• il y a 7 mois
Un auteur et éducateur montpelliérain a fait de la lutte contre la maltraitance infantile l'oeuvre de sa vie.
Eddy Regelan, victime lui aussi de maltraitance infantile dès son plus jeune âge, vient de publier un livre intitulé "Le silence de la rue".

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Transcription
00:00 - Bien sûr, France Bleu Héro et sur France 3, Occitanie, Guillaume Rouland.
00:03 Notre invité ce matin est auteur, éducateur et victime de maltraitance infantile, Edi Regelland.
00:09 - Bonjour Edi Regelland. - Bonjour.
00:11 - Merci d'être venu nous rejoindre ce matin pour nous parler de ce livre intitulé "Le silence de la rue".
00:17 Alors c'est un livre qui n'a pas d'éditeur, c'est un peu une auto-édition mais qu'on peut se procurer.
00:22 - Ça vous fait rire, pourquoi ça vous fait rire ?
00:24 - Parce que ça n'a pas été simple d'en arriver jusqu'ici.
00:26 - Ça n'a pas été simple, oui tout à fait, c'est un parcours de combattant de se faire éditer.
00:30 - Oui, c'est vrai que ça peut être très très compliqué.
00:32 Donc vous aviez suivi des refus auprès de...
00:34 - Des refus ou des sommes un peu exorbitantes pour se faire éditer quoi, entre 4000 et 10000 euros.
00:40 - Ah oui, c'est ce qu'on vous demande. - Voilà, donc bon...
00:42 - Sans juger forcément du travail... - Non, non, non.
00:46 - Ou du contenu... - Avant de vous lire.
00:48 - Oui, c'est ce qu'on vous dit d'emblée. - Voilà, d'emblée.
00:50 - Ça va vous coûter tant. Donc vous, vous avez trouvé la solution, je ne sais pas si c'est une solution,
00:53 mais en tout cas on peut se procurer votre livre, donc via directement Amazon, on peut les citer.
01:00 C'est quoi, c'est un système de précommande ?
01:02 - Alors c'est Amazon, oui, on envoie donc... Je fais de la pub pour Amazon.
01:06 - Ce n'est pas grave, hein, de toute façon.
01:09 - Mais on envoie donc l'écrit à Amazon, pendant 72 heures ils jugent, ils corrigent, ils mettent en place, on va dire, un peu ça.
01:17 Et ensuite après ils le mettent en ligne.
01:19 Donc ils prennent leur part directement sur les ventes que vous faites.
01:22 - D'accord, mais on peut commander la version papier aussi ?
01:24 - On peut, la version papier, comment ça ? La version livre.
01:27 - Ce que j'ai dans les mains, le livre. - Voilà, bien sûr, vous pouvez le commander.
01:30 Donc celui-là c'est un brochet, vous avez le relié, et vous avez la façon aussi numérique, parce qu'il y en a qui sont que sur tablette.
01:37 - Et c'est fabriqué donc à la demande, à la commande, on va dire.
01:40 - Directement à la commande. - Bon, on ne va pas faire un cours sur comment ça se passe à Amazon.
01:43 - Non, non. - Ce qui est important ce matin, Eddy Regelan, c'est de parler de votre livre, de ce que vous y racontez.
01:49 Alors je précise que vous signez sous le nom de Eddy Homme.
01:52 - Eddy Homme, voilà. - H-O-M-E, et pas votre vrai patronyme.
01:56 Il y a une raison très simple à ça. - Voilà, c'est tout simplement mon histoire.
02:00 Je ne m'identifie pas sans son nom de famille, après je ne le rejette pas, mais il n'y a pas d'identification.
02:06 Regelan, ça ne résume pas toute ma vie.
02:09 - Parce que c'est le nom de vos parents biologiques. D'ailleurs vous ne me parlez pas de vos parents.
02:14 - Oui, mon parent, il n'est pas... Pour moi, parent, ça signifie énormément de choses.
02:20 Et je dis plutôt génitrice et géniteur, voilà. Parce que bon, ils n'ont pas rempli leur rôle, tout simplement.
02:26 Et quand vous parcourez dans mon livre, j'ai vécu la maltraitance dans toute son ampleur.
02:32 C'est-à-dire que quand vous naissez, vous sortez du ventre de votre mère, vous êtes super content, vous êtes attendu normalement.
02:40 Moi, non, j'aurais pu m'en passer. J'étais tellement attendu, mais dans l'autre sens.
02:46 Pour être un peu une victime. D'ailleurs, très tôt, j'étais dans une pouponnière.
02:51 - Très tôt, c'est-à-dire ? - Selon mon dossier que j'ai lu de l'ADAS,
02:56 j'étais passé jusqu'à l'âge de 18 mois. Donc après, ils ne disent pas à quel moment, mais je pense très rapidement.
03:04 Et de 18 mois, ensuite, j'ai été récupéré par une nourrice jusqu'à l'âge de 5 ans.
03:09 - Et cette maltraitance, vous l'avez subie de la part de qui ?
03:12 - De mon géniteur, principalement. Et après, ma génitrice, c'est une autre maltraitance.
03:17 Lui, il aimait montrer son pouvoir, son aisance. Donc il aimait bien donner des coups de ceinture, comme ça, pour un oui, pour un non.
03:27 L'exemple que j'ai mis dans le livre, c'est que je jouais dans un bac à sable.
03:32 Je parle de moi, mais j'étais avec mon petit frère. Il nous a appelés de loin. Donc on lui a dit bonjour, on lui a fait coucou.
03:38 Il n'a pas apprécié. Et on s'est ramassé 50 coups de ceinture chacun, parce qu'on ne lui a pas fait 4 bises.
03:44 On n'est pas venu vers lui dire "papa", comme si on était super content de le voir.
03:49 - Vous aviez quel âge, à ce moment-là ? - Alors, j'avais entre 5 et 6 ans.
03:53 Donc 50 coups, parce qu'il était très content de compter ce chiffre, mais restait marqué 50.
04:00 D'ailleurs, j'ai encore une marque ici de boucle de ceinture.
04:04 Vous ne voyez pas parce que je suis habillé. Mais on voit deux points.
04:08 C'était la boucle, parce que parfois, il nous tapait avec la boucle.
04:11 C'était beaucoup plus violent et ça laissait beaucoup plus de traces.
04:15 Comme le dimanche soir, il aimait bien me frapper, parce qu'il savait que lundi matin, j'avais piscine.
04:20 Donc c'est assez cruel, cette cruauté. - Quel rapport avec la piscine ? Expliquez-nous.
04:25 - Le matin, on avait piscine à l'école.
04:30 Et donc, le chlore, le dos, je vous laisse deviner, quand vous rentrez, ça pique, ça fait mal.
04:36 - D'accord. Non mais il faut expliquer, parce qu'il faut être un peu tendu quand même.
04:41 - Ah mais il était tendu. - Moi, je n'y avais pas pensé.
04:44 - Il était fermé dans une pièce noire, attaché à un radiateur chaud, à genoux sur un balai.
04:50 Vous pouvez essayer, vous allez voir, c'est super intéressant.
04:54 Il y avait d'autres sévices qui l'avaient donc secret.
04:57 Donc on ne peut pas dire papa ni père. Géniteur, je pense que ça convient exactement.
05:02 - C'est pour cette raison-là que vous vous êtes confié à une nourrice ?
05:05 - Oui. - A l'âge de ? - De 18 mois jusqu'à 5 ans.
05:08 - D'accord. - Cette violence, je l'ai vécue après.
05:11 - Ça se passe mieux ensuite ? - Alors, avec cette nourrice, c'est particulier quand même.
05:18 Parce que vous allez découvrir dans le livre que, mine de rien, elle avait un goût pour les enfants assez prononcé.
05:24 Je ne veux pas faire d'humour, mais c'est...
05:26 - Oui, c'est-à-dire qu'elle est au-delà d'un amour maternel, on va dire, de substitution.
05:32 C'est-à-dire qu'elle s'est permis de faire des choses qu'elle n'aurait pas dûes, c'est ça ?
05:35 - Non, elle n'en aurait jamais dûes. Je ne suis pas son enfant.
05:38 Et de demander de... je ne sais pas si on peut dire le mot, de me caresser,
05:42 à un enfant de cet âge-là, c'est particulier quand même.
05:46 Donc moi, ça m'est resté gravé dans ma mémoire.
05:49 Jusqu'à 13 ans, j'ai commencé à en parler à un docteur.
05:52 Et là, le docteur, il se met à rigoler.
05:55 Et ça m'a marqué, parce que... - Pourquoi il se met à rigoler ?
05:58 - Parce qu'il s'est dit que c'était l'adolescence.
06:03 - Vous voulez dire qu'il ne vous a pas cru ? - Non, parce que je lui ai demandé
06:07 si on met la main entre les seins, est-ce que la main part dans le vide ?
06:14 Et là, il se met à rigoler. Et pour moi, c'est important, cette question.
06:18 Parce que quand j'étais bébé, je voyais cette main disparaître.
06:21 Donc automatiquement, parce qu'il me demandait de la caresser,
06:24 je ne voyais plus ma main. Donc automatiquement, cette question n'était pas anodine.
06:28 - Ça veut dire qu'à ce moment-là, avec ce médecin, à travers les questions
06:31 que vous lui posez à l'adolescence, que vous prenez conscience
06:34 de ce qui s'est passé, de ce qui n'aurait pas dû se passer ?
06:37 - Pas tout de suite. On va dire vers l'âge de 35-36 ans, c'était en 2006,
06:43 c'était à 3 ans, j'ai une amie que je fréquente à ce moment-là
06:47 qui me demande de voir un psychothérapeute.
06:49 Et là, je lui raconte mon rêve qui n'arrête pas de revenir, de revenir, de revenir.
06:53 Et là, elle me dit « Non mais attends, tu t'es fait abuser.
06:58 Si ton rêve est beaucoup trop précis, tu devrais vérifier ça. »
07:02 Et donc, qu'est-ce qui se passe ? Mon petit frère m'annonce
07:05 qu'il a retrouvé la nourrice. Ah ben, l'univers est si bien fait.
07:09 Je lui dis « Ben écoute, je vais lui poser la question. »
07:12 Et là, quand je la vois, quand je la revois, parce que je ne la reconnais pas
07:17 automatiquement, donc elle me montre des photos.
07:19 Et là, je lui pose la question avec humour parce que je pense
07:22 qu'avec humour, ça passe mieux. Et là, elle me dit que c'était sa soeur
07:26 qui, effectivement, avait ce besoin d'enfant et qui, parfois,
07:29 nous demandait de faire des choses. Et là, je la regarde,
07:32 je lui dis « À mon avis, elle ne devait pas être toute seule. »
07:34 Et je pense qu'elle a pris peur parce qu'elle m'avait donné son numéro.
07:37 Elle ne m'a jamais recontacté après, par la suite.
07:40 - Comment on arrive à maltraitance, à but ? C'est clair, à travers ce que vous racontez.
07:46 Comment vous êtes parvenu à vous reconstruire et à évoluer avec tout ça ?
07:51 - J'ai eu du mal. J'en souris aujourd'hui parce que maintenant, je suis libéré.
07:54 Mais j'ai eu du mal. J'en ai souffert parce que j'ai bu, j'étais dans la rue aussi.
08:00 « Silence dans la rue », ce n'est pas pour rien que je l'appelais comme ça.
08:05 La drogue n'est pas passée par moi, tant mieux. L'alcool, par contre, est passé par moi pendant un moment.
08:10 Parce que ça donnait chaud l'hiver.
08:13 Quand ma génitrice m'a mis à la rue parce qu'elle préférait son copain que son fils,
08:17 c'est un peu ça. Donc, vous vous retrouvez face à vous-même.
08:20 Et après, vous voyez plusieurs tentations.
08:23 Vous voyez des gens qui vous disent « C'est bien, viens, on va voler dans une ville là ».
08:28 Je me suis retrouvé dans une ville là, en plein milieu du salon.
08:31 Je me suis dit « Mais ce n'est pas fait pour toi. Tu n'es pas un voleur. »
08:34 - Dans le « Silence de la rue », le titre de votre livre, j'y vois aussi, pour l'avoir lu,
08:40 une dénonciation du silence de la société par rapport à ce que vous viviez.
08:44 C'est clair ça.
08:46 Personne n'a donné l'alerte par rapport à ce que vous viviez,
08:52 et encore moins l'Éducation nationale, pourquoi vous attendiez peut-être une réaction.
08:56 - Ils ont crié par leur absence. Aujourd'hui, si j'ai envie de leur dire merci, je leur dis merci.
09:00 Parce qu'ils ont fermé les yeux.
09:03 C'est pour ça qu'aujourd'hui c'est important d'accompagner la jeunesse qui souffre.
09:08 C'est pour ça que le métier que je fais aujourd'hui, ce n'est pas pour rien.
09:11 Il y a un fil rouge entre ça.
09:13 Même si, entre temps, ma génétrice m'a dit que l'animation c'est un métier de clown.
09:18 Donc j'ai commencé par faire de la vente, après j'ai fait de la cuisine.
09:24 Mais après, j'ai retrouvé ma source qui est de l'animation.
09:28 - C'est votre métier aujourd'hui ? Vous êtes animateur ?
09:30 - Je suis animateur-conducteur. J'ai le DGEPS, un diplôme d'État.
09:33 Mais je ne vis pas de mon diplôme pour l'instant.
09:35 J'aimerais un jour trouver, un peu dans mon domaine, travailler pour une association ou pour une ville.
09:41 Donc je vais même postuler à Montpellier d'ailleurs.
09:43 - Mais vous participez à des projets éducatifs ?
09:45 - Oui, j'ai plein de projets.
09:47 - C'est devenu pour vous un peu le sens de votre vie ?
09:49 C'est-à-dire aider les jeunes aussi en difficulté ?
09:51 - Je lutte contre le harcèlement scolaire, comme je peux lutter contre la violence faite aux femmes.
09:55 C'est normal, tout ça c'est le fil rouge de ma vie.
09:57 Je lutte contre cette violence gratuite.
10:00 Et j'ai rencontré des belles personnes.
10:02 Vous avez Sylvie Delpierre qui m'a fait le dessin que vous voyez derrière.
10:06 Une artiste peinte de Saint-Jean-de-Vedas, qui m'a fait un super cadeau.
10:10 - Catherine, du coup.
10:11 - On ne le voit pas beaucoup, mais elle m'a fait cette peinture qui est magnifique,
10:16 qui résume exactement le silence de la rue.
10:18 Et j'ai été aussi accompagné par Christophe, qui est un accompagnateur-auteur.
10:23 Tout ça je vous le dirai hors antenne, si les gens veulent être aussi écrits,
10:27 des livres, se faire accompagner.
10:29 Moi j'avais déjà fini mon livre, donc il a juste mis en forme.
10:33 - Ça s'appelle "Le silence de la rue", c'est signé "Eddie Home".
10:36 Donc votre nom d'auteur, l'écriture ça a été aussi une thérapie pour vous ?
10:40 - Oui, c'est la meilleure thérapie.
10:42 C'est ce que vous êtes face à vous-même.
10:44 Vous êtes face à vous-même, vous vous relisez.
10:46 Donc il y a des choses que j'ai enlevées.
10:48 Il y a des passages hyper durs.
10:50 Hyper durs, parce que mon géniteur, je ne dis pas tout ce qu'il m'a fait,
10:54 il m'a même étranglé à 14 ans.
10:57 Donc quand vous voyez quelqu'un qui vous étrangle comme ça,
11:00 c'est quand même particulier à 14 ans.
11:02 Aujourd'hui, mon cou, dès que j'ai une amie qui m'embrasse là,
11:06 d'un seul coup je la repousse.
11:08 J'ai encore des sensations comme ça, des parfums qui me reviennent.
11:12 Donc c'est des marqueurs.
11:14 Et je parle aussi de mes filles d'ailleurs, parce que j'ai deux gamines.
11:18 - On va s'arrêter là malheureusement.
11:20 - Malheureusement oui.
11:21 - Malheureusement, mais merci en tout cas d'être venu nous en parler.
11:23 Je renvoie évidemment tous ceux qui nous écoutent,
11:25 tous ceux qui nous regardent, à la lecture de votre livre
11:27 qu'on peut se procurer directement, ça on l'a bien compris, auprès d'Amazon.
11:31 Merci Edi Rogelan.
11:32 - Merci. - Bonne journée à vous.
11:33 - Merci beaucoup. - Il est 8h20, vous écoutez France 2.

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