BONUS_POTLATCH_LECTURE_2016

  • il y a 5 mois
Bonus Potlatch "Lecture" : Jean-François Causeret lit "En regard" et Corinne Masiero lit "Une vie bien renger de Adolpha."
Transcription
00:00D'où viennent les grottes ? Comment se sont formées les grottes ? Comment a-t-on trouvé
00:09les grottes ? Les a-t-on trouvées froides ? Les a-t-on trouvées sombres ? Les a-t-on
00:18trouvées en suivant son chien, son flair, sa curiosité ? Pourquoi entre-t-on dans les
00:27grottes ? Pour entrer dans sa mère ? Pour sortir de son père ? Pour sortir du temps
00:34? Pour se mettre à l'abri du temps ? Pourquoi nommer grotte un trou ? Pourquoi appeler un
00:43trou ? Pourquoi l'appeler Lascaux ? Pourquoi pas Lascoots ou Lacous ? Qu'est-ce que le
00:53temps ? Y a-t-il une histoire du temps ? Le temps a-t-il une histoire ? Le temps est-il
01:02sans histoire ? Qui y avait-il avant l'histoire ? Y a-t-il un temps sans histoire ? Y a-t-il
01:10un temps ? Sous la terre y a-t-il encore du temps ? Sous la terre y a-t-il un jour ? Sous
01:19la terre y a-t-il une nuit ? Y a-t-il encore des saisons ? Sans soleil y a-t-il encore du
01:26temps ? La nuit des temps a-t-elle un jour ? La préhistoire une histoire ? De quelles
01:36nuits viennent les images ? De quelles nuits des temps ? Comment sont venues les images ?
01:44A quelle tremblante lumière ? Comment passe-t-elle de l'ombre à la lumière ? Comment retourne-t-elle
01:53à l'obscurité ? Pourquoi ont-elles été peintes ? Que voulait-on représenter ? Pourquoi
02:01le représenter ? Les peintres étaient-ils nyctalopes ? Voyaient-ils dans l'obscurité ?
02:10Qui regardait ces images ? Quand les regardait-on ? Qui chasse ? Qui est chassé ? Qui a tué ?
02:22Qui a été tué ? Le chasseur a-t-il tué sa proie ? La proie a-t-elle tué le chasseur ? Meurent-ils
02:33ensemble ? Sont-ils mêlés dans la mort ? De qui est-ce le sang ? D'où vient le sang ?
02:41Où s'en va le sang ? Comment découper la proie ? Comment partager la proie ? Comment
02:49manger la proie ? De quoi sommes-nous la proie ? La viande souffre-t-elle ? Souffrons-nous
03:00en mangeant la viande ? Mange-t-on la souffrance avec la viande ? Mange-t-on la mort avec la
03:08viande ? La mort est-elle dans la viande ? La vie mange-t-elle la mort ? Où est la vie
03:19dans la viande ? Où est la mort dans la viande ? La viande est-elle dure ? La viande est-elle
03:25tendre ? Pourquoi cuit-on la viande ? Que dit le feu à la viande ? Qui disait pitié
03:32pour la viande ? Le secret des grottes est-il mort ? Le secret des grottes est-il la mort
03:40? La mort est-elle le secret des images ? De quelle mort sont-elles le secret ? De la
03:47mort du gibier ou de celle du chasseur ? Qu'est-ce qui les unit ? Qu'est-ce qui les sépare
03:53? La séparation est-elle la mort ? Le pinceau est-il l'envers de la flèche ? La bête revit-elle
04:00dans l'image ? La bête renaît-elle dans ses poils ? Qui vit de la mort des bêtes ? Qui
04:08se couvre de peau de bête ? Qui mange la chair des bêtes ? Qui taille des os de bête ? Qui
04:14taille des bois de bête ? Qui tue la bête avec ses bois ? Qui tue la bête aux abois
04:19? Qui découpe la bête avec ses os ? Qui bat la bête avec ses poils ? Qui meurt sous
04:24les coups de la bête ? Crie-t-on en mourant ? Souffle-t-on en mourant ? Siffle-t-on en
04:33mourant ? Pisse-t-on en mourant ? Jure-t-on en mourant ? Se vide-t-on en mourant ? Comment
04:42se vide-t-on en mourant ? En mourant, se tait-on ? En mourant, bande-t-on ? Pourquoi bande-t-on
04:51en mourant ? Pourquoi bande-t-il devant le bison en mourant ? Vit-on ces désirs en mourant ?
04:58Voit-on le jour en mourant ? Voit-on la mort en mourant ? En mourant, que voit-on ? En mourant,
05:04que sent-on ? Que sent la bête en mourant ? Que fait la bête au chasseur en mourant ? Pourquoi
05:11peindre au fond des grottes ? Est-ce la naissance d'un art ? La naissance d'un art dans le noir ?
05:18La naissance de l'art dans un trou ? Un art caché au fond d'un trou ? D'un art vraiment
05:25souterrain ? De l'art souterrain des morts ? De l'art mystérieux de la vie ? Caché aux
05:31yeux du jour ? Découvert dans la nuit ? Dans les yeux fermés du rêve ? Dans la nuit des
05:36images ? Dans l'invisible du visible ?
06:06J'ai bien marché, ta dolphin. J'ai dit que demain ça ira mieux. Aujourd'hui, ma vie, c'est de la marde.
06:36J'ai bien marché, ta dolphin. J'ai dit que demain ça ira mieux. Aujourd'hui, ma vie, c'est de la marde.
06:43J'ai bien marché, ta dolphin. J'ai dit que demain ça ira mieux. Aujourd'hui, ma vie, c'est de la marde.
06:56Quand une mère vous dit, quand j'étais en salle de toit, j'ai tout fait pour te faire
07:03boire. J'ai bu du Ricard à la bouteille. J'ai fait des bas de farine de moutarde pour
07:09que tu dégringoles. Mais quand un bébé, il veut vivre, il tient jusqu'au bout, la preuve.
07:18Ça fait molle d'entendre des paroles comme celles-là. Mais il ne faut pas trop y penser.
07:25Pour moi, ma vie n'a pas été une réussite mais le mal que j'ai subi dès ma naissance
07:32m'a toujours suivi. Et je crois que c'est ça qui m'a rendu la vie impossible.
07:39Adolfa, mesdames, messieurs.
07:50Nathalie Ficheux, c'est l'initiatrice du projet. En 87, en prison, Adolfa écrit le cahier jusqu'au mitard.
07:58Dix ans après, elle participe à un atelier d'écriture avec ATD Quart Monde. Il corrige et tape six pages.
08:05En 2006, elle emménage à côté de chez moi. Mais, 2010, elle m'invite à boire un café.
08:11Deux, trois jours ensuite, recafé. Et puis elle me fait lire le texte écrit par ATD.
08:17Alors je lui dis aussitôt, putain, on va faire un livre. Son histoire me colle une gueule de bois pour la journée.
08:25Elle, elle dit, j'ai encore des choses à raconter. Elle se met à écrire quatre pages roses, une suite de la prison, quand j'étais au mitard.
08:34Ensuite, durant l'été et l'hiver, arrivent des feuilles avec les frères et sœurs, son enfance, cette écriture.
08:42Le cahier, elle le cherchera six mois durant, retrouvé en novembre, quelque part dans la cabane.
08:50Rémi, l'illustrateur du bouquin d'Adolpha, que vous pouvez acheter, mesdames, messieurs, bien évidemment.
08:56Rémi dit, j'ai lu le cahier, puis je l'ai relu, corrigé, tapé. Le récit subsistait, mais Adolpha avait disparu.
09:07J'ai donc recopié le texte originel, recopié pour la lisibilité et la mise en page.
09:14Je vous invite à le lire si vous ne l'avez pas déjà fait.
09:17C'est un magnifique objet avec des illustrations superbes et un texte vraiment incroyable qui, moi, m'a foutu un coup de poing dans la gueule la semaine dernière.
09:26Donc, on a décidé de faire cette lecture à l'arrache pour montrer le talent de cette jeune écrivaine.
09:44Il était une fois. Il était une fois une femme qui n'était pas une bourgeoise, mais une liloise.
09:52Je suis né le 3 juin 1948 à la Charité. Mon nom est Adolpha Aimée Caroline Van Merhegg.
09:59Reconnue par ma mère, Emilienne France Adolphine Van Merhegg, née le 27 janvier 1922.
10:07Mon père était Jules Gaston Paron, né le 1 décembre 1919.
10:13Je suis né la troisième. Avant moi, il y avait mon frère Marcel, né le 26 novembre 1944 en Allemagne, à Gestack.
10:22Puis Josiane Simone Rose, né le 26 juin 1947 à Lille, aux deux rues Buffon, là où était notre demeure.
10:34À ma naissance, il paraît que ma mère n'a pas vu que j'avais un gros problème et que je pleurais toujours.
10:40Ma grand-mère, qui restait sur le même palier, venait souvent voir ce qu'il se passait.
10:45C'est vrai que lorsqu'on vivait les uns sur les autres, on restait à cinq dans une pièce.
10:50On n'était pas dans la misère. Mon père travaillait comme poseur de voix au chemin de fer.
10:55Quand ma mère devait me faire la toilette, il paraît que je hurlais.
11:01C'est ma grand-mère, par la suite, qui me l'avait.
11:04Et là, ma grand-mère est allée voir le docteur, qui m'a fait faire des examens.
11:09Je suis rentré à l'hôpital Saint-Antoine. Ils se sont rendu compte que j'avais du rachitisme et une décalcification des os.
11:19J'ai quand même grandi, mais avec plus de difficultés que les autres. Je ne pouvais pas marcher.
11:27J'avais 21 mois quand ma mère a eu mon frère, Paul-Henri Van Bergh, né le 28 mars 1950, aux Deux-Rues-du-Fond.
11:35Puis, il y a eu deux autres enfants, des jumelles, Jeanne Léone et Marie-Claire, nées en 1952.
11:43Et là, on est déménagés dans un barraquement au boulevard de Metz, au numéro 22, Jeanne-Achète.
11:52Les barraquements étaient ceux de l'abbé Pierre.
11:56Là, on a eu deux pièces, la chambre des enfants et dans la cuisine, ça a été celle des parents.
12:02En 1952, c'est là que j'ai appris à marcher. J'avais quatre ans et demi.

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