Sundarbans, le dernier royaume du tigre

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00:00Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
00:31Entre l'Inde et le Bangladesh,
00:34la région des Sundarbans abrite parmi les plus riches écosystèmes de la planète.
00:42Sa forêt de mangroves, bercée d'innombrables canaux, émerveille autant qu'elle est frais.
00:50Depuis les nuits des temps, les cueilleurs de miel et les pêcheurs des villages s'aventurent sur ces terres reculées,
01:05en quête de ressources indispensables à leur survie.
01:11Mais hommes et femmes, en élargissant sans cesse leur empris sur le sauvage,
01:16fragmentent le territoire du monde animal.
01:20Ils réveillent l'instinct du prédateur le plus rare et le plus redouté des Sundarbans.
01:32Chaque année, de terribles histoires d'hommes disparus au fin fond de la jungle viennent alimenter les peurs des villageois.
01:39Elles le rappellent que ce vaste royaume n'est pas un territoire conquis, mais partagé.
02:21Cette appellation signifie « veuve de tigre ».
02:25Elle est donnée aux femmes dont les maris ont péri sous les griffes du tigre.
02:30Depuis des siècles, une superstition hindouiste accuse ces veuves de porter malchance et d'être à l'origine de la mort de leur époux.
02:40Du jour au lendemain, elles sont méprisées et rejetées par les habitants, et même parfois par leur propre famille.
02:50« Je m'appelle Sonamoni. J'ai 65 ans. Je suis une veuve de tigre. »
02:58« Mes belles-sœurs disaient, son mari a été bouffé par le tigre. Maintenant, il revient dans la maison familiale, vivre sur le dos de ses frères. »
03:08« Elle ne faisait que m'insulter, la maudite, la porteuse de malheur, la poisseuse. Elle m'humiliait en permanence. »
03:21« Mon mari s'appelait Charan. Il a toujours été pêcheur, depuis son plus jeune âge jusqu'à l'âge adulte. »
03:34« Un jour, il a obtenu un permis de pêche de deux semaines. Pendant qu'il coupait du bois dans la jungle, un tigre l'a attaqué en lui sautant sur l'épaule. Il a été surpris, il n'a rien pu faire. »
03:46« Mon mari s'est retrouvé dans le ventre du tigre. Les autres hommes sont restés figés. Plus tard, ils sont venus à la maison, ils m'ont dit, voilà, ton mari a été emporté par le tigre. On n'a pas retrouvé son corps. »
04:16Le tigre s'est retrouvé dans le ventre du tigre. Les autres hommes sont restés figés. Le tigre s'est retrouvé dans le ventre du tigre. Les autres hommes sont restés figés.
04:26« Je m'étais mariée dès l'âge de 14 ans. Deux ans après mon mariage, j'avais un fils. À l'époque, je vivais dans le bonheur. J'ai vécu comme ça jusqu'à la mort de mon mari. »
04:57« Après ce drame, tout le monde disait, elle porte malheur, il ne faut pas la garder dans le village. À cause d'elle, tout le monde va mourir. Je les ignorais. Mais après un certain temps, j'en ai eu marre. Je suis repartie dans la maison de mes parents. »
05:16« Mais une fois chez eux, ce sont les femmes de mes frères qui m'insultaient. Elles me disaient, tu dois oublier. Si tu ne fais pas ce qu'on te demande, tu ne pourras pas vivre ici. Alors je suis partie et j'ai dit, je vais gagner ma vie et élever mon enfant sans votre aide. »
05:39« J'étais vraiment seule à ce moment-là, à me demander quel serait mon avenir. »
06:09« Je m'appelle Aziz. Je suis enseignant-chercheur en zoologie à l'université de Yaongir, Nagar. Cela fait 12 ans que j'effectue des recherches sur les tigres des Sandarbans. »
06:29« Bon, aujourd'hui, nous allons discuter d'un sujet spécial. Il s'agit des Sandarbans. Au Bangladesh, il n'y a pas d'autres habitats naturels pour les tigres. Si nous perdons les tigres des Sandarbans, cette espèce animale disparaîtra de notre pays. En 2018, le recensement a indiqué seulement 114 tigres, à nouveau en baisse par rapport à 2016. »
07:00« Parmi tous les animaux du monde, le plus beau est sans aucun doute le tigre. Le charisme qu'il dégage, le symbole qu'il représente n'existent pas chez les autres animaux. »
07:14« Le tigre est un patrimoine mondial. Il y a 100 ans, il y avait 100 000 tigres. Aujourd'hui, ils sont à peine entre 4 000 et 4 500. »
07:35« Vous avez vérifié les caméras aujourd'hui ? Combien on en a ? En 2011, lorsque je me suis impliqué dans la recherche sur les tigres, 440 tigres étaient recensés dans les Sandarbans. »
08:01« Récemment, le gouvernement a demandé un nouveau recensement et m'a confié la responsabilité de cette mission. »
08:11« Le système de comptage utilisé à ce jour dans les Sandarbans se fait par l'installation de pièges caméras. Chaque lieu a une superficie de 4 km² et nous installons les caméras dans ces différents périmètres. »
08:26« Si nous voulons rendre fier le Bangladesh, nous devons obligatoirement préserver les Sandarbans et sauver nos tigres. Les écologistes ou les spécialistes du tigre se rendent compte du véritable trésor que nous possédons ici. »
08:40La chute de la population du tigre du Bengale de ces dernières décennies interroge. Qui empiète sur le territoire de l'autre ? Quelle place notre monde accorde-t-il encore au roi de la jungle ?
09:02Ces dernières années, les dérèglements climatiques ont provoqué une multiplication des cyclones et des inondations. La plupart des rizières de la région ont été ruinées. De nombreux agriculteurs ont vendu leurs terres et se sont tournés vers la pêche, envahissant de plus en plus le territoire du tigre.
09:32Lorsque la nuit tombe dans les bidonvilles des Sandarbans, les récits de ceux qui ont survécu au roi de la jungle résonnent dans les baraquements et prennent des allures de contes fantastiques.
09:48« Un jour, avant de partir à la pêche, j'ai appelé mes cousins. J'ai demandé « Hé, mes frères, venez avec moi, on va pêcher des alevins dans la rivière ». Plus tard, lorsque nous avions fini de pêcher, nous avons emprunté le chemin du retour. Pour éviter les gardes forestiers, nous n'avons pas navigué sur la grande rivière, nous sommes passés par les petits canaux à travers la jungle.
10:14« Sur les berges, j'avais l'impression que quelque chose bougeait. Le tigre était juste derrière mon dos, accroché à mon épaule. Il m'a attrapé et jeté du bateau dans le canal. Près de moi, il y avait un panier, comme une cage. Alors je l'ai mis sur ma tête pour me protéger, puis j'ai mis l'autre main sur ma nuque pour que le tigre ne puisse pas me croquer. Et là, quand j'ai ouvert les yeux, j'ai vu des humains. Ils m'ont remonté sur le bateau. Ensuite, j'ai perdu connaissance. »
10:44« De retour à la maison, je me suis dit que plus jamais je ne retournerai dans la jungle. »
11:14« Je m'appelle Saouidou Lislami. J'ai 38 ans. Je suis pêcheur dans les Sunderbans et je récolte aussi du miel. »
11:45« J'ai déjà fait face au tigre deux fois. Je parlais à Dieu et je disais, « Allah, si ce n'est pas mon heure, personne ne peut rien me faire. Laisse-moi partir maintenant. Que ce soit le tigre ou le père du tigre, personne ne pourra rien faire contre moi. »
12:05« Parfois, nous entendons les rugissements des tigres près de la maison. Mes fils et moi n'avons pas peur, mais ma femme, oui. »
12:22« Nous sommes quatre dans ma famille, ma femme et mes deux fils. Lorsque je vais à la rivière pour pêcher, parfois je ramène une centaine de kilos de poissons. Mais parfois, il n'y a presque rien, un ou deux poissons pour manger, voire rien du tout. »
12:46« Ma femme me déconseille d'aller pêcher en me disant, « Pas besoin d'aller dans la jungle, va en ville pour travailler, c'est moins risqué. » Mais je ne peux pas faire autrement. Il faut bien que je fasse vivre ma famille. »
12:58La mousson terminée, Soïdoul peut repartir à la pêche.
13:16Une expédition de plusieurs jours sur les canaux et les fleuves labyrinthiques de la mangrove est nécessaire pour atteindre les profondeurs de la jungle.
13:34Chaque année, le cycle se répète et plonge Soïdoul dans la crainte d'une nouvelle confrontation avec le tigre.
13:46Pendant son périple, Soïdoul et les autres pêcheurs peuvent parfois compter sur la présence des gardes forestiers, les seuls autorisés au port d'armes.
13:57S'ils s'en servent surtout pour dissuader les braconniers, ils peuvent aussi intervenir en cas d'attaque du tigre. Mais ils sont peu nombreux pour l'immensité de ce territoire.
14:08En tant que pêcheur et cueilleur de miel, Soïdoul fait partie des seuls à bénéficier d'un permis payant qui l'autorise à débarquer et à pénétrer dans la jungle à ses risques et périls.
14:22Les lianes bougeaient. Mon beau-frère m'a dit « Soïdoul, il y a quelque chose dans la forêt ». Je me suis dit que c'était sûrement un cerf, mais un tigre était là, à l'affût. Il n'a fait qu'un bruit.
14:52Il a sauté sur moi en ouvrant sa gueule. Il a serré mon bras dans sa mâchoire, mais moi je lui ai attrapé le visage avec l'autre bras. Mon beau-frère a sauté du bateau pour venir à mon secours. Puis je me suis défendu avec ma machette.
15:06Quand je l'ai frappé, le tigre m'est tombé dessus et finalement il est reparti de là où il était venu. Le sang coulait de mon bras. Je commençais à voir tout bleu. Arrivé à la maison, j'ai appelé le médecin et il m'a prescrit un mois de traitement.
15:36Je me suis dit que c'était un cerf, mais un tigre était là, à l'affût. Il a sauté sur moi en ouvrant sa gueule. Je me suis défendu avec ma machette. Il a serré mon bras dans sa mâchoire, mais moi je lui ai attrapé le visage avec l'autre bras. Le tigre m'est tombé dessus et finalement il est reparti de là où il était venu.
15:58De jour comme de nuit dans la forêt marécageuse, Soïdoul doit régulièrement s'assurer d'une réserve de bois suffisante, nécessaire à l'installation de ses filets et de son bivouac.
16:10Par expérience, il sait que le tigre du Bengal chasse dès le crépuscule et qu'il faut redoubler de vigilance la nuit.
16:40Une légende raconte qu'une petite fille abandonnée dans la jungle aurait été élevée par un cerf.
17:08Grandissante au cœur de la forêt, elle serait devenue sa protectrice, connue ainsi sous le nom de Bambibi, signifiant « dame de la forêt ».
17:22La déesse est depuis invoquée par les villageois pour sa protection contre les assauts du tigre.
17:37Je m'appelle Kushalia Mandal, j'ai 40 ans, je vis en Inde. Lorsque nous allons pêcher, nous faisons une supplication devant la déesse. Nous lui disons « Mère, nous allons pêcher, garde un œil sur nous pour qu'il ne nous arrive aucun malheur. »
18:08Nous étions trois, mon mari, mon frère et moi. Nous avons pris le bateau la nuit. On voulait arriver avant les autres pour obtenir une bonne place sur le plan d'eau.
18:28On a attendu que la marée soit assez haute pour jeter le filet de pêche.
18:40À côté de nous, il y avait une autre étendue d'eau, juste à côté. Les berges étaient un peu plus en hauteur et il y avait de très nombreux arbres tout autour.
18:57C'est là que le tigre attendait. Je pense qu'il était caché depuis longtemps. Il nous guettait, mais nous ne nous doutions de rien.
19:07C'est à ce moment-là que le tigre a sauté en rugissant très fort. En entendant le rugissement, mon mari s'est à peine retourné, que le tigre l'a attrapé par la nuque. En quelques secondes, le tigre se trouvait dans l'eau avec mon mari entre les mâchoires.
19:32Mon frère est resté stupéfait. J'essayais de m'approcher. Comme le bateau n'avançait pas, je suis descendue dans l'eau.
19:47Mon frère m'a attrapée. Il ne voulait pas me laisser y aller. J'étais en pleurs. À ce moment-là, j'ai perdu connaissance.
20:02Les gens, que ce soit les hommes ou les femmes, disaient que j'avais offert mon mari au tigre. C'était des moments très pénibles pour moi. Les gens me voyaient comme si j'étais le mal incarné. Personne ne s'approchait de moi. J'ai beaucoup souffert.
20:32C'était très difficile avec mes deux enfants. Je n'ai pu obtenir de l'aide nulle part. On me disait qu'il n'y avait pas de travail. Ils me répétaient « Tu es trop jeune, il n'y a pas de travail pour toi ». Tout le monde cherchait des prétextes.
20:47Depuis plusieurs années, l'ONG Wild Team s'attache tant bien que mal à protéger les tigres autant que les villageois dans la partie bangladaise des Sundarbans. En étroite collaboration avec le département de la forêt, ces membres interviennent régulièrement dans des situations extrêmement risquées.
21:17On est en route. Ouais, ouais, on arrive bientôt. Est-ce que les gardes forestiers sont sur le terrain ? Lorsqu'un tigre rôde autour d'un village, aucune attaque est signalée, ils sont immédiatement sollicités.
21:47Depuis 2008, l'ONG Wild Team a répertorié un total de 275 attaques de tigres, dont 192 ont été mortelles.
22:17Sona Muni fait partie de ces femmes dont le mari n'est jamais revenu. Abandonnée par sa propre famille, la veuve de tigre se tourne alors vers sa belle-famille qui la rejette à son tour. En désespoir de cause, elle cherche le soutien des plus anciens de son village.
22:35Heureusement, les sages du village se sont réunis. Ils ont dit, on ne peut pas abandonner une jeune femme devenue veuve si tôt. Étant donné qu'il y a d'autres fils dans la maison, marions-la à un des fils. Ma belle-mère a dit, non, je ne donnerai pas un autre fils à cette femme.
22:57Mais ils ont réussi à raisonner un de mes beaux-frères. Il a dit, d'accord, je veux bien me marier avec elle. Je vais garder l'enfant, je vais m'occuper d'eux. Après ce nouveau mariage, j'ai eu de cette union un autre fils et deux filles.
23:13Pendant plusieurs années, ce second mariage assure à son amenée un nouveau foyer et un peu d'apaisement. Mais un jour, son second mari, lui aussi pêcheur, est sollicité en renfort pour pêcher le crabe en lisière de la jungle. Lui non plus ne reviendra pas de cette expédition.
23:43Pour la seconde fois, son amenée est frappée par le deuil. Aux yeux des villageois, elle incarne désormais une véritable sorcière.
24:03Quand il y avait des cérémonies de mariage, nous n'étions pas invités. Lorsque les enfants y allaient, les gens leur disaient, hé, ton père a été mangé par le tiger, t'as pas le droit de te mêler à nous. On n'était invités nulle part.
24:33Son amenée n'a d'autre choix que d'enchaîner les petits boulots pour survivre. C'est l'âme déchirée que la doyenne des veuves de tigres répare les filets des nouvelles générations de pêcheurs.
25:03Le matin au marché, il y a des gros sacs en jute qui contiennent de l'ail. Ils sont attachés avec des nœuds. Je les détache. Au moment du départ, je ramasse les invendus et je les remets dans les sacs. En échange de ce travail, je suis payée avec de l'ail. Pas avec de l'argent seulement, avec de l'ail.
25:33A la pâtisserie, je fais quelques petits trucs. Ils me donnent parfois 10 ou 20 takas. Mais je reste pas non plus toute la journée.
25:46Vous avez bien travaillé. Venez très tôt demain. Soyez là de bonne heure.
25:51Quand je passe le balai à la pharmacie, je récupère les sachets qui contenaient les médicaments. Je les mets dans un sac en jute pour m'en servir comme combustible.
26:21Un proverbe malaisien raconte « Quand tu as vu le tigre une fois, il t'a déjà vu cent fois ».
26:51Aziz, qui recense aujourd'hui l'animal, ne s'est retrouvé que trois fois face au prédateur malgré douze années de recherche dans les Sondarban.
27:01Même s'il hante les cauchemars des villageois, le félin est en réalité insaisissable, errant dans son royaume tel un fantôme.
27:12Aziz sait pourtant qu'à chacun de ses pas dans la mangrove, le roi de la jungle n'est jamais très loin.
27:21La seule forêt de mangrove au monde où il y a des tigres, c'est ici.
27:26Ce félin possède plusieurs qualités indispensables à sa survie.
27:31Ses sens sont notamment très développés, son ondora, son audition, son acuité visuelle.
27:38Tous ses sens sont extrêmement supérieurs à ceux de l'homme.
27:44Pendant que nous marchons dans la jungle, nous ne voyons peut-être pas le tigre, mais ça ne veut pas dire qu'il n'est pas là.
27:51Il ressent rapidement notre présence et nous observe de loin.
27:55Il est sûrement en train de se préparer et de se mettre à l'affût.
27:59Quant à nous, nous ne le voyons que très rarement.
28:10Il y a peut-être des empreintes ici.
28:16Oui, oui, là.
28:19Ici nous avons l'avant de la patte et ici l'arrière.
28:23Oui, avant et arrière.
28:29Étant donné la largeur des pattes, on peut dire que l'animal n'a pas atteint l'âge adulte.
28:34Un jeune adulte peut-être.
28:37C'est une femelle.
28:39Une tigresse.
28:49Le recensement des tigres que je mène actuellement dans les Seine-d'Arban est la troisième étape du processus.
28:56Le comptage des tigres.
28:59Il s'agit de voir l'évolution.
29:01Est-ce que le nombre a augmenté, baissé ou est resté stable ?
29:06En prenant les photos de chaque côté de l'animal, nous les identifions individuellement.
29:12Cela prend trois ans à trois ans et demi pour compléter tout cela.
29:17Là c'est bon, on te voit.
29:19C'est bon là ?
29:21Oui.
29:23Avance et regarde autour de toi.
29:26Oui.
29:41C'est bon.
30:05Venez ici, regardez.
30:12Déjà à l'époque de la colonisation britannique, le tigre du Bengale était surnommé le tigre royal.
30:24Ce qu'il dégage, son regard, son allure, c'est extraordinaire.
30:33C'est un roi.
30:42Ici nous avons une équipe, mais laquelle avez-vous choisi ?
30:45Celle-ci installera cinq caméras et celle-là quatre.
30:49Donc là ?
30:51Il y en aura quatre à Béala et cinq à Maïta.
30:54Il ne faut pas se précipiter.
30:56Il faut les installer correctement.
30:59Si nous commençons par cette zone, nous pourrons terminer ici le lendemain.
31:04Oui, nous terminerons par Pouchpagat.
31:07Depuis les attaques dont Soïdoul a été victime,
31:11chacune de ses sorties dans la forêt réveillant lui les souvenirs les plus cauchemardesques.
31:18Il a été un homme de 20 ans.
31:21Il a été un homme de 21 ans.
31:24Il a été un homme de 22 ans.
31:27Il a été un homme de 23 ans.
31:30Il a été un homme de 23 ans.
31:32Réveillant lui les souvenirs les plus cauchemardesques.
31:39Dans cet environnement où le sauvage est maître,
31:42le moindre bruit, le moindre mouvement peuvent être synonymes de danger.
32:022ème jour
32:32On ne peut pas savoir quand le tigre va surgir, il est comme un fantôme, de toute façon s'il
32:43croise un humain, il va l'attaquer.
32:44Il n'y a pas que les tigres qui sont dangereux, il y a aussi les crocodiles et les serpents.
32:53J'ai des amis qui sont morts à cause des morsures de serpents, d'autres qui ont été
32:59attrapés et traînés par le crocodile jusqu'au fond de la rivière.
33:04Nous n'avons donc pas seulement peur des tigres, mais aussi de ces animaux-là.
33:29Voir son mari emporté par le tigre a été une expérience éprouvante pour Kouchalia,
33:42mais par nécessité, elle a dû repartir pêcher dans les canaux de la mangrove.
33:46Après la mort de mon mari, je me suis retrouvée sans argent.
33:53J'ai été rejetée par ma belle-famille qui ne m'a rien donné.
33:59Je ne savais pas quoi faire, alors j'ai fait réparer le bateau.
34:03S'il m'était arrivé quelque chose, personne n'aurait pu s'occuper de mes enfants.
34:16Mais je me suis dit que je n'avais pas d'autre choix, que je devais de nouveau
34:22travailler dans la jungle pour survivre.
34:25J'ai donc repris le travail dans la jungle, j'ai recommencé la pêche aux poissons et aux crabes.
34:37Je continue d'en vivre encore aujourd'hui.
34:42Quand je passe par cet endroit, je me confie à Dieu.
34:54Je lui dis, regarde donc à quoi je suis destinée.
34:58Ici, j'ai perdu mon mari et je dois quand même y revenir à chaque fois.
35:03À l'image de Kouchalia, il n'est pas rare que des femmes s'aventurent dans la jungle.
35:13Contrairement aux hommes, elles ne pêchent souvent qu'une demi-journée,
35:16ou une journée, sans trop s'éloigner des villages.
35:20Comme pour ces femmes, la survie des 4 millions d'habitants des Sundarbans
35:25dépend essentiellement des ressources de la jungle.
35:29La population, en constante augmentation depuis 150 ans,
35:32n'a cessé d'empiéter sur le territoire du tigre du Bengale.
35:47Le tigre a une particularité, c'est un animal très territorial.
35:52Il possède son propre espace, il n'y a pas d'endroits où il n'y a pas d'animaux.
35:58Il possède son propre espace de vie et de chasse.
36:06Chaque tigre mâle possède son propre royaume, et tente de le conserver à tout prix.
36:21Lorsque le tigre aperçoit un pêcheur s'aventurer sur la rivière,
36:25il le considère comme une proie potentielle en piétant sur son territoire de chasse.
36:33Il attaque alors sa proie et l'emporte avec lui.
36:40Restez sur vos gardes.
36:46Je ne peux pas prendre parti pour la protection des tigres
36:49sans me soucier de la vie et de la sécurité des habitants de la forêt.
36:53Comme être humain, avec une conscience, je ne peux pas penser ainsi.
36:58Il faut tout autant veiller à la sécurité des habitants qu'à la préservation de la nature.
37:13En quête de nourriture et de territoire, les tigres s'approchent régulièrement des villages des Sundarbans.
37:24Par crainte ou un représaille d'attaque sur le bétail,
37:28neuf tigres ont été battus à mort par les villageois depuis 2008.
37:34Pour prévenir ces conflits meurtriers pour les hommes comme pour les félins,
37:38l'ONG Wild Team intervient auprès des habitants
37:41et les aide à réagir face aux tigres sans les tuer.
37:46Le tigre peut venir n'importe quand.
37:49S'il surgit, alertez notre équipe ou les gardes forestiers.
37:53En attendant, restez chez vous.
37:56Dès notre arrivée, le but est de coopérer avec nous ou les forestiers
38:00pour pousser le tigre à repartir dans la forêt.
38:03N'agissez pas sans nous.
38:20En parallèle à ce travail de prévention,
38:22l'équipe de Wild Team prend le temps de sensibiliser la population
38:26à la situation des veuves de tigres.
38:29Peu à peu, les mentalités évoluent,
38:32leur statut et leur intégration dans la société s'améliorent.
38:42Je m'appelle Boulidashi.
38:45J'ai 35 ans.
38:47Je suis une veuve de tigre.
39:04Je fais ce qu'il faut pour gérer mon foyer.
39:07Je travaille dur.
39:09Je m'occupe de mes enfants.
39:11Je les élève.
39:13Je les nourris.
39:31J'ai élevé mes trois enfants à l'intérieur de cet abri en sac de jute
39:35avec beaucoup de difficultés.
39:38Après cela, à cause du cyclone Eila,
39:41la maison a été détruite.
39:43En voyant ma situation,
39:45le député m'a donné quelques tôles avec lesquelles j'ai fait un toit.
39:49Le temps est passé.
39:51Mon enfant et moi travaillons pour subvenir aux besoins de la famille.
39:54Voilà notre histoire.
39:59Dans le passé, la vie des veuves de tigres était dure.
40:02Elles étaient insultées.
40:04Les gens les dénigraient beaucoup.
40:06Maintenant, ce n'est plus comme ça.
40:09Les gens sont plus intelligents qu'avant,
40:12plus prévenants, plus attentifs à nous.
40:15Ils n'insultent plus maintenant.
40:17Ils se retiennent avant de parler.
40:20Ils ne font plus de commentaires désobligeants.
40:30Lorsqu'une ONG fait une distribution de nourriture,
40:34j'en informe les autres en disant
40:37« Une ONG fait une distribution, vous venez avec moi ? »
40:43Donc je les emmène.
40:46Nous sommes toutes des veuves de tigres.
40:49Nous nous comprenons.
40:56Lorsque nous nous asseyons ensemble,
40:59nous parlons de nos moments de bonheur comme de malheur.
41:03C'est ce que nous faisons.
41:33À la fin du 19e siècle,
41:35on estimait la population du tigre du Bengale
41:38entre 40 et 50 000 individus.
41:41Les chasses organisées par les colons britanniques
41:44ainsi que les souverains indiens ont décimé l'animal.
41:48En 1984, il n'était plus que 4 000 environ.
41:52Malgré son statut d'animal protégé,
41:55le tigre continue d'être chassé encore aujourd'hui.
41:59Comme dans le monde entier,
42:02il y a aussi du braconnage dans les Sundarbans.
42:05C'est un fléau international.
42:08La mort d'un tigre a un impact assez important.
42:11Par exemple, la mort d'une femelle
42:14peut provoquer la mort de ses petits.
42:17Cela crée un déséquilibre dans la jungle.
42:20De ce fait, nous devons absolument lutter
42:23contre le braconnage pour sauver les tigres.
42:26La peau, les os et la chair du tigre
42:29sont aujourd'hui très recherchées
42:32par la médecine traditionnelle chinoise.
42:35Cela fait du félin une cible de choix pour les braconniers
42:38qui le vendent à prix d'or sur le marché noir.
42:46En juin 2021,
42:49l'arrestation d'un célèbre braconnier
42:52est venue récompenser les autorités bangladaises.
42:56L'homme, connu sous le nom de Bagchikari,
42:59signifiant chasseur de tigres,
43:02aurait tué près de 70 tigres du Bengal
43:05en 20 ans dans les Sundarbans.
43:26Les tigres des Sundarbans, ou les tigres en général,
43:29peuvent mettre bas entre 1 à 4 bébés par portée.
43:32Mais le plus souvent, il n'y a que 2 bébés.
43:40Même si nous faisons face à des problèmes
43:43et des défis de taille, je veux rester optimiste.
43:46J'espère aussi que la prochaine génération
43:49mettra tout en oeuvre pour les protéger.
43:56Ce que j'apprécie dans les Sundarbans,
43:59c'est le silence de cette jungle.
44:02C'est environnement où tout est calme.
44:05En début de soirée,
44:08lorsque la couleur pourpre apparaît dans le ciel
44:11et que le soleil se couche vers l'ouest,
44:14j'aime l'atmosphère qui s'installe à ce moment-là.
44:17L'obscurité qui vient peu à peu
44:20et le silence tout autour.
44:23Ce silence est tellement agréable.
44:26On le ressent qu'à ce moment-là.
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46:26De retour à la maison, après la pêche, je fais un tour au marché.
46:31J'y vois mes amis avec qui je bois du thé.
46:34On blague beaucoup, on profite des bons moments.
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46:46Je me sacrifie pour ma famille.
46:48Je ne veux surtout pas que mes enfants deviennent pêcheurs et aillent dans la jungle.
46:53Je vais acheter deux véhicules et je souhaite qu'ils vivent de cette source de revenus,
46:56qu'ils en fassent un business.
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47:06Le jour où j'ai perdu mon mari, j'avais beaucoup de peine,
47:10et j'en voulais un peu à Bonne-Bibi, la déesse-mère de la jungle.
47:14Pourtant, je continue de croire en elle.
47:17Je sais qu'il est déjà arrivé un drame,
47:19mais je demande sa protection pour que ça ne se reproduise pas.
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47:34De nos jours, lorsque le mari décède,
47:37la veuve est remariée au bout de deux ou trois ans.
47:40Elle redevient la femme au foyer d'un homme.
47:43Maintenant, si quelqu'un veut se marier avec moi,
47:46je n'accepterai pas. Je ne me remarierai pas.
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47:56Aujourd'hui, les veuves de tigres s'assument davantage.
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48:03Maintenant, elles protestent quand elles sont insultées.
48:07Dans le passé, elles ne pouvaient pas protester comme ça.
48:10Maintenant, c'est devenu possible.
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48:21Je me dis que lorsque le recensement sera terminé dans deux ans,
48:25nous constaterons que le nombre de tigres aura augmenté.
48:29Nous pourrons ainsi montrer au monde entier
48:33que le nombre de tigres est en hausse dans les Sunderbans.
48:36Les moyens, la gestion, le matériel utilisé pour les recherches évoluent
48:41au même titre que la société bangladaise dans d'autres domaines.
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48:51C'est grâce à la jungle que nous sommes toujours en vie.
48:55Il faut préserver notre mangrove.
48:59Ce n'est pas la faute du tigre
49:03si mes deux maris et d'autres pêcheurs sont morts.
49:08Le tigre est chez lui.
49:11C'est nous qui allons sur son territoire.
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