• il y a 5 mois
Le rapport final du BEA (Bureau d'Enquêtes et d'Analyses) publié le 5 juillet 2012, soit plus de 3 ans après le crash du vol AF447 Rio-Paris le 1er juin 2009, a conclu que l'accident était dû à une combinaison de facteurs techniques et humains:
Facteurs techniques

Givrage des sondes Pitot (mesurant la vitesse) qui a entraîné le déclenchement intempestif des alarmes de décrochage et la désactivation du pilote automatique

Ergonomie défaillante du cockpit et manque d'informations claires sur la situation réelle de décrochage
Facteurs humains

Réactions inappropriées et incompréhensibles de l'équipage face à la situation de décrochage

Le co-pilote aux commandes a cabré l'avion à l'excès malgré les alarmes de décrochage, entraînant la chute de l'appareil
Manque de formation adéquate des pilotes pour faire face à ce genre de situation
Le BEA a émis 41 recommandations de sécurité, dont 25 nouvelles, visant à améliorer la formation des pilotes, les procédures des compagnies et les systèmes de vol des avions pour éviter qu'un tel accident ne se reproduise. Malgré les conclusions accablantes sur les défaillances humaines, le rapport souligne que de nombreux autres facteurs sont entrés en jeu, notamment des manquements au niveau de la conception des avions et de la réglementation aéronautique.

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Transcription
00:00La nuit vient de tomber sur Rio. Nous sommes le dimanche 31 mai 2009.
00:11A l'aéroport, 216 passagers s'apprêtent à embarquer sur le vol AF447 à destination de Paris.
00:21Ce soir, le vol Air France est assuré par cet appareil, un Airbus A330 avec à son bord un équipage de 12 personnes.
00:31A 21h29, l'avion décolle. 4h30 plus tard, le vol 447 se désintègre en percutant l'océan Atlantique.
00:50Deux ans plus tard, les boîtes noires de l'appareil sont enfin repêchées.
00:55L'une contient les conversations des pilotes enregistrées dans le cockpit. L'autre, l'enregistrement de plusieurs centaines de paramètres techniques de l'avion.
01:07A partir de ces informations, nous avons rigoureusement reconstitué les dernières minutes avant le crash.
01:14Très précisément, 4 minutes et 22 secondes.
01:18Des comédiens vont interpréter les rôles des 3 pilotes.
01:22Le premier incarne le commandant de bord expérimenté, Marc Dubois, 58 ans, 11 000 heures de vol.
01:30Il connaît bien la route entre Rio et Paris, il l'a déjà parcouru 16 fois en 2 ans.
01:37A ses côtés, 2 copilotes, comme pour tous les longs courriers.
01:40David Robert, 37 ans, 6 500 heures de vol.
01:46Et Pierre-Cédric Bonin, 32 ans, le moins expérimenté des 3, avec 3 000 heures de vol.
01:53C'est lui qui sera aux commandes quand débutera le drame.
01:59Après le décollage, l'avion longe comme d'habitude les côtes brésiliennes.
02:04Cap vers le nord, avant de partir vers Rio.
02:07Au bout de 4 heures de vol, il entre dans une zone de turbulences habituelle dans la région.
02:13L'avion est alors en face de croisière, en pilotage automatique.
02:17C'est donc l'ordinateur de bord qui pilote.
02:20Dans le poste de pilotage, aucune inquiétude.
02:24Bon allez, je me casse.
02:27C'est l'heure de l'avion.
02:29A 2 heures du matin, le commandant de bord part même se reposer.
02:35Laissant aux commandes les 2 copilotes.
02:4510 minutes après le décollage, les 2 copilotes arrivent à Rio.
02:50Les 2 copilotes arrivent à Rio.
02:53Les 2 copilotes arrivent à Rio.
02:5610 minutes après le départ du commandant, se produit alors un incident.
03:01Les sondes pitot givrent.
03:04Elles servent à calculer la vitesse de l'avion.
03:07Information qu'elles transmettent aux ordinateurs de bord.
03:10Privé d'indication de vitesse, le pilote automatique aussitôt se déconnecte.
03:15A partir de cet instant, voici reconstituées les 4 dernières minutes du vol AF447.
03:22C'est bon, j'ai les commandes.
03:24C'est bon, j'ai les commandes.
03:30C'est le jeune copilote qui prend les commandes.
03:33Il tire sur le manche.
03:39A force de tirer sur le manche, le copilote cabre l'avion.
03:43Fais attention à ta vitesse.
03:45Fais attention à ta vitesse.
03:47Tu stabilises.
03:49Tu redescends.
03:50Il est en train de monter, selon lui.
03:52Tu montes, donc tu redescends.
03:54Tu redescends.
03:56On est en climb.
04:00Une alarme se déclenche.
04:02L'autre copilote appelle le commandant de bord afin qu'il revienne d'urgence.
04:07Pendant ce temps-là, le jeune copilote continue à tirer sur le manche,
04:11amenant l'avion dans une situation de décrochage.
04:14Essaye de toucher le moins possible au commande latéral.
04:16En clair, l'avion va cesser de voler et commencer à tomber.
04:20Il vient ou il ne vient pas ?
04:22A cet instant, les ailes cessent de porter l'appareil
04:26et l'Airbus A330 entame sa chute vers l'océan.
04:33On a pourtant des moteurs, là.
04:36Je ne comprends pas ce qui se passe.
04:44Je n'ai plus les contrôles de l'avion.
04:47Je n'ai plus du tout le contrôle de l'avion.
04:49Commande à gauche.
04:51Le commandant de bord revient dans le cockpit.
04:54On est où, là ? C'est quoi, là ?
04:56Qu'est-ce qu'on foutait, là ?
04:58Je ne sais pas ce qui se passe.
05:00On a totalement perdu le contrôle de l'avion, là.
05:02On ne comprend rien, on a tout tenté.
05:04180 km heure.
05:06C'est la vitesse verticale de l'avion en chute libre.
05:09Il est encore à 9000 m d'altitude.
05:11Je n'ai plus de vario, là.
05:13D'accord.
05:15On n'a plus aucune indication qui soit valable.
05:16On a l'impression qu'on a une vitesse de fou, non ?
05:18Qu'est-ce que vous en pensez ?
05:20Non, surtout que tu ne descends pas.
05:22Non.
05:26C'est ce qu'on pense.
05:28Justement, qu'est-ce qu'il faut faire ?
05:30Je ne sais pas. Là, ça descend.
05:32Voilà.
05:34Là, c'est bon, là. On serait revenus les ailes à plat.
05:36Non, il ne veut pas.
05:38Les ailes à plat.
05:40L'horizon de secours. L'horizon de secours.
05:42Tu montes. Tu descends.
05:44Je suis en train de descendre, là.
05:46Ok, alors on descend.
05:48Le jeune copilote reprend les commandes.
05:50Pousse sur le manche, mais pas suffisamment longtemps pour stabiliser l'avion.
05:54La chute continue.
05:56Ok, on est en haute gare. On est quoi, là ?
05:58On a quoi, là ?
06:00C'est impossible.
06:02En altitude, on a quoi ?
06:04Comment ça, en altitude ?
06:06Là, je descends, non ?
06:08Là, tu descends, oui.
06:10Et là, tu mets les ailes à l'horizontale.
06:12Les ailes à l'horizontale.
06:14C'est ce que je cherche à faire.
06:16Les ailes à l'horizontale, d'une aile sur l'autre.
06:18Le jeune copilote tente de le stabiliser en vain.
06:21Les ailes à l'horizontale. Doucement, doucement.
06:26On a tout perdu au niveau du gauchissement.
06:29Je n'ai plus rien, là.
06:31Tu as quoi, là ?
06:33Non, on atteint.
06:35On y est. On passe le niveau 100.
06:37Moi, j'ai les commandes. J'ai les commandes, moi ?
06:39Oui, on les reprend.
06:41Comment ça se fait qu'on continue à descendre à fond, là ?
06:43Essaye de voir ce que tu peux faire avec tes commandes, là-haut.
06:44Là, tu as les primaires, etc.
06:46On va arriver au niveau 100.
06:48L'océan n'est plus qu'à 3000 mètres.
06:519000 pieds.
06:53Doucement avec le palonnier, là.
06:55Remonte, remonte, remonte, remonte !
06:57Je suis à fond accabré, là, depuis tout à l'heure.
06:59Non, non, non. Remonte pas. Non, non. Alors, descend.
07:01Alors, les commandes. À moi, les commandes.
07:03Vas-y, tu as les commandes.
07:05À présent, les deux hommes pilotent en même temps, en tirant sur les deux manches.
07:15Attention, tu cabres, là.
07:17Je cabre, là ?
07:19Tu cabres. On est cabrés.
07:21On est à 4000 pieds.
07:23Tu cabres, là !
07:25C'est great.
07:27Pull up.
07:29Pull up.
07:31Allez, tire !
07:33On tire, on tire, on tire, on tire, on tire, on tire.
07:35Pull up.
07:37Putain, on m'a tapé, ce n'est pas vrai !
07:39Qu'est-ce qui se passe ?
07:4110 degrés d'assiette.
07:4210 degrés d'assiette.
07:58Pourquoi l'avion est-il tombé comme une pierre cette nuit-là ?
08:01Cet Airbus, un A330-200, est un appareil réputé fiable.
08:05Un modèle d'avion qui n'avait jamais eu d'accident auparavant.
08:08Et la compagnie Air France est l'une des plus réputées au monde.
08:12Quant à l'équipage, il était constitué de trois pilotes expérimentés.
08:16Les trois pilotes étaient dans le cockpit.
08:18Nous avions à ce moment-là la compétence maximale au sein du cockpit de cet avion d'Air France.
08:22Air France et Airbus sont mis en examen pour homicide involontaire.
08:26228 personnes sont mortes dans le crash.
08:29Et la justice cherche les responsables.
08:32La compagnie, les pilotes ou l'avion ?
08:36Vous savez ce que c'est qu'un Airbus ?
08:38Un joystick d'ordinateur.
08:40C'est pas du tout une colonne, un machin comme ça.
08:42C'est une merde, vous ne sentez rien.
08:44Certaines règles élémentaires de pilotage n'ont pas été appliquées.
08:48S'agit-il d'une erreur de pilotage ou d'une défaillance technique ?
08:52Presque trois ans après le crash du vol AF447,
08:56notre enquête révèle ce qui s'est réellement passé.
09:06C'est bon, j'ai les commandes.
09:08Tout commence quand le pilote automatique se déconnecte.
09:11On n'a pas une bonne annonce de vitesse.
09:15Le pilote automatique ne reçoit plus aucune information sur la vitesse de l'avion.
09:21Car à l'extérieur, les capteurs permettant de calculer la vitesse sont givrés.
09:26Ce sont les sondes pitot.
09:29Sur un Airbus A330-200, il y a trois sondes pitot comme celle-ci sur la carlingue.
09:35Ce sont de simples tiges trouées dans lesquelles l'air s'engouffre.
09:39C'est ainsi qu'est mesurée la vitesse de l'avion.
09:42Cette nuit-là, elles sont tombées en panne.
09:45Pourquoi le constructeur installe-t-il des instruments aussi sensibles au froid sur les avions ?
09:51Nous nous rendons chez le constructeur de l'appareil, Airbus à Toulouse.
09:56L'interview se fait à bord d'un A380 entièrement dédié aux essais en vol.
10:00Le chef pilote nous explique que c'est la seule technologie existante pour mesurer la vitesse.
10:06Et surtout, il ne voit pas comment échapper au risque de givrage.
10:14Les pitots, par définition, givrent.
10:18Quel que soit le pitot que vous mettiez,
10:21à partir du moment où c'est un trou qui se balade dans l'atmosphère, il récupère des choses.
10:27Mais tant qu'on a des pitots classiques, ils vont givrer.
10:32Des pitots qui ne givrent pas, ça n'existe pas.
10:35Ce type d'incident arrive de temps en temps
10:38et de nombreux pilotes du monde entier ont déjà dû faire face à des givrages de sondes pitots.
10:44Nous avons voulu demander à Air France son avis sur ces incidents de sondes.
10:49Mais la compagnie aérienne a refusé toute interview,
10:53prétextant qu'il n'y avait pas d'avion.
10:55Elle a refusé toute interview,
10:58prétextant l'enquête judiciaire en cours.
11:04Une enquête judiciaire qui révèle pourtant dans ce rapport
11:08que 19% des pilotes confrontés au givrage des sondes
11:12se sont dits très stressés par l'événement.
11:16Pour 19% des pilotes, le stress a été fort.
11:20L'équipage a jugé la situation difficile.
11:25C'est un stress que rapidement les deux copilotes de la F447 ont dû ressentir.
11:30Connaissaient-ils ce type de risque ?
11:33Avaient-ils été formés pour y répondre ?
11:46Malgré les consignes de silence d'Air France,
11:49un pilote a accepté de répondre à nos questions à visage caché.
11:51Il affirme que des pilotes avaient alerté la compagnie
11:54sur les pannes des sondes Pytho.
11:56Ce que les pilotes déplorent, c'est qu'il y a eu 8 incidents précédents
12:01impliquant ces phénomènes de givrage de sondes
12:05et de situations difficilement contrôlables,
12:10reportées comme très difficilement contrôlables par les pilotes,
12:14dont des pilotes instructeurs qui ont informé leur hiérarchie,
12:18qui ont expressément demandé à ce qu'il y ait des simulateurs dédiés,
12:24puisqu'ils se sont fait très peur lors de ces incidents.
12:29Et malheureusement, ça n'a pas été suivi d'effet, ou en tout cas trop tard.
12:33D'après ce document que nous nous sommes procurés,
12:36ce ne sont pas 8, mais 12 équipages Air France
12:39qui ont eu à faire face à un givrage de sondes Pytho à haute altitude
12:43durant les 12 mois précédents.
12:45Tous ont rédigé à leur retour des rapports d'incidents
12:48envoyés à leur chef de service.
12:50Alors, la compagnie a-t-elle réellement pris la mesure du risque
12:54et prévenu ses équipages du danger ?
12:56Pour tenter d'obtenir une réponse, nous allons à Roissy.
13:00Air France est le principal syndicat des pilotes refusant de s'exprimer.
13:04Nous allons rencontrer un autre syndicat, minoritaire au sein de la compagnie.
13:12À peine installés dans un bureau, nous croisons un commandant de bord.
13:16Il ne sait pas que la caméra tourne,
13:19nous en profitons pour recueillir un témoignage spontané.
13:24Nous lui montrons ce document de 2 pages,
13:27rédigé par la sécurité des vols d'Air France.
13:30Le texte informe les équipages des givrages à répétition des sondes Pytho.
13:34Il a été distribué dans leur casier en novembre 2008,
13:386 mois avant l'accident.
13:40Air France mentionne un nombre significatif d'incidents.
13:44En majuscule à la fin, soyons vigilants.
13:49Vous vous rappelez d'avoir reçu ?
13:51Oui, bien sûr, mais je reconnais que ça ne m'a pas interpellé.
13:55Ce n'est pas percutant du tout.
13:57Ça ne donne pas grand chose sur la difficulté.
14:01On a tellement d'informations qu'on a du mal à les gérer.
14:06L'occasion, c'est un bruit d'information.
14:09Nous, on s'est couverts.
14:11Ça, c'est les papiers qui courent.
14:13C'est-à-dire que l'entreprise a fait ce qu'il fallait.
14:16Mais elle ne vérifie pas que l'information est arrivée au pilote.
14:20Air France a-t-elle suffisamment alerté ses pilotes ?
14:24Si la compagnie refuse de s'exprimer, l'un de ses pilotes accepte de nous recevoir.
14:29Son statut de syndicaliste lui permet de s'exprimer dans les médias sans l'accord de son employeur.
14:35C'est par là.
14:37Merci de nous recevoir.
14:38Ce n'est pas très causant, vos collègues, sur le sujet de la F447.
14:42On va essayer de donner quelques informations.
14:44Air France a eu 12 incidents et a rédigé ce document de deux pages.
14:49Dans le même temps, Air Caraïbes a fait une note sur le givrage des pitots.
14:54Air Caraïbes, une autre compagnie française, a elle aussi été confrontée à des givrages des sons de pitots.
15:01Et elle a réagi d'une toute autre manière.
15:04La compagnie a rédigé ce dossier de 13 pages pour ses pilotes.
15:07Et elle a choisi de remplacer les pitots par un autre modèle, censé poser moins de problèmes.
15:13Pourquoi Air France n'a-t-elle pas appliqué le même principe de précaution ?
15:17Si vous avez 5 avions, vous pouvez changer les pitots en un week-end.
15:21Quand vous avez une flotte de 300 avions, pour changer les pitots, il vous faut beaucoup plus de temps,
15:26parce qu'il vous faut les pièces, et vous ne pouvez pas mobiliser tous les avions au sol au même moment, etc.
15:31Donc c'est là où, l'idéal, il nous faudrait la réaction d'une compagnie comme Air Caraïbes,
15:39mais dans une structure à plusieurs centaines d'avions.
15:42Mais ça, ce serait le monde idéal.
15:44Nous avons vérifié les chiffres.
15:46Chez Air France, ce ne sont pas 300, mais 30 appareils qui étaient alors concernés par les incidents de sons de pitots.
15:53Il y a donc peut-être une autre raison pour expliquer que la compagnie ne les ait pas changés plus tôt.
16:00Le risque management
16:05Ancien responsable des facteurs humains chez Air France,
16:09Pierre Essette reconnaît ici une logique bien connue dans le milieu industriel.
16:14Le risque management, c'est-à-dire l'arbitrage entre les risques.
16:19Forcément, il y a eu des réunions et des risques acceptés et non acceptés,
16:24et des dépenses acceptées et non acceptées.
16:26Et forcément, puisque nos managers sont des hommes,
16:30ils sont dans l'humain,
16:33leur perception des choses est très différente après un accident qu'avant.
16:37Et c'est tout à fait ça.
16:39Donc la dépense qui paraissait superflue, inutile, exagérée avant,
16:45devient qu'il faut faire quelque chose, donc on y va.
16:48Donc ce sont des gens qui arbitrent entre un risque possible
16:51et des dépenses qui permettraient d'éviter ce risque ?
16:56Un risque possible et une dépense certaine.
16:59C'est ça qu'il faut bien voir.
17:01Un risque possible est assumé par Air France.
17:05Voilà ce qui révolte Gérard Arnoux.
17:08Ce pilote de la compagnie aérienne française prend la défense de ses confrères.
17:12Pour lui, l'avion était défectueux et c'est là la cause de l'accident.
17:16On est bien d'accord que les pilotes sont entraînés à gérer les pannes.
17:20Le défaut, c'est une autre affaire.
17:22Le défaut, c'est de faire voler un avion avec quelque chose qui n'est pas normal,
17:27de façon durable dans le temps.
17:30Le défaut, il peut être ponctuel et on le corrige.
17:33Là, le défaut des sondes pitot, je vais vous rappeler quand même
17:36qu'ils perdurent depuis tellement longtemps que tout le monde le sait.
17:40Gérard Arnoux assiste bénévolement l'une des avocates des familles de victimes.
17:44dans le procès qui devra déterminer les responsabilités.
17:48Sa stratégie, que la justice reconnaisse le givrage des sondes pitot
17:53comme une défaillance technique et surtout comme la cause principale de l'accident.
17:59Est-ce qu'on a mis entre les mains des pilotes des machines qui étaient fiables ?
18:03Enfin, si ces sondes pitot n'avaient pas givré,
18:06si on ne savait pas donner des fausses indications de vitesse, on n'en serait pas là.
18:10A l'automne dernier, au palais de justice de Paris,
18:13la juge chargée de l'enquête reçoit les familles des victimes.
18:18Le pilote d'Air France et l'avocate entendent bien questionner la juge
18:22sur l'implication des sondes pitot et donc d'Airbus dans le crash.
18:28Mais trois heures plus tard, déception.
18:31La juge vient d'annoncer que le gel des sondes pitot n'est pas la cause de l'accident.
18:35Rapport d'experts à l'accui.
18:38D'abord, on est très surpris, mécontent et fâché
18:45de ce qu'il n'y aura plus rien sur les sondes pitot.
18:49Il n'y aura pas d'autres analyses, a priori,
18:53contrairement à ce que nous avons tous demandé sur les sondes pitot.
18:56Moi, j'ai le sentiment désagréable que dès qu'on vient sur ce terrain,
19:00dès qu'on vient sur le terrain du fonctionnement des machines,
19:02on a une rétraction collective de tous.
19:06Gérard Arnoux fait référence aussi à l'Agence Européenne de Sécurité Aérienne
19:11qui refuse de répondre aux questions de la justice française.
19:15L'avocat du SNPL, le principal syndicat de pilotes de ligne français,
19:20souhaiterait lui aussi interroger l'agence sur les sondes pitot.
19:24C'est extraordinaire comment un organisme qui a une responsabilité première
19:28à ce niveau-là refuse de répondre à des questions simples.
19:32Qu'est-ce qu'il savait ? Est-ce qu'il savait que les pitots givraient ?
19:36Comment le savait-il ? Depuis quand ? Est-ce qu'ils ont préconisé des mesures ?
19:41Est-ce qu'ils ont eu des échanges avec le constructeur ?
19:44Des questions qui sont des questions, évidemment, qu'on se pose
19:48dans une circonstance pareille et pour lesquelles, pour l'instant,
19:51nous n'avons pas de réponse.
19:53Nous partons donc pour l'Allemagne afin de rencontrer
19:55un représentant de l'agence européenne de sécurité aérienne.
19:59Nous souhaitons, nous aussi, connaître la position
20:02de la plus haute autorité aéronautique européenne
20:05sur cette question des pitots et de leur implication dans l'accident.
20:10Nous voici à Cologne, au siège de l'EASA.
20:14En tant qu'institution européenne, l'agence estime ne pas avoir
20:17à répondre à la justice française.
20:19Mais un dirigeant accepte de nous donner la position de l'agence
20:22sur la mise en cause des sons de pitots.
20:25C'est une panne dans notre, comment dire, jargon,
20:29qui est une panne de niveau 2 sur une échelle de 4,
20:321 étant une panne tout à fait mineure,
20:35et 4, une panne à conséquence presque dramatique.
20:39Donc, ça veut dire que les vrais sons de pitots
20:41n'est pas une cause de l'accident de la F447 ?
20:44Je veux dire que les pitots, en tant que cause de l'accident,
20:49n'a jamais été pour nous une cause de l'accident.
20:52Enfin, une cause clairement identifiée de l'accident.
20:55C'est pour ça que nous attendions effectivement plus d'informations.
20:59Lors de cet accident, oui, les pitots ont givré,
21:03mais ils ont ensuite dégivré.
21:05Après, ce qui s'est passé dans le poste de pilotage
21:07est quelque chose que, à l'heure actuelle,
21:09je ne peux pas me prononcer.
21:11Franchement, nous ne sommes pas enquêteurs, une fois de plus.
21:13Il y a un certain nombre de conditions, effectivement,
21:15que seuls les enquêteurs du BA peuvent analyser.
21:18Le givrage des sons de pitots ne serait pas la cause du crash.
21:22C'est donc dans le cockpit, avec les pilotes, qu'il faut chercher.
21:27On n'a pas une bonne annonce de vitesse.
21:29Quand les pilotes perdent leurs indications de vitesse,
21:32le plus jeune a ce réflexe.
21:34Il tire sur le manche et fait monter l'avion.
21:37C'est ce que l'on appelle un ordre à cabrer.
21:41Et pour Airbus, ce geste est incompréhensible.
21:44Le genre de situation qui a été rencontrée
21:46est une situation qui n'a rien d'exceptionnel.
21:52D'ailleurs, quand vous perdez les indications de vitesse,
21:56je crois que c'est la procédure la plus simple à appliquer,
22:00il ne faut faire rien.
22:02Et il va continuer à voler comme ça pendant encore très longtemps.
22:06Un geste incompréhensible, surtout au-dessus de 10 000 mètres.
22:10A cette altitude, l'avion ne peut pas s'arrêter.
22:14L'avion flirte avec le coffin corner.
22:17En français, le coin du cercueil.
22:20C'est le sommet de ce cône qui symbolise l'enveloppe
22:23dans laquelle l'avion peut voler.
22:25Sous l'effet du manche tiré en arrière,
22:28l'Airbus A330 se cabre et finalement va sortir du cône.
22:33A cet instant, les filets d'air cessent de porter l'appareil
22:36et ils tombent, ils décrochent.
22:40Comment expliquer le geste du copilote
22:42qui a tiré sur le manche ?
22:49Pour répondre à cette question,
22:52nous avons donné rendez-vous à un passionné d'aviation.
22:55Nous le retrouvons à l'aérodrome de Dreux,
22:58à 80 kilomètres de Paris.
23:00Il s'appelle Jean-Pierre Otelli,
23:02il est pilote et aussi instructeur.
23:06Vous en êtes à combien d'heures de vol ?
23:09J'approche des 15 000.
23:10Là, 14 800.
23:14Jean-Pierre Otelli a accepté de nous montrer
23:17ce que tous les pilotes du monde apprennent
23:19dès leur première leçon de pilotage.
23:25Papa, Alpha, on roule derrière.
23:35Jean-Pierre Otelli va donc tirer sur le manche
23:37pour faire décrocher son avion
23:40et ensuite rattraper ce décrochage.
23:51Nous sommes en vol de croisière,
23:53j'exerce une traction sur le manche brutale.
23:56Très brutale.
23:58L'avion se cabre.
24:01Là, il va décrocher.
24:03Il décroche.
24:05Je corrige le décrochage en mettant une action franche sur l'avant.
24:10Voilà.
24:12Et on le rattrape.
24:15Nous sommes sortis du décrochage.
24:20Jean-Pierre Otelli vient de nous montrer
24:23pourquoi un avion décroche et comment le récupérer.
24:28À présent, l'instructeur va reproduire
24:31les gestes du pilote de la F447.
24:35Nous sommes en croisière stabilisée.
24:38Je vais exercer une action brutale sur le manche à cabrer.
24:43C'est parti. Le manche part sur l'arrière.
24:46Arrive en butée arrière.
24:49L'avion décroche.
24:52Et là, je maintiens le manche en secteur arrière.
24:56Je le maintiens et l'avion commence à bufeter.
24:59Il y a des vibrations assez fortes.
25:01J'essaie de le maintenir. J'ai toujours le manche sur l'arrière.
25:05Maintenir le manche en arrière,
25:08ce fut précisément l'action du copilote
25:11durant presque tout le temps de la chute.
25:13Je l'empêche de repartir.
25:15La vitesse est d'environ 100 nœuds.
25:18L'avion ne veut pas toujours partir.
25:20Tant que je ne rendrai pas la main, tant que je ne mettrai pas le manche sur l'avant,
25:23il refusera de partir.
25:25Je vais maintenant sortir du décrochage
25:27en exerçant une action sur le manche vers l'avant à piquer.
25:31Et rapidement, les choses redeviennent normales.
25:36Au-dessus de l'autoroute,
25:38Jean-Pierre Eutely a poussé sur le manche
25:40et évité le crash.
25:42Il faut bien savoir que ce sont des lois de l'aérodynamique
25:46qui sont valables pour tous les types d'avions,
25:48que ce soit pour un ULM,
25:50un Robin d'Aéro Club, un avion de compétition,
25:52un Airbus ou un Boeing.
25:55La démonstration est implacable.
25:57L'Airbus a décroché
25:58parce que le copilote a majoritairement maintenu son avion accabré
26:03jusqu'à l'impact.
26:05Comment vous expliquez l'ordre accabré du copilote ?
26:08Honnêtement, la panique,
26:10le stress, la réaction incontrôlée,
26:12cette réaction instinctive
26:14qui est la réaction de tout jeune pilote
26:18qui voit son avion qui va
26:21et il met le manche au ventre.
26:23Dans une voiture, vous arrivez sur une plaque de glace,
26:25la première réaction du gars qui n'y connaît rien, il freine.
26:27Le plus logique, c'est de freiner.
26:29Mais la réalité, c'est qu'il ne faut pas toucher au frein.
26:33Le jeune copilote a-t-il commis une erreur de débutant ?
26:37Comme sur le reste, Air France refuse de répondre.
26:40Mais un ancien haut dirigeant enregistré à son insu
26:43ne cache pas son désarroi.
26:45Aucun pilote ne met une assiette importante à haute altitude.
26:49C'est ça que je ne comprendrai jamais.
26:51Pourquoi il y a eu cet ordre accabré ?
26:53Je ne comprends pas.
26:54Aucun pilote...
26:56De quoi a-t-il eu peur ?
26:58C'est fou, c'est complètement fou.
27:00Parce que, monsieur Amaneo,
27:02quand on se retrouve dans un truc comme ça,
27:04on ne fait rien.
27:06On attend que ça se passe.
27:08Mais vous, cet accident, il est dû à quoi ?
27:10Je ne comprends pas.
27:12L'équipage, ce que je peux dire,
27:14c'est qu'il n'a pas compris.
27:16Pourtant, pendant quelques instants,
27:18l'autre copilote semble mieux interpréter la situation.
27:21Ok, attention à ta vitesse.
27:22Tu stabilises.
27:24Tu redescends.
27:26On est en train de monter, selon lui.
27:28Tu montes, donc tu redescends.
27:30Il donne quelques bons conseils au copilote,
27:32mais ne s'empare pas pour autant des commandes.
27:37Une réaction surprenante,
27:39puisqu'il est plus expérimenté que son confrère.
27:47On peut penser qu'il n'a pas pris
27:51en main la situation.
27:54Ou il pensait que ce n'était pas à lui
27:56de prendre en main la situation,
27:58parce que ce n'était pas son rôle à ce moment-là.
28:00Vous êtes dans la même situation,
28:02qu'est-ce que vous faites ?
28:04Quand je suis sûr de moi,
28:06et que je sais que la chose à faire,
28:08c'est en l'occurrence de pousser sur le manche,
28:10ce serait le pape, je fais quand même.
28:12Je lui dis une première fois,
28:14et si je n'ai pas la réponse,
28:16je prends la priorité,
28:18et je lui dis que c'est moi qui les commande,
28:20et on arrête les bêtises.
28:22Au lieu de cela,
28:24l'autre copilote s'acharne sur la sonnette
28:26pour réveiller le commandant de bord.
28:29Et pendant ce temps,
28:31le copilote aux commandes, lui,
28:33continue à tirer sur le manche.
28:35L'avion est alors en train de sortir
28:37de son domaine de vol.
28:46A cet instant,
28:48l'avertisseur de décrochage retentit.
28:50Il va sonner 74 fois en moins d'une minute.
28:55Le rapport du BEA est formel.
28:57Aucun des pilotes n'a fait référence
28:59à l'alarme de décrochage.
29:01Pourtant, c'est le moment
29:03où l'avion commence à chuter.
29:07Une absence de réaction incompréhensible
29:10pour le chef pilote d'essai d'Airbus.
29:13Ce qui doit exister dans le cerveau reptilien
29:16de chaque pilote,
29:18ce qui est ancré au plus profond
29:20du pilotage,
29:22c'est j'entends un avertisseur de décrochage
29:24et je rends la main immédiatement.
29:26Vous voyez, on est en manche pour piloter.
29:28Lorsque l'avion approche du décrochage,
29:31il ne faut surtout pas tirer sur le manche,
29:33il faut pousser sur le manche
29:35pour le faire sortir de la situation de décrochage.
29:37La réponse à l'avertisseur de décrochage,
29:39ça doit être quelque chose de fondamental
29:41que tous les pilotes doivent savoir
29:43tout le temps, dès le premier jour.
29:46On ne peut pas discuter là-dessus.
29:48Et ce n'est même pas une question
29:50récurrente sur tel ou tel type d'avion.
29:52C'est vrai tout le temps,
29:54sur tout type d'avion.
29:56Mais inexorablement,
29:58l'avion décroche
30:00et l'alarme continue de retentir.
30:02Pour l'équipage, visiblement,
30:04le problème est ailleurs.
30:06On a pourtant les moteurs là.
30:08Je ne comprends pas,
30:10je ne comprends pas ce qui se passe.
30:12Gérard Arnoux, le pilote d'Air France,
30:14admet le mauvais geste de son confrère.
30:16Mais il n'est pas à court d'arguments
30:18pour le défendre.
30:20Cette fois, il incrimine
30:22l'indicateur de vitesse d'Airbus.
30:24Le pilote câble l'avion
30:26et amène l'avion au décrochage.
30:28Nous sommes d'accord, ça oui.
30:30Pourquoi ?
30:32Parce qu'il a une vitesse trompeuse
30:34sous les yeux.
30:36Pourtant, au moment où l'avion décroche,
30:38les pitots ont dégivré
30:40et l'indicateur de vitesse
30:42fonctionne à nouveau.
30:44Elles reviennent à un moment les vitesses ?
30:46Oui, les vitesses reviennent.
30:48Vous avez raison.
30:50Comment vous savez que c'est les bonnes ?
30:52Vous n'avez que des mauvaises depuis 3 minutes.
30:54Comment vous savez que c'est les bonnes ?
30:56Ce n'est pas un fleuve tranquille là-haut.
30:58Qu'est-ce que vous me faites marrer ?
31:00Vous croyez que c'est cool ?
31:02Des fois, ce n'est pas cool du tout.
31:05Pourtant, à cet instant,
31:07les pilotes disposent
31:09de toutes les informations nécessaires
31:11pour comprendre le décrochage.
31:13L'alarme,
31:15un horizon artificiel indiquant
31:17une position cabrée,
31:18et la perte d'altitude.
31:26Face au mutisme d'Air France,
31:28nous appelons Pierre-Henri Bourgeon,
31:30directeur général exécutif
31:32au moment de l'accident.
31:34Et nous enregistrons cette conversation
31:36à son insu.
31:38Cet ancien pilote de chasse
31:40confirme l'explication de Gérard Arnoux.
31:42Les pilotes ne faisaient plus confiance
31:44à leurs instruments de bord.
31:46Il reste convaincu
31:48que l'avion a autre chose
31:50et qu'il n'a pas d'indication.
31:52Ils sont centrés sur le fait
31:54qu'il n'y a aucune indication,
31:56il n'y a aucune valeur,
31:58rien n'est fiable.
32:00Ils disent qu'on n'a plus rien,
32:02on n'a pas d'indication.
32:04Ils ne comprennent plus très bien
32:06pourquoi ils sont en position de monter
32:08et pourtant ils descendent.
32:10Ils descendent
32:12et l'alarme martèle.
32:14Stall, stall.
32:16Décrochage, décrochage.
32:19L'alarme sonne pendant 54 secondes.
32:24Elle retentit à 74 reprises.
32:26Donc il faut bien savoir
32:28que l'alarme décrochage
32:30ce n'est pas une petite sonnerie,
32:32c'est une énorme voix grave,
32:34puissante, je dirais même effrayante
32:36qui retentit dans le cockpit
32:38et que cette alarme
32:40elle est prioritaire
32:42sur toutes les autres alarmes.
32:44Elle fait taire toutes les autres alarmes.
32:46L'alarme de perte d'altitude,
32:48l'alarme du pilote automatique déconnecté,
32:50tout ça se tait pour ne laisser
32:52qu'une seule alarme,
32:54l'alarme de décrochage.
32:56Pourquoi est-ce que c'est comme ça ?
32:58C'est parce que c'est la situation
33:00la plus grave dans laquelle
33:02un équipage peut se retrouver.
33:04Pourquoi aucun des deux pilotes
33:06n'a-t-il réagi à cette alarme gravissime ?
33:08Le commandant de bord d'Air France,
33:10Jean-François Huzen, n'est pas surpris.
33:12Quand on fait des exercices
33:14au simulateur de vol,
33:16quand vous avez une alarme
33:18qui s'éteint,
33:20vous êtes capable de ne pas entendre un son.
33:22C'est-à-dire que quelqu'un,
33:24l'instructeur qui est derrière,
33:26qui lui voit les choses avec le recul,
33:28entend un son et ça devient peut-être
33:30pénible à la fin d'avoir un son très fort.
33:32Un équipage qui est pris dans une situation
33:34où il ne comprend pas forcément
33:36ce qui se passe instantanément
33:38peut passer à travers
33:40une alarme forte.
33:42Après coup, on se dit
33:44c'est surprenant qu'il n'ait pas entendu
33:46mais il faut se remettre
33:48à la même chose.
33:50L'ancien responsable d'Air France
33:52pose une autre question.
33:54L'alarme est-elle à la hauteur du danger
33:56qu'elle annonce ?
33:58Pour moi, elle n'est pas une alarme
34:00qui est compréhensible par un cerveau humain
34:02en état de stress.
34:04Vous voulez dire que les alarmes
34:06qui sont le seul moyen de signifier
34:08à un pilote que quelque chose de grave
34:10se produit,
34:12tout ce système d'alarme
34:14n'est plus efficient ?
34:16Je n'irai pas jusque-là
34:18avec l'alarme sonore
34:20de manière à trouver
34:22sur un cerveau en état de stress.
34:24Encore une fois,
34:26sur un cerveau en état de stress.
34:28Pas avec des gens autour d'une table
34:30tranquillement en train d'étudier.
34:32Il faut trouver quelque chose d'efficace.
34:34L'équipage n'a donc pas réagi
34:36à l'alarme sonore.
34:38Mais comment a-t-il pu, en plus,
34:40ignorer les sensations physiques
34:42liées au décrochage de l'avion ?
34:45Car les pilotes de la F447
34:46n'ont pas pu échapper
34:48à ce que l'on appelle le buffeting.
34:50Le buffeting,
34:52c'est une vibration
34:54à fréquence assez basse
34:56de l'ensemble de l'avion
34:58qui secoue.
35:00Quand on utilise un terme anglais,
35:02on dit qu'il est déterrante,
35:04c'est-à-dire qu'il est effrayant.
35:06Un buffeting déterrante,
35:08c'est un signe
35:10que tous les pilotes doivent connaître
35:12et qui, pour leur dire,
35:14ne va pas plus loin.
35:16C'est ce qu'est donc
35:18le décrochage de l'avion.
35:20Et pourtant, pas un mot
35:22ne fut prononcé à ce sujet
35:24dans le cockpit.
35:26Gérard Arnoux,
35:28le pilote d'Air France,
35:30a encore une fois
35:32une explication.
35:34Ça se sent, oui,
35:36ça se sent en ciel clair
35:38et calme.
35:40Quand vous êtes dans
35:42des turbulences,
35:44que l'avion est un peu balotté,
35:46on voit la différence
35:48physiquement, de nuit,
35:50entre l'approche du décrochage
35:52et la turbulence atmosphérique.
35:54C'est très difficile,
35:56c'est impossible de le faire.
35:58Mais ce que ne dit pas Gérard Arnoux,
36:00c'est que tous les pilotes de ligne
36:02apprennent à reconnaître
36:04le buffeting en simulateur.
36:06Cela fait partie
36:08de leur formation de base.
36:10C'est pas possible qu'il n'ait pas perçu,
36:12c'est immanquable,
36:14ça secoue très fort.
36:17En juillet 2011,
36:19devant les caméras du monde entier,
36:22le Bureau d'enquête et d'analyse français
36:25lance une initiative inédite.
36:28J'ai décidé de créer
36:30un groupe facteur humain
36:32qui va étudier
36:34le comportement
36:36et les actions du pilote
36:38en s'entourant de spécialistes
36:40en ergonomie,
36:42en sciences cognitives,
36:44de psychologues
36:46et de médecins spécialistes
36:48en aéronautique.
36:50Ce groupe devra également essayer
36:52de comprendre
36:54le comportement du commandant de bord.
37:02Cela fait maintenant
37:041 minute et 37 secondes
37:06que les deux copilotes
37:08sont livrés à eux-mêmes.
37:13Le commandant de bord
37:14avait-il le droit
37:16de quitter le cockpit ?
37:20Voici ce que dit
37:22le règlement d'Air France.
37:24L'équipage de base
37:26peut être renforcé
37:28par un ou plusieurs personnels
37:30navigants techniques
37:32afin de permettre
37:34la prise de repos
37:36hors du poste de pilotage.
37:38Le commandant de bord
37:40peut donc se reposer
37:42quand il le souhaite.
37:44Donc il a pris la décision
37:46de prendre ce repos-là.
37:48Je vous dirais
37:50qu'on vole régulièrement
37:52dans des configurations
37:54nuageuses, etc.
37:56Les pilotes qui sont devant
37:58sont aptes à gérer
38:00la situation.
38:02On est formés pour ça.
38:09C'est la quatrième fois
38:11que le copilote appelle
38:12et annonce le commandant.
38:14Il vient ou il vient pas ?
38:16Il fait sonner une petite alarme
38:18dans la couchette située
38:20juste derrière la paroi du cockpit,
38:22là où est censé se trouver le commandant.
38:24Et pendant ce temps-là,
38:26l'avion continue sa chute.
38:29Hervé Labarte est un ancien
38:31commandant de bord d'Air France.
38:33Il essaye de comprendre
38:35pourquoi son collègue
38:37n'a pas regagné le cockpit
38:39plus rapidement.
38:40Il n'a pas entendu de coup de sonnette
38:42donc il n'était pas au poste repos.
38:44Ça n'a rien d'anormal.
38:46Vous venez de passer 3h dans un cockpit,
38:48vous allez dire j'ai 3h devant moi
38:50pour prendre un peu de repos,
38:52vous allez vous rafraîchir,
38:54vous allez boire un verre d'eau
38:56dans le galet,
38:58vous discutez peut-être avec une hôtesse.
39:00Puisqu'il n'était pas dans le poste de repos,
39:02il n'a pas entendu la sonnette.
39:04Pourquoi est-il revenu dans le cockpit ?
39:06Tout simplement parce qu'il a senti
39:08que ça n'allait pas dans l'avion.
39:10C'est quoi là ?
39:12J'ai l'impression qu'on a de la vitesse.
39:14Qu'est-ce qui se passe ?
39:16On a totalement perdu le contrôle de l'avion.
39:18On ne comprend rien, on a tout tenté.
39:22D'accord.
39:24On n'a plus aucune indication qui soit valable.
39:26J'ai l'impression qu'on a une vitesse de fou.
39:28Qu'est-ce que vous en pensez ?
39:30A cette question,
39:32le commandant de bord reste sans voix.
39:37Que dire de ce manque de réaction ?
39:40Pour Eutely,
39:42le pilote instructeur se montre sévère.
39:44Moi, personnellement,
39:46je ne comprends pas l'attitude du commandant.
39:48Je ne comprends pas comment un commandant de bord
39:50qui a quatre galons sur les épaules,
39:52qui est responsable d'un avion,
39:54qui a derrière lui plus de 200 personnes,
39:56arrive dans un poste de pilotage
39:58et découvre ces deux copilotes
40:00qui lui disent
40:02qu'on a perdu le contrôle de l'avion,
40:04qu'on ne sait pas quoi faire.
40:06Et là, qu'est-ce qu'il fait ?
40:08Il s'assoit entre deux
40:10copilotes.
40:12Jean-Pierre Eutely a demandé
40:14à d'autres commandants de bord
40:16ce qu'ils auraient fait à sa place.
40:18Tous, absolument tous,
40:20m'ont dit la chose suivante.
40:22Moi, un d'entre eux m'a dit
40:24je l'attrape à un copilote par le cou,
40:26je le vire de la place,
40:28et je m'assois et je reprends les commandes.
40:30On est quoi, là ?
40:32On a quoi, là ?
40:34Putain, mais c'est pas possible !
40:36On a le tir, on a quoi ?
40:38Le commandant de bord
40:40n'a rien dit à Jean-Pierre Eutely.
40:42Quel état d'esprit a-t-il abordé ce vol ?
40:44Pour tenter d'en savoir plus
40:46sur les heures qui ont précédé le drame,
40:48il faut aller à Rio de Janeiro.
40:51Une escale convoitée
40:53par les personnels navigants d'Air France.
40:55Les équipages ont le temps
40:57pour récupérer entre le vol allé
41:00et le vol retour.
41:02Ils peuvent également se distraire.
41:07L'hôtel se fit-il
41:08avec accès direct
41:10sur la plage de Copacabana.
41:12C'est ici que descendent
41:14tous les équipages Air France.
41:16Celui du vol 447 est arrivé
41:18le jeudi 28 mai,
41:20en tout début de soirée.
41:22Quartier libre pendant trois jours.
41:25Le dimanche 31 mai,
41:27quelques heures avant le vol retour vers Paris,
41:29le commandant Dumois,
41:31une ancienne collègue d'Air France,
41:33son jeune copilote et sa compagne
41:35décident de survoler en hélicoptère
41:36la baie de Rio.
41:38Nous avons retrouvé le guide
41:40qui les accompagnait ce jour-là.
41:42Il témoigne un visage caché
41:45et se souvient avoir trouvé
41:47le commandant de bord plutôt fatigué.
42:07Il y a 31 hommes,
42:09et l'autre 31 hommes,
42:11et l'autre 31 hommes.
42:13Ce témoin n'a jamais été entendu
42:15par les enquêteurs.
42:17Si le commandant était fatigué
42:19à ce point,
42:21avait-il la possibilité
42:23de refuser de décoller de Rio
42:25le soir même ?
42:27Nous avons posé la question
42:29à l'ancien responsable
42:31des facteurs humains d'Air France.
42:33Il y a un texte très clair
42:34qui dit que tout personnel navigant,
42:36ça déborde même les pilotes,
42:38parce que ça concerne aussi
42:40Otis et Stewart,
42:42qui sont dans un état de fatigue
42:44qui ne leur permet pas
42:46d'assurer complètement la sécurité,
42:48doit ne pas piloter.
42:50Ça, c'est le texte.
42:52Et puis, il y a la réalité des choses.
42:54C'est évident que vous avez
42:56cette pression temporelle
42:58et cette pression sociale
43:00et professionnelle
43:02qui vous poussent à y aller
43:04avec une certaine confiance.
43:06L'avion est bon.
43:08Allez, on va rentrer
43:10et après, je me reposerai.
43:12Fatigué ou pas,
43:14en tout cas, pour Hervé Labarte,
43:16le commandant Dubois affiche
43:18un manque de réaction
43:20disons étonnant.
43:22Le hasard de la vie
43:24fait que
43:26je connais
43:28un certain nombre d'éléments
43:30de sa vie privée.
43:32Je pense qu'il n'est pas à son affaire
43:34terrible à dire
43:36mais c'est quoi la conversation ?
43:38C'est un, quoi, t'as mis le truc,
43:40le quoi ?
43:42Il n'est pas là,
43:44il n'est pas dans le cockpit.
43:46À son retour,
43:48le commandant ne peut que s'en remettre
43:50à ses deux copilotes
43:52pour évaluer la situation.
43:54Les deux hommes sont très stressés
43:56et ne lui transmettent
43:58aucune information fiable.
44:00Quand le commandant Dubois
44:02arrive dans le poste de pilotage,
44:04heureusement,
44:06pas le début du film,
44:08il regarde et essaie d'analyser ce qui se passe.
44:10Il n'a pas tout l'historique
44:12de ce qui s'est passé avant.
44:14Il ne sait pas comment s'est passée
44:16la panne du pitot,
44:18l'alarme stall,
44:20à quel moment c'est produit,
44:22pourquoi, comment.
44:24Je suis à fond du gauchissement.
44:26L'alarme de décrochage
44:28s'est arrêtée 4 secondes
44:30après le retour du commandant Dubois
44:32dans le cockpit.
44:34La vitesse devient anormalement faible.
44:36L'ordinateur de bord
44:38la juge incohérente
44:40et ne la prend plus en compte.
44:42Mais lorsque l'avion
44:44reprend de la vitesse,
44:46l'alarme se déclenche à nouveau.
44:48Ce mode de fonctionnement de l'alarme
44:50a-t-il pu tromper les 3 hommes ?
44:52C'est l'avis du pilote d'Air France,
44:54Gérard Arnault.
44:56Le gars, il pousse,
44:58qu'est-ce qu'il entend ?
45:00Stall.
45:02C'est le contraire.
45:04Qu'est-ce qu'il se passe ?
45:06Ils le disent, mais je ne comprends rien.
45:08Il pousse stall,
45:10alors il se dit,
45:12je tire, on va voir ce que ça va faire.
45:14Je tire, ça s'arrête.
45:16Génial, miracle.
45:18Je repousse stall, je retire, ça s'arrête.
45:20Plusieurs fois pendant la descente.
45:22Nous avons voulu vérifier
45:24si Gérard Arnault disait vrai.
45:26Nous avons analysé dans le rapport du BEA
45:28les actions du copilote sur son manche
45:30pendant la période
45:32où l'alarme a fonctionné par intermittence.
45:34Deux reprises seulement,
45:36elle coïncidait avec le bon geste du copilote,
45:39à savoir pousser sur le manche.
45:42L'implication réelle de l'alarme dans ce drame
45:44reste donc à établir.
45:46Le jour de la conférence de presse
45:48du bureau d'enquête et d'analyse,
45:50la question a d'ailleurs été posée
45:52au directeur de l'enquête.
45:54Est-ce que les pilotes ont été trompés
45:56par cette alarme erratique ?
45:58On regarde ce fonctionnement
46:00de l'alarme de décrochage dans ces conditions.
46:02Quelle a pu être la compréhension
46:04dans cette phase de vol ?
46:06Les vitesses redeviennent valides
46:08lorsque l'avion pique
46:10et lorsqu'il retire sur le manche,
46:12l'alarme disparaît du fait
46:14que les vitesses deviennent invalides.
46:16Oui, ça a pu...
46:18C'est quelque chose qu'on va regarder
46:20à travers le groupe facteur humain.
46:22Les experts du BEA
46:24devront répondre à cette question.
46:26Mais d'autres interrogations demeurent.
46:29Par exemple,
46:31à cet instant du drame,
46:32l'équipage pouvait-il encore sauver l'avion ?
46:35On ne sait pas.
46:37Peut-être pas, mais peut-être oui.
46:39On ne pourra jamais répondre à cette question
46:41parce qu'on ne connaît pas
46:43l'aérodynamique de cet avion
46:45dans ces conditions-là
46:47qui sont complètement inouïes.
46:49On n'avait jamais imaginé
46:51qu'on puisse aller si loin
46:53dans le décrochage pendant si longtemps,
46:5554 secondes,
46:57en laissant la vitesse chuter si bas.
46:59De toute façon,
47:00on n'imaginait pas qu'on puisse aller là-bas.
47:02Et même si on avait imaginé,
47:04il est impossible, en essai,
47:06d'aller essayer l'avion
47:08dans de telles conditions.
47:10On fait ça avec des avions de chasse,
47:12avec des avions de voltige,
47:14parce qu'on sait que dans leur utilisation,
47:16ils sont amenés à faire ce genre de choses.
47:18Mais avec un avion de transport,
47:20c'est inouï.
47:22Dans les derniers instants du drame,
47:24les 3 pilotes ont multiplié
47:26les ordres contradictoires.
47:28Remonte, remonte, remonte !
47:30Non, non, alors descends !
47:32À moi les commandes !
47:35Vas-y, t'as les commandes.
47:37Une alarme alerte les pilotes
47:39qu'ils sont tous les deux aux commandes.
47:42Mais paralysé, le copilote de droite
47:44reste accroché à son manche
47:46et neutralise les actions de son collègue.
47:56La confusion dans le poste de pilotage est totale.
47:58C'est ce que nous confirme
48:00un pilote syndicaliste d'Air France
48:02qui, lui aussi,
48:04refuse de s'exprimer face caméra.
48:23Et de nombreux pilotes d'Air France
48:25ajoutent qu'ils préfèrent voler sur Boeing.
48:28Où les deux manches sont coordonnées.
48:34Alors que sur Airbus,
48:36ils sont indépendants
48:38et hors du champ de vision de l'autre pilote.
48:44Voici la réponse du constructeur européen.
48:47Lorsqu'un pilote agit sur son manche,
48:49l'avion réagit, répond aux manches
48:51et le pilote qui ne pilote pas
48:53voit l'action de son collègue
48:55par la réaction de l'avion.
48:56Et dans le cas de l'accident,
48:58on voit bien que le pilote qui ne pilote pas
49:00voit l'action de son collègue
49:02puisqu'il lui dit
49:04attention tu montes, ne monte pas.
49:06Donc il voit bien que le pilote de l'autre côté
49:08a tiré sur le manche.
49:10Airbus affirme donner le meilleur
49:12de la technologie existante
49:14pour garantir la sécurité des vols.
49:18Mais de nombreux pilotes,
49:20dont Jean-François Huzen d'Air France,
49:22ont l'impression que la machine
49:24a pris leur place.
49:26Le but, c'est d'avoir des calculateurs
49:28qui maintiennent l'avion
49:30dans ce qu'on appelle l'enveloppe de vol
49:32pour que l'avion puisse voler.
49:34Ce qui fait que s'il va trop vite
49:36ou s'il ne va pas assez vite
49:38ou s'il s'incline trop,
49:40les calculateurs évitent et corrigent
49:42ou limitent les ordres du pilote.
49:44C'est la machine qui corrige
49:46les erreurs éventuelles du pilote ?
49:48Voilà, la machine corrige
49:50les erreurs éventuelles du pilote,
49:52exactement, dans 99% des cas.
49:54Tu descends !
49:56Quand il survient l'imprévu,
49:58c'est au bout du compte
50:00au pilote de réagir.
50:02L'équipage a peut-être été victime
50:04de ce que les Américains appellent
50:06une addiction aux automatismes.
50:08On va arriver au niveau 100.
50:10Elle réduit la capacité
50:12de réaction des pilotes.
50:149000 pieds !
50:16Remonte, remonte, remonte !
50:18Est-ce que ce n'est pas un effet pervers
50:20de la philosophie Airbus
50:22qui finalement a cherché
50:24à mettre des protections partout
50:26pour les pilotes ?
50:28Je ne sais pas si c'est la conséquence
50:30de la philosophie d'Airbus,
50:32mais il ne faut pas que ce soit le cas.
50:34Il faut corriger ça.
50:36Un pilote, le matin quand il se lève,
50:38il doit se dire
50:40qu'est-ce qui va m'arriver aujourd'hui
50:42et est-ce que je me sens d'attaque
50:44pour faire face à ce qui va m'arriver aujourd'hui.
50:46Pour encore très longtemps,
50:48on aura toujours besoin des pilotes
50:50pour faire face à des situations de panne,
50:52à des situations dégradées
50:53et aller gérer ces situations.
50:56Donc la seule chose qu'on a à faire
50:58pour encore longtemps,
51:00c'est d'entraîner les pilotes
51:03à leur métier.
51:06Dans son rapport de juillet 2011,
51:09le bureau d'enquête et d'analyse
51:11confirme un manque d'entraînement spécifique.
51:14L'éco-pilote n'avait pas été entraîné
51:16au pilotage manuel,
51:18à l'approche et à la récupération
51:20du décrochage à haute altitude.
51:21Putain, on va te taper, c'est pas vrai !
51:23Qu'est-ce qui se passe ?
51:2510 degrés d'assiette.
51:33Après le drame,
51:35Air France a ajouté à la formation
51:37de ses équipages
51:39un nouvel exercice de pilotage
51:41axé sur les conséquences du givrage
51:43à haute altitude.
51:51Sous-titrage ST' 501

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