Alizé Cornet était l'invitée de "C à Vous" pour évoquer sa nouvelle vie d'écrivaine après avoir pris sa retraite du tennis professionnel. L'ancienne joueuse française de 34 ans a publié un roman autobiographique intitulé "Rêver de Rafa" qui connaît un vif succès en librairie. Dans cette interview, Cornet revient avec humour et émotion sur les coulisses de sa carrière tennistique, ponctuée de 20 participations consécutives à Roland-Garros. Elle évoque notamment son idole Rafael Nadal, dont elle dit avoir "rêvé toute la nuit" avant son dernier match à Roland-Garros en 2024. L'ex-joueuse se livre aussi sur les difficultés de la reconversion après une carrière sportive de haut niveau. Écrire ce roman a été une thérapie pour exorciser ses démons et trouver un nouvel équilibre dans sa vie d'après-tennis. Cornet aborde également les défis de la célébrité, du harcèlement en ligne et de la pression médiatique subis par les sportives professionnelles aujourd'hui. Son but est de briser les tabous et d'aider la nouvelle génération à mieux se préparer. En résumé, cette interview dévoile les dessous d'une carrière de sportive de haut niveau, les joies et les peines, racontés avec authenticité par Alizé Cornet au moment de tourner la page vers une nouvelle vie d'écrivaine.
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00:00L'une des meilleures joueuses de tennis de sa génération, qui dans 15 jours disputera à Roland-Garros le dernier tournoi de sa carrière, des adieux.
00:07Après avoir été 11ème joueuse mondiale aux meilleures de sa carrière, victorieuse de 6 titres sur le circuit féminin WTA, victorieuse aussi de la Fed Cup en 2019, une championne qui ne serait pas là.
00:17Si à 12 ans, elle n'avait pas mieux suggéré le stress de la finale du tournoi doré que son adversaire anglaise.
00:25Une frêle silhouette, mais une hargne sans faille. Alizée Cornet, 12 ans, voulait en découdre. Elle remporte l'Open Superdouce Doré en 2-7, 6-4, 6-2.
00:35Face à elle, une Anglaise qui visiblement a moins bien géré le stress d'une finale, Alizée Cornet, elle, est déjà très pro et n'oublie pas de féliciter son adversaire.
00:45C'était comme un rêve. J'ai sauté. Vraiment, c'est l'étonnement parce que, Claire, que je l'avais vue jouer, c'est vraiment une très bonne joueuse. Je ne pensais pas être à ce niveau, vraiment. Je m'étonne moi-même.
00:57Bonsoir, Alizée Cornet, qui s'étonne soi-même. Bonsoir. Sacré dossier que vous me sortez là, quand même. Vous êtes toute mignonne. C'est mignon, mais on voit que j'étais déjà très, très enthousiaste.
01:07Et je le suis toujours. C'est vrai ? Je le suis toujours. On est ravies de parler de la fin de votre carrière de joueuse professionnelle et de la confirmation de votre nouvelle vie, celle de romancière.
01:17Votre deuxième roman, Ce qui manque à l'amour, est d'ores et déjà disponible en librairie, deux ans après le succès du premier. Avoir déjà amorcé la suite, imaginer la reconversion, savoir qu'on a une autre passion,
01:29c'est un bon moyen pour ne pas être effrayée par la vie après le tennis qui a été si dense, si intense ? Oui, par cette petite mort. On appelle ça la petite mort, la fin de carrière d'un athlète.
01:42Et c'est vrai que c'est très rassurant pour moi d'avoir une passion, d'avoir même un deuxième métier, j'ose le dire, depuis deux ans. Et ça rend le futur un petit peu moins effrayant,
01:51bien que je me prépare petit à petit à ce vide que le tennis va laisser. L'intensité de cette vie, elle est inimaginable. Mais voilà, j'ai l'écriture, j'ai la promotion de mon livre, et puis je compte bien en écrire plein d'autres.
02:04Oui, il y en a deux qui sont déjà écrits ? Oui, d'avance, oui. Enfin, un et demi. J'ai beaucoup d'inspiration. C'est vrai que l'écriture, c'est mon premier amour, quand même, avant le tennis.
02:14On va y revenir, mais là, c'est bientôt, c'est dans 15 jours, le dernier tournoi de votre carrière. Ne me le rappelez pas, ça me met le palpitant.
02:22Parce que Roland-Garros, c'est là où tout avait commencé pour vous. À seulement 15 ans, lors de votre première participation au tournoi, vous vous qualifiez pour le deuxième tour.
02:31Et là, vous vous retrouvez face à Amélie Moresmo, troisième mondiale et favorite du tournoi.
02:36Son premier match était déjà un exploit. Jamais une aussi jeune joueuse n'avait passé un premier tour à Roland-Garros depuis Marie Pearson 1990.
02:43Ça fait plaisir, on est fiers, on est contents.
02:45Vous êtes montée spécialement ?
02:46Oui, tout à fait. Et demain, on repart au boulot.
02:49Avec l'impatience de ses 15 ans et le public derrière elle, Alizé réussit à marquer deux Jeux face à Amélie Moresmo.
02:55La correction est évitée. Soulagée, la jeune niçoise, invitée par les organisateurs, va maintenant se concentrer sur le bac de français, qu'elle passe le 10 juin avec deux ans d'avance.
03:04Deux ans d'avance pour le bac français !
03:08Oui, j'ai passé mon bac à 16 ans. Ce qui m'a permis d'ailleurs de me consacrer au tennis un petit peu plus rapidement.
03:13Vous étiez très heureuse de voir votre père, qui contrairement à toutes les images d'Epinal et clichés, n'est pas celui qui vous a poussé à faire du tennis.
03:21Non, bien au contraire. Mes parents ont été vraiment mes meilleurs supporters, mais sans jamais me mettre de pression. Ils ont toujours été à l'écoute de ce que je voulais faire.
03:30C'était moi le moteur de cette carrière, et eux m'ont juste suivie du mieux possible. Ils étaient parfois un peu désarmés, parce que c'est un monde particulier le tennis.
03:40Ça me fait bizarre de voir mon papa. C'était il y a 20 ans quand même, et il s'est passé un enclaquement de doigts. J'ai du mal à réaliser que je vais jouer mon 20e et dernier Roland-Garros.
03:49C'est un moteur qui a marché à fond en 2014. Je voudrais que vous nous parliez de cette année particulière, il y a exactement 10 ans.
03:57Cette année-là, vous battez la numéro 1 mondiale, Serena Williams. Pas qu'une fois, mais la première fois, c'était au troisième tour de Wimbledon ?
04:06La première fois, c'était à Dubaï, en demi-finale. La deuxième fois, c'était à Wimbledon.
04:10Troisième tour de Wimbledon, dans des circonstances familiales qui étaient troublées.
04:15Qui étaient très lourdes. Je venais de perdre ma grand-mère une semaine auparavant, et la veille de ce match contre Serena, je fais l'aller-retour entre Londres et Nice pour assister au funérail.
04:24J'avais autre chose en tête à ce moment-là, et c'est là que le miracle s'est produit. J'ai effectivement battu Serena dans son jardin, après un scénario complètement incroyable.
04:34C'était vraiment la sensation de ce tournoi.
04:36Et il y aura une troisième fois en 2014 ?
04:39Par abandon. Mais ça compte quand même.
04:42Je crois que vous avez raconté qu'en plus, il y a quelque chose d'obsessionnel.
04:48Vous battez la numéro 1 mondiale, vous avez envie de recommencer, vous y arrivez, et donc on court après ce succès-là.
04:55Après, on peut en avoir envie, et ne pas trouver des clés malgré tout.
04:58Oui, j'ai eu la chance d'y arriver trois fois cette année-là, mais je vous rassure, elle a quand même pris sa revanche.
05:04Deux ans plus tard aux Jeux Olympiques, elle a pris sa revanche.
05:06Oui, mais l'émotion, l'adrénaline de la victoire, c'est une drogue.
05:09C'est ce qui peut rendre fou, en fait.
05:12Exactement, c'est bien résumé.
05:13C'est pour ça d'ailleurs que j'ai voulu arrêter environ 15 fois ma carrière et que je n'ai jamais fait avant,
05:18parce que j'étais complètement addicte à ces émotions.
05:20Je pense que les émotions qu'on ressent en tant qu'athlète de haut niveau, elles sont inégalables.
05:25C'est vraiment un monde à part entière où on a des sortes de montagnes russes émotionnelles,
05:30des joies très très intenses, et après des moments de dépression aussi très fortes.
05:35Et c'est vrai que ça a été ça pendant 20 ans.
05:38Je me demande comment j'ai survécu à cette carrière et comment je réussis à être mentalement encore saine et équilibrée.
05:46Mais je pense que j'ai eu des bonnes bases, encore une fois grâce à mes parents et cette belle éducation et ce soutien que j'ai eu.
05:52Il y a déjà l'émotion d'être lue aussi, de partager des émotions avec les lecteurs.
05:57Si on parle de votre roman un peu, ça parle déjà d'amitié entre deux hommes et une femme.
06:02Nina qui affronte sa peur de décevoir, Marcel qui éprouve un besoin viscéral d'être aimé,
06:06Romain qui lutte contre ses addictions, notamment à l'alcool.
06:10Une amitié qui mise à rude épreuve avec les aléas de la vie.
06:13Le thème de la maternité qui traverse aussi le livre et qui a traversé aussi beaucoup votre carrière.
06:18Vous avez eu souvent l'occasion d'énoncer la pression sur les femmes qu'on enjoint à devenir mère,
06:24comme s'il fallait absolument ça pour se réaliser complètement.
06:28Maintenant, est-ce que vous y réfléchissez autrement ?
06:32Vous n'allez pas vous y mettre vous non plus.
06:35Je suis un peu hallucinée d'une nombre de remarques que j'ai à ce niveau-là.
06:42Quand j'ai décidé d'annoncer ma fin de carrière, souvent j'ai eu comme commentaire que j'allais arrêter parce que je voulais fonder une famille.
06:50C'était ma raison numéro un.
06:52Au final, pas du tout. J'arrête ma carrière parce que je suis arrivée au bout de mon aventure,
06:57parce que j'ai tout donné, parce que j'ai envie de commencer ce deuxième chapitre de ma vie avec l'écriture qui prend une bonne place.
07:04Mais pour l'instant, ce n'est pas du tout pour faire des enfants.
07:08C'est vrai que cette pression sociétale sur les femmes existe.
07:11J'en parle beaucoup dans le livre.
07:13Ce livre est vraiment fictif pour la plupart.
07:16Je ne mets pas forcément beaucoup de mon expérience.
07:19Mais cette pression que ressent Nina sur ce fait d'avoir des enfants, je l'ai puisée un peu en moi.
07:24Et sur ces 15 dernières années que j'ai vécues en tant qu'athlète, même quand on est athlète, on ressent quand même cette pression-là.
07:30Et maintenant que je vais arrêter, alors j'imagine à peine maintenant ce qu'on va me dire, mais ce n'est pas encore d'actualité.
07:36Évidemment, j'y réfléchis.
07:38À 34 ans, j'ai arrêté à réfléchir pas trop longtemps.
07:41Mais je me dis que voilà.
07:43Je vais raconter ma vie.
07:45Mon deuxième enfant très tard.
07:47Je pense que l'essentiel, c'est d'en ressentir le temps.
07:53Il est toujours en gestation.
07:55Et tes camarades d'école ?
07:57Chacun son étoile.
07:59Exactement.
08:00Le tennis, l'écriture, mais vous aviez aussi dans votre cœur et votre tête la musique.
08:05Vous êtes une pianiste de haut vol, je crois.
08:08Vous jouez excellemment du piano, même si vous ne pratiquez pas autant que si vous n'aviez pas le tennis et l'écriture.
08:15Mais vous avez aussi chanté.
08:17Puisque vous avez parlé de dossier, on a retrouvé Roland-Garros 2007 et Alizé chante.
08:23Alizé, évidemment.
08:25Ah bon ?
08:26...
08:43A l'époque, on vous ramenait Alizé souvent à la conversation.
08:47Oui, évidemment. Au collège, Alizé, c'était la superstar.
08:50Mais bon, on voit bien que je suis en playback.
08:52Je ne peux pas vraiment considérer mes talents de chanteuse.
08:55Je pense que je suis bien meilleure à l'écriture.
08:57Je suis bien meilleure.
08:59Le premier roman a été un succès deux ans plus tard.
09:01« Ce qui manque à l'amour » est disponible depuis le 2 mai.
09:04Je l'offre à Anne qui repart.
09:06C'est un honneur.