
09:42 c'est que vous vous faites passer pour un brouteur
09:44 pour mieux les chasser, c'est ça ?
09:46 - C'est quelque chose qui est très compliqué,
09:48 qu'il ne faut surtout jamais faire,
09:50 parce que la plupart des gens n'ont pas les codes
09:52 et ils ne connaissent pas tous leurs codes,
09:54 parce que ce sont des mots très précis qu'ils utilisent.
09:56 Et dans ces groupes Facebook,
09:58 il y en a aussi dans les groupes Telegram,
10:00 ils échangent entre eux, ils se donnent des conseils,
10:02 même parfois, c'est un gros panier de crabe.
10:04 Il ne faut pas imaginer que ce sont des groupes
10:06 très bien organisés, des sortes de mafias géantes.
10:08 C'est plutôt des gens qui sont un peu seuls,
10:10 isolés, qui peuvent avoir quelques contacts,
10:12 mais malgré tout, ils se méfient quand même
10:14 de leurs contacts, parce qu'ils ont peur
10:16 que l'autre personne leur vole
10:18 ce qu'ils appellent, aussi signifiant que ce soit un client,
10:20 une victime ou aussi un client.
10:22 - Et justement, comment ils trouvent leur client ?
10:24 Et comment ils se disent "Tiens, lui, c'est un bon client" ?
10:26 - En fait, ils vont envoyer généralement plein de messages
10:28 sur des pages, ils vont peut-être cibler
10:30 parfois beaucoup les personnes âgées,
10:32 parce que dans l'image, la personne âgée est la personne qui est très vulnérable,
10:34 mais il n'y a pas que des personnes âgées qui sont ciblées,
10:36 parce qu'ils font différents types d'arnaques.
10:38 Dans l'arnaque aux sentiments, ils vont aller cibler
10:40 par exemple des personnes âgées, aller sur des pages,
10:42 je suis sûr que sur la page de BFM,
10:44 il y en a malheureusement beaucoup, il y en a partout,
10:46 ils sont absolument partout,
10:48 ils préparent des exercices pour les étudiants,
10:50 et qu'est-ce que je vois dans les commentaires ?
10:52 Des brouteurs qui commentent, et ils choisissent,
10:54 et après ils voient si la personne répond,
10:56 ils essayent d'engager et de mettre en confiance
10:58 au maximum la personne.
11:00 - Deux témoignages.
11:02 Tout d'abord, Anna, qui est avec nous,
11:04 dans le 90 minutes, bonsoir Anna,
11:06 vous avez été victime d'un brouteur aux sentiments,
11:08 c'était en 2019,
11:10 ça a eu des conséquences dramatiques
11:12 sur votre vie, puisque vous lui avez envoyé
11:14 près de 6 000 euros, vous avez divorcé,
11:16 et depuis vous ne voyez plus vos enfants,
11:18 et on est avec Ophélie,
11:20 sœur de Logan,
11:22 conséquence encore plus dramatique,
11:24 puisque votre frère s'est suicidé
11:26 après un chantage
11:28 d'un brouteur en ligne,
11:30 bonsoir à vous,
11:32 merci d'être avec nous dans le 90 minutes,
11:34 Ophélie, je vais peut-être commencer avec vous,
11:36 racontez-nous,
11:38 qu'est-ce qui est arrivé à votre frère ?
11:40 - Alors votre frère c'est Anthony,
11:44 - Je ne sais pas pourquoi on m'a mis Logan,
11:46 mais c'est Anthony, pardon.
11:48 - Il n'y a aucun souci, alors mon frère a été
11:52 victime de brouteurs
11:54 en 2015,
11:56 ça a duré 4 jours,
11:58 du 20 octobre au 23 octobre,
12:00 ça a été très rapide,
12:02 donc comme l'a expliqué
12:04 la personne juste avant,
12:06 c'est des messages "coucou ça va",
12:08 une personne qui se disait
12:10 habitée à 1h de chez mes parents,
12:12 qui se disait coiffeuse,
12:14 donc qui travaillait,
12:16 ils ont échangé des messages,
12:18 en fait en 4 jours,
12:22 il y a eu des vidéos,
12:24 je ne sais pas si je peux le dire,
12:26 mais des vidéos à caractère sexuel,
12:28 et à la suite de ces 3 jours,
12:30 le dernier jour,
12:32 il y a eu du chantage,
12:36 le début du chantage,
12:38 comment dire,
12:40 excusez-moi,
12:42 je suis un peu perturbée,
12:44 - Je comprends,
12:46 - Ils lui ont demandé,
12:48 - Allez-y,
12:50 on vous écoute,
12:52 - Allo,
12:54 - Oui, on vous écoute,
12:56 - En fait, ils lui ont demandé de l'argent,
12:58 il avait toujours 18 ans,
13:00 il sortait d'études,
13:02 et en fait,
13:08 quelques jours après,
13:10 quelques semaines après,
13:12 il a mis fin à ses jours,
13:14 il leur a dit texto à la fin
13:16 des conversations,
13:18 qu'il fallait qu'ils arrêtent
13:20 de lui réclamer l'argent qu'il n'avait pas,
13:22 et du coup,
13:24 il leur a dit mot pour mot,
13:26 qu'il allait se mettre une balle dans la tête,
13:28 chose qu'il a faite.
13:30 - Parce qu'en fait,
13:32 il le menaçait,
13:34 Ophélie, de diffuser les vidéos,
13:36 et ils ont reconnu Anthony comme victime.
13:38 - Je ne sais pas si vous m'entendez,
13:42 mais en fait,
13:44 ce qu'il s'est passé,
13:46 c'est qu'il le menaçait,
13:48 de diffuser les vidéos,
13:50 s'il ne payait pas, c'est ça ?
13:52 Alors, visiblement, il y a un petit problème
13:54 de connexion, mais on est d'accord
13:56 qu'il y a deux cas de figure, Victor,
13:58 il y a ce qu'on appelle l'arnaque aux sentiments,
14:00 ça, ça vise plutôt les femmes,
14:02 et la sextortion, ça, ça vise plutôt les hommes,
14:04 c'est-à-dire le fait...
14:06 - Non, ça vise tous les sexes.
14:08 La sextortion est plus redoutable
14:10 parce qu'une bonne arnaque, c'est une arnaque
14:12 qui va vous faire peur, vous presser, vous paniquer.
14:14 Donc forcément,
14:16 comme ça vous presse et ça vous panique,
14:18 les gens sont un peu angoissés et vont tendance à payer.
14:20 Dans ce cas-là, même si c'est très difficile,
14:22 dans le cas d'une sextortion, il faut aller
14:24 promener le brouteur,
14:26 parce qu'il va très vite passer une autre victime,
14:28 il n'a pas de temps à perdre, tout ce qu'il veut, c'est récupérer de l'argent,
14:30 et il passera très rarement à l'action.
14:32 - C'est pour ça que, c'est ce que disait Ophélie,
14:34 c'est qu'en fait, les choses se sont accélérées très vite.
14:37 Ophélie, vous êtes de nouveau avec nous,
14:39 puisque vous, non, visiblement, c'est très compliqué
14:41 au niveau du son.
14:43 Alors, je vais donner la parole à Anna.
14:45 Anna, racontez-nous votre histoire.
14:47 Est-ce que vous êtes avec nous, Anna ?
14:49 Vous, vous avez été victime d'un brouteur au sentiment,
14:51 donc c'était en 2019.
14:53 Est-ce que vous nous confirmez
14:55 que pour vous aussi, finalement,
14:57 très vite, les choses se sont dégradées ?
14:59 - Oui, très rapidement.
15:01 Moi, il m'a contactée en août 2019.
15:04 Il m'a contactée via Facebook,
15:07 un groupe qui n'a aucun rapport avec...
15:10 Voilà.
15:12 Et...
15:14 Ben, j'ai fait cinq vues,
15:16 et puis je lui ai répondu,
15:18 et ben, ouais, on a parlé,
15:21 l'intimité s'est installée.
15:23 Peu de temps, ouais, deux, trois mois après,
15:26 j'ai commencé à lui envoyer des petites sommes,
15:29 des petits 50 euros.
15:31 - Comment il vous a approché, Anna ?
15:34 - Alors, moi, il m'a approchée
15:36 dans un groupe Facebook
15:38 de séries nouvelles que je gère.
15:41 Voilà comment il m'a contactée.
15:44 - Et comment la relation a évolué, en fait ?
15:48 - Ben, en fait, on a...
15:51 On a commencé à parler, parler, parler,
15:54 tous les jours, du matin pratiquement jusqu'au soir.
15:58 Et puis, voilà,
16:00 ça s'est installé tout doucement,
16:02 mais ils sont très manipulateurs.
16:05 - Jamais vous ne vous êtes méfiée, Anna ?
16:08 - Non, je me suis pas méfiée du tout,
16:11 parce qu'en fait, à cette époque-là,
16:14 ça n'allait pas très bien dans mon couple,
16:17 et voilà, non, je me suis pas méfiée.
16:19 Et d'autant plus que moi,
16:21 j'avais jamais entendu parler d'arnaqueux sentiments,
16:24 j'avais jamais entendu parler de faux profils.
16:27 Et voilà, je suis tombée dans le panneau,
16:30 comme beaucoup de personnes, je pense.
16:32 - Et en l'occurrence, lui, c'était quoi, son profil ?
16:35 Quelle histoire il racontait ?
16:37 - C'était un légionnaire qui était usurpé, en fait.
16:41 Il me disait qu'il était légionnaire à Aubagne.
16:45 Voilà, et puis avec l'uniforme,
16:48 je me suis pas méfiée du tout,
16:50 parce qu'on n'est pas censé se méfier d'un uniforme.
16:53 - Vous avez porté plainte, Anna ?
16:57 - J'ai porté plainte une fois contre mon escroc, oui,
17:02 parce qu'avec le nom qu'il m'avait donné au début.
17:06 Après, je l'avais bloqué et il m'a recontactée.
17:10 Je l'ai baratinée, j'ai fait comme tout le monde,
17:13 j'ai essayé de le baratiner.
17:15 Je lui ai demandé un RIB, ce qu'il a fait,
17:18 parce qu'il m'a demandé de l'argent, encore une fois.
17:21 Je lui ai dit d'accord, mais je ne paierai pas en PCS,
17:25 tu me donnes un RIB.
17:27 Et il m'a donné un RIB de nickel.
17:30 Alors, au nom de ce légionnaire,
17:33 je suis très curieuse.
17:36 J'ai donc fait un virement de 20 euros sur ce RIB-là
17:40 et j'ai découvert le nom d'un destinataire.
17:44 Et là, j'ai pu porter plainte.
17:47 - Est-ce qu'il a été retrouvé par la justice ?
17:50 Est-ce que vous avez obtenu réparation ?
17:52 - Il n'y a pas longtemps que j'ai porté plainte.
17:55 Il faut attendre un petit peu.
17:57 Mais comme l'a dit la dame,
18:00 il y a peu de chance qu'on le retrouve,
18:03 parce que ce sont des réseaux très organisés.
18:06 J'ai un petit espoir, mais je n'y crois pas trop.
18:10 - Ophélie, la connexion a été rétablie.
18:15 On a eu du mal à vous entendre.
18:18 Quel est le message que vous avez envie de faire passer
18:22 après l'histoire de votre frère qui s'est suicidé
18:25 après ce chantage d'un brouetteur en ligne ?
18:28 Ce que votre frère n'a pas supporté,
18:30 c'est d'avoir été trompé à ce point.
18:33 - C'est ça. Il était jeune.
18:36 Il ne savait pas vers qui se tourner.
18:38 Je pense qu'il avait très peur.
18:41 Il avait peur d'être jugé, le regard des autres.
18:44 Sauf que les victimes n'ont pas à avoir peur.
18:47 Il faut surtout parler.
18:50 Il y a des associations, des numéros verts.
18:54 Les parents ne jugeront jamais.
18:58 Au contraire, on est là pour vous.
19:01 On se dit "on" parce que c'est sociétal.
19:04 Tout le monde peut aider.
19:06 Si quelqu'un voit quelqu'un en détresse,
19:09 il faut en parler. Il faut sensibiliser.
19:12 Ma famille est brisée. Mon frère, je ne l'ai plus.
19:16 - En parler.
19:19 C'est le conseil que vous donneriez.
19:22 En parler un maximum.
19:24 Merci beaucoup à toutes les deux pour vos témoignages.
19:27 On a une idée de l'ampleur du phénomène ?
19:30 - C'est très difficile à dire.
19:32 Beaucoup de gens n'osent pas en parler.
19:35 Vous êtes victime, vous avez honte.
19:38 Une victime, c'est quelqu'un.
19:40 Il faut qu'ils en parlent.
19:42 Il faut faire énormément de prévention.
19:45 Les gens sont très diversifiés.
19:48 Ils savent très bien s'adapter.
19:51 - C'est un sujet pour les services de sécurité ?
19:54 - Oui. Chaque euro envoyé est un euro perdu.
19:57 Ces gens ne retrouveront jamais l'argent envoyé.
20:00 Nicolas, qui a tué sa femme,
20:03 avait envoyé 2200 euros.
20:06 C'est un mélange d'amateurisme et du bricolage.
20:09 Ils sont très malins.
20:12 Ils s'adaptent dans la crédibilité des gens.
20:15 Ils sont souvent sur les sites de rencontres.
20:18 Le but est de tomber pour vous la personne idéale.
20:21 C'est difficile.
20:24 Quand on est démasqué, on sait qu'on s'est fait piéger.
20:27 On perd une deuxième fois.
20:30 - C'est très difficile d'en parler.
20:33 Merci beaucoup à tous les deux.
20:36 On se retrouve pour "Julie à mettre"
20:39 à 12h.
20:42 [Musique]