Des étudiants pro-palestiniens avaient décidé de bloquer Sciences Po pour dénoncer la guerre à Gaza. La direction de Sciences Po Paris a annoncé vendredi soir un accord avec ses étudiants mobilisés pour la cause palestinienne, par lequel elle s'engage à organiser un débat interne et à suspendre des procédures disciplinaires lancées contre des manifestants. Les explications de Matthieu Croissandeau.
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00:00 La politique. Mathieu Coissendeau, nous revenons sur la mobilisation des étudiants, petite minorité d'étudiants de Sciences Po Paris, pro-palestiniens.
00:09 À travers cette question, est-ce que cette mobilisation peut faire tâche d'huile ?
00:12 Alors le problème c'est que cette mobilisation, elle mêle à la fois des indignations qui sont légitimes et des revendications qui sont scandaleuses.
00:19 Il n'est pas illégitime de voir des étudiants se mobiliser ou témoigner de leur solidarité dans un conflit.
00:25 Il n'est pas illégitime non plus qu'il demande d'organiser des débats.
00:30 Le problème c'est que ces demandes s'accompagnent de méthodes qui posent question.
00:33 Il y a évidemment la question du blocage, une minorité d'étudiants.
00:36 On rappelle que Sciences Po c'est 13 000 étudiants et là on en a une minorité qui bloque l'accès à l'établissement.
00:42 Ou il y a eu des demandes aussi farfelues comme que la direction de Sciences Po prenne position dans le conflit israélo-palestinien.
00:48 Là, évidemment, ça pose question.
00:50 Il y a des choses, je le disais, qui sont aussi inacceptables que scandaleuses comme l'utilisation de symboles apportés ou proprement antisémites.
00:57 On a vu des étudiants avec les mains rouges qui est un symbole qui rappelle le massacre de deux réservistes israéliens par une foule palestinienne en 2000 à Ramallah.
01:06 Il y a des cartes de la Palestine où Israël a disparu de la carte.
01:09 Il y a des slogans "From the river to the sea" vous savez de la rivière à la mer qui reviennent à effacer Israël encore une fois de la carte.
01:17 Et vous vous en souvenez, en mars, l'impossibilité d'accéder à certaines conférences selon que vous êtes pro-israélien ou tout simplement juif ou membre d'un syndicat d'étudiants juifs de France,
01:28 comme ce fut le cas pour une jeune fille qui avait été empêchée dans un premier temps avant de pouvoir y accéder dans un second temps à une conférence le 12 mars dernier.
01:36 Comment est-ce que la direction de Sciences Po a réagi ?
01:38 Alors comme elle a pu. Il faut savoir que Sciences Po traverse une crise.
01:40 Son directeur a démissionné il y a un mois et demi pour des faits de violences conjugales.
01:44 Il y a un administrateur provisoire qui a été nommé et qui a publié ce week-end un communiqué dans lequel il accepte de lever les sanctions disciplinaires qui ont pu engager depuis le 17 avril.
01:55 Alors je précise parce que là il y a eu un quiproquo depuis le 17 avril, c'est-à-dire depuis l'occupation de Sciences Po.
02:02 Mais ça ne concerne pas les faits qui se sont produits le 12 mars dont je parlais.
02:06 Écoutez par exemple ce que disait Sylvie Rotaillot, la ministre de l'Enseignement supérieur, hier sur notre antenne.
02:10 Il n'est pas question, et à Sciences Po comme ailleurs d'ailleurs, de lever, d'amoindrir ou d'enlever soit des sanctions sur l'ancien sémite, soit les procédures, vous parliez de saisie de commission disciplinaire.
02:22 Et puis il a accepté aussi le directeur de Sciences Po d'organiser un town hall, donc ça c'est un terme américain.
02:29 En gros c'est une réunion citoyenne publique où généralement les électeurs interpellent leurs élus aux États-Unis.
02:34 Et là ça va être donc une réunion publique, un débat à Sciences Po.
02:36 Ça va être compliqué.
02:37 Oui et c'est franchement désolant. Ça va être compliqué parce que le débat est aujourd'hui polarisé.
02:41 Alors polarisé c'est le nouveau terme à la mode pour dire simpliste, binaire, manichéen et au final débile.
02:46 Dans ce qui est du temple du savoir et de la culture que devrait être Sciences Po, et pas seulement à Sciences Po d'ailleurs,
02:51 il est quasiment devenu impossible de dire à la fois que l'attaque monstrueuse subie par Israël le 7 octobre est intolérable,
02:57 que le Hamas est un mouvement terroriste fondamentaliste totalitaire dont le seul but est l'éradication d'Israël en particulier et des juifs en général,
03:04 et de dire dans le même temps que la riposte menée par Tsaïkala Gaza, cette ville rasée, le nombre de victimes, la crise humanitaire,
03:10 tout ça est inacceptable et que le gouvernement Netanyahou qui mène des buts de guerre qui ne sont pas atteints,
03:16 la libération des otages, l'éradication du Hamas, mène par ailleurs une politique contre les Palestiniens aussi inefficace qu'indis.
03:22 Si vous dites le premier terme de la phrase que j'ai prononcée, vous êtes suspecté aussitôt d'être un criminel de guerre en puissance.
03:27 Si vous dites le second terme de la phrase que j'ai employée, vous êtes un horrible terroriste antisémite.
03:32 Et ce manichéisme, cette polarisation n'épargne pas la classe politique.
03:35 Non, bien au contraire. Et là on l'a vu à Sciences Po. On a d'un côté des élus insoumis qui instrumentalisent ces luttes à des fins politiques ou électorales,
03:42 qui soufflent sur les braises et qui manient des mots et des symboles. Le génocide, la référence à Eichmann de Jean-Luc Mélenchon,
03:48 il y a deux semaines quand sa conférence avait été annulée à l'université de Lille.
03:53 Tout ça, ça ne vise qu'à délégitimer évidemment Israël, voire à faire une forme de parallèle avec les nazis.
03:59 Et de l'autre côté, vous avez un gouvernement qui répond à ces élucubrations par une judiciarisation.
04:03 La ministre de l'Enseignement supérieur, Sylvie Rotaillot, a annoncé hier que les propos de Jean-Luc Mélenchon feront l'objet d'une plainte pour injure publique.
04:10 On sait que Mathilde Panot est, elle, convoquée par la police pour s'expliquer pour apologie de terrorisme sur son communiqué politique du 7 octobre.
04:17 On le voit, provocation, judiciarisation. Derrière, on va avoir quoi ? Victimisation.
04:21 Et ça recommence. On est dans un engrenage infernal qui est le signe d'un affaissement.