De l'arrivée massive de colons blancs au 19e siècle aux accords de Nouméa qui devaient, en 1998, permettre à l'île de retrouver le chemin de la paix, retour sur l'histoire mouvementée de l'archipel pour mieux comprendre la crise qui y fait rage.
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00:00Mai 2024, des émeutes, des barrages, des fusillades, des morts à Nouméa, en particulier la capitale de la Nouvelle-Calédonie.
00:06Pourquoi y a-t-il le chaos en Nouvelle-Calédonie ?
00:08Première partie, l'histoire néo-calédonienne vue d'Europe.
00:11Pendant des siècles, les Européens, les Blancs n'ont aucune idée de ce qui se passe dans le Pacifique et dans ces îles-là.
00:16En 1777, un grand marin britannique, James Cook, fait un tour du Pacifique.
00:22Il voit des rivages avec des montagnes, ils trouvent ça très beau.
00:25Ça lui rappelle l'Écosse. L'Écosse, ça s'appelle aussi la Calédonie.
00:28Eh bien, il décide que cette île s'appellera la Nouvelle-Calédonie.
00:31Pendant longtemps, elle n'intéresse personne.
00:33Et puis, au milieu du 19e siècle, c'est des grandes rivalités coloniales.
00:36L'Angleterre s'est installée en Australie, en Nouvelle-Zélande.
00:39Alors, Napoléon III, qui dirige la France, il dit « Nous, on va prendre cette terre-là ».
00:42En 1853, il déclare la prise de possession de la Nouvelle-Calédonie.
00:47Et il décide d'en faire quelque chose de très particulier, un endroit pour vider ses prisons.
00:52On va envoyer les gens en Nouvelle-Calédonie, ils vont aller aux bagnes et ensuite, ils vont rester là-bas.
00:57On va les autoriser à s'installer, à devenir agriculteurs.
00:59Et puis après, il y aura des déportés politiques, les communards.
01:02Et puis après, il y aura des colons libres, des gens qui viennent s'installer là
01:05pour soit travailler, là aussi, dans l'agriculture, le bétail,
01:08soit travailler dans les mines de nickel, parce qu'on a découvert du nickel.
01:12Et c'est comme ça que la Nouvelle-Calédonie va devenir ce qu'on appelle une colonie de peuplement.
01:17Comme les États-Unis, si vous voulez.
01:18C'est-à-dire que les Blancs disent « Là, il y a une terre qui est vierge, qui est vacante, on va s'y installer ».
01:22Seulement, évidemment, cette terre n'est pas vierge et elle n'est pas vacante.
01:26Deuxième partie, l'histoire vue par les Kanaks.
01:28Cette Nouvelle-Calédonie, ce grand archipel est évidemment peuplé depuis des millénaires.
01:33On les appelle des Kanaks.
01:35Les Kanaks, ils vivent en clan, dans des vallées particulières.
01:38Ils parlent des langues différentes, mais ils se retrouvent dans une culture commune,
01:42une grande culture commune qui repose sur le culte des esprits,
01:45le culte de la terre, le culte des ancêtres et aussi la culture de l'iniam et du taro,
01:51deux légumes très importants et qui sont liés à cette culture-là.
01:54Seulement, vue par les Européens, ces gens-là sont des sauvages.
01:57C'est des sauvages qu'il faut repousser.
01:58Alors, quand les Blancs viennent s'installer, viennent peupler la Nouvelle-Calédonie,
02:02ils repoussent toujours les Kanaks, toujours un peu plus loin, vers des terres moins fertiles, etc.
02:07Bien sûr, les Kanaks se battent, se défendent, résistent.
02:101878, la grande révolte Kanak, elle est menée par un grand chef qui s'appelle Atai.
02:16Il résiste magnifiquement, mais finalement, il est battu et sa tête est coupée,
02:20elle a été envoyée en France, elle a été renvoyée en Nouvelle-Calédonie il y a très peu de temps seulement.
02:24Et puis ensuite, il y a une autre révolte en 1917,
02:26mais là aussi, cette révolte est écrasée dans le sang
02:28parce que les Blancs ont évidemment la supériorité des armes.
02:31Donc, les Kanaks sont réduits à n'être plus rien.
02:34Ce sont des sous-citoyens, on appelle ça des indigènes au moment de la colonisation.
02:37Des indigènes, ça veut dire que tu n'as aucune des libertés des Français,
02:40tu n'as pas le droit de vote, tu as simplement le droit à la corvée,
02:44c'est-à-dire qu'il faut travailler gratuitement pour l'État
02:46et puis ils ne peuvent même pas circuler comme ils veulent, etc.
02:49Ce n'est qu'en 1946 que les Kanaks deviennent enfin des citoyens français,
02:53mais ils ne votent même pas parce qu'on ne sait pas comment les faire voter,
02:55il n'y a pas de recensement.
02:56Ce n'est que dans les années 1950 qu'ils peuvent enfin voter les Kanaks
03:00et à ce moment-là, on est à l'époque de la décolonisation.
03:02Seulement là, comment ils peuvent faire les Kanaks ?
03:04Ils ne peuvent rien faire parce qu'ils sont devenus minoritaires sur leur sol
03:07à cause justement de cette colonie de peuplement
03:10où on a peuplé le pays contre eux.
03:12Troisième partie, comment on en arrive au chaos actuel ?
03:15Dans les années 1980, finalement, les tensions sont tellement vives entre les Kanaks
03:19et d'autre part ce qu'on appelle les Kaldosh,
03:21c'est-à-dire les descendants des Français, des colons,
03:23qu'il y a une quasi-guerre civile qui se déclare en Nouvelle-Calédonie.
03:27Les fusils sont sortis, il y a des morts de tous les côtés.
03:29Ça va tellement loin qu'à un moment, il y a deux grands hommes d'État locaux,
03:33un qui s'appelle Jean-Marie Djibahou, qui est le grand homme des Kanaks,
03:37et l'autre, Jacques Lafleur, qui est le grand homme des Kaldosh, des pro-français,
03:40qui décident de se serrer la main et de faire la paix.
03:43Ils signent en 1988 ce qu'on appelle les accords de Matignon
03:47et puis dix ans plus tard, en 1998, l'accord de Nouméa
03:50qui doit régler la question.
03:51Alors qu'est-ce qu'il dit, l'accord de Nouméa ?
03:52Il dit, pour faire la paix, on va se donner 20 ans.
03:56Pendant 20 ans, on va rééquilibrer les choses.
03:58Oui, les Kanaks ont été maltraités, leur culture a été méprisée, etc.
04:02Eh bien, on va donner des droits à la culture Kanak.
04:04On va réorganiser les pouvoirs intérieurs.
04:06On va réorganiser économiquement la région pour la rééquilibrer du côté des Kanaks.
04:10Et puis, dans 20 ans, ça c'est ce qu'on disait en 1998, on va voter.
04:15On va organiser trois référendums et ces trois référendums poseront la question,
04:19est-ce que vous êtes favorable à l'indépendance
04:21ou est-ce que vous êtes favorable au fait de rester avec la France ?
04:25Alors, pour organiser ces référendums, on décide qu'il faut éviter que la France,
04:29pendant ces 20 ans d'écart, n'envoie des tas de gens en Nouvelle-Calédonie pour changer le vote.
04:33Donc, on dit, bon, d'accord, ces référendums seront faits,
04:36mais ne pourront voter là-dedans, corps électoral spécial,
04:39que les gens qui sont là depuis longtemps, avant 1998, les Kanaks,
04:43et les autres qui sont là depuis longtemps.
04:45C'est ce qui se passe.
04:462018, un premier référendum, ce référendum dit non à l'indépendance à la majorité.
04:52Deuxième référendum, 2020, non à l'indépendance à la majorité.
04:562021, troisième référendum, et celui-là, il arrive au plein milieu du Covid
05:01et les indépendantistes disent non, ce n'est pas le moment de voter,
05:03il faut reporter ce référendum.
05:05Les pouvoirs publics refusent.
05:06Et là, 90% de non à l'indépendance.
05:10Pourquoi ? Parce que tous les indépendantistes ont boycotté le référendum.
05:13Donc là, crise, parce qu'il y a ce troisième vote qui a eu lieu,
05:16mais il n'est pas reconnu par une des deux parties.
05:18Eh bien, la crise actuelle, elle débute comme ça.
05:20Du côté des pouvoirs publics, on dit, ben voilà, les trois référendums ont eu lieu,
05:24la Nouvelle-Calédonie veut rester dans la France,
05:25donc maintenant, il faut en finir avec ce corps électoral spécial
05:29et il faut faire une nouvelle loi pour élargir le corps électoral.
05:32Eh bien, c'est cette question-là qui a mis le feu aux poudres.
05:35Parce que les indépendantistes refusent ça, ils disent non, non,
05:38on veut un autre référendum avec l'ancien corps électoral,
05:41parce qu'ils ont peur à nouveau de la submersion,
05:44une fois de plus, ils ont peur d'être minoritaires
05:46et que ce soit d'autres gens qui dirigent leur destin.