Grand témoin : Mariette Darrigrand, sémiologue et autrice de « L'atelier du tripalium » (Équateurs)
GRAND DÉBAT / #MeTooCinéma : une commission d'enquête, pour quoi faire ?
« Le récap » par Bruno Donnet
Jeudi 2 mai 2024, l'Assemblée nationale approuvait à l'unanimité le lancement d'une commission d'enquête chargée d'étudier les violences sexistes et sexuelles dans le monde de la culture, notamment au cinéma. Une immense satisfaction pour l'actrice Judith Godrèche, qui en avait fait la demande après avoir porté plainte début février contre les réalisateurs Benoît Jacquot et Jacques Doillon. En sortant de son silence plus de 30 ans après les faits, elle avait déclenché un véritable « Metoo » du cinéma français. Plusieurs réalisateurs et acteurs ont ainsi été mis en cause, dont Gérard Depardieu qui sera jugé en octobre 2024 à la suite de multiples plaintes pour agression sexuelle. Après le procès du producteur d'Hollywood Harvey Weinstein, à l'origine du #MeToo devenu planétaire, l'omerta est-elle enfin brisée dans le cinéma français ?
Invitées :
- Francesca Pasquini, députée écologiste des Hauts-de-Seine,
- Judith Chemla, actrice et autrice de « Notre silence nous a laissées seule » (Robert Laffont),
- Véronique Le Bris, fondatrice du site « cine-woman.fr » et du Prix Alice Guy, ancienne rédactrice en chef du magazine « Première ».
GRAND ENTRETIEN / Mariette Darrigrand : le travail c'est la santé ?
Et si le travail ne venait pas du mot latin « tripalium » et donc de la torture ? Dans son livre, Mariette Darrigrand déconstruit cette « fake news » et explore de nouvelles pistes étymologiques pour expliquer la provenance du terme. Le travail serait lié au terme anglais « travel » ou encore au terme « labor » et à sa signification humaniste. Inspirée par une expérience personnelle lors d'un workshop, la sémiologue construit son livre autour d'histoires antiques et philosophiques tout en les opposant aux interprétations quotidiennes du champs lexical du travail. Comment alors définir le terme du travail aujourd'hui ?
Grand témoin : Mariette Darrigrand, sémiologue et autrice de « L'atelier du tripalium » (Équateurs)
LES AFFRANCHIS
- Bertrand Périer, avocat,
- Nathan Devers, philosophe et écrivain,
- Eve Szeftel, journaliste à Libération.
Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
Un carrefour d'opinions où ministres, députés, élus locaux, experts et personnalités de la société civile font entendre leur voix.
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GRAND DÉBAT / #MeTooCinéma : une commission d'enquête, pour quoi faire ?
« Le récap » par Bruno Donnet
Jeudi 2 mai 2024, l'Assemblée nationale approuvait à l'unanimité le lancement d'une commission d'enquête chargée d'étudier les violences sexistes et sexuelles dans le monde de la culture, notamment au cinéma. Une immense satisfaction pour l'actrice Judith Godrèche, qui en avait fait la demande après avoir porté plainte début février contre les réalisateurs Benoît Jacquot et Jacques Doillon. En sortant de son silence plus de 30 ans après les faits, elle avait déclenché un véritable « Metoo » du cinéma français. Plusieurs réalisateurs et acteurs ont ainsi été mis en cause, dont Gérard Depardieu qui sera jugé en octobre 2024 à la suite de multiples plaintes pour agression sexuelle. Après le procès du producteur d'Hollywood Harvey Weinstein, à l'origine du #MeToo devenu planétaire, l'omerta est-elle enfin brisée dans le cinéma français ?
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GRAND ENTRETIEN / Mariette Darrigrand : le travail c'est la santé ?
Et si le travail ne venait pas du mot latin « tripalium » et donc de la torture ? Dans son livre, Mariette Darrigrand déconstruit cette « fake news » et explore de nouvelles pistes étymologiques pour expliquer la provenance du terme. Le travail serait lié au terme anglais « travel » ou encore au terme « labor » et à sa signification humaniste. Inspirée par une expérience personnelle lors d'un workshop, la sémiologue construit son livre autour d'histoires antiques et philosophiques tout en les opposant aux interprétations quotidiennes du champs lexical du travail. Comment alors définir le terme du travail aujourd'hui ?
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🗞
NewsTranscription
00:00:00Générique
00:00:02...
00:00:05Bonsoir et bienvenue. Ravie de vous retrouver
00:00:08dans Ça vous regarde ce soir.
00:00:10De quoi le travail est-il le nom ?
00:00:12Bonsoir, Mariette Darré-Grand.
00:00:14Vous êtes notre grand témoin ce soir et on en est ravis.
00:00:18Sémiologue, spécialiste du langage médiatique
00:00:20et chroniqueuse régulière dans cette émission,
00:00:23vous publiez L'Atelier du Tripalium aux éditions Les Équateurs.
00:00:27Le travail ne vient pas du mot torture en latin.
00:00:31C'est même la fake news du siècle,
00:00:33écrivez-vous pourquoi tout à l'heure.
00:00:36Dans la deuxième partie, dans notre grand débat ce soir,
00:00:39les violences sexuelles dans le cinéma,
00:00:42l'Assemblée nationale s'empare du sujet.
00:00:45C'était la demande de Judith Godrech,
00:00:48la création d'une commission d'enquête
00:00:50sur les abus et les violences dans l'audiovisuel,
00:00:53la mode et la publicité.
00:00:55Comment va-t-elle travailler ? Faudra-t-il légiférer ?
00:00:59La réponse de mes invités dans un instant sur ce plateau.
00:01:03Enfin, nos affranchis ce soir,
00:01:05l'humeur de maître Bertrand Perrier,
00:01:07le billet philo de Nathan Devers
00:01:10et Vimaville d'Efcheftel de Libération.
00:01:12Voilà pour le sommaire.
00:01:13On y va, Mariette Darré-Grand ? Ça vous regarde. Générique.
00:01:26Cette commission d'enquête, elle l'a souhaitée,
00:01:29elle en a même rêvé.
00:01:30Judith Godrech n'a pas caché son émotion.
00:01:33Hier, dans l'hémicycle, elle annonce du vote.
00:01:35Les députés de tous bords vont donc travailler pendant six mois
00:01:39sur les violences sexuelles dans le cinéma
00:01:42et même au-delà, dans tous les milieux artistiques
00:01:45et culturels. Il aura fallu des années,
00:01:47sept ans même, après l'affaire Weinstein,
00:01:50aux Etats-Unis, pour que la vague MeToo déferle enfin
00:01:53sur le septième A et le sujet devient politique,
00:01:57c'est-à-dire celui de la société toute entière.
00:02:01Bonsoir, Judith Schemla.
00:02:03Merci d'avoir accepté notre invitation.
00:02:05Vous êtes actrice.
00:02:07Les Français vous ont découvert dans Camille Redouble,
00:02:10de Noémie Lovski, ou encore récemment,
00:02:12dans la série de Canal+, de Xavier Giannoli,
00:02:15d'Argent et de Sang.
00:02:16Et puis, vous avez, parallèlement à votre carrière d'actrice,
00:02:20raconté dans un livre,
00:02:21Notre silence nous a laissés seuls,
00:02:23chez Robert Laffont.
00:02:25Vous avez raconté les violences conjugales
00:02:27que vous avez subies de la part de vos deux anciens compagnons,
00:02:31tous les deux pères de vos enfants,
00:02:33et tous les deux dans le cinéma.
00:02:35C'est un témoignage important,
00:02:37c'est un témoignage qui s'inscrit dans cette vague
00:02:40pour que la société en finisse.
00:02:42Avec les violences, on va y revenir.
00:02:44Bonsoir, Francesca Pasquini.
00:02:46Merci d'être là.
00:02:47Vous êtes députée écologiste des Hauts-de-Seine,
00:02:50vous êtes à l'initiative de la création
00:02:52de cette commission d'enquête,
00:02:54qui tenait une conférence de presse hier.
00:02:56On saura en mai qui la présidera, qui sera auditionnée.
00:03:00Vous allez tout nous expliquer.
00:03:02Enfin, bonsoir, Véronique Lebris.
00:03:04Vous êtes journaliste,
00:03:05cinq ans à la rédaction en chef du magazine Première.
00:03:08Vous êtes la fondatrice du site cinewoman.fr
00:03:12et du prix Alice Guy,
00:03:13Alice Guy qui récompense les réalisatrices françaises.
00:03:16Voilà pour les présentations.
00:03:18Je sais que ce sujet vous interpelle,
00:03:20vous interroge, n'hésitez pas à interroger nos invités.
00:03:23On va les écouter, pour commencer, ces femmes,
00:03:26ces actrices qui ont brisé l'omerta dans le cinéma
00:03:29depuis plusieurs semaines.
00:03:30C'est dans le récap de Bruno Donnet.
00:03:32On accueille.
00:03:33Générique
00:03:36...
00:03:40Bonsoir, Bruno.
00:03:42Bonsoir, mesdames, à toutes.
00:03:43Dans votre récap, ce soir, un torrent qui grossit
00:03:46et qui inonde l'ensemble du cinéma français.
00:03:49Oui, un ruissellement, Myriam,
00:03:51dont une certaine Judith Godrech a ouvert toute grande les vannes.
00:03:55-"Depuis quelques temps, je parle, je parle,
00:03:59mais je ne vous entends pas.
00:04:00Ou à peine.
00:04:02Où êtes-vous ?
00:04:03Que dites-vous ?"
00:04:05C'était le 24 février dernier.
00:04:08En pleine cérémonie des Césars,
00:04:10l'actrice regrettait d'être à ce point isolée, seule,
00:04:13beaucoup trop seule,
00:04:14à oser prendre des risques pour sa carrière,
00:04:17des risques qu'elle a mis à distance.
00:04:19-"C'est tellement rien comparé à 45 prises
00:04:23avec deux mains dégueulasses sur mes seins de 15 ans."
00:04:26Car avant, Judith Godrech, il y avait eu Adèle Haenel.
00:04:29Souvenez-vous, elle s'était levée,
00:04:31elle s'était cassée,
00:04:33elle avait dénoncé, et puis, plus rien.
00:04:36C'était après l'affaire Harvey Weinstein,
00:04:39après le MeToo dans le cinéma américain,
00:04:41mais ici, chez nous, en France,
00:04:43l'affaire avait fait flop.
00:04:45Mais cette fois-ci, cette année, en tout cas,
00:04:47la donne a changé.
00:04:49-"Pour 52 contre 0, l'Assemblée nationale a adopté."
00:04:52Applaudissements
00:04:53Hier, l'Assemblée nationale a voté pour,
00:04:56pour une commission d'enquête
00:04:58sur les violences sexuelles et sexistes
00:05:00dans les milieux artistiques,
00:05:02sous les yeux très émus d'une Judith Godrech en larmes.
00:05:07-"J'ai eu le sentiment
00:05:09que les petites voix d'enfants
00:05:13que les voix silencieuses de techniciennes
00:05:16qui n'osent pas parler, qui n'osent pas prendre la parole,
00:05:19par peur, étaient entendues."
00:05:21Car cette fois-ci, la nouvelle vague qui éclabousse le cinéma
00:05:25est une vague d'indignation.
00:05:27Oui, une vague, Bruno,
00:05:28qui submerge littéralement tout le cinéma.
00:05:31Oui, car elle grossit tellement
00:05:32que plus rien ne semble pouvoir l'arrêter.
00:05:35Hanouk Grimbert a dénoncé le viol qu'aurait subi
00:05:38la jeune Charlotte Arnoux,
00:05:39victime présumée de Gérard Depardieu,
00:05:42avec des mots trempés d'acide.
00:05:45-"Charlotte, elle était vierge.
00:05:47Gérard lui a demandé...
00:05:50Gérard Depardieu lui a demandé si elle l'était.
00:05:54Cette espèce de salaud
00:05:56l'a violée avec son gros doigt de pute."
00:05:59-"Isilde Lebesco a accusé, comme l'avait faite avant elle
00:06:03Judith Godrech, le réalisateur Benoît Jacot."
00:06:06-"Benoît Jacot, c'est simplement un homme de son époque.
00:06:11Je me sers de ça pour parler d'une époque
00:06:14et pour parler de comment un homme riche,
00:06:18plus vieux, qui a du pouvoir,
00:06:20se sert d'une adolescente pour en faire ce qu'il veut,
00:06:23et une adolescente pauvre."
00:06:25Enfin, et c'est très nouveau,
00:06:27même les hommes, qui jusqu'ici étaient restés
00:06:29on ne peut plus silencieux,
00:06:31ont plongé dans le grand bain, le grand bain médiatique,
00:06:34en acceptant de signer une tribune,
00:06:36cette semaine, à la une du magazine, elle.
00:06:39-"Cent hommes qui manifestent leur soutien
00:06:42au mouvement MeToo, dont Jacques Audiard, Eda Cattelet..."
00:06:45-"Ah, ça fait du bien ! Enfin !
00:06:47Enfin !
00:06:48Parce que c'est pas possible d'avoir que les femmes qui parlent !
00:06:56Parce que ça doit être reconnu.
00:06:59Si c'est pas reconnu, ça n'existe pas."
00:07:03-"La vague d'indignation a cédé sa place à un torrent de larmes
00:07:07où l'on comprend, Myriam,
00:07:09que lorsque le problème est abyssal,
00:07:11rien ne peut l'empêcher, même des années après,
00:07:14de remonter à la surface."
00:07:16-"Il faut se méfier des petites filles.
00:07:19Elles touchent le fond de la piscine,
00:07:21elles se cognent, elles se blessent, mais elles rebondissent."
00:07:25-"L'avertissement, voilà, de Judith Gaudrech
00:07:28en guise de conclusion.
00:07:30Merci beaucoup, Bruno Donnet.
00:07:32La vache, ça fait quelque chose,
00:07:34même si on les a déjà entendus,
00:07:36ça fait quelque chose de les entendre,
00:07:38tous ces témoignages.
00:07:39Le silence, il est rompu, Judith Schemla.
00:07:42Vous l'avez rompu, d'autres l'ont rompu.
00:07:45Ce silence vous a laissées seules.
00:07:47Est-ce que vous vous sentez moins seule, aujourd'hui ?
00:07:50-"Bien sûr, beaucoup moins seule,
00:07:53mais même si, je veux dire, là, on s'intéresse à nous,
00:07:56parce qu'on fait partie d'une industrie
00:07:58qui attire la lumière, le cinéma,
00:08:01combien se taise ?
00:08:03Combien ?
00:08:05C'est ça qui règne, c'est encore le silence qui règne,
00:08:08combien on peur, combien se subissent,
00:08:11vous voyez ?
00:08:13Et ça, c'est pas que le cinéma, c'est toute la société.
00:08:16-"En même temps, dans le cinéma, en France,
00:08:19il a duré, ce silence.
00:08:20Weinstein, c'est il y a sept ans.
00:08:22Il y a des actrices américaines qui ont raconté.
00:08:25On s'est dit, tout va s'ouvrir en France.
00:08:29Et ça n'a pas été le cas.
00:08:30Est-ce que vous pouvez nous dire pourquoi ?
00:08:33Est-ce que vous avez des raisons à avancer ?
00:08:35Il y a la lomerta, la peur ?
00:08:37-"On ne parle que quand ça devient une question de survie
00:08:41et qu'on ne peut plus vivre autrement."
00:08:44Je pense que l'époque nous aide,
00:08:47peut-être avec un temps de retard,
00:08:49mais à se dire qu'en effet, il est légitime
00:08:52de refuser de continuer à subir encore et encore et encore.
00:08:57Les paroles nous relient
00:09:00et nous rassemblent,
00:09:01donc nous donnent un peu de force,
00:09:03mais beaucoup se taisent encore.
00:09:05Il y a des scandales qui pourraient...
00:09:08Qu'est-ce qui déclenche la presse de parole ?
00:09:10Qu'est-ce qui fait qu'à un moment donné,
00:09:13on est à bout et on se dit, tant pis,
00:09:15on est perçue comme une victime, mais je dois parler ?
00:09:18Parce qu'on sent qu'il en va de notre...
00:09:21de la survie de notre dignité, de notre élan vital.
00:09:24Je pense que Judith Gaudrèche est retombée sur Benoît Jacot
00:09:28qui dit clairement qu'il fait un trafic illicite
00:09:31de jeunes filles et qui se moque d'elle, en fait.
00:09:33Et je pense qu'avoir voulu cacher, avoir fait cette série
00:09:37sans le nommer, c'est arrivé, elle a su,
00:09:39comme on la remerciait, de parler de ce sujet,
00:09:42qu'elle était en première ligne aussi
00:09:45de milliers d'autres femmes,
00:09:47de dizaines de milliers d'autres femmes.
00:09:49Quand on sent qu'on va faire basculer
00:09:53les consciences, on ne peut plus reculer.
00:09:55Et quand on est à bout dans sa vie personnelle,
00:09:58on ne peut plus reculer.
00:09:59Gérard Depardieu, Benoît Jacot, Philippe Lioret,
00:10:02Christophe Ruggia, Jacques Doyon...
00:10:04Alors, il faut le redire,
00:10:06ils sont présumés innocents,
00:10:08il y a des procédures, des enquêtes judiciaires en cours.
00:10:11C'est un principe juridique.
00:10:13Mais ce qui frappe, Judith Schemla,
00:10:15c'est le nombre de mises en cause.
00:10:17On se dit qu'évidemment, et vous l'avez dit,
00:10:20il y en a d'autres.
00:10:21C'est quoi, le cinéma français ?
00:10:24C'est toujours comme ça ? C'est des années 70 ?
00:10:27C'est quoi, la société française ?
00:10:29C'est quoi... C'est quoi, le...
00:10:31Je veux dire...
00:10:33C'est bien...
00:10:34-...d'une impunité sur les tournages.
00:10:36-...mais il y a une impunité partout.
00:10:38Sur les tournages, là, ça nous donne envie aussi
00:10:42d'aller voir, parce qu'on a des figures médiatiques
00:10:46et emblématiques, donc ça va faire du bruit.
00:10:48Mais toute la société en souffre, de ces omertas
00:10:52et de ce silence imposé.
00:10:54J'ai qu'à vous dire...
00:10:56Qui est coupable de ce silence ?
00:11:00Je pense, déjà, pour parler, il faut être écouté,
00:11:04surtout... Enfin, il faut être entendu et écouté,
00:11:07ce qui n'était pas le cas. Il y a quand même beaucoup...
00:11:10Il faut être cru.
00:11:11On vous croit, c'est ça ?
00:11:13Même entendu, déjà, dès le départ,
00:11:15il y a eu beaucoup de femmes qui ont pris la parole
00:11:18et qui n'ont pas du tout été entendues.
00:11:20Adèle Haenel, par exemple.
00:11:22Oui, c'est pas la pire,
00:11:24mais il y en a...
00:11:25Même celle qui avait vu...
00:11:27Autrement, on peut aussi dire qu'il y a beaucoup de témoignages.
00:11:31Il suffisait de regarder les films, quand même, pour voir.
00:11:34Vous voyez, c'était...
00:11:35Pour avoir les yeux un peu ouverts...
00:11:37Je suis sûre que si on reprenait...
00:11:40Le spectateur est coupable ?
00:11:41Tout le monde est coupable, alors ça, c'est sûr.
00:11:44Tout le monde est coupable.
00:11:46Et toute la critique, je pense à la fille de 15 ans,
00:11:49mais je pourrais citer beaucoup d'autres exemples
00:11:51qui parlent toujours de la mise en scène d'une histoire d'amour.
00:11:55C'est Lolita Nabokov, ça vient de là,
00:11:58entre une adolescente et un homme beaucoup plus âgé,
00:12:0145, 50, même plus.
00:12:03Ca, par exemple, c'est un très bon exemple.
00:12:06Ca, déjà, c'est suspect ?
00:12:07Le livre condamne le prédateur,
00:12:11alors que le film ne le condamne pas du tout.
00:12:14Il le met sur un piédestal, donc...
00:12:16Et Nabokov lui-même ne l'a jamais compris.
00:12:19Il l'avait mis à distance.
00:12:20C'est catastrophé, Nabokov.
00:12:22Le cinéma, c'est un objet de fantasme.
00:12:24C'est vrai que ça a été construit
00:12:26comme une industrie du fantasme, exclusivement masculin,
00:12:30il faut être honnête,
00:12:31que ce soit contre les éléments plus faibles,
00:12:34disons, qui sont les femmes, évidemment,
00:12:36et puis il y a des hommes qui sont aussi victimes de ce fantasme-là.
00:12:40Ils sont moins nombreux, en tous les cas.
00:12:42Mais pour rompre le silence,
00:12:45il faut qu'il y ait des personnes victimes qui parlent,
00:12:48des gens qui parlent, mais surtout, il faut les entendre.
00:12:52Dans les médias, c'est la même chose.
00:12:54C'est difficile de...
00:12:55-"C'est fini, on les entend", vous trouvez ?
00:12:58On commence à les entendre, à les écouter,
00:13:00et à mettre en doute constamment leur discours
00:13:03en disant que la promotion canapé, c'est même le titre d'un film.
00:13:06Regardez, donc, c'était quand même un système qui était très fort.
00:13:10Je pense qu'on relirait les articles
00:13:12et on ressortirait les émissions de la fin des années 80,
00:13:16des années 90.
00:13:17Presque tout est écrit.
00:13:18Judith Gaudrèche avait tout écrit.
00:13:20On n'a juste pas voulu voir.
00:13:22Oui, elle l'avait écrit dans un livre.
00:13:24On se souvient aussi de la critique et de la réception de ce livre.
00:13:28Personne ne l'a cru, ne l'a entendu, comme vous dites.
00:13:31Ce milieu du cinéma, quand on le connaît pas
00:13:33et qu'on lit les témoignages et qu'on comprend
00:13:36qu'on a soulevé un couvercle très clairement,
00:13:39et encore une fois, présomption d'innocence,
00:13:42procédures judiciaires en cours,
00:13:44on se dit baisé-volé,
00:13:47des scènes qui sont tournées, retournées,
00:13:50des humiliations, parfois des gestes déplacés.
00:13:54Est-ce qu'on peut dire non dans ce milieu-là,
00:13:57quand on est actrice, où il y a une omerta ?
00:13:59Parce qu'au fond, si on dit non, il n'y a plus de rôle,
00:14:02même pas forcément pour les premiers rôles.
00:14:04Ça peut être pour les techniciens, il n'y a plus de tournage.
00:14:08Ça fonctionne comme ça ou ça serait caricatural ?
00:14:11Je pense que ça a fonctionné comme ça longtemps
00:14:14et qu'il y a un petit frémissement
00:14:16qui fait que les jeunes femmes d'aujourd'hui
00:14:20se sentiront peut-être un peu plus le droit,
00:14:22et je crois que c'est le cas, quand même,
00:14:25de dire non.
00:14:26Mais en effet,
00:14:29comme on adulte...
00:14:30C'est... Voilà.
00:14:33On adulte le réalisateur comme un dieu,
00:14:36comme le dieu créateur.
00:14:37Qu'est-ce que ça veut dire, on adulte ?
00:14:40C'est vraiment...
00:14:41Le fait d'être créateur, de créer une oeuvre,
00:14:45ça vous... Enfin, je veux dire,
00:14:47ça crée évidemment...
00:14:49Une fascination.
00:14:50Oui, et puis il y a une sorte de hiérarchie
00:14:52complètement pyramidale
00:14:54qui fait qu'on se la boucle.
00:14:56Jusqu'à il y a très peu de temps, on ne mettait pas ça en cause,
00:15:00puisque ce sont les intérêts financiers
00:15:03qui rejoignent les intérêts artistiques du réalisateur
00:15:06qui sont en jeu, et non les intérêts humains.
00:15:08On est un peu en train de bousculer ça.
00:15:10Il n'y a pas beaucoup de rôles pour les femmes.
00:15:13Il y en a moins.
00:15:14Si une femme veut faire carrière,
00:15:16elle a intérêt à accepter des rôles où elle est mise en avant,
00:15:19parce que ça va être plus difficile.
00:15:21C'est moins drôle parce qu'on dure moins longtemps ?
00:15:24Il y a moins de rôles, en fait.
00:15:26Jusqu'à présent, c'est beaucoup des films,
00:15:28surtout quand c'est des auteurs-réalisateurs,
00:15:31ils racontent les choses qui les concernent,
00:15:33plutôt des histoires d'hommes.
00:15:35Les femmes ont des rôles plus accessoires.
00:15:37Le fait de l'analyse filmique, ça saute aux yeux.
00:15:40Quand vous mettez des réalisatrices,
00:15:42le personnage principal, c'est souvent une femme.
00:15:45On a l'impression que vous décrivez un système.
00:15:47Il y a quand même des hommes.
00:15:49Je décris une culture.
00:15:50C'est un peu la même chose, un système, une culture.
00:15:53C'est culturel, la domination masculine dans le cinéma ?
00:15:56Dans la société, bien sûr.
00:15:58Je ne connais pas. Ca m'intéresse d'essayer de comprendre.
00:16:01Dans la société, dans la culture, encore plus.
00:16:04L'idéologie de la culture, c'est de dire...
00:16:06Les femmes ont la plus belle des créations,
00:16:08qui est le fait de mettre au monde des enfants.
00:16:11On laisse toute la création, tout le reste,
00:16:13tout ce qui peut être créatif, la peinture, les arts.
00:16:16C'est le domaine réservé des hommes.
00:16:18C'est ça, l'idée générale qu'il y a derrière.
00:16:21Juste pour rebondir et vous donner un exemple,
00:16:23à Hollywood, je sors un peu du contexte,
00:16:26mais Salma Hayek, au début de Me Too,
00:16:28elle avait pris la parole, je me souviens,
00:16:30et elle avait raconté que dans les contrats des acteurs,
00:16:34qu'avaient les personnages principaux dans les rôles,
00:16:36ils avaient un droit de répudier les actrices
00:16:39qui ne leur convenaient pas.
00:16:41C'était ça.
00:16:42C'était le terme ?
00:16:43Enfin, c'était... Pas le terme.
00:16:45C'était le terme qu'elle utilisait.
00:16:47D'exclure certains noms ?
00:16:48En disant que le casting me convient,
00:16:51j'ai le rôle principal, mais c'est moi qui vais choisir.
00:16:54Ca revient à ça.
00:16:55Jamais dans l'autre sens.
00:16:56Francesca Pasquini, vous vous attaquez à un gros morceau.
00:16:59On va y venir dans le détail, comment vous allez travailler,
00:17:03dites-nous exactement ce qui vous a motivée
00:17:06à dire oui à Judith Gaudrèche,
00:17:08parce qu'au fond, clairement, elle a été au Sénat,
00:17:11elle est venue à l'Assemblée, elle a dit,
00:17:13maintenant, c'est la société, donc nos représentants,
00:17:16les élus, les parlementaires, il faut prendre le relais.
00:17:19Expliquez-nous votre démarche.
00:17:21Qu'est-ce qui vous a décidée à mettre en place
00:17:23cette commission d'enquête ?
00:17:25Déjà, au préalable, si vous le permettez,
00:17:27je voulais quand même exprimer le fait
00:17:29que quand je revois ces images,
00:17:31quand j'entends à nouveau ce témoignage,
00:17:34je mesure toute la responsabilité
00:17:36qu'on va porter sur nos épaules
00:17:38sur les six prochains mois,
00:17:40à compter d'aujourd'hui,
00:17:42et en plus, je ne peux qu'exprimer
00:17:45toute mon empathie face à tout ce qui a été décrit
00:17:51par ces actrices.
00:17:52Je suis membre de la délégation
00:17:54aux droits des enfants à l'Assemblée nationale,
00:17:57j'ai auditionné Judith Gaudrèche lorsqu'elle est venue à l'Assemblée,
00:18:01elle a été auditionnée par la délégation
00:18:03aux droits des enfants et aux droits des femmes.
00:18:06J'avais aussi écouté avec attention
00:18:08son audition au Sénat, où elle faisait une demande
00:18:11très précise, qui était la demande de création
00:18:14de cette commission d'enquête,
00:18:16et donc, avec mon équipe, on s'est mis au travail
00:18:19et on a écrit une proposition de résolution
00:18:22qui visait à créer cette commission d'enquête
00:18:25et on l'a soumise à nos collègues
00:18:27le jour où Judith Gaudrèche a été auditionnée
00:18:30à l'Assemblée.
00:18:31Et quand l'audition s'est terminée,
00:18:33tout a été très vite, c'est-à-dire qu'on avait déjà
00:18:36des collègues d'autres groupes politiques
00:18:39qui nous avaient contactés parce qu'on leur avait soumis
00:18:42à co-signature la demande de création
00:18:44de commission d'enquête et qui nous ont dit
00:18:47que c'est nécessaire, et donc, on est avec vous,
00:18:50on vous soutient, et donc, on a vite eu
00:18:52un soutien public de beaucoup de collègues
00:18:55qui, ce soutien, a fait qu'on a pu avancer
00:18:57vraiment extrêmement rapidement,
00:18:59c'est-à-dire que cette commission d'enquête
00:19:02a été déposée et finalement votée hier
00:19:04en à peine un mois et demi, ce qui montre quand même
00:19:07qu'il y avait cet enjeu, cette nécessité
00:19:10qui était reconnue par tout le monde.
00:19:12Alors, justement, on poursuit cette discussion.
00:19:15Que pourra-t-elle faire, précisément,
00:19:17cette commission d'enquête ?
00:19:19Que pourra-t-elle ne pas faire, au vu des enquêtes en cours ?
00:19:22Explication Clément Perrault.
00:19:28-"Qui dit commission d'enquête, dit audition sous serment.
00:19:32Le travail principal des députés sera d'entendre
00:19:35des victimes de violences sexuelles et sexistes,
00:19:37mais aussi potentiellement des accusés.
00:19:40Alors que plusieurs affaires sont en cours,
00:19:42l'un des enjeux sera de ne pas empiéter
00:19:45sur le travail judiciaire."
00:19:46-"La commission d'enquête,
00:19:48maintenant qu'elle est votée, on va soumettre son sujet
00:19:51au service du garde des Sceaux et le garde des Sceaux
00:19:54va nous dire les affaires qu'il a en cours
00:19:56et que nous n'avons pas le droit d'aller interroger
00:19:59les personnes que nous pourrons entendre.
00:20:01Donc, c'est vraiment une séparation stricte."
00:20:05-"Nous ne sommes pas des procureurs.
00:20:07C'est une commission d'enquête,
00:20:09mais nous ne sommes ni les forces de l'ordre,
00:20:11ni le procureur, ni encore moins les juges."
00:20:14-"Ce contexte judiciaire n'empêchera pas pour autant
00:20:17les députés d'entendre, par exemple,
00:20:20Jacques Doyon, visé par une plainte de Judith Godrech."
00:20:23-"Oui, on pourra auditionner M. Doyon,
00:20:25mais pas sur les affaires qu'il aurait en cours.
00:20:28On pourra l'auditionner sur autre chose,
00:20:30mais pas sur les affaires...
00:20:32On ne fait pas une dénonciation du cas par cas,
00:20:35mais le but de cette commission,
00:20:37c'est bien de regarder les mécanismes
00:20:39et de faire en sorte que ces mécanismes
00:20:41puissent être arrêtés et voir les manquements
00:20:44pour protéger les enfants ou les adultes."
00:20:46-"Le monde culturel crée-t-il un contexte
00:20:49particulièrement propice aux violences sexuelles ?
00:20:52Les députés semblent résolus à répondre à cette question
00:20:55et à mettre leur nez dans un milieu
00:20:57où peut régner l'entre-soi et l'omerta."
00:20:59-"C'est l'industrie du cinéma, dans son ensemble,
00:21:03qui doit maintenant se remettre en question.
00:21:05Trop longtemps, des hommes célèbres
00:21:07ont abusé d'enfants en toute impunité,
00:21:09se prévalant de la liberté artistique.
00:21:12Non, embrasser une actrice
00:21:14ou lui imposer des scènes de sexe sans la prévenir,
00:21:17ça ne fait pas partie intégrante du métier.
00:21:20Non, affamer une mannequin,
00:21:22lui faire du chantage à l'emploi,
00:21:24l'humilier, ça n'est pas acceptable."
00:21:27-"Qu'elle nous paraît lointaine,
00:21:29et pourtant qu'elle est proche de nous,
00:21:31cette époque singulière où la libération des mœurs
00:21:34correspondait à la banalisation de comportements abjects
00:21:38de la part de créateurs ou d'artistes,
00:21:40indifférents aux tourments qu'ils infligeaient impunément."
00:21:44-"Le bureau de cette commission d'enquête
00:21:46sera élu dans les prochains jours.
00:21:48Elle sera composée de 30 membres
00:21:50issus de tous les groupes parlementaires.
00:21:53La commission devrait débuter autour du 20 mai
00:21:55pour une durée de six mois."
00:21:57-"Francesca Pasquini", on entendait Annie Gennevard
00:22:00pour la droite, les Républicains, qui dit
00:22:02la faute à 1968, elle le dit comme ça.
00:22:05La libération des mœurs, ça a banalisé le pire.
00:22:08Vous êtes d'accord ?
00:22:09Je ne sais pas si c'est la faute...
00:22:12On parle toujours à l'époque, cette époque,
00:22:14mais ce n'était pas la même époque.
00:22:16Ca revient tout le temps.
00:22:18En fait, on voit que ça se reproduit encore maintenant
00:22:21alors qu'on est dans une époque complètement différente.
00:22:24Ca ne tient pas pour vous.
00:22:26Je pense juste qu'on est arrivés à un moment
00:22:28où la société attend aussi qu'il y ait des actions.
00:22:31Beaucoup de voix se sont levées,
00:22:33beaucoup de personnes ont témoigné.
00:22:35Il y a eu le travail qui a été fait par la Civis pendant trois ans
00:22:39autour de tout ce qui était violence sexuelle.
00:22:41La commission sur les violences faites sur les enfants
00:22:44et l'inceste.
00:22:45Elle nous a donné des chiffres affreux.
00:22:48C'est 160 000 mineurs tous les ans en France.
00:22:50C'est un enfant toutes les trois minutes.
00:22:52Ces enfants sont partout, dans le cinéma,
00:22:55dans les écoles.
00:22:56Surtout dans les familles.
00:22:57Qu'attendez-vous de cette commission d'enquête,
00:23:00précisément ? Edouard Durand,
00:23:02puisque vous le citez, le président de la Civis,
00:23:05le juge Durand, a créé, avec cette Civis,
00:23:07qui est un peu du plomb dans l'aile aujourd'hui,
00:23:10un espace d'écoute.
00:23:11Est-ce que c'est ça que vous attendez, précisément,
00:23:14ou au contraire, une forme de vérité sur les affaires ?
00:23:18Alors, moi, je suis la plus observatrice de ça.
00:23:21J'attends que ça change, en fait,
00:23:23que cette égalité qui est revendiquée partout
00:23:26dans la Constitution, dans le Pérambule,
00:23:28dans la Déclaration des droits de l'homme,
00:23:30soit réelle.
00:23:32Le problème de ce rapport de force,
00:23:34qui est quand même très inégalitaire,
00:23:36empêche les femmes de faire ce qu'elles veulent,
00:23:39de se comporter comme elles veulent
00:23:41et d'aboutir, d'avoir la même vie...
00:23:43Enfin, c'est pas la même vie que les hommes,
00:23:45mais en tous les cas, d'avoir des perspectives...
00:23:48Donc, qu'elles posent des limites.
00:23:50En général, c'est la loi qui pose des limites.
00:23:53S'il faut une loi...
00:23:54Là, il y en a, et ça ne suffit pas.
00:23:56C'est changer la société, faire prendre conscience
00:23:59beaucoup plus fortement.
00:24:00On est dans ça, cette commission d'enquête peut participer.
00:24:04On dit souvent que la société est en avance sur la loi.
00:24:07Est-ce que là, elle avance d'un même mouvement ?
00:24:09La société, clairement en avance,
00:24:11et la justice, clairement, clairement, clairement en retard.
00:24:14C'est très inquiétant, ce qui s'est passé avec la civise.
00:24:18C'est catastrophique,
00:24:20si ça ne doit être que des effets d'annonce
00:24:22et des effets de... Enfin, il se passe quelque chose
00:24:25et que, concrètement,
00:24:28chez les juges, il n'y a pas de prise de conscience,
00:24:32il n'y a pas un changement...
00:24:34On craignait qu'on soit dans l'effet d'annonce ?
00:24:37C'est très important qu'elle existe.
00:24:39Je pense que, déjà, ça transforme quelque chose,
00:24:42je le sens.
00:24:44C'est très, très important
00:24:46qu'on sente que la société est quand même en train de basculer.
00:24:50Voilà, on prend les choses au sérieux,
00:24:52mais il va falloir, je pense...
00:24:55Enfin, il faut que ça aide à transformer les choses
00:24:59au sein des équipes
00:25:01et des productions, évidemment.
00:25:04Francesca Pasquini, il va y avoir forcément
00:25:06une grande attente autour de vos travaux.
00:25:09Vous ne vous interdisez rien,
00:25:10même de convoquer Gérard Depardieu,
00:25:13si vous le souhaitez, c'est ça,
00:25:14tant que vos questions ne viennent pas percuter l'affaire en cours ?
00:25:18C'est ça, une commission d'enquête convoque.
00:25:21Elle a le droit de convoquer qui elle estime nécessaire.
00:25:24On a juste cette limite sur les affaires qui sont en cours.
00:25:27On peut convoquer la personne,
00:25:29mais pas l'interroger sur les affaires en cours.
00:25:31Il y aura un temps de parole aux victimes ?
00:25:34Bien sûr. Il y aura un temps de parole,
00:25:36bien sûr, pour les victimes.
00:25:38Il est important de l'avoir, c'est nécessaire.
00:25:40Il y aura un temps de parole pour les associations.
00:25:43Et les mises en cause ?
00:25:44Et les mises en cause, également,
00:25:46si la commission d'enquête l'estime nécessaire.
00:25:49À date, les membres n'ont pas encore été nommés,
00:25:53donc il est difficile, impossible même,
00:25:56de vous dire qui sera auditionné par la commission d'enquête.
00:25:59Les auditions vont commencer le 22 mai.
00:26:02C'est trop tôt pour pouvoir vous le dire.
00:26:04Vous avez vu l'émotion qu'elles suscitent,
00:26:07toutes ces paroles ? Seront-elles publiques ?
00:26:10Je suis sûre que beaucoup de Français aimeraient les entendre.
00:26:13Peut-on changer la donne si elles sont publiques ?
00:26:16Peut-on endommager vos travaux ?
00:26:18Les auditions d'une commission d'enquête
00:26:20sont par défaut publiques.
00:26:22Après, il peut y avoir des auditions à huis clos,
00:26:25si c'est nécessaire, si des personnes le demandent.
00:26:27Si les victimes demandent de témoigner à huis clos,
00:26:30la commission d'enquête peut accepter ce huis clos.
00:26:33Après, moi, je sens toute cette émotion,
00:26:35toute cette attente qu'il y a autour de la commission d'enquête.
00:26:39C'est aussi important de souligner ce qui s'est passé hier
00:26:42à l'Assemblée nationale et de voir l'émotion de Judith Gaudrech.
00:26:46Hier, une commission d'enquête a été votée de manière transpartisane
00:26:50et tous les collègues qui ont pris la parole
00:26:52ont eu quand même des mots forts.
00:26:54Tout le monde s'attend à ce que les travaux
00:26:57de cette commission d'enquête puissent aboutir
00:26:59à des choses utiles.
00:27:01Est-ce qu'on a déjà une idée du cadre ?
00:27:03On pense beaucoup aux enfants, aux mineurs, sur les tournages.
00:27:07Judith Gaudrech a commencé à dire
00:27:09que c'est pas possible de continuer comme ça.
00:27:11Il faut des tuteurs, des adultes, des règles.
00:27:14Pourquoi pas même interdire à des tout-petits
00:27:17de participer à des films de cinéma ?
00:27:20Est-ce que vous entendez ça ?
00:27:22C'est une question importante dans cette commission ?
00:27:24Tout à fait. D'ailleurs, le périmètre
00:27:26de cette commission d'enquête concernait exclusivement les mineurs.
00:27:30J'avais déposé cette commission d'enquête
00:27:32avec ma casquette de membre de la délégation
00:27:35et j'avais entendu ce que Gaudrech avait dit
00:27:37sur les castings, sur ce à quoi étaient soumis,
00:27:41parfois, les enfants, sur ces moments de casting.
00:27:44Après, il nous a semblé, avec mes collègues,
00:27:47important d'élargir cette commission d'enquête
00:27:49aux adultes, parce qu'on ne peut pas travailler
00:27:52pendant six mois en faisant abstraction
00:27:54de toutes les violences dont sont victimes les adultes,
00:27:57qu'ils soient acteurs, assistantes réalisatrices, techniciennes.
00:28:01Et à d'autres milieux que celui du cinéma ?
00:28:03A d'autres milieux, bien sûr.
00:28:05La mode, l'audiovisuel, la publicité.
00:28:07Les métiers d'images.
00:28:09Oui, le spectacle vivant et aussi les écoles,
00:28:12voilà, de formation à ces métiers.
00:28:14A tous ces métiers.
00:28:15Marie-Edouard, vous vouliez réagir ?
00:28:17Oui, j'étais très intéressée par ce que vous avez dit.
00:28:20Vous avez ouvert, je trouve, une nouvelle discussion.
00:28:23C'est celle de la création. Qu'est-ce que c'est, un créateur ?
00:28:26Là, on vous dessinait, finalement, dans le cinéma,
00:28:29les créateurs omnipotents, c'est Dieu le Père.
00:28:32Oui, c'est ça.
00:28:33Or, ça, c'est un problème,
00:28:35et c'est, en effet, un problème idéologique de toute la société.
00:28:38Nous survalorisons la création.
00:28:41Et le pouvoir.
00:28:42Oui, le pouvoir, mais le fait même que la création soit divine.
00:28:45Je crois que là-dessus...
00:28:47Surtout dans le cinéma, où l'oeuvre est très collective.
00:28:50Tout à fait.
00:28:51Et puis, je veux dire, c'est ce qui est beau.
00:28:54Heureusement, j'ai eu plein de merveilleuses expériences
00:28:58au cinéma, où ce qui est magnifique,
00:29:00c'est le concert des intelligences.
00:29:04C'est le transfert des idées et des intelligences.
00:29:07Et chacun est aussi créatif à son échelle.
00:29:11Tous les tournages ne sont pas une épreuve.
00:29:13Non, mais c'est vrai que beaucoup de réalisateurs,
00:29:16même si ils ne sont pas extrêmement violents,
00:29:18jouent à être pialés, à mal parler,
00:29:20comme si, voilà, on avait valorisé ce côté d'émurge,
00:29:25et que c'était comme ça qu'on montrait qu'on était un vrai.
00:29:28C'est ridicule.
00:29:30J'aimerais qu'on termine ce débat par le regard d'une avocate
00:29:33spécialisée sur les violences sexuelles et sexistes.
00:29:37Bonsoir, maître Élodie Choyon-Hibon.
00:29:40Merci d'être avec nous.
00:29:42Vous avez écouté ce débat.
00:29:44Judith Schemla a des mots durs sur l'institution judiciaire.
00:29:48C'est vrai que beaucoup d'affaires de violences sexuelles
00:29:51sont classées sans suite.
00:29:5294 % des viols le sont.
00:29:5494 % des viols.
00:29:56Je reprends ce chiffre de mon invitée.
00:29:59Qu'est-ce qui ne marche pas dans l'institution judiciaire ?
00:30:05Il y a beaucoup de choses qui ne marchent pas.
00:30:08La première, c'est que l'institution judiciaire
00:30:11est à l'image de notre société et que tant qu'on ne posera pas
00:30:14que notre société est une société patriarcale,
00:30:17on ne s'en sortira pas.
00:30:20Et ça, il va falloir l'affronter de face.
00:30:22Et pourtant, beaucoup a été fait, madame maître.
00:30:26La présomption de non-consentement
00:30:29en dessous de 15 ans,
00:30:31l'allongement de la prescription
00:30:34pour les violences, les crimes de viol...
00:30:37Oui, mais là, on parle de quelque chose de très particulier,
00:30:40qui sont les violences sexuelles sur mineurs.
00:30:43Et sur ce sujet, je pense que notre société,
00:30:47heureusement, a beaucoup avancé ces dernières années.
00:30:50Le sujet des violences sexuelles
00:30:53sur les jeunes majeurs ou sur les majeurs
00:30:55est un sujet qui continue à patiner,
00:30:59alors qu'il est, en réalité,
00:31:01par exemple, dans les milieux professionnels,
00:31:04un peu au centre des choses.
00:31:08Qu'est-ce qu'il faudrait faire ?
00:31:10C'est une question de formation des magistrats, des policiers ?
00:31:13Il faudrait des tribunaux spéciaux ?
00:31:16Ou il nous faut un nouveau cadre légal ?
00:31:19Ça fait plusieurs décennies que nous, féministes,
00:31:23nous disons qu'il faut de la formation,
00:31:25changer de paradigme, etc.
00:31:26Evidemment, nous sommes actuellement
00:31:29sur une réflexion de modification des textes
00:31:33pour, finalement, contraindre
00:31:36les magistrats à aller plus loin
00:31:39dans leur réflexion sur les violences sexuelles.
00:31:42C'est de modifier, notamment, le texte sur le viol
00:31:46et les agressions sexuelles.
00:31:48Le consentement, par exemple ?
00:31:50Vous y êtes favorable, dans le droit ?
00:31:52Oui, bien sûr, on va résumer ça comme ça.
00:31:57C'est évident, il faut arrêter de se cacher derrière ce qu'il doit.
00:32:01Merci beaucoup, maître.
00:32:04C'est un débat qui va évidemment se poursuivre.
00:32:06Merci, Francesca Pasquini.
00:32:08Je vous laisse le mot de la fin.
00:32:10S'il faut un nouveau cadre légal, vous le proposerez.
00:32:13S'il faut dire à la justice, peut-être,
00:32:15de faire autrement, vous le direz ?
00:32:17On proposera ce qu'il faudra
00:32:19et ce que les auditions vont rendre nécessaires aussi.
00:32:23Merci. On s'arrête là.
00:32:24Merci beaucoup d'être venus débattre sur LCP.
00:32:27Vous restez avec moi, Mariette Darrigrand.
00:32:29Dans une dizaine de minutes, les parties prises de nos affranchis.
00:32:33Bertrand Perrier nous raconte la liberté guidant le peuple,
00:32:36le tableau fait son grand retour au Louvre,
00:32:39le regard d'Eve Scheftel, qu'on est ravie de retrouver
00:32:42de libération sur la bataille parisienne
00:32:44qui passionne les médias étrangers,
00:32:46celle des boulistes de Montmartre.
00:32:48Vous n'avez pas de micro, mais vous allez nous parler,
00:32:51Mme Nathan Devers, du cri du coeur poignant d'une femme.
00:32:54Elle s'appelle Colombe.
00:32:55Elle a assisté au meeting de Jordane Bardella.
00:32:58A tout à l'heure, les amis.
00:32:59Mais d'abord, on va parler travail avec vous,
00:33:02Mariette Darrigrand. C'est la semaine du 1er mai.
00:33:05Que nous est-il arrivé, Mariette,
00:33:07pour que la connotation douloureuse de ce mot
00:33:09l'emporte sur toutes les autres ?
00:33:11La sémiologue que vous êtes a démêlé le vrai du faux
00:33:14des étymologistes, un parcours sémantique passionnant
00:33:17qui va chercher dans la philosophie,
00:33:19dans l'histoire et dans la langue française et étrangère.
00:33:23L'invitation d'Elsa Mondingava.
00:33:25Interview juste après.
00:33:32-"Si on vous invite, Mariette Darrigrand,
00:33:34c'est pour votre amour et votre expertise des mots.
00:33:38Dans votre nouveau livre,
00:33:39vous revenez sur les origines du mot travail,
00:33:42attribué à tort au latin tripalium."
00:33:46C'est un instrument de torture épouvantable,
00:33:48un tripalium, un pâle à trois branches, trois pieux,
00:33:51utilisé ou sur des animaux ou sur des humains.
00:33:54Le travail, à ce moment-là, basé sur cette racine,
00:33:57est une souffrance.
00:33:58-"Mariette Darrigrand, vous êtes sémiologue,
00:34:01spécialiste du langage.
00:34:02Vous dirigez le cabinet des faits et des signes.
00:34:05Vous avez publié plusieurs essais.
00:34:08Cette fausse étymologie montre bien, selon vous,
00:34:12que le travail est perçu comme une souffrance.
00:34:15Exemple, dans les slogans récents
00:34:17des manifestations contre la réforme des retraites.
00:34:21-"Deux ans de plus !
00:34:23Non, non, non !
00:34:24Ils nous disent pas ces crêpes,
00:34:27nous font crier vive la Grèce !"
00:34:29-"Ou encore dans les débats dans l'hémicycle."
00:34:33-"Ce ne sont pas les mots d'une Première ministre,
00:34:36ce sont les mots d'un bourreau.
00:34:38Aucun Etat d'âme a infligé
00:34:42deux ans de galère de plus aux travailleurs."
00:34:45-"Alors, vous décortiquez les origines du mot travail.
00:34:49Ces déclinaisons sont champs lexicals.
00:34:51Selon vous, profondément ambivalent,
00:34:54le travail contient tout autant la trave et l'entrave,
00:34:58il nous soutient souvent et parfois nous emprisonne,
00:35:02comme un air de en même temps."
00:35:05Alors, Mariette Darrigrand, une question ce soir.
00:35:15Réponse, Mariette Darrigrand.
00:35:17Evidemment, non, mais c'est un peu pour ça que j'ai fait ce livre,
00:35:21pour nourrir la discussion,
00:35:23car le travail est un gros sujet de discussion dans notre société.
00:35:26Il est en mutation, en discussion politique.
00:35:29On l'a vu pendant la réforme des retraites,
00:35:31la question du travail, avec sa connotation doloriste,
00:35:35mais aussi avec la question du sens où on va y venir.
00:35:38Le mot travail ne vient pas du latin tripalium,
00:35:40cet instrument de torture horrible
00:35:42qu'on va voir à l'écran,
00:35:44pas la trois piques qui renvoient à la souffrance.
00:35:47Alors, pourquoi cette fausse parenté étymologique
00:35:51a été aussi prégnante ?
00:35:54C'est ancré à ce point dans nos imaginaires.
00:35:57Il y a une raison objective.
00:35:59Il arrive très souvent que le travail fasse souffrir,
00:36:03voire tue, aujourd'hui.
00:36:05C'est pour moi une des grandes régressions de notre société.
00:36:08On devrait tous être épanouis au travail,
00:36:11mais non, pas du tout.
00:36:13D'ailleurs, votre livre,
00:36:14c'est pas du tout une défense morale de la valeur travail.
00:36:18Vous reconnaissez que le travail peut mener à des burn-outs, etc.
00:36:22Mais cet ancrage,
00:36:24il vient de très, très loin,
00:36:26et il est complètement faux.
00:36:28C'est quand même une découverte,
00:36:30parce que pour vous, c'est une évidence,
00:36:33mais pas pour tout le monde.
00:36:34Ce qui est faux, c'est de relier le travail à cette étymologie-là.
00:36:38Ca, c'est fait au XIXe, c'est assez récent.
00:36:40Tripallium existait au VIe siècle,
00:36:43puis ensuite, il est monté.
00:36:44Il a été en concurrence avec l'abor,
00:36:47qui aurait dû être notre mot générique.
00:36:49Lui, qui est abor.
00:36:50En anglais, le latin est passé en anglais,
00:36:53l'abor, et c'est neutre.
00:36:54Et nous, on a eu ce travail qui est venu,
00:36:57pour des raisons objectives,
00:36:59parce que le travail, c'est une pénibilité,
00:37:01mais aussi pour des raisons idéologiques.
00:37:04Pourquoi est-ce que nous, dans notre tradition,
00:37:06qui est double, disons, antique et biblique,
00:37:09le travail a été vu comme une punition ?
00:37:11Finalement, quand on revient à l'histoire légendaire,
00:37:15au paradis, comme dans l'âge d'or,
00:37:17les hommes ne travaillaient pas,
00:37:19puisque les dieux ou Dieu les nourrissaient.
00:37:22Vous racontez bien, la Genèse, au commencement,
00:37:25le paradis, le jardin d'Éden, Adam et Ève,
00:37:27eh bien, sont oisifs
00:37:29et profitent du jardin que Dieu leur offre.
00:37:34Voilà, et donc, c'est comme si quelque chose...
00:37:37D'ailleurs, je me suis amusée,
00:37:38je me suis dit, peut-être que le travail
00:37:41est plus excitant que le sexe,
00:37:42parce que le péché originel,
00:37:44c'est que les hommes aient travaillé,
00:37:46ils ont désobéi à Dieu ou au Dieu,
00:37:49un prométhée vole le feu,
00:37:51pour amorcer le travail humain,
00:37:53et donc, c'est comme si l'homme, l'être humain,
00:37:56ne pouvait pas s'empêcher de travailler,
00:37:58et là, il y a un élan vital très positif,
00:38:00et c'est ça qui est blessé, qui est dénié,
00:38:03lorsqu'il y a, comme aujourd'hui, beaucoup de souffrance au travail.
00:38:06Le christianisme, qui joue un rôle très important,
00:38:09apparaît la notion de souffrance
00:38:11avec le rachat, le rachat de son âme.
00:38:16Il faut faire un effort pour être sûr de ça ?
00:38:18Oui, c'est ça. Pendant longtemps,
00:38:20il y a eu cette idée, qu'on a encore un peu aujourd'hui,
00:38:23c'est-à-dire qu'on souffre pendant des années,
00:38:26mais un jour, on va au paradis, on gagne son ciel,
00:38:28on galère pendant sa carrière, et puis, vite, la retraite,
00:38:32et puis, on va voyager, jouir de la vie,
00:38:34et comme ça, c'est un peu inhérent à l'être humain.
00:38:37La cherche symbolique va changer avec la réforme, le protestantisme.
00:38:40Qu'est-ce qui se passe ?
00:38:42C'est intéressant de regarder ce moment culturel,
00:38:44non pas du point de vue théologique,
00:38:46mais du rapport au travail.
00:38:48Il se passe quelque chose de fondamental,
00:38:50c'est que, si vous voulez, dans le premier christianisme,
00:38:53le travail sort de deal avec Dieu.
00:38:55Je vais beaucoup bosser, et hop, je vais être pardonnée,
00:38:59récompensée.
00:39:00Et ce que dit d'abord Luther,
00:39:02puis ensuite le français Calvin,
00:39:04c'est le contraire, c'est-à-dire, non pas tout travail mérite salaire,
00:39:08mais l'inverse, c'est-à-dire tout salaire mérite travail.
00:39:11Autrement dit...
00:39:12-"La récompense, c'est le travail".
00:39:14Dieu a sauvé les hommes, c'est ça, la grande idée de la réforme.
00:39:18On est gracié, donc c'est pas la peine de se scrimer à travailler
00:39:21pour gagner son ciel. Le travail prend un autre sens.
00:39:24Il célèbre ce don, cette grâce que Dieu a donnée aux hommes.
00:39:27C'est intéressant, parce que c'est là-dessus
00:39:30qu'on fait les thèses de Max Weber,
00:39:32où on dit que les protestants travaillent beaucoup,
00:39:35et c'est moral, il y a une morale du travail.
00:39:37Il y a aussi une morale positive, une joie du travail,
00:39:40qui n'est pas faite pour dealer quelque chose avec Dieu.
00:39:43L'étymologie réelle du mot travail,
00:39:45on l'a compris, c'est pas très pallium, c'est trave.
00:39:48Et ça, ça renvoie au bois...
00:39:50Oui.
00:39:51..et au charpentier, expliquez-nous.
00:39:53Alors, c'était déjà, chez Émile Littré,
00:39:55c'est vraiment intéressant, parce qu'il a vu ça,
00:39:58parce que Littré était un médecin,
00:40:00et il avait l'habitude des sonorités.
00:40:02Il auscultait, en quelque sorte, les mots,
00:40:04et tri, pallium, kif et kif et tra, ça va pas.
00:40:07Donc, il a écouté des langues régionales,
00:40:09et dans les langues régionales, la langue d'oc,
00:40:12il y a le mot travail, qui vient directement du latin,
00:40:15en effet, la trab, ou la trabèsse,
00:40:18les trabèsses au pluriel,
00:40:20ce sont les hautes futées,
00:40:21le moment où l'arbre est très fort et s'élance vers le ciel.
00:40:25Les cimes de l'arbre, c'est ça ?
00:40:28Les cimes de l'arbre, vers le ciel,
00:40:30et c'est une langue très poétique.
00:40:32Donc, on a ça chez Virgile, etc.
00:40:34Donc, l'idée, ce qui m'intéresse, là-dedans,
00:40:36c'est pas qu'il y ait une vérité contre une autre,
00:40:39c'est qu'il y ait une belle métaphore,
00:40:41c'est-à-dire que le travail vient de ce bois de soutien,
00:40:44qui est aussi un élan, comme ça, du corps,
00:40:46un élan qui a déjà une forme de transcendance,
00:40:49quand on le regarde dans les textes.
00:40:51Dans cette idée du charpentier, du bois,
00:40:53il y a le bois qui travaille, le mouvement, l'énergie,
00:40:56et la construction, la production de quelque chose,
00:41:00le travail qui est certes utile, technique,
00:41:03mais qui est aussi une formation de soi-même.
00:41:08Exactement, il y a cette idée-là de la nécessité psychique
00:41:12du travail.
00:41:13On sait bien, le travail de l'inconscient,
00:41:15le travail du rêve, les psychanalystes le savaient,
00:41:18mais c'est déjà, dans les thèses, de l'homophabère,
00:41:21c'est-à-dire l'homme qui fabrique quelque chose,
00:41:24et c'est pas simplement l'utilité,
00:41:26prenons un vase pour mettre de l'eau,
00:41:28c'est le tour du potier.
00:41:30Mais tout de suite, il faut se poser la question du sens.
00:41:33À quoi ça sert, l'outil ?
00:41:34Parce que si on ne se pose pas la question de la finalité,
00:41:37ça a expliqué très bien Anna Arendt,
00:41:40qui a mis le travail au centre de la condition humaine,
00:41:43l'homme est travailleur,
00:41:44elle a bien expliqué que la responsabilité,
00:41:48un castor peut faire un pont,
00:41:50l'animal peut faire des objets utiles,
00:41:52mais seul l'homme se pose la question du but.
00:41:54S'il ne se pose pas la question du but de son travail,
00:41:57il n'y a pas de moral, et là, on peut être des bons travailleurs
00:42:01et envoyer les gens au camp de la mort.
00:42:03C'est technique.
00:42:04Il y a d'autres buts que le simple utilitarisme.
00:42:08Quand on compare avec les autres langues,
00:42:11on est frappés, les anglo-saxons,
00:42:13et même les Allemands, pas que les Anglais,
00:42:15ont la chance d'avoir plusieurs mots pour dire travail.
00:42:18Vous l'avez dit, labour et work en anglais,
00:42:21arbeit et werk en allemand.
00:42:23Il y a l'idée du travail qui marche,
00:42:26to work, ça fonctionne,
00:42:29et donc, ça n'est pas un sens qui existe en français,
00:42:33ça change pas mal les imaginaires,
00:42:35quand on travaille pour faire fonctionner,
00:42:37pour faire réussir quelque chose.
00:42:39Oui, quand on a le hard work,
00:42:41la religion du bon travail, alors que nous, on est très vite...
00:42:45Je réagissais tout à l'heure sur la création,
00:42:47il y a une connotation assez facile, c'est un don.
00:42:50Le travail, travailler beaucoup, nous ne l'avons pas développé.
00:42:53Le work, on avait la racine,
00:42:55la même racine qu'est antérieure aux Grecs, aux Latins,
00:42:58dites indo-européennes,
00:43:00et en latin, ça donnait vertéré, verser.
00:43:03Donc, nous avons toujours le mot verser,
00:43:06mais il est très petit.
00:43:07-"Verser", un verre d'eau.
00:43:09Voilà, c'est ça. Alors qu'au départ,
00:43:11c'était vraiment une transformation,
00:43:14déjà, si vous voulez, mécanique,
00:43:17qui va vers l'industrie.
00:43:19Et on ne l'a pas développé, parce que, précisément,
00:43:22travail est venu, dans les langues romanes,
00:43:25est venu perturber cette évolution.
00:43:27C'est ça, l'histoire des mots,
00:43:29mais vous avez raison, ça met le doigt
00:43:31sur une différence culturelle fondamentale
00:43:33entre l'Europe du Sud et les pays anglo-saxons.
00:43:36Nous n'avons pas le sens du hard work,
00:43:38nous avons un sens, par contre, de l'homo faber
00:43:41et de la responsabilité, de la finalité.
00:43:43Ce débat, il est, évidemment, fondamental,
00:43:46parce qu'il est central, aujourd'hui.
00:43:49Donc, ce parcours sémantique,
00:43:50il permet aussi de nourrir le débat d'actualité.
00:43:54La réforme des retraites a été l'occasion
00:43:56d'une très grande interrogation,
00:43:58peut-être qu'elle n'a pas abouti dans les réformes,
00:44:01ici, à l'Assemblée, sur le sens du travail,
00:44:04sur l'organisation du travail, sur les conditions de travail.
00:44:07Cette idée du sens,
00:44:09est-ce qu'elle est davantage portée
00:44:12par, je sais pas, moi, la question de la conscience écologique ?
00:44:16On travaille pour sauver la planète,
00:44:18ça donne quand même un sacré rôle à notre humanité.
00:44:22Exactement, et c'est vrai que, moi,
00:44:24je suis une observatrice des langages contemporains,
00:44:28donc je suis partie de là.
00:44:30Je suis partie de cette recherche du sens,
00:44:32dire, je veux donner du sens à mon travail,
00:44:35comme le disent les jeunes diplômés,
00:44:37ou quand on fait appel à moi dans les entreprises,
00:44:39donnez-nous des mots pour écrire notre phrase de mission,
00:44:43nous voulons contribuer au monde,
00:44:45contribuer à le rendre meilleur.
00:44:47Je suis partie de cet état,
00:44:48et c'est à partir de là que je suis remontée à la source.
00:44:51Aujourd'hui, nous avons la chance de vivre un moment,
00:44:54grâce à la conscience écologique,
00:44:56grâce à l'arrivée de l'IA aussi,
00:44:58qu'est-ce qu'on fait, nous, les humains ?
00:45:01Eh bien, nous avons la chance d'avoir cette problématique du sens.
00:45:05C'est un mot beaucoup trop générique,
00:45:07c'est trop général, le sens.
00:45:09Mais il faut... C'est tout à fait amusant,
00:45:11parce que la modernité nous fait revenir, justement,
00:45:15à l'origine, aux questions religieuses, etc.
00:45:18Il y a une transcendance dans ce que nous faisons.
00:45:21C'est très drôle, quand quelqu'un fait un bel objet,
00:45:24un beau gâteau, une belle robe de luxe,
00:45:27on va dire que c'est divin.
00:45:29On sent bien qu'il y a quelque chose qui dépasse
00:45:31le simple savoir-faire.
00:45:33La conscience écologique nous demande de contribuer
00:45:36à rendre le monde meilleur.
00:45:37C'est une énorme ambition qui va passer par de la technique.
00:45:40Ce travail va être chargé d'une dimension de sens
00:45:43beaucoup plus forte que pendant l'après-guerre,
00:45:46capitaliste, consommériste.
00:45:48On change complètement d'univers
00:45:50par rapport à cette question fondamentale
00:45:52de l'investissement de soi dans le travail.
00:45:54Absolument. On a la chance de vivre, je crois,
00:45:57un moment charnière, sur le plan historique, culturel.
00:46:00En effet, le travail n'a plus simplement
00:46:03le premier sens de nous fournir des biens
00:46:06et nous permettre de manger, d'avoir des belles bagnoles,
00:46:09de la télé, etc., du confort.
00:46:11Il nous pose des questions presque transcendantes.
00:46:14C'est pour ça qu'il faut revenir
00:46:16à nos catalogues de pensée de type religieux,
00:46:19de type... C'est pas théologique,
00:46:21mais c'est pour nous aider à comprendre
00:46:24à quoi nous aspirons.
00:46:25C'est formidable.
00:46:26Vous avez l'impression que ceux qui nous gouvernent
00:46:29l'ont perçu, l'ont compris ?
00:46:31Non, pas assez.
00:46:32Je pense qu'il faut absolument qu'ils réouvrent leur chakra
00:46:35sur d'autres territoires imaginaires.
00:46:38Nous avons la chance d'avoir plusieurs catalogues
00:46:41d'imagination, aujourd'hui, surtout en Europe,
00:46:44où on a plusieurs langues, plusieurs systèmes de langues.
00:46:47Gardons ça en tête pour ouvrir des possibilités
00:46:50de parler autrement de cette question fondamentale.
00:46:53Merci, Marie-Hélène Darré-Grand.
00:46:55Emmanuel Macron va ouvrir ses chakras.
00:46:57L'atelier du tripalium, c'est aux éditions Les Équateurs.
00:47:00Nom, travail, ne vient pas de torture.
00:47:04Parcours sémantique passionnant.
00:47:06Vous les connaissez, les Affranchis ?
00:47:08On les retrouve pour leur parti pris.
00:47:10C'est vous qui réagirez, une fois n'est pas coutume.
00:47:13Musique rythmée
00:47:15...
00:47:21Pardonnez-moi.
00:47:22Mon cher Bertrand Perrier, je suis ravie de vous retrouver.
00:47:26Je suis ravi de vous voir dans cette autre position.
00:47:29Maître Bertrand Perrier, le philosophe Nathan Devere,
00:47:32parfaitement à l'heure, bravo.
00:47:33Merci d'être là.
00:47:34Et la journaliste Ève Schäffetel de Libération.
00:47:37Merci d'être tous là.
00:47:39On commence avec vous, Ève Schäffetel.
00:47:41Ce soir, vous nous racontez une histoire
00:47:43qui sent le soleil et le pastis.
00:47:45Vous nous parlez du CLAP, un club de pétanque
00:47:48menacé d'expulsion à Montmartre,
00:47:51victime de l'appétit d'un hôtel de luxe
00:47:53juste à côté et juste avant les géos.
00:47:56C'est un véritable cloche-merle
00:47:58qui se joue sur la butte Montmartre,
00:48:00le village de Paris, feuilleton qui dure depuis des semaines
00:48:03et qui implique trois acteurs.
00:48:04Le club Le Pic à Baies-Pétanque, c'est son nom,
00:48:07300 licenciés qui occupent un terrain
00:48:09arboré sur l'une des plus belles et les plus chères avenues de Paris,
00:48:13l'avenue Juno.
00:48:14La mairie de Paris, 2e acteur,
00:48:16et 3e acteur, l'hôtel particulier, c'est son nom,
00:48:19un charmant palace de cinq chambres,
00:48:21le plus petit hôtel de Paris à 1 000 euros la nuit.
00:48:24Pour comprendre la broglio,
00:48:26il faut remonter à la fin des années 60.
00:48:28La mairie achète un terrain
00:48:29et laisse les commerçants du quartier
00:48:31s'installer sur ce bouleau de rhum.
00:48:33En 1971, ils font donc le clap.
00:48:36Il y a un petit problème,
00:48:38c'est qu'aucun papier n'a été signé à ce moment-là.
00:48:41Ca se passe à la bonne franquette, si vous voulez, à l'époque.
00:48:44Le club occupe le terrain sans droit ni titre,
00:48:47mais personne s'en formalise.
00:48:48Sauf qu'en 2017, la loi change, la loi Sapin,
00:48:51elle oblige désormais les occupants d'un domaine public
00:48:54à signer une convention en bonne et due forme.
00:48:57C'est là que les difficultés commencent.
00:48:59Donc, tout le monde est gagnant jusqu'à présent,
00:49:02c'est très bien.
00:49:03Oui, alors, la mairie lance un appel d'offres
00:49:05et c'est l'hôtel, le fameux hôtel voisin,
00:49:09qui le remporte avec son très beau projet,
00:49:13en tout cas sur le papier, d'en faire un jardin public,
00:49:16un sanctuaire pour la biodiversité urbaine
00:49:18avec une micro-ferme pédagogique, des poules, des chèvres, etc.
00:49:22Et le directeur de l'hôtel, grand seigneur,
00:49:24il s'appelle Oscar Contès, un jeune homme de 35 ans,
00:49:27charmant, s'engage même à laisser
00:49:29deux, trois terrains pour les boulistes.
00:49:31C'est là qu'on se dit que tout va bien.
00:49:33Sauf que le clap n'en veut pas.
00:49:35Non, parce qu'en fait, les boulistes ont l'impression
00:49:38de se faire rouler dans la farine.
00:49:40Ils disent qu'on n'aura que deux terrains homologués
00:49:43pour les compétitions, on fera de la pétanque de plage,
00:49:46donc c'est la mort du club.
00:49:48Et ils disent qu'on tue l'âme de Montmartre,
00:49:50c'est vraiment la fin d'un îlot de vie
00:49:53authentiquement populaire, au coeur de ce qui est en train
00:49:56de devenir Montmartre aux langues.
00:49:58Et en plus, ils disent, Oscar Contès,
00:50:00qui a quand même prévu d'investir 700 000 euros
00:50:03dans ce projet, en fait, va vouloir le rentabiliser
00:50:07en faisant de l'événementiel,
00:50:09quand le square, donc, pendant les horaires de fermeture
00:50:12du square. Donc, pour eux,
00:50:14le résultat de l'appel d'off était couru d'avance,
00:50:17et si la mairie avait vraiment voulu préserver, en fait,
00:50:20le club, elle aurait dû, en fait, choisir un autre système,
00:50:23une gestion municipale, en régie publique,
00:50:25plutôt qu'un partenariat public-privé.
00:50:28Qu'est-ce qui va se passer ?
00:50:29Les boulistes, eux, sont déterminés à rien lâcher,
00:50:32ils ont même planté des tentes,
00:50:34ils occupent les lieux jour et nuit.
00:50:36La mairie, qui applique une décision du Conseil d'Etat,
00:50:39elle est dans son droit, leur a envoyé un commandement
00:50:42à quitter les lieux, mais pour l'instant,
00:50:44elle n'a pas encore osé envoyer la police.
00:50:47Donc, c'est la minisade de Vignot qui va durer.
00:50:49Le problème, c'est que ça risque de durer,
00:50:52parce que la mairie commence à être embarrassée par cette affaire,
00:50:55qui passionne la presse française, mais aussi la presse étrangère.
00:50:59On est à trois mois des JO,
00:51:00elle serait bien passée de cette mauvaise publicité
00:51:03au pays d'Amélie Poulain.
00:51:05C'est un concentré de symboles bleu-blanc-rouge,
00:51:08c'est Montmartre, c'est Paris, c'est la Pétanque,
00:51:10c'est un petit village gaulois cerné par un envahisseur,
00:51:14et si je vous dis qu'à la buvette du Clap,
00:51:16la bière coûte un euro...
00:51:18Vous aurez compris de quel côté mon coeur penche.
00:51:20Vous reviendrez nous dire ce qui s'est passé pour les boulistes.
00:51:24Il faut les défendre. Vous faites de la Pétanque, je crois pas.
00:51:27C'est pas votre truc, Marie-Hélène.
00:51:29Ca m'arrive, mais c'est étonnant, comme dans Paris,
00:51:32il y a beaucoup d'endroits où on peut jouer,
00:51:35il y a Montmartre, mais il y a plein d'endroits.
00:51:37C'est vrai, sur les canals de l'Ourque, notamment.
00:51:40Il y a plein de jeunes.
00:51:41Nathan, j'ai pas votre lancement,
00:51:43mais grâce à Fanny Saliou, ma chef d'édition préférée,
00:51:46on va parler ce soir d'une vidéo,
00:51:49Colombes, Perpignan, c'est un meeting de Jordane Bardella.
00:51:52Cette vidéo fait énormément réagir
00:51:54sur les réseaux sociaux et même les politiques.
00:51:57Oui, je dirais que c'est un peu la vidéo de la semaine
00:52:00tant elle concentre toutes les contradictions
00:52:03dans lesquelles la France et la gauche se trouvent.
00:52:06Colombes, en effet, c'est une femme de 60 ans
00:52:08qui était au meeting de Jordane Bardella pour l'applaudir,
00:52:12qui est interviewée par Paul Larouturou.
00:52:14Je vous propose de regarder la vidéo.
00:52:17Regardez, moi, je suis RSA et on a du mal à vivre.
00:52:23On a du mal à vivre, on peut pas payer les factures,
00:52:26on a les huissiers.
00:52:27Ici, on a quand même un taux énorme du RN
00:52:31et on est tous en colère, on a tous du mal.
00:52:33Il y a pas de travail, il y a pas d'usine.
00:52:36Je suis conseillère en insertion professionnelle
00:52:39et au jour d'aujourd'hui, je ne trouve pas de travail,
00:52:41mais je suis bénévole au Resto du Coeur et j'aide les gens de la rue.
00:52:46Cette vidéo a déjà fait plus de 5 millions de vues
00:52:49sur les réseaux sociaux
00:52:51et, en effet, elle a suscité de nombreux commentaires
00:52:54tant elle présente de paradoxes.
00:52:55Le premier, c'est que, manifestement, c'est flagrant,
00:52:58Colombe n'a pas, entre guillemets, le profil type
00:53:01d'une électrice RN
00:53:02parce que son vocabulaire, ses revendications,
00:53:05ses chagrins, son attachement à la solidarité sociale,
00:53:08tout ça la rattache à des thématiques
00:53:10qui sont des thématiques historiques de la gauche.
00:53:13Deuxième paradoxe, une femme qui vote pour le RN
00:53:16à cause d'une détresse sociale dont elle fait part,
00:53:19alors qu'objectivement, j'y reviens dans un instant,
00:53:21le programme de ce parti ne répondrait pas à ce malheur.
00:53:24J'ai passé ma partie de la journée à regarder les réactions
00:53:27sur les réseaux sociaux, notamment celle de gauche,
00:53:30et ça aussi entre le mépris ou la main tendue.
00:53:32Le mépris, c'est par exemple quand Gérard Filoche dit
00:53:35une dinde qui vote pour Noël.
00:53:37D'autres, c'est comme si Balkany votait contre la corruption.
00:53:40Est-ce que les gens réfléchissent parfois,
00:53:42commente quelqu'un au sujet de cette dame
00:53:45insinuant qu'elle est idiote et qu'elle n'a rien compris
00:53:47à l'époque ?
00:53:49Celle de Léon Desfontaines et celle de François Ruffin.
00:53:52-"Les communistes, les insoumis",
00:53:53que nous dit Colombe, à votre avis, de la France d'aujourd'hui ?
00:53:57Je dirais que ça montre une double pauvreté
00:53:59ou une double contradiction.
00:54:01La première chose, c'est une pauvreté claire
00:54:04du débat public, un côté miroir aux alouettes.
00:54:06Comment un parti peut-il se présenter
00:54:09comme un parti populaire,
00:54:11s'appropriant la question sociale, défendant des gens comme Colombe,
00:54:15alors que si on regarde dans le détail,
00:54:17il a voté contre l'augmentation du SMIC,
00:54:19contre l'augmentation des minimas sociaux,
00:54:21contre l'indexation des salaires sur l'inflation,
00:54:24il a voté pour les conditionnements du RSA à 15h de travail,
00:54:27il ne changerait absolument rien à l'avis de Colombe.
00:54:30Et la deuxième pauvreté, c'est une pauvreté très large,
00:54:33multifactorielle, mais comment la gauche
00:54:36a-t-elle pu perdre des électeurs comme ça ?
00:54:38Sur coup, de quelle trahison, de quel mépris,
00:54:41de quel reniement de soi ?
00:54:42Peut-être que les deux bonnes nouvelles,
00:54:45qui chacun ont écrit une longue lettre ouverte à Colombe,
00:54:48en disant qu'il ne voulait plus cesser de la mépriser,
00:54:51se mettre à l'écoute de toutes les Colombes de France
00:54:54et essayer surtout de penser les questions
00:54:57que sa détresse soulève.
00:54:59-"Maria de l'Arrée-Grand",
00:55:00le divorce avec la gauche est réparable,
00:55:04vous pensez, pour Colombe et toutes les Colombes de France ?
00:55:08Je pense que, surtout, Colombe va être extrêmement déçu
00:55:12si jamais le RN arrive au pouvoir,
00:55:14parce qu'elle est typique, c'est comme avec le Brexit,
00:55:17elle est typique des gens qui vont ne pas avoir la réponse.
00:55:20C'est absolument terrible.
00:55:22Donc, la gauche, il faudrait qu'elle se dépêche, là,
00:55:25de récupérer...
00:55:26Pourquoi la gauche les a perdues, les Colombes ?
00:55:29D'un mot.
00:55:30Pour des raisons plurielles,
00:55:32qui tiennent à quand la gauche a été au pouvoir,
00:55:34qu'elle a déçue, notamment sous François Hollande,
00:55:37pour des raisons, à mon avis,
00:55:39qui ne sont pas des questions de thématique,
00:55:42c'est la partie de gauche qui s'en empare,
00:55:44mais peut-être davantage d'attitude,
00:55:46une forme, et je le citais à quelques commentaires,
00:55:49de mépris, de condescendance, de hauteur de vue
00:55:52qui surplombe les problèmes des gens comme ça,
00:55:54ce qui fait que quand, ensuite,
00:55:56des candidats à coups de vidéos TikTok et de meetings faciles
00:56:00veulent les séduire, ils n'ont même pas à montrer leur programme
00:56:03et ils sont, entre guillemets, convaincants.
00:56:06Vous êtes d'accord ?
00:56:07Oui, bien sûr.
00:56:08C'est toute la question du divorce
00:56:10entre l'électorat naturel, celui de la gauche,
00:56:13et ce qu'il est devenu.
00:56:14On pourra en parler longtemps. Merci, Nathan Devers.
00:56:17On va terminer avec vous, Bertrand.
00:56:19Vous voulez revenir sur cet événement étonnant
00:56:22qui s'est déroulé en Musée du Louvre,
00:56:24le réaccrochage d'une des toiles les plus célèbres du musée.
00:56:28Et oui, depuis hier, Myriam, les visiteurs du Musée du Louvre
00:56:31peuvent de nouveau voir la liberté guidant le peuple
00:56:35de Gênes-de-la-Croix,
00:56:36l'un des tableaux les plus célèbres du musée,
00:56:38qui a été en restauration pendant six mois.
00:56:41Il a été réaccroché, en présence de Rachida Dati.
00:56:45Restauré pourquoi ?
00:56:46Eh bien, parce qu'il ne l'avait pas été depuis 1949
00:56:50et que c'était accumulé, vous savez, des couches de vernis
00:56:53qui l'avaient rendu un peu jaunâtre et sombre
00:56:56et on ne distinguait plus bien les personnages et les couleurs.
00:56:59Et avec cette restauration,
00:57:01eh bien, le tableau a repris tout son éclat,
00:57:04toute sa fraîcheur.
00:57:05On y voit beaucoup mieux les deux personnages majeurs,
00:57:09le symbole de la liberté, cette femme avec le bonnet phrygien,
00:57:13qui porte dans une main une baïonnette
00:57:15et dans l'autre, le drapeau tricolore.
00:57:17Et puis, à côté d'elle, ce petit gavroche
00:57:20avec son pistolet, qui inspirera bien plus tard Victor Hugo.
00:57:24Et puis, au-delà de cela, il a retrouvé ses couleurs d'origine
00:57:27et notamment les trois couleurs qui en font le prix,
00:57:31c'est-à-dire bleu, blanc, rouge, le drapeau tricolore,
00:57:35qui sont désormais éclatantes.
00:57:36-"Tableau intimement lié, on le sait tous, à notre histoire".
00:57:40C'est une page de l'histoire de France
00:57:42représentée ici par Eugène Delacroix.
00:57:44Ce sont les Trois Glorieuses, ces journées de juillet 1830,
00:57:48au cours desquelles le peuple de Paris
00:57:51va se soulever contre Charles X.
00:57:53Pourquoi se soulève-t-il ?
00:57:54Eh bien, parce que Charles X a pris des ordonnances,
00:57:57notamment restreignant la liberté de la presse.
00:58:00On voit que cet enjeu de la liberté de la presse,
00:58:03comme indicateur de la liberté,
00:58:05est déjà très important à cette époque.
00:58:07Le peuple obtiendra l'abdication de Charles X,
00:58:10qui va être remplacé par Louis-Philippe
00:58:13et la monarchie de juillet.
00:58:14Au fond, une oeuvre à la fois lyrique,
00:58:17patriotique, violente et exaltante.
00:58:21-"Une oeuvre qui symbolise les insurrections populaires".
00:58:25Oui, alors, c'est effectivement un tableau
00:58:27qui, à l'origine, était assez subversif,
00:58:29puisqu'il va célébrer le renversement par la force
00:58:33d'un régime politique.
00:58:34Et depuis lors, c'est un tableau extrêmement célèbre.
00:58:37Les plus anciens le savent, il était sur les billets de 100 francs,
00:58:41il était sur les timbres,
00:58:43il est dans tous les manuels d'histoire
00:58:45pour célébrer le triomphe de la République.
00:58:48Et très récemment, il a inspiré Paris 2024
00:58:52pour le bonnet phrygien,
00:58:53qui est la mascotte de ces Jeux olympiques.
00:58:56Paris 2024 a très clairement expliqué
00:58:58que c'était le bonnet phrygien de la liberté guise dans le peuple
00:59:02qui avait servi de modèle à cette mascotte.
00:59:05Au-delà, je crois que la liberté guidant le peuple
00:59:08incarne, d'une façon plus générale,
00:59:10tous les combattants de la liberté.
00:59:13Il y a dans ce tableau une dimension universelle
00:59:16de lutte contre toutes les oppressions,
00:59:18et c'est ce qui en fait l'actualité permanente.
00:59:21Chacun peut s'approprier ses personnages.
00:59:23Le personnage de la femme héroïque montrant la voie,
00:59:26du citoyen en arme contre les tyrans,
00:59:28de la résistance des petits gens, des ouvriers, des paysans,
00:59:31de la jeunesse contre le pouvoir,
00:59:33et du triomphe du peuple contre la répression.
00:59:36C'est ça que nous dit ce tableau,
00:59:38qui accompagne tous les combats politiques et sociaux
00:59:41sur les barricades d'hier comme sur celles d'aujourd'hui.
00:59:44Quelle fougue ! On y va, Mariette ?
00:59:46Tous au Louvre ! On va aller voir ce tableau
00:59:49restauré, réaccroché de Jeanne Delacroix.
00:59:51J'ai ma petite idée à qui je m'identifie dans ce tableau.
00:59:54Et vous, Gavroche, peut-être ? D'un mot ?
00:59:57D'un mot ? Je voulais dire quelque chose sur les seins.
00:59:59On est très en retard.
01:00:01Non, mais c'est pas des seins qu'on va censurer.
01:00:04Ce sont des seins phalliques.
01:00:05Ah, ça demande une réinvitation.
01:00:07On n'a plus le temps. Merci, les Affranchis.
01:00:10Excellent week-end. Profitez bien.
01:00:12Merci à toutes les équipes de Savourgarde
01:00:14et d'LCP devant, derrière la caméra.
01:00:16Très bon week-end. A mardi soir, 19h30, en direct.
01:00:29Sous-titrage ST' 501