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00:00 Ça tourne. Quand tu vas ?
00:04 Je m'appelle Arnaud, j'ai 39 ans, 15 ans...
00:08 Je recommence ainsi, dès le début ça va pas.
00:11 Je m'appelle...
00:12 En fait, entre 15 ans et 15 années c'est pas grave.
00:15 Tu vois, je te bloque pas.
00:17 Août 2020.
00:22 Je filme les témoignages d'adultes violés durant leur enfance.
00:28 C'est ce jour-là que je rencontre Arnaud.
00:31 C'est la première fois qu'il raconte devant une caméra
00:35 l'inceste dont il a été victime.
00:37 Je m'appelle Arnaud, 39 ans, 15 années d'amnésie traumatique.
00:41 J'avais 8 ans lorsqu'un prêtre missionnaire,
00:44 cousin éloigné de ma mère, m'a violé pour la première fois.
00:47 Les faits se sont déroulés dans ma chambre.
00:50 Mes parents le faisaient dormir dans ma chambre
00:52 lorsqu'ils séjournaient en France.
00:54 [Musique]
01:02 Je suis désolé, je suis sur le point de l'émotion.
01:05 Je peux prendre de l'eau ?
01:07 [Musique]
01:12 Le témoignage d'Arnaud me révolte autant qu'il m'interroge.
01:15 Comment cet enfant s'est-il construit ?
01:19 Où Arnaud a-t-il puiser cette force pour devenir un père de famille ?
01:24 Je lui propose de raconter son histoire dans un documentaire.
01:28 Je ne sais pas encore que je m'engage dans une aventure
01:32 qui va durer plus de 3 ans,
01:34 et que cet homme fragile va devenir sous mes yeux
01:36 un activiste incontournable des droits de l'enfant.
01:39 [Musique]
02:08 Comment est-ce qu'on a pu faire autant de mal à un enfant comme ça ?
02:11 Regarde un peu, il est beau, il est vraiment...
02:15 Ouais, il est heureux et ça me fait de la peine d'une certaine manière
02:19 parce que c'est sûrement avant avoir vécu ce que j'ai vécu
02:23 et du coup ça me...
02:25 C'est une photo qui me...
02:27 Je ne dis pas qu'elle me hante,
02:29 mais c'est une photo qui me plaît énormément.
02:33 [Musique]
02:43 Quand Arnaud a 8 ans,
02:45 un grand-oncle prêtre missionnaire au Gabon débarque en France.
02:49 [Musique]
02:56 Les viols ont commencé entre l'âge de 8 ans
02:59 et dans mes souvenirs jusqu'à l'âge de 11 ans.
03:03 C'était une époque où je faisais de l'énuresie,
03:05 c'est-à-dire pipi au lit.
03:07 Et je faisais pipi au lit parce que j'étais victime de violences par mon père, etc.
03:13 Donc voilà, tout ce truc-là.
03:14 Et Rémy, en fait, quand je faisais pipi au lit,
03:17 déjà il dormait dans ma chambre.
03:18 Je n'ai jamais compris d'ailleurs encore aujourd'hui
03:20 pourquoi est-ce qu'il dormait dans ma chambre
03:22 puisque mes parents avaient quand même une chambre d'amis.
03:25 Et quand je faisais pipi au lit et que je me levais pour aller à la salle de bain,
03:28 lui en fait m'interceptait verbalement
03:30 en me demandant ce qu'il se passait.
03:32 Et c'est là qu'il me disait après,
03:33 "Je vais t'expliquer comment ton corps fonctionne."
03:35 Donc il profitait du fait que je sois souillé,
03:37 ce qui était hyper désagréable pour moi,
03:39 pour me toucher.
03:41 "Je vais t'expliquer comment les corps fonctionnent."
03:43 "Ton corps fonctionne", ça veut dire qu'il me touchait par exemple
03:45 les testicules, le pénis, etc.
03:47 Mais de manière...
03:50 Il me présentait ça les choses, si tu veux,
03:52 un peu comme un cours de sciences nat pour des choses comme ça, tu vois.
03:54 C'est-à-dire...
03:55 Voilà, tu as un sexe, machin, enfin bref.
03:59 Et puis, petit à petit, en fait,
04:02 il me parlait aussi du plaisir qu'on pouvait avoir avec...
04:06 avec le sexe, etc.
04:10 Et puis, dans d'autres orifices, machin,
04:13 donc il me met un doigt dans l'anus, machin,
04:15 et puis bon, bref, il allait après, petit à petit, jusqu'à me...
04:18 jusqu'à me sodomiser, quoi.
04:20 C'est-à-dire en retournant mon corps, etc.
04:22 C'est qu'il y avait un truc, c'est hyper violent, en fait,
04:24 quand on revient là-dessus, on se rend compte, en fait,
04:26 comment est-ce qu'on a été objet, en fait, de quelqu'un
04:28 sans qu'il fasse usage de la force.
04:30 Et ça, c'est un truc de...
04:31 C'est un truc, je pense que...
04:33 J'ai la conviction que j'ai été la proie d'un prêtre,
04:45 d'un grand ton de prêtre pédocriminel,
04:47 parce que, ni plus ni moins,
04:49 lui avait connaissance aussi de la manière
04:51 dont les choses se passaient à la maison,
04:54 parce que finalement, tout le monde le savait,
04:55 et personne ne faisait rien.
04:56 Et que de fait, bien sûr que ça m'a rendu juillet nerf.
04:59 Arnaud grandit en banlieue parisienne
05:06 entouré de ses deux soeurs.
05:08 Son père est directeur commercial dans la Port Export,
05:17 sa mère est mère au foyer.
05:19 Le souvenir que j'ai, et qui me revient quand on me parle de mon enfance,
05:30 c'est surtout d'avoir eu un père qui était extrêmement blessant, humiliant.
05:35 Alors, qu'est-ce que ça signifie, un père blessant, humiliant ?
05:38 Ça signifie que tout était prétexte à me rabaisser.
05:40 Moi, j'étais... J'avais des crises de boulimie.
05:45 Du coup, il vidait, il éventrait les poubelles dans la rue,
05:49 enfin, parce qu'il savait que je cachais,
05:52 et il voulait... Enfin, ça l'énervait, du coup, il éventrait,
05:57 parce qu'il trouvait... Il disait que je lui mentais.
05:59 Je me rappelle de très jeune, finalement, de coups de ceinture, par exemple,
06:04 des ceinturons où il y avait effectivement...
06:07 C'était extrêmement violent.
06:09 J'ai pas su toujours, comment dire, mettre les formes.
06:14 J'étais un peu brut de pomme, comme on peut dire.
06:17 Il m'est arrivé de péter les plombs,
06:20 même pour des trucs qui n'en valaient pas la peine.
06:22 Si vous n'étiez pas du même avis que lui, je sais pas pourquoi,
06:27 que ce soit avec les enfants ou des adultes,
06:29 le moment que vous partagiez pas ces opinions,
06:34 ça le mettait tout de suite en état,
06:37 ou c'était incontrôlable.
06:40 Ma mère, en fait, elle faisait ce qu'elle pouvait.
06:43 Elle nous séparait de mon père pour isoler chacun de son côté.
06:47 Et en fait, c'était après qu'on entendait les cris
06:51 entre mon père et ma mère, en bas.
06:53 Enfin, j'ai fait ce que j'ai pu.
06:56 C'est pas que j'étais démunie, mais je dirais, dans mon éducation,
07:03 voilà, t'as fait des choix.
07:05 Tu dois les...
07:10 quelque part, les assumer.
07:12 En fait, je dirais limite, pour moi, que c'était
07:14 la culture de l'acceptation, en quelque sorte.
07:17 C'est-à-dire qu'on avait pas des adultes qui nous disaient
07:20 ou qui cherchaient à nous protéger ou qui...
07:23 Mais après, une culture du silence, oui,
07:25 parce que dans la famille, tout le monde savait.
07:28 Forcément, quand on parle après des moments,
07:38 des bons moments qu'on peut voir dans les filmés
07:40 ou quoi que ce soit, finalement, quand on est filmé,
07:43 on est... comment dire ?
07:45 Enfin, il y a un peu une mise en scène, en quelque sorte.
07:48 Je pense que... je peux pas me rappeler de ces moments-là.
07:51 Quand on voit le poids de tous les autres moments,
07:54 toute cette violence, comment me rappeler de bons moments ?
07:57 Enfin, je veux dire, c'est inimaginable.
07:59 Je peux pas dire que...
08:01 Enfin, il y a pas de...
08:03 Ça efface forcément tous les bons moments, c'est impossible.
08:06 [Musique]
08:09 Arnaud ne dit rien de ses viols et des violences de son père.
08:12 Il a appris à se taire.
08:15 Il se met à bégayer.
08:17 Ses résultats scolaires sont en chute libre.
08:20 Ses parents consultent un centre médico-psychologique.
08:23 [Musique]
08:25 Pour moi, j'étais convaincu que ce qui s'était passé
08:27 faisait que, d'une certaine manière,
08:29 j'avais une attirance plutôt pour les hommes.
08:31 Et là où j'étais troublé, c'est que j'en avais aucune.
08:33 Donc je me retrouvais face à un dilemme
08:35 de me dire "mais non, il y a un truc qui va pas dans cette histoire".
08:37 C'est-à-dire qu'il a pas pu se passer ça
08:39 avec la clé que j'avais.
08:40 Moi, la clé que j'avais, d'une certaine manière,
08:42 c'est que j'avais été consentant.
08:43 Or, d'une certaine manière,
08:45 si je suis consentant avec un homme,
08:48 quelque part, ça veut dire que je suis homo ou quoi que ce soit.
08:51 Enfin bon, il y avait un truc qui était quand même troublant.
08:53 [Musique]
08:55 À l'âge de 12 ans,
08:57 Arnaud va être victime d'un deuxième inceste,
08:59 alors qu'il répète une pièce de théâtre
09:01 avec deux de ses cousins.
09:04 Là, il y a une pièce, moi je jouais une femme
09:07 et je me rappelle, j'avais une perruque.
09:09 Et au bout d'un moment, il y a l'aîné de mes cousins
09:13 qui dit "ouais, je vais te montrer ce que je te ferais si t'étais une femme".
09:18 Et là, il saute sur moi,
09:24 il se met en fait à la hauteur de ma...
09:30 Enfin, il se met là, je me rappelle très bien, sur moi.
09:33 Il abaissait les jambes comme ça, etc.
09:36 Il ouvre sa braguette, il sort son pénis.
09:38 Et de manière concomitante,
09:40 son frère, donc son cadet, me saisit les mains, les poignets.
09:45 [Musique]
09:55 La seule chance que j'ai eue,
09:58 c'est que tout en banalisant, bien entendu,
10:01 l'aîné est reconnu.
10:03 Second, tu es sur des souvenirs plus vagues.
10:06 Tu as des souvenirs déjà vagues, même là-dessus.
10:08 D'où tu as un souvenir vague de quelqu'un à qui on met un sexe dans la bouche ?
10:12 C'est quoi ton souvenir vague, j'ai envie de te dire ?
10:15 Non mais c'est vrai !
10:16 Non mais attends, il y a un problème.
10:18 [Musique]
10:20 Ce viol non plus, il n'en parle pas.
10:22 Il a des conduites addictives.
10:24 Il commence à fumer du cannabis.
10:26 Et à boire de l'alcool.
10:28 [Musique]
10:38 Quand on faisait des soirées,
10:40 il se mettait dans des états pas possibles.
10:45 Avec l'alcool, ou alors quand on fumait des joints.
10:50 Et du coup, ma seule préoccupation pendant les soirées,
10:54 c'était de, j'allais dire, pas vraiment de le surveiller,
10:59 mais de le protéger et de faire attention.
11:04 Et c'est vrai que toutes ces soirées, j'étais pas...
11:07 J'avais peur, j'étais pas sereine.
11:10 [Musique]
11:12 Ce sont des rencontres qui vont sauver Arnaud.
11:14 Un prof qui croit en lui, le sport, une petite amie attentionnée.
11:19 Dans sa famille, il trouve du soutien auprès d'un de ses oncles.
11:24 J'ai plutôt répondu en me disant,
11:28 il va falloir vraiment que je m'en sorte de tout ça
11:30 pour leur montrer que je ne suis pas comme ça.
11:32 Avec le sentiment de me dire...
11:34 Et je pense que c'est le regard qu'on oncle avait sur moi.
11:36 Il a su se positionner quand même par moments,
11:38 en disant à mon père notamment, et donc à ma mère,
11:40 et donc en famille aussi, en disant non, c'est pas normal, etc.
11:43 Sûrement qu'il a contribué au fait que j'ai une autre estime de moi.
11:47 Dès le plus jeune âge, j'imagine.
11:49 Moi c'est comme ça que je vois les choses.
11:51 Il avait ses défauts, c'est évident, comme tout le monde.
11:54 Il avait un mal-être, et on le voit bien.
11:58 Il s'est suicidé à l'âge de 48 ou 49 ans, peu importe.
12:04 Donc assez jeune, et puis avec, pareil, forcément des souffrances
12:09 qui conduisent à un acte comme celui-là.
12:12 [Musique]
12:16 C'est le deuxième suicide dans la famille.
12:20 Le premier frère de la mère d'Arnaud s'était donné la mort
12:23 quelques années auparavant.
12:26 Face à cette succession de malheurs familiaux,
12:29 plus personne n'entend ni ne remarque les souffrances d'Arnaud.
12:35 Il va attendre d'avoir 19 ans, après la mort du prêtre
12:38 qu'il a violé pour trouver la force de briser la loi du silence.
12:42 Un jour, où il regarde avec ses parents un reportage
12:45 sur un prêtre pédophile, Arnaud lâchant réfléchir,
12:49 "Moi aussi, ça m'est arrivé."
12:52 [Musique]
12:55 Je prends conscience que ce que disent d'autres victimes à la télé,
13:00 c'est ce que j'ai vécu.
13:02 Donc je prends déjà conscience que j'ai été victime d'un truc.
13:05 C'est des flashs, c'est comme...
13:07 Moi je me rappelle des trucs, et puis j'en parle pas comme ça,
13:10 pour le coup, je dis pas que c'est de la honte,
13:12 mais c'est aussi assez bizarre.
13:14 "Moi, j'ai vu mes parents, je me suis fait sodomiser."
13:16 Enfin toi, c'est pas le sujet.
13:17 En fait, toi, tu peux pas dire le truc comme ça.
13:19 On s'en veut, même. Enfin, on s'en veut.
13:21 J'ai rien vu, j'ai rien entendu.
13:24 J'ai une haine profonde, en fait, contre cet homme, même mort,
13:31 parce qu'il a participé à la destruction de notre famille, quelque part.
13:38 Toi, moi, les propos de ma mère, je me rappellerai toute ma vie,
13:41 qui était de dire "on s'est fait avoir".
13:45 Je me rappelle seulement que ça a été rude,
13:47 mais c'était sidérant autant que le reportage que j'étais en train de regarder
13:50 avec ma parole qui sortait toute seule.
13:54 Pour moi, plus par pudeur, j'ai pas posé plus de questions à Arnaud.
13:59 Je pensais que ça pouvait le gêner.
14:03 Ce que j'aurais pu imaginer, ou ce que tout le monde d'ailleurs pourrait imaginer,
14:06 c'est au moins un message du type "on est là, on est à tes côtés, etc."
14:12 "On te croit."
14:14 Et même, de manière plus large, je pense que la bonne réaction d'un parent,
14:17 c'est de dire à son enfant "je t'aime".
14:21 Et bien même ça, je l'ai pas eu.
14:35 Arnaud cherche des réponses dans des études d'anthropologie.
14:39 Il entame une psychothérapie, son psychiatre dira de lui qu'il avait tout
14:44 pour devenir psychotique.
14:46 Il sort diplômé à 29 ans de l'école des hautes études en sciences sociales.
14:55 Il travaille un temps chez Emmaüs,
14:58 puis dans plusieurs structures de l'aide sociale à l'enfance.
15:02 Depuis 2010, il partage la vie d'Alexandra, qui a déjà une fille d'une première union,
15:07 Louisan.
15:09 Arnaud et Alexandra ont eu un fils né en 2015, Armel.
15:15 Quand notre fils est né, c'était pour lui quelque chose de très important.
15:27 À plusieurs titres, parce qu'il devenait papa,
15:33 ça veut dire qu'il construisait lui-même sa propre famille,
15:37 comme il l'entendait, en protégeant ses enfants,
15:41 en ayant un certain lien avec ses enfants et avec moi,
15:45 et que rien ne pourra jamais détruire ça, et que surtout, surtout,
15:50 et d'ailleurs il l'a toujours dit à son fils,
15:53 je ferai tout pour être le papa qu'il te faut,
16:00 et je ferai tout pour jamais ressembler à mon père.
16:04 - Là, là, c'est bon.
16:07 - Attends, je vais le sauver, je vais le sauver !
16:09 Il est là, attends !
16:11 - Voilà, là on va pouvoir mettre ici le...
16:14 On va mettre ici le...
16:16 - Attends, c'est dévisé.
16:18 - C'est dévisé, c'est bon.
16:20 On va mettre ici le...
16:22 Vas-y, creuse un peu.
16:24 Je pense que quand je regarde toujours mon fils,
16:28 j'ai toujours cet émerveillement de me dire...
16:32 Enfin, tu vois, c'est transmettre quand même,
16:35 mais c'est pas transmettre justement le côté pathos, le machin,
16:38 mais c'est la vie, c'est tout ce qu'elle a pour moi,
16:40 tout ce que je crois, c'est-à-dire de me dire,
16:42 c'est formidable, tu vois, de voir un enfant grandir,
16:45 parce que c'est une rencontre en fait,
16:47 et je trouve ça...
16:49 J'en ai un peu les larmes aux yeux.
16:51 Enfin, je me rappelle même cette première rencontre avec Armel,
16:55 quand il naît, à l'hôpital.
16:59 Enfin, toi, il y a un truc dingue, c'est-à-dire...
17:02 Enfin, dingue, je passe le terme, mais bref, forcément,
17:05 pour moi, c'est dingue.
17:07 Et tellement beau, il pleurait, il pleurait, il pleurait.
17:10 Il arrive dans mes bras.
17:12 Je me rappelle, il dit, "Monsieur, prenez-le dans vos bras."
17:15 Je le prends dans mes bras,
17:17 il s'arrête de pleurer instantanément.
17:20 (Bruits de pas)
17:24 -Le politologue Olivier Duhamel a démissionné aujourd'hui
17:34 de toutes ses fonctions.
17:36 Sa belle-fille Camille Couchner l'accuse d'avoir abusé sexuellement
17:39 de son frère jumeau.
17:41 Camille Couchner livre ses accusations...
17:43 -La sortie du livre de Camille Couchner, "La familia grande",
17:48 fait basculer la vie d'Arnaud.
17:50 Dans ce livre, l'auteur raconte l'inceste subi par son frère.
17:55 Dans "Le Nouvel Observateur",
17:59 un parallèle est fait avec l'histoire d'Arnaud.
18:02 Il est invité à faire sa première télé.
18:05 -Arnaud Gallet, vous l'avez vécu, vous, l'inceste.
18:09 Emmanuel Anison, vous en parliez dans ce dossier remarquable
18:12 du "Nouvel Observateur", vous avez fait un boulot phénoménal.
18:15 Bravo à toute l'équipe.
18:17 Et puis il y a l'édito de Cécile Prieur qui dit
18:19 "C'est au contraire un crime, elle parle de l'inceste en général,
18:21 tristement banal, dont un Français sur 10 déclare avoir été victime
18:25 selon un récent sondage et dont on estime qu'il concernerait
18:28 de 2 à 3 enfants par classe de CM2."
18:31 C'est énorme !
18:33 -Mais, écoutez-moi, ce qui m'étonne, c'est plutôt que ça étonne.
18:36 C'est-à-dire que ça fait longtemps qu'on connaît ces chiffres.
18:39 Il faut que tout à coup, quelqu'un d'un peu connu,
18:41 parce que c'est une famille de pouvoir,
18:43 parce que c'est quelqu'un de connu, voilà pourquoi tout à coup
18:45 ça nous fait cet effet-là, pour qu'enfin des paroles comme la vôtre
18:48 et celles des autres associations qui existent depuis des années
18:51 et qui dénoncent cette banalité de l'horreur,
18:54 depuis des années, soit entendues.
18:56 -Vous avez été victime, comme je l'ai été,
18:58 vous avez un premier phénomène qui s'appelle de la dissociation traumatique.
19:01 Une dissociation traumatique, c'est quoi ?
19:03 C'est ce qu'on va reprocher par la suite à la victime,
19:05 à savoir c'est de pouvoir survivre à l'insupportable.
19:07 Vous voyez, moi, quand j'ai été violé à plusieurs reprises
19:09 par un prêtre, par mes cousins, par la suite,
19:11 j'ai même, pour vraiment être cru, j'ai saigné à certains moments,
19:16 j'avais l'impression que ce n'était pas mon sang.
19:19 Vous voyez ce que je veux dire ?
19:20 On est dans quelque chose où on sort de son corps.
19:22 Il peut y avoir, ce qui fait partie de cette dissociation traumatique,
19:25 c'est de l'amnésie traumatique.
19:26 On demande une reconnaissance, bon sang,
19:28 de ce traumatisme, de l'amnésie traumatique.
19:30 -Le débat qui s'ouvre aujourd'hui est celui, effectivement,
19:32 de la prescription et de la reconnaissance de ces faits.
19:34 Merci beaucoup, Arnaud Gallet, merci beaucoup, Emmanuel Anison.
19:36 -Merci beaucoup. -Merci à vous.
19:38 Ça va, je n'ai pas été trop virulent ?
19:40 -On a été un peu emportés. Le sujet est un peu…
19:43 Le livre de Camille Kouchner provoque le tsunami #MeTooIncest.
19:50 Arnaud est propulsé sur les plateaux de télévision et des émissions de radio.
19:59 On sait bien que, finalement, plus on agit tôt,
20:01 et plus, d'une certaine manière, on va pouvoir aussi accompagner
20:04 et soutenir les parents pour éviter que les difficultés soient plus importantes.
20:07 Le jour de l'investiture de Joe Biden, il fait la une du journal Libération.
20:12 -Aujourd'hui, la parole partout en France se libère.
20:18 Sur les réseaux sociaux, dans les livres, les journaux.
20:22 Le silence construit par les criminels et les lâchetés successives,
20:26 enfin, explose.
20:29 -Alors, je pense que ça bouge dans le sens où, inévitablement,
20:31 le président de la République a pris la parole.
20:33 -Il nous faut punir les criminels pour leurs actes passés
20:38 et pour empêcher toute récidive.
20:41 La honte, aujourd'hui, change de camp.
20:45 -4% des enfants victimes de viols déposent plainte.
20:49 Sur ces 4%, vous en avez 0,3% qui finissent aux assises.
20:53 -Je veux juste vous dire, on est là, on vous écoute, on vous croit.
20:59 Et vous ne serez plus jamais seuls.
21:04 -On aime se dire que c'est l'élite qui produit les plus grands pervers
21:07 et on dévore Camille Kouchner, son livre, son récit, son beau-père.
21:10 Il y aura un avant, un après, ces tweets par dizaines de milliers
21:13 qui tous nous disent "plus jamais ça", "plus jamais quoi", non, ça marche pas.
21:16 On peut plus dire qu'on savait pas.
21:18 -Vous vous tairez.
21:20 -Shut up, boys.
21:22 -Pas ce genre.
21:24 -Les agressions que j'ai pu vues, quelles qu'elles soient,
21:26 quelles qu'elles soient politiques, quelles qu'elles soient sexuelles,
21:29 que j'ai sumies et qui sont atroces, que j'ai cru mourir à tout moment,
21:32 moi, ce qui m'a toujours animé, au-delà de ce sentiment de mort,
21:35 c'est de me dire, il faut pas que mes agresseurs gagnent,
21:40 d'une certaine manière, donc j'ai la gagne, en fait.
21:42 C'est-à-dire que je me dis sans cesse, il faut combattre,
21:44 pour les enfants, pour tout le monde, pour les femmes,
21:46 c'est pour ça qu'on est sur le collectif prévenir et protéger.
21:49 Heureusement qu'il y a les médias aussi pour porter notre parole,
21:52 parce que je pense que, je peux pas dire qu'on serait pas grand-chose,
21:55 mais on a besoin d'un relais, moi, je suis fier et heureux d'être ici ce soir,
21:58 parce que je me dis que c'est extrêmement important.
22:01 Eh bien, il a été choc, et il nous a amenés, je pense, à parler tous,
22:09 tous à parler, en fait.
22:12 Ça a été dur à entendre, mais il nous a secoués.
22:17 Et là, Arnaud, il est pris d'une fureur, je dirais,
22:22 parce qu'il veut arriver au bout, quoi.
22:25 C'est lui qui est dans le vrai, même si c'est dur à entendre,
22:28 parce que ça touche quand même votre famille directement, vous, parents, quoi.
22:34 Enfin, moi, sa mère.
22:37 Au début, j'ai ressenti de l'injustice de sa part,
22:42 parce que même dans le Nouvel Obs, ça m'a fait mal de voir que,
22:49 de mémoire, les mots de mon frère, c'est "mes sœurs se sont ralliées,
22:54 enfin, ont suivi mes parents",
22:57 mais aujourd'hui, je comprends sa solitude et sa colère vis-à-vis de nous.
23:04 Peut-être que c'était, je ne vais pas dire la dernière chance,
23:08 mais c'était l'occasion, d'une certaine manière,
23:10 de tendre peut-être une main pour voir comment eux-mêmes pouvaient réagir.
23:14 Tu penses que c'est...
23:16 - Inconsciemment. - Inconsciemment.
23:19 C'est quelque chose que je n'ai pas du tout mesuré,
23:21 parce que ce n'est forcément pas l'objectif,
23:23 mais en y repensant bien, le fait de passer ce pas-là,
23:26 qui n'est pas des moindres, parce que finalement,
23:28 c'est ce que Dost rappelle de l'exposition.
23:30 Moi, je ne me sens pas exposé, d'ailleurs.
23:32 Parce qu'encore une fois, ça ne m'appartient pas, ça leur appartient.
23:34 C'est quelque chose qui est important pour moi,
23:36 et vraiment, je le vis de cette manière-là.
23:38 C'est pour ça que j'en parle assez librement.
23:40 Or, sans être déçu, j'ai constaté que les choses ne changent pas,
23:44 mais pas forcément.
23:46 Julie avait 13, 14, 15 ans.
23:49 Arnaud s'engage sur le terrain.
23:51 Durant ce mois de janvier glacial, il est aux côtés de Julie.
23:55 Une jeune fille qui accuse 22 pompiers de l'avoir violée
23:58 quand elle avait entre 13 et 15 ans.
24:01 La justice décide qu'ils ne sont pas coupables.
24:06 C'est important de la soutenir,
24:08 parce que je pense qu'il y a une vraie impunité.
24:11 Bien sûr qu'il y a une convergence des luttes, du féminisme,
24:14 droit des femmes, droit de l'enfant, même combat.
24:17 On veut juste dire à Julie qu'on l'aime,
24:20 et qu'on est très fiers d'elle.
24:22 J'ai un message pour mes violeurs.
24:25 Vous pensez que vous m'aviez tuée.
24:28 Maintenant, c'est à vous de tremper.
24:30 Pompiers, pompiers,
24:33 je vous donne des femmes.
24:35 Je leur fais des mecs,
24:37 je vous donne des femmes.
24:39 Si la justice des hommes vous protège,
24:42 cette femme vous condamne.
24:45 Ses parents qui sont autour d'elle.
24:48 Ça change beaucoup.
24:50 Je suis d'accord qu'il y a une injustice,
24:52 mais quand en plus, cette impunité se rajoute,
24:55 celle de la famille,
24:57 on voit bien que quand on est seul,
25:00 comme moi, avec la famille qui est en dehors,
25:03 c'est dur.
25:05 C'est Arnaud.
25:08 Je suis venu à te dire ça.
25:11 Je sens qu'il y a une distance qui se crée.
25:16 Je comprends, j'essaie de la combattre à ma manière,
25:22 mais je vois bien, il a pris une...
25:25 Mais si c'est pour le bien-être d'Arnaud,
25:28 je l'accepte,
25:30 mais avec un poids.
25:32 C'est ce qui fait qu'aujourd'hui,
25:35 ça rend encore plus difficile,
25:37 que les gens sauront que tout vient avec vous,
25:40 mais que je n'y parviens pas à leur répondre.
25:43 Mon téléphone peut sonner,
25:45 et je me dis que je n'ai pas envie,
25:47 on peut m'envoyer des messages, etc.
25:49 Je n'y parviens pas.
25:51 La seule chose que j'ai répondu,
25:53 c'est que je n'y parviens pas à te répondre.
25:56 Je ressens qu'il a besoin de prendre de la distance,
26:01 qu'il le fasse,
26:03 pour se reconstruire, être mieux.
26:06 Et moi, je serai là,
26:08 à son retour, je serai là.
26:10 -Cassation totale !
26:12 Cassation totale !
26:14 Cassation totale !
26:16 -Le mouvement #MeTooInceste prend de l'ampleur.
26:20 Emmanuel Macron réagit et met en place
26:23 la Commission indépendante sur l'inceste
26:26 et les violences sexuelles sur les enfants,
26:28 la CIVIS.
26:30 Arnaud est identifié par le pouvoir,
26:32 il est consulté par le garde des Sceaux,
26:34 Éric Dupond-Moretti.
26:36 -Il y a quelques mois,
26:43 quand j'ai commencé à te filmer,
26:45 tu étais quasiment inconnu, médiatiquement.
26:48 Comment tu expliques que tu sois devenu,
26:51 en quelque sorte, le porte-parole d'une cause ?
26:54 -Je ne sais pas justement,
26:56 est-ce que je suis réellement porte-parole ?
26:58 J'ai du mal à m'identifier comme porte-parole,
27:00 parce que pour moi, je vois vraiment la dimension collective.
27:02 Pour moi, l'idée, c'est vraiment de porter ce message collectif.
27:05 Alors peut-être, oui, porte-parole.
27:07 Je pense que c'est dû peut-être en premier lieu
27:10 à ce qu'il y ait eu, notamment un article
27:13 qui a fait quand même pas mal de bruit,
27:15 notamment dans l'Obs,
27:16 après différentes choses, la Lune de Libé.
27:18 Le fait d'être un homme, je pense aussi, ça joue.
27:20 C'est-à-dire qu'il y a peu d'hommes, peu d'hommes.
27:23 C'est-à-dire qu'il y a moins d'hommes victimes que de femmes,
27:25 et ça, c'est important de le rappeler.
27:27 Mais il y en a peu qui osent prendre la parole.
27:31 Le ministre de la Justice a entendu les revendications du terrain.
27:36 Arnaud et d'autres associations de protection de l'enfance
27:40 parviennent à faire bouger les lignes.
27:42 Une loi importante est votée, la loi Billon,
27:45 destinée à protéger les enfants des crimes sexuels.
27:49 Elle introduit dans le code pénal
27:52 un seuil d'âge fixé à 15 ans,
27:54 en dessous duquel un ou une mineure
27:56 ne peut pas avoir un acte sexuel avec un homme.
27:59 Le texte comprend cependant une clause
28:02 qui autorise les relations entre un majeur de 19 ans
28:05 et une mineure de 14 ans,
28:07 la clause dite "Roméo et Juliette".
28:10 Je ne veux pas, nous ne voulons pas criminaliser
28:16 de jeunes garçons, de jeunes femmes
28:18 qui ont des relations avec de jeunes garçons ou de jeunes femmes.
28:20 Je ne veux pas être le censeur de la sexualité de nos adolescents.
28:26 Non, non, non, pas la loi Billon !
28:30 Non, non, non, pas la loi Billon !
28:33 C'est épuisant, c'est fatigant.
28:35 On rend possible finalement ce qui n'est pas possible aujourd'hui.
28:38 Il faut bien comprendre qu'aujourd'hui,
28:40 il ne peut pas y avoir de relation sexuelle
28:42 entre un adulte et une personne de moins de 15 ans.
28:44 Et demain, ça sera possible pour les gens qui ont 18-19 ans,
28:47 avec des gamines qui ont, ou des gamins qui ont 13-14 ans.
28:51 Elle est où la progression si on arrive finalement à la loi Billon ?
28:55 Si on arrive finalement à enfreindre la loi d'aujourd'hui ?
28:58 Et là, pour une fois, la loi avait l'occasion de protéger d'emblée les mineurs,
29:03 de protéger d'emblée celles et ceux qui peuvent un jour être les victimes de pédophiles,
29:09 les victimes d'incestes, les victimes de viols de la part d'adultes.
29:13 Et on est en train de passer à côté de cette occasion.
29:18 Mais en termes de loi, quand il y a 73% de classement sans suite,
29:21 et qu'on sait très bien qu'une clause comme celle de Roméo et Juliette,
29:24 ça va être un endroit dans lequel vont s'engouffrer la défense des agresseurs,
29:28 parce que ça va être le cas, c'est juste intolérable.
29:33 Évidemment, on est en colère.
29:35 Et quand on est dans un moment où, mine de rien,
29:38 on peut pas oublier que dans l'affaire Duhamel,
29:41 Duhamel c'est un homme qui était très près du pouvoir,
29:45 je pense qu'à un moment donné, ils essayent tous de se couvrir d'une certaine manière,
29:50 et se dire « tiens, il peut y avoir quelque chose de consenti parce qu'il faut défendre les copains ».
29:53 Je pense qu'il y a un peu de ça quand même, faut pas le perdre de vue.
29:55 Moi je suis convaincu qu'il y a aussi de ça.
29:57 Il y a quelque chose qui est culturel, et puis il y a quelque chose qui est aussi de l'entre-soi,
30:01 et une forme de corporatisme et de se défendre.
30:04 Moi j'en suis convaincu de ça.
30:07 Oh là là !
30:09 De vivre une expérience collective, quand on a une pathologie du lien,
30:29 comme moi, c'est-à-dire que j'ai quand même du mal à me lier avec d'autres,
30:34 hormis au travail bien entendu, je pense que c'est la première fois que j'ai cette aventure humaine,
30:41 avec des personnes de manière régulière, stable, en dehors de ma vie de couple,
30:47 mais avec des personnes extérieures, où on arrive à construire quelque chose.
30:51 Je trouve ça super important, je trouve que c'est beau, et je trouve que ça nous met tous aussi…
30:55 Enfin je veux dire, finalement on est la République, quand tu regardes bien.
30:59 C'est-à-dire qu'on est une et indivisible.
31:03 On vient d'apprendre que le Conseil de l'ordre n'était pas favorable à la recommandation de la CIVIS,
31:08 qui demande à ce qu'il y ait une obligation finalement au niveau des médecins…
31:13 Ni masnet, ni vives vesses !
31:21 L'activisme d'Arnaud passe désormais par les réseaux sociaux.
31:25 C'est quoi ? C'est un mouvement de lutte contre toutes les formes de violence faites aux enfants…
31:29 Ses prises de parole inspirent des victimes dans toute la France.
31:33 À Tours, il rencontre les anciens membres d'une chorale dirigée par un prêtre pédophile.
31:39 Ça c'est moi. Ouais, t'avais 2000 petits chanteurs et…
31:48 C'est lui non ? Oui.
31:52 Avec Jean-Paul II.
31:55 Quand on voit toutes les tournées Canada, Etats-Unis, vous avez fait ça vous ?
31:59 On parle de cet homme-là. Il avait deux faces.
32:03 D'un côté c'était le magicien. Ça on peut pas dire qu'on sait, c'est de la musique.
32:08 Et de l'autre côté c'était le diable.
32:11 Moi j'étais soliste, en général c'était les solistes.
32:14 J'y étais soliste, et quand on but, des fois on sort des fausses notes.
32:18 Et ils nous disaient "Tiens Christophe, comment il procédait pour toi ?
32:23 Tu passeras à l'infirmerie, parce qu'il y a une petite infirmerie,
32:26 mais tout était bien, avec tous les petits médicaments, tout ce qui allait bien.
32:29 Tu passeras à l'infirmerie.
32:31 Quand je passais à l'infirmerie,
32:34 ils me faisaient mal tout nu,
32:37 ils me masturbaient, ils prenaient des gants, ils mettaient du gel,
32:40 ils me mettaient le doigt dans la nez.
32:43 Ouais, c'est ça.
32:45 C'est toujours la même méthode.
32:47 Et toujours la même méthode. Pareil.
32:49 Sous couvert de vérifier la mise, vérifier la voix.
32:52 Et voilà, comme il disait, il recalait la voix.
32:56 Un prêtre quoi.
32:58 Un prêtre, Pierre Hippocq.
33:00 C'est un prêtre, voilà. Nos parents nous confiaient un prêtre, un homme d'église.
33:03 Parce qu'ils nous manipulaient, nous, mais ils nous manipulaient aussi nos parents.
33:07 Par ailleurs, le fait de s'occuper d'enfants, d'être quelqu'un de religieux,
33:11 avec tout ce que ça peut envoyer, c'est-à-dire forcément qu'ils savaient le faire.
33:14 Et donc on se doute de rien, donc c'est vraiment une...
33:18 Et il est où aujourd'hui ?
33:20 Il serait en besoin de retraite, je crois.
33:23 Ce qui me...
33:25 Réellement me donne de l'émotion, quand je vous rencontre,
33:28 quand je rencontre d'autres victimes.
33:30 On a tous quelque chose en commun.
33:33 Et en même temps, je trouve qu'on a tous cette force aussi,
33:35 c'est-à-dire cette soif qui nous permet d'être là aujourd'hui.
33:37 Et je pense qu'il nous permet aussi d'y croire.
33:39 C'est vrai qu'il y a une touche d'espoir qu'il faut qu'on arrive à ramener,
33:41 mais qu'il faut aussi qu'on transmette.
33:43 C'est-à-dire qu'il faut qu'on passe aussi des voies libérées
33:45 aux actions qui se libèrent réellement.
33:47 C'est un truc où à un moment donné, c'est...
33:49 Ah, c'est bien de parler, moi, j'arrête pas de le dire.
33:51 En ce moment, mon mot d'ordre, c'est de dire...
33:53 En fait, nous, ce qu'on fait, on veut pas de l'émotion.
33:55 Vous avez peut-être pas compris l'histoire.
33:57 Nous, ce qu'on veut, c'est des actions.
33:59 Et des fois, je me dis, une action coûte point.
34:01 Il y a un message clair qui sort.
34:04 Si on arrive peut-être à un moment donné à en faire un peu partout,
34:07 ben ça peut être une...
34:09 Voilà, si ça vous dit, il n'y a pas de problème.
34:11 Moi, je suis pas très loin.
34:13 Moi, je suis aussi hyper actif.
34:15 Donc en ce moment, je suis assez...
34:17 Chut ! On va à Tours, bien sûr, on va à Tours.
34:19 Y a pas de problème, c'est à côté.
34:21 Bien sûr, je me lève tôt le matin.
34:23 Mais bien sûr, à ton 6h, y a pas de problème.
34:25 L'engagement militant, médiatique, etc.,
34:41 là où il me fait du bien, c'est qu'il m'empêche aussi
34:44 d'une certaine manière de...
34:46 de rester trop collé à cette réalité-là qui est insupportable.
34:49 C'est ma psy aussi qui me permet d'en prendre conscience.
34:52 C'est-à-dire que ma psy dit, non, non, mais surtout, n'arrêtez pas.
34:55 Ma psy, elle est flippée, je pense que j'arrête.
34:58 Elle a bien compris ce que jouait dans ma réparation personnelle
35:04 ces engagements militants.
35:06 C'est-à-dire que j'en ai besoin parce que c'est peut-être plus simple,
35:09 effectivement, de...
35:11 de se donner pour les autres que là,
35:14 d'avoir l'œil tourné sur moi pleinement.
35:17 Parce que c'est...
35:19 Il vaut mieux décentrer dans un moment comme ça,
35:22 de se dire, on a un problème systémique.
35:24 C'est une autre manière de supporter cette violence-là,
35:28 une ouïe, je veux dire, concrètement.
35:38 Ça m'amuse parce que j'ai du mal à me ressourcer.
35:43 J'ai beaucoup de mal à dormir en ce moment.
35:45 Je dors...
35:47 On va dire à la louche 3-4 heures par nuit
35:51 depuis plusieurs semaines.
35:53 Donc c'est vrai que ça...
35:55 Ça fatigue.
35:57 Mais bon, ça va, là. Pas trop.
35:59 Non.
36:02 Oh...
36:05 [Rire]
36:08 [Musique]
36:11 Au printemps 2021, le corps d'Arnaud distope.
36:15 Les incestes à répétition qu'il a subis
36:19 ont abîmé le corps de l'enfant qu'il était.
36:22 Arnaud souffre des poumons.
36:25 Les statistiques sont implacables.
36:30 Les victimes d'incestes développent des maladies
36:33 comme de l'épilepsie, du diabète,
36:35 de l'hypertension ou de l'insuffisance respiratoire.
36:38 [Musique]
37:07 Le pape François sait déjà que le rapport est sévère.
37:10 Les diocèses ont prévenu leurs fidèles.
37:12 Il faut s'attendre à un choc, à une déflagration.
37:15 Avec la publication ce matin de la commission indépendante
37:18 chargée d'enquêter sur les violences sexuelles dans l'Église
37:20 depuis les années 50.
37:22 Les révélations de mardi dernier,
37:24 plus de 300 000 victimes depuis 1950
37:26 ont créé une onde de choc chez les catholiques.
37:34 La commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église,
37:37 la SIAZ, vient de publier le résultat de deux années d'enquête.
37:41 L'Église reconnaît depuis 1950
37:47 être responsable de plus de 330 000 victimes.
37:50 Arnaud est le numéro 587.
37:58 Quand tu lis les conclusions du rapport de la SIAZ,
38:02 toi qui hurles à ta famille,
38:05 notamment qu'un prêtre t'a violée,
38:08 est-ce que le fait que l'Église reconnaisse
38:11 que c'est arrivé à 330 000 personnes,
38:13 est-ce que ce n'est pas pour toi déjà un début de reconnaissance
38:16 de ce que tu as vécu ?
38:18 Et pourquoi pas, tu vois,
38:20 est-ce que ce n'est pas non plus un soulagement ?
38:22 Non.
38:23 Non, parce que le soulagement,
38:25 ce serait d'entendre une prise de conscience de l'Église
38:28 qui dirait que l'Église n'est pas au-dessus des lois
38:31 et qui, surtout, une prise de conscience de l'État
38:33 qui pourrait dire, évidemment,
38:35 en fait, on est dans un état de droit,
38:37 donc l'Église doit se soumettre aux lois de la République.
38:39 Ça, ça serait un soulagement.
38:41 Ça a été dit, on va dire, à demi-mot,
38:44 avec une force de conviction.
38:46 On verra effectivement jusqu'où ils iront.
38:49 Mais je trouve que...
38:51 Enfin, je n'ai pas été convaincu par l'exercice.
38:53 C'est une boucherie, quoi.
38:55 Les gens ne se rendent pas compte que
38:58 330 000 enfants depuis 1950,
39:01 ça correspond, quand on fait le calcul,
39:04 à 12 enfants par jour.
39:08 Ce rapport de la Siaz
39:26 renvoie Arnaud à son propre drame.
39:28 Ce grand-oncle prêtre a-t-il fait d'autres victimes ?
39:32 Comment a-t-il pu bénéficier d'une telle impunité ?
39:36 Cet homme était membre des Salésiens de Don Bosco,
39:41 une congrégation religieuse dont la vocation
39:43 est de s'occuper des enfants et des adolescents.
39:46 Arnaud veut remonter cette piste
39:52 pour avoir un éclairage sur le parcours de son agresseur.
39:55 Il y va seul et enregistre la conversation.
39:58 Ce que je peux vous dire,
40:03 c'est que dans les archives, on n'a rien.
40:06 Donc il a eu des parcours un peu plutôt de solitaire.
40:09 Aujourd'hui, je constate aussi
40:11 que ces fameux caractères dits indépendants,
40:14 c'est des gens qui voulaient se soustraire
40:16 du regard des autres.
40:18 Alors, comme vous dites, il se peut...
40:21 Là, on ne sait pas.
40:23 On se peut qu'il y ait eu d'autres victimes.
40:26 C'est les...
40:33 Tous les lieux.
40:35 Tous les lieux où le mec, il a été.
40:38 Putain, c'est ouf.
40:40 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11...
40:45 12 lieux en tout.
40:47 Et le mec, il a fait combien de victimes,
40:50 sans les connaître ?
40:52 - Nathan Dursten, bonjour.
40:54 - Oui, bonjour, madame. Je me présente.
40:56 Je m'appelle Arnaud Gallet.
40:58 Je me permettais de vous contacter, en fait,
41:00 parce que j'ai fait partie des personnes
41:02 qui ont témoigné dans le cadre de la SIAZ.
41:04 Je sais que je suis au secrétariat, là, de l'Evêque.
41:08 Je voulais savoir s'il y avait une possibilité
41:10 de me rencontrer.
41:12 - Ne quittez pas, hein.
41:14 (musique douce)
41:17 (rires)
41:19 (musique douce)
41:21 - Bon, alors attendez, j'ai un petit souci.
41:24 Parce que nous sommes en plein déménagement,
41:27 et comme les bureaux changent,
41:29 les numéros ne correspondent plus aux bureaux.
41:31 Alors c'est très compliqué.
41:32 - Bon, écoutez, bon courage à vous, madame.
41:34 - Je vais transmettre votre message, monsieur.
41:37 - Le Joe Sass, d'Annecy.
41:39 Pourquoi il ne restait qu'un an ?
41:40 Il devait faire 3 ans.
41:42 - Donc, ça s'appelle la KABAS.
41:44 C'est une cellule d'accueil et d'accompagnement
41:46 des victimes d'abus sexuels.
41:48 (sonnerie)
41:50 - Allô ?
41:52 - Bonjour.
41:54 Vous venez d'appeler la cellule d'accueil et d'accompagnement
41:56 des victimes d'abus sexuels
41:58 du diocèse d'Annecy.
42:00 Et nous ne manquerons pas de vous...
42:02 - J'étais sûr, il filtre, en fait.
42:04 - Mais ce qui m'étonne, c'est que les Sardiniens
42:06 n'ont pas été en mesure de vous redonner son parcours ?
42:08 - Non, ils m'ont redonné son parcours
42:11 tout en disant que systématiquement,
42:13 il était détaché.
42:15 C'est-à-dire qu'il relevait du diocèse.
42:17 - Oui, mais détaché.
42:18 Qu'est-ce qu'ils appellent "détaché" ?
42:20 D'après ce que vous dites, c'est vraiment un parcours
42:22 qui manifeste que c'est quelqu'un
42:24 qui a dû commettre des graves actes, je pense.
42:27 - On raconte des conneries.
42:46 (Sonnerie)
42:49 (Musique douce)
42:53 (Musique douce)
42:57 (Musique douce)
43:00 Rémi Lorando a passé du temps au diocèse d'Annecy.
43:03 Arnaud a pris rendez-vous pour consulter leurs archives.
43:07 Cette fois encore, il y va seul
43:10 et enregistre la conversation.
43:13 - Très probablement, il y a eu au minimum des soupçons.
43:17 Et sinon, vraiment des faits avérés.
43:20 - C'est-à-dire qu'il serait témoin...
43:23 - Pour moi, c'est tout de suite un signe qu'il y a un problème.
43:26 - Et du coup, vous, vous avez regardé dans les archives, c'est ça ?
43:29 - Non, non, pas encore. On attendait notre rencontre.
43:32 - D'accord. - Pour avoir plus de précisions.
43:34 Mais comme vous, si vous voulez, c'est pour la suite.
43:36 - Moi, c'est pour ça que je venais vous voir, en fait.
43:38 Et c'est pour ça que j'avais cru comprendre, en fait,
43:40 que vous alliez regarder les archives avant de...
43:42 Avant qu'on puisse se rencontrer.
43:44 - On n'a pas accès aux archives.
43:46 Alors, je sais pas comment elles étaient tenues, à l'époque.
43:48 Je sais que maintenant, c'est assez rigoureux, mais à l'époque,
43:50 il fallait que les informations ne passaient qu'oralement.
43:53 Même quand il y avait un soupçon et qu'il y avait un problème,
43:56 on laissait pas de traces. - Pas de traces écrites.
43:58 - Pas de traces écrites.
44:00 - Moi, en tout cas, je me tiens à disposition.
44:02 Je me dis même de l'évêque, etc.
44:04 Moi, je veux des réponses qui me soient portées.
44:06 Je sais qu'il part bientôt, etc.
44:08 La moindre des choses pour les victimes, c'est de les respecter.
44:10 Je suis en colère, en fait.
44:12 Je suis abasourdi. J'ai envie de vomir.
44:15 De pleurer ou je sais pas. C'est tout mélangé.
44:17 - Pourquoi ? - Pourquoi ?
44:19 Parce qu'on se fout de ma gueule, attends.
44:21 Pourquoi ? Parce que je suis victime.
44:23 Parce qu'ils savent quelque chose, en fait.
44:25 Ils se foutent de ma gueule, attends.
44:27 Faut pas dire à quelqu'un...
44:29 "Vous allez venir, comme ça, on a le temps d'aller voir les archives."
44:31 Après, tu dis "Vous avez mal compris."
44:33 (Bruits de pas)
44:57 En entendant ça, je me dis "Putain, ça me met la rage, en réalité."
45:01 C'est-à-dire, je me dis "Quel risque on fait prendre aux enfants ?"
45:05 Tu vois, le risque.
45:07 Ça me fait mal, parce que ça veut dire que...
45:12 quelque part, si la société avait agi autrement,
45:15 si la société aujourd'hui agissait autrement,
45:18 ben, j'aurais pas vécu ça.
45:20 Et vivre ça, ça veut pas dire que je regrette l'homme que je suis,
45:26 parce que c'est ça qui est compliqué à dire.
45:28 De se dire "Bon, ben, tiens, après tout..."
45:30 Mais quand même, attends, je suis un mec hyper torturé, quand même.
45:33 Tu vois, je suis...
45:35 Je me bats sans cesse contre les morceaux de moi,
45:40 pour le dire de cette manière-là.
45:42 C'est-à-dire sur ce que ça m'a explosé intérieurement.
45:44 Mais ça me... ça m'enronge, tu vois.
45:50 J'ai un truc, là...
45:52 ce que je ressens, toi, dans mon...
45:55 là, qui est de l'ordre d'une brûlure, quoi.
45:58 C'est un truc de malade, quoi.
46:00 C'est de se dire "Mais c'est quoi, ça ?"
46:02 Tu vois, je sais que j'ai ces sentiments-là,
46:04 ce sentiment de brûlure, toi,
46:06 qui m'amène d'ailleurs, par moments, à picoler un peu, etc.
46:09 Je le dis.
46:10 Mais c'est un truc de malade.
46:11 C'est-à-dire qu'on peut même pas se rendre compte.
46:13 C'est un truc...
46:15 Voilà, tu fais quoi de ça ?
46:17 Dernièrement, j'ai cru que j'allais me foutre en l'air.
46:24 Même les médecins, pour tout te dire,
46:25 ils étaient à deux doigts de m'hospitaliser à Saint-Anne.
46:27 Eh ben...
46:29 Celui qui a tout dégoupillé le truc,
46:31 si je peux dire les choses comme ça, c'est Armel.
46:33 Et je me suis dit "Putain, mais bien sûr que mon fils est ma priorité.
46:36 Je suis con ou quoi ? Qu'est-ce que je fais, moi ?"
46:38 - Papa, je sais faire. - Tac, et...
46:55 - T'es malade, carton jaune.
46:57 - 459.
46:59 - Attends.
47:00 - Au secours.
47:02 Tac.
47:04 - Eh, ça construit, ça construit, ça construit.
47:06 - Voilà. Tac, tac, tac.
47:07 - Attends, attends, attends.
47:09 - Dans l'autre sens, hein. Voilà.
47:10 Voilà, super.
47:11 Bravo.
47:13 - Arrête !
47:15 J'en étais sûre qu'il allait faire ça.
47:23 - Le temps que tu fais... Attends, hein.
47:25 - Regarde, ça...
47:28 - J'ai perdu de passion.
47:29 - Ouais, mais perdre de passion, ça a l'air possible.
47:31 - Merci.
47:32 - Ça a l'air possible, tu vas pas y arriver.
47:34 Tac, regarde.
47:36 - Bah, d'accord.
47:38 - Oh, les trucs...
47:42 Attends, attends.
47:43 Attends, attends.
47:44 - Elle est balèze, hein.
47:55 Allez, on va un peu...
47:57 Yeah !
48:12 Le 4 octobre 2023, un peu plus de 3 ans après le début du tournage,
48:17 un livre sort sur la vie et le combat d'Arnaud.
48:21 - Arnaud Gallais est un anthropologue,
48:27 un directeur d'association,
48:30 un activiste,
48:31 un combattant
48:33 sans souci des risques,
48:37 qui a une idée extrêmement précise
48:41 de l'horizon qu'il s'est fixé
48:43 et qui, entre le point où il est
48:46 et cet horizon,
48:48 a tracé une ligne droite
48:50 et il avance en courant,
48:53 parfois sans regarder,
48:56 parce que l'enjeu de la lutte pour Arnaud Gallais
49:00 n'est pas sa personne,
49:03 mais les enfants cachés qui vivent ce que lui a traversé.
49:07 Je vous remercie
49:10 de prendre tous ces risques
49:12 pour que les enfants puissent grandir en sécurité.
49:15 À la fin de la séance de dédicaces,
49:27 une femme est là, seule.
49:30 C'est la sœur Hélène d'Arnaud.
49:36 Ils ne se sont pas vus depuis 3 ans.
49:40 Je te fais une dédicace,
49:42 ton frère.
49:44 Quoi ?
49:46 Merci, hein ?
49:49 Je vais dire une lettre que j'ai intitulée "Lettre à Arnaud".
49:52 C'est à moi que j'écris, un moi plus petit,
49:56 auquel je pense si souvent.
49:58 Je suis un peu comme Arnaud,
50:01 un peu comme Hélène,
50:04 un peu comme Hélène,
50:07 un peu comme Hélène,
50:10 un peu comme Hélène,
50:13 un peu comme Hélène,
50:17 un peu comme Hélène,
50:19 un peu comme Hélène,
50:22 un peu comme Hélène,
50:25 un peu comme Hélène,
50:28 un peu comme Hélène,
50:31 un peu comme Hélène,
50:34 un peu comme Hélène,
50:37 un peu comme Hélène,
50:40 un peu comme Hélène,
50:43 un peu comme Hélène,
50:46 un peu comme Hélène,
50:48 un peu comme Hélène,
50:51 un peu comme Hélène,
50:54 un peu comme Hélène,
50:57 un peu comme Hélène,
51:00 un peu comme Hélène,
51:03 un peu comme Hélène,
51:06 un peu comme Hélène,
51:09 un peu comme Hélène,
51:12 un peu comme Hélène,
51:15 un peu comme Hélène,
51:17 un peu comme Hélène,
51:20 un peu comme Hélène,
51:23 un peu comme Hélène,
51:26 un peu comme Hélène,
51:29 un peu comme Hélène,
51:32 un peu comme Hélène,
51:35 un peu comme Hélène,
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52:13 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org