Aide américaine à l'Ukraine, Proche-Orient, allocution d'E. Macron et rapport de HRW au Burkina Faso

  • il y a 6 mois
L'aide américaine à l'Ukraine a enfin été débloquée par le Congrès américain, c'est un soulagement pour Kiev. Egalement au sommaire : au Proche-Orient, la démission du chef du renseignement israélien relance le débat sur les responsabilités dans le massacre du 7 octobre. L'allocution d'E. Macron à la Sorbonne, acte II de son grand discours sur l'Europe de 2017. Et puis rapport choc de Human Rights Watch sur des exactions contre des civils au Burkina Faso.. Plus de 200 personnes ont été tuées fin février dans le nord du pays.
Une émission préparée par Karim Hakiki, Achren Verdian, Franck Lalanne et Mariam Tovmassian. 

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Transcription
00:00 -Bienvenue à tous dans "Une semaine dans le monde".
00:03 Retour sur les 4 grandes actualités
00:05 qui ont marqué cette semaine.
00:07 Ce soir, Ziad Limam, directeur du mensuel "Afrique magazine".
00:11 Richard Verli, correspondant France-Europe
00:14 pour le quotidien suisse "Blick".
00:16 Auteur du livre "Le bal des illusions".
00:18 Bonsoir, Richard.
00:20 Avec nous, ce soir, Fabrice Rousselot,
00:23 directeur de la rédaction de "The Conversation France".
00:26 Bonsoir, Fabrice et Nicolas Vado,
00:28 dessinateur pour les journaux belges "Le Vif" et "L'Echo".
00:32 Egalement membre de "Cartooning for Peace".
00:34 Pensez, ce soir, Nicolas,
00:36 pour une dessinatrice qui fait partie de votre réseau.
00:39 -Oui, elle s'appelle Athena Fargadani.
00:42 Elle a été emprisonnée en Iran il n'y a pas longtemps.
00:45 Ca fait 10 ans que l'Iran lui fait des misères.
00:49 Elle est attaquée pour propagande contre l'Etat,
00:52 insulte au sacré,
00:53 parce qu'elle a tenté d'afficher une caricature
00:57 sur un mur à côté du palais présidentiel.
00:59 Son avocat dit qu'elle a été maltraitée.
01:01 "Cartooning for Peace" et d'autres associations
01:04 demandent sa libération.
01:05 -Pensez, donc, forte pensée pour elle, ce soir.
01:09 Merci à tous les quatre d'être là ce soir
01:12 pour revenir sur l'actualité de cette semaine.
01:15 Au sommaire, ce soir,
01:17 l'aide américaine à l'Ukraine enfin débloquée
01:20 par le Congrès américain.
01:22 Soulagement du côté de Kiev,
01:24 les américains vont livrer des missiles de longue portée.
01:27 Actualité encore chargée cette semaine au Proche-Orient,
01:30 la démission du chef du Renseignement israélien
01:33 qui relance le débat sur les responsabilités du 7 octobre.
01:36 Benyamin Netanyahou est encore contesté dans la rue
01:39 après la diffusion par le Hamas d'une vidéo d'un otage.
01:42 Il prépare, quant à lui, toujours son offensive sur Rafa.
01:46 En France, allocution du président Macron à la Sorbonne,
01:49 sorte d'acte II de son grand discours sur l'Europe de 2017.
01:53 Ces orientations sont-elles la même
01:55 de mobiliser à l'approche des Européennes ?
01:57 On en parlera.
01:58 Et puis, ce rapport choc de Human Rights Watch
02:01 sur des exactions contre des civils au Burkina Faso.
02:05 Plus de 200 personnes tuées fin février
02:07 dans le nord du pays, dans plusieurs villages.
02:10 Nouveau massacre imputé à l'armée burkinabée
02:13 qui ne parvient pas à contenir l'insurrection djihadiste.
02:17 ...
02:19 On va revenir ce soir sur l'aide américaine à l'Ukraine.
02:22 Elle est accordée après six mois de blocage au Congrès.
02:25 L'enveloppe de 61 milliards de dollars
02:28 a été approuvée par la Chambre des représentants
02:30 et par le Sénat américain. Joe Biden a signé le texte de loi.
02:34 C'était mercredi.
02:35 Le secrétaire général de l'OTAN s'en est félicité,
02:38 appelant hier les alliés de l'Ukraine
02:40 à tenir leurs engagements et rapidement.
02:43 On va l'écouter.
02:44 -Ces retards ont des conséquences.
02:47 L'Ukraine a été dépassée,
02:51 ce qui a permis à la Russie d'avancer sur la ligne de front.
02:55 L'Ukraine a manqué de défense aérienne,
02:59 ce qui a permis à davantage de missiles et de drones russes
03:02 d'atteindre leurs cibles.
03:04 Enfin, l'Ukraine a manqué de capacités
03:08 pour frapper avec précision en profondeur,
03:10 ce qui a permis à la Russie de concentrer davantage de force.
03:14 Mais il n'est pas trop tard pour que l'Ukraine l'emporte,
03:18 car un soutien supplémentaire est en route.
03:21 -Richard, des missiles de type attaque MS,
03:27 de longue portée, sont inclus aux livraisons à venir
03:30 des Etats-Unis, avec une précision de quelques dizaines de mètres,
03:34 capables d'atteindre des cibles situées à 300 km.
03:38 C'est un nouveau cap qui est franchi ?
03:41 -C'était une urgence.
03:42 A travers ce que vient de dire le secrétaire général de l'OTAN,
03:46 l'Ukraine a terriblement besoin de ces équipements
03:49 pour frapper en profondeur,
03:51 c'est-à-dire empêcher la Russie d'acheminer vers le front
03:54 les moyens qui lui permettraient de pousser davantage.
03:57 Ce qu'on dit peu, c'est que le front, en ce moment,
04:00 est quasiment tous les jours en faveur des Russes.
04:03 La poussée russe est là.
04:05 -Les Merselenskis le disent tous les jours.
04:07 -Les Ukrainiens ont besoin de ralentir cette poussée.
04:10 Ils le ralentissent par des frappes à l'arrière,
04:13 ce qui va permettre ces missiles.
04:15 Mais au-delà, il y a la protection de Kharkiv
04:18 avec la défense antiaérienne.
04:20 Bref, tout le monde sait et tout le monde dit
04:22 que le mois de mai et juin seront des mois très durs pour l'Ukraine
04:26 car c'est sans doute pendant l'été
04:28 que commenceront d'arriver les nouveaux équipements.
04:31 On attend aussi les fameux F-16
04:33 donnés par le Danemark et les Pays-Bas.
04:35 Bref, il y a une urgence
04:37 et c'est pas étonnant que l'OTAN s'en inquiète.
04:39 -Des missiles, Fabrice,
04:41 qui peuvent atteindre le fameux pont stratégique de Kerch,
04:44 mais aussi la péninsule occupée de la Crimée.
04:48 Cette aide n'arrive-t-elle pas néanmoins trop tard ?
04:52 -Trop tard, je ne sais pas,
04:54 mais en tout cas, elle était nécessaire.
04:56 Elle arrive avant les échéances de cette campagne américaine.
05:00 On se disait qu'il fallait vraiment que ça se précipite.
05:03 -C'est probablement la dernière aide ?
05:05 -Oui, je pense qu'il n'y aura pas d'autres.
05:08 Avant les élections,
05:09 de façon assez anecdotique mais intéressante,
05:12 Mike Johnson, président de la Chambre de représentants
05:15 qui bloquait cette aide,
05:17 a déclaré à la presse américaine
05:19 qu'il avait dû choisir entre sa carrière
05:21 et son sens de la justice et de la loyauté,
05:24 qu'il avait prié pour finalement décider de débloquer l'aide.
05:28 Ce qui est intéressant,
05:29 c'est que l'aide a été votée à une large majorité.
05:32 C'était une petite minorité de Républicains pro-Trump
05:35 qui bloquaient cette aide.
05:36 Sur le terrain, ça va faire une différence.
05:39 Il y aura encore quelques semaines avant que l'aide n'arrive.
05:42 On a vu qu'un milliard a été débloqué pour des munitions.
05:45 On sait que sur le front,
05:47 quand il y avait une dizaine d'obus tirés par les Russes,
05:50 il y avait un ou deux obus ukrainiens pour y répondre.
05:54 Ce qui est clair, c'est que c'était une nécessité.
05:57 Richard vient de le dire,
05:58 c'est la période du printemps et de l'été.
06:00 L'Ukraine était depuis quelques mois en position difficile.
06:05 L'offensive ou la contre-offensive avait à rater.
06:08 Ça n'a pas marché.
06:10 Et quand on a vu le président Zelensky
06:12 faire des comparaisons avec l'aide envoyée de l'autre côté en Israël
06:17 et rien n'arrivait pour l'Ukraine,
06:19 on voyait bien qu'il y avait un sentiment d'urgence
06:23 et avec cette perception, depuis quelques semaines,
06:27 que l'Ukraine pourrait perdre la guerre.
06:29 Le chef du renseignement ukrainien a prévenu, il y a quelques jours,
06:34 que ça va être très difficile, dit-il,
06:36 dès la mi-mai ou début juin au maximum.
06:39 Zia, est-ce qu'on sait que cette aide
06:43 va mettre plusieurs semaines à être effective sur le terrain ?
06:47 Oui, on peut faire la machine américaine,
06:50 ce qu'on appelait à l'époque le complexe militaro-industriel,
06:54 et les dollars, ça va quand même vite se mettre en place.
06:57 Peut-être pas demain matin,
06:59 mais je pense que les armes principales sont déjà pré-pactées.
07:03 On savait aux Etats-Unis qu'à un moment ou un autre,
07:06 le Congrès allait finir par signer en bas de la feuille.
07:09 Donc toute la logistique est déjà prête.
07:12 Je ne suis pas dans le secret du Pentagone,
07:15 mais je pense que tout ça a été largement préparé.
07:17 Ce qui est très important, c'est le message.
07:20 Il y a eu aussi la sensation
07:22 que peut-être les Américains allaient lâcher la barre,
07:25 que les Européens allaient se fatiguer,
07:27 peut-être que ceci, peut-être que cela.
07:29 Depuis quelques semaines, on a un message inverse,
07:32 qui est de dire qu'on ne se fatigue pas,
07:34 qu'on doit faire la guerre.
07:36 Le discours de Macron, c'est un peu aussi à la Sorbonne
07:39 dans cette perspective de la guerre.
07:41 Donc on envoie un message aux Ukrainiens.
07:44 Tenez bon, la cavalerie arrive, si vous me permettez l'expression.
07:48 Mais tout ça, en fait, ça va remettre juste
07:51 l'équilibre stratégique.
07:54 Les Russes se rendent compte que la victoire
07:56 ne sera peut-être pas aussi simple,
07:58 et qu'on est redevenu à une position zéro.
08:01 Donc on revient à la discussion
08:03 de l'extérieur de cette situation de guerre continue.
08:05 - Pour que les Ukrainiens soient en meilleure position
08:08 en cas de négociation.
08:10 - Pour avoir la meilleure position sur le terrain.
08:12 Et puis, il y a, par contre, ce qu'on lit
08:14 dans la presse américaine, qui est assez informée,
08:17 il y a une fatigue en Ukraine.
08:19 Il y a une espèce d'affaissement de la jeunesse,
08:22 les mobilisations,
08:23 les gens qui essayent d'échapper à la mobilisation,
08:26 les problèmes de corruption pour les laisser passer.
08:29 Donc il y a un problème interne.
08:31 Ils n'ont pas des capacités humaines comme la Russie.
08:34 On ne sait pas jusqu'à quand une situation de guerre totale
08:37 peut être soutenue, malgré l'aide américaine,
08:39 de tout le monde, par un pays comme l'Ukraine.
08:42 - Et Joe Biden a aussi assuré, on l'a vu,
08:45 le service après-vente auprès des Américains,
08:47 insistant sur le fait que les livraisons militaires
08:50 constituaient une stimulation de la production américaine.
08:54 Cette aide, elle n'est pas bien comprise
08:57 auprès du public ?
08:59 - Alors, ce n'est pas si sûr,
09:01 parce que, encore une fois, l'opinion publique américaine,
09:04 elle est plutôt mobilisée derrière l'Ukraine.
09:07 Elle comprend la cause de l'Ukraine.
09:09 La Russie n'est pas populaire aux Etats-Unis.
09:12 Donc je crois que Biden joue un joli coup politique.
09:16 Il vient de remporter quand même une belle épreuve politique.
09:20 Il a réussi, en vieux routier du Parlement américain qu'il est,
09:24 il a su patienter.
09:26 Il a su trouver en Mike Johnson, ce speaker
09:30 qui n'était peut-être pas si trumpiste que ça,
09:32 ou qui a décidé de ne pas sacrifier sa carrière à Donald Trump.
09:36 Et Donald Trump, par ailleurs,
09:38 commençait à se rendre compte que devenir l'élément de blocage,
09:41 l'homme qui empêchait d'aider l'Ukraine,
09:44 ça pourrait lui coûter cher.
09:46 Donc la dynamique politique est assez favorable à Biden,
09:49 assez favorable à l'Ukraine.
09:51 Donc voilà, attendons de voir maintenant, par contre,
09:54 s'il n'y avait pas de succès sur le terrain,
09:56 si cette aide militaire ne devait pas se traduire
09:59 par un regain d'activité favorable pour l'armée ukrainienne,
10:03 alors la question se poserait de la fin d'un soutien américain
10:06 et d'un dénouement qui ne serait peut-être pas favorable à Kiev.
10:10 -Il y a même une petite musique qui commence à monter
10:13 du côté démocrate, qui est ce scénario, alors pour l'instant,
10:16 difficile, mais d'une possible négociation,
10:19 d'arriver à une négociation avant les élections,
10:22 ce serait un élément capital par rapport au scrutin.
10:25 Et donc, il y a quelques démocrates
10:27 qui commencent à élever de la voix sur le thème,
10:30 "On peut y arriver, on redonne les moyens à l'Ukraine
10:33 "de faire face à la Russie, et peut-être à l'été."
10:35 -Le problème, c'est qu'il faut des Russes en face.
10:38 C'est ça, la discussion. Il faut qu'il y ait en Russie
10:41 un camp de la négociation, et on le sent pas,
10:44 après, c'est opaque, mais on sent pas
10:46 que dans le discours public et semi-public,
10:49 au contraire, il y a une tentative d'aller le plus loin possible
10:52 et ils ont beaucoup à perdre en tant que régime,
10:55 en tant que Vladimir Poutine,
10:57 d'une négociation qui acterait leur non-victoire.
11:00 -La seule chose, c'est sur le terrain.
11:02 C'est le seul terrain qui peut amener ou pas.
11:05 -L'échauffement diplomatique, si je peux employer ce terme,
11:08 il est prévu, puisque le 15 et 16 juin,
11:11 il y a cette conférence en Suisse,
11:13 dans la foulée du sommet du G7 en Italie.
11:15 Donc faites le calcul, mai, mi-juin,
11:18 peut-être est-on à l'aube de quelque chose.
11:21 -Nicolas, le regard des dessinateurs de presse
11:23 sur ce premier thème ?
11:25 -Je vais vous montrer quatre dessins.
11:27 Je vais commencer par un dessin de Job Bertram,
11:29 qu'on voit souvent dans cette émission,
11:32 qui est un dessin paru aux Pays-Bas,
11:34 où on voit l'aide des 60 milliards
11:36 qui arrive en pleine poire de Vladimir Poutine.
11:39 Ce que j'adore, c'est le regard de Poutine
11:41 qui semble fixer les yeux de la mouche
11:43 comme si ça lui tombait dessus, avec le Z sur la cravate.
11:46 Il y a toujours des petits détails qui tuent,
11:49 comme on se dit dans les dessins de Bertram.
11:51 C'est un dessin très beau, très visuel, très parlant.
11:54 Ensuite, un dessin d'Ubrovski, un dessinateur ukrainien,
11:57 qui est un dessin très intéressant aussi,
12:00 parce que vous avez un effet miroir
12:02 entre le missile russe et le brancard,
12:04 qui a une forme de billet de 100 dollars.
12:06 C'est un dessin qui se passe de commentaires
12:09 et qui est très beau, je trouve.
12:11 Regardez la tête du brancardier au-dessus,
12:13 qui n'est pas rassuré.
12:15 Et puis, deux dessins par rapport à ce qui pourrait se passer après.
12:19 C'est très logique, on va le voir.
12:20 Enfin, voilà, je lui ferai rembourser tout,
12:23 parce qu'on se pose la question de ce qui va se passer
12:26 si jamais Donald Trump était retourné à la Maison-Blanche.
12:29 Et dans le même ordre d'idées,
12:31 un dessin du français Rodot, qu'on va voir,
12:34 qui est aussi... La livraison est gratuite,
12:36 mais il faut le signer de bon de garantie de victoire.
12:39 Or, le bon de garantie de victoire n'est pas acquis.
12:42 -Merci beaucoup, Nicolas.
12:43 Autre actualité très chargée cette semaine,
12:46 au Proche-Orient. Le chef du renseignement militaire israélien
12:49 a tout d'abord présenté sa démission en début de semaine,
12:53 assumant sa responsabilité dans l'échec à prévenir l'attaque
12:56 du 7 octobre. Démission dans un contexte
12:58 où Benyamin Netanyahou prépare son entrée dans Rafah.
13:01 Sur le terrain, la situation continue d'ailleurs
13:04 de se dégrader dans la bande de Gaza,
13:06 ce qui donne lieu à de multiples manifestations
13:09 un peu partout dans le monde, notamment sur des campus étudiants
13:12 aux Etats-Unis, mais aussi ici en France, à Sciences Po, Paris,
13:16 où il est important de revenir sur cette mobilisation étudiante.
13:19 On va peut-être évoquer cette démission en début de semaine
13:23 du chef du renseignement israélien, qui demande par la même occasion
13:26 la mise sur pied d'une commission d'enquête indépendante
13:30 comme un pied de nez d'Yad à Benyamin Netanyahou.
13:32 -Je pense que c'est les deux.
13:34 Je pense qu'il y a la question du 7 octobre,
13:37 qui, un jour ou l'autre, va remonter
13:39 dans l'actualité politique et judiciaire d'Israël.
13:42 C'est-à-dire, qu'est-ce qui s'est passé ?
13:45 Où est la faille ? Pourquoi ça a été un tel désastre militaire
13:48 et de renseignement ?
13:50 Ce monsieur prend probablement ses responsabilités,
13:53 mais il les prend en envoyant un message très direct
13:56 à Netanyahou en disant que c'est le premier des responsables
13:59 et qu'il doit parler et expliquer.
14:02 Tous ceux qui connaissent bien la situation politique israélienne
14:05 savent qu'à un moment ou un autre, cette société se posera
14:09 la question de ce qui s'est réellement passé
14:11 sur le plan, encore une fois, du renseignement militaire.
14:15 De la chaîne de commandement, de pourquoi il y a eu un désastre
14:18 comme le 7 octobre.
14:19 -Pourquoi aussi l'essentiel de l'armée ?
14:22 -Quand ça va sortir sur la table, les gens aux responsabilités
14:25 sont en danger.
14:26 -Benyamin Netanyahou ne veut pas de cette commission.
14:29 Il sera sans doute mis en cause
14:32 dans le cadre de cette enquête.
14:35 -Oui, on se souvient qu'au tout début,
14:38 dans les jours qui ont suivi le 7 octobre,
14:41 il y avait ces premières affirmations
14:44 que c'est Netanyahou lui-même qui avait demandé
14:47 aux forces de sécurité d'être en Cisjordanie
14:49 et qu'il ne croyait pas à un soulèvement de Gaza
14:52 ou à quel tentaxe soit à Gaza.
14:55 On sait que Netanyahou est en première ligne.
14:57 Il y a de plus en plus d'observateurs
14:59 qui affirment tout simplement que Netanyahou est dans la guerre
15:03 parce que c'est la guerre qui lui donne une survie politique
15:06 et c'est une réalité.
15:08 Aujourd'hui, on se trouve dans une espèce d'impasse guerrière à Gaza
15:12 quand on a eu mal à comprendre les enjeux.
15:14 Les Israéliens disent qu'on continue
15:16 parce qu'on veut anéantir le Hamas.
15:19 On sait très bien que ça n'arrivera pas.
15:21 On a la question des otages qui est en train de remonter
15:24 avec cette vidéo, mais la pression de la rue.
15:27 -On va y revenir. -La pression de la rue.
15:29 Et on a une situation à Gaza qui est absolument catastrophique.
15:33 Il y a eu un témoignage récemment d'un soldat franco-israélien
15:36 qui disait qu'on ne voit plus rien à Gaza.
15:39 Il n'y a plus une seule fenêtre qui existe.
15:41 Tout est tombé.
15:43 Donc, on est dans cette espèce d'impasse guerrière.
15:46 La seule réalité du moment, c'est que Netanyahou,
15:49 une fois qu'on passe à autre chose,
15:51 il va avoir quelques comptes à rendre
15:53 et ça va être compliqué pour lui politiquement.
15:56 -Vous l'avez évoqué cette semaine.
15:58 On a vu cette vidéo d'un otage diffusé par le Hamas
16:01 qui a beaucoup remué la société israélienne.
16:03 Cet otage qui se présente comme Ersh Goldberg-Pauline
16:06 accuse Netanyahou d'avoir "abandonné les otages".
16:09 Ce message a été sans aucun doute enregistré sous la contrainte,
16:13 mais reflète quand même l'opinion
16:15 d'une bonne partie de la société israélienne.
16:18 -Bien sûr, mais on ne l'oublie pas,
16:20 mais on ne le dit pas assez,
16:21 mais il y a encore régulièrement
16:23 des très grandes manifestations à Tel Aviv
16:26 pour exiger la démission de Benyamin Netanyahou,
16:29 pour exiger la vérité sur ce qui s'est passé le 7 octobre.
16:32 Ce chef du renseignement qui vient de démissionner,
16:35 la question maintenant, c'est "est-ce qu'il va parler ?"
16:39 C'est une chose, mais que va-t-il dire ?
16:41 Va-t-il lâcher des informations
16:43 qui seraient éventuellement très défavorables
16:46 au gouvernement de Netanyahou
16:47 et à la coalition qui était en place au moment du 7 octobre ?
16:51 Et sur l'affaire des otages, la réalité est effectivement celle-ci.
16:55 Aujourd'hui, le gouvernement israélien a décidé,
16:58 plus ou moins quand même, de sacrifier les otages
17:01 à la logique militaire justifiée par la nécessité
17:03 de l'élimination totale du Hamas.
17:06 Les familles sont absolument furieuses
17:08 parce que la médiation du Qatar a disparu,
17:10 on ne la voit plus, il y a eu les événements avec l'Iran,
17:13 entre-temps, donc oui, c'est une logique guerrière,
17:16 Netanyahou n'en a pas d'autres, il n'en a pas en rechange.
17:20 Le problème, c'est que sur un tel brasier,
17:22 on peut toujours trouver une raison de poursuivre l'incendie.
17:26 -Et lui, pendant ce temps,
17:27 on prépare toujours son offensive sur Rafa,
17:30 il le répète tous les jours.
17:31 Il y a des officiels israéliens qui disent que les négociations
17:35 notamment sous la médiation de l'Egypte
17:37 sont un peu les négociations de la dernière chance avant Rafa.
17:41 -C'est mystérieux parce que d'abord,
17:43 on annonce cette offensive depuis des jours et des jours.
17:47 Donc ce n'est pas très militaire comme approche,
17:49 on ne dit pas plusieurs jours à l'avance,
17:52 "Voilà ce qu'on va faire."
17:53 Donc je pense qu'il y a quand même une discussion triangulaire
17:57 entre probablement une partie de l'armée,
17:59 de l'establishment militaire,
18:01 qui doit avoir un certain nombre de points à poser.
18:04 -On a une ambition politique d'aller mener la guerre
18:07 jusqu'au bout, et je pense qu'il y a les Américains
18:10 qui sont emberlificotés littéralement,
18:12 le mot est un peu faible dans cette histoire,
18:15 dans leur soutien, mais en même temps,
18:17 l'opinion publique, leurs étudiants, les élections,
18:20 et en même temps, des images qui sont dévastatrices
18:23 parce que les charniers, les bombes qui tombent sur des maisons,
18:27 tout ça, ça ébranle réellement l'opinion,
18:31 si elle existe, l'opinion internationale.
18:34 Donc on sent qu'on est dans ce moment extrêmement complexe,
18:37 est-ce qu'on va jusqu'au bout ?
18:39 Et puis, Rafa, c'est pas si simple, encore une fois.
18:42 On peut faire ce qu'on a fait dans toute la bande de Gaza,
18:45 c'est-à-dire on peut la raser d'abord et aller voir ce qui se passe,
18:49 mais il y a plus d'un ou deux millions de Palestiniens
18:52 qui sont là, donc on peut pas les exfiltrer.
18:54 Les Égyptiens n'accepteront pas d'ouvrir les portes
18:57 sauf à s'humilier historiquement pour la nuit des temps.
19:01 Donc il y a un problème.
19:02 Et comme toute autre option n'est pas sur la table,
19:05 c'est-à-dire une discussion, un début de sortie,
19:08 les otages, un deal, ça,
19:11 et puis il y a la carte Hamas aussi,
19:13 parce qu'on en parle moins,
19:15 mais les gens du Hamas sentent aussi
19:17 que l'opinion probablement globale est en train de bouger,
19:21 et donc ils font monter leur...
19:23 Ils jouent leur dernière carte
19:24 pour essayer d'obtenir le maximum d'Israël,
19:27 et ils ont publié, ils ont sorti des textes
19:29 dans les 3-4 derniers jours,
19:31 et c'est pas ce que nous proposons.
19:33 C'est inacceptable pour les Israéliens,
19:35 mais le goût ferait-il encore qu'on se dise
19:38 "Qu'est-ce qui va arriver ?"
19:39 La fameuse jetée...
19:41 Les convois humanitaires, tout ça est pathétique.
19:44 Les gens voient les images à la télé, tout ça est pathétique.
19:47 -On va revenir dans ce contexte de guerre à Gaza,
19:50 sur ces troubles et cette mobilisation pro-palestinienne
19:53 sur les campus américains, mais pas que,
19:55 ici à Sciences Po Paris, en tout cas aux Etats-Unis.
19:59 Des personnes ont été interpellées cette semaine
20:01 sur le campus de USC, à Columbia University,
20:05 les cours sont momentanément suspendus,
20:08 ou en visioconférence,
20:09 pour des raisons de sécurité.
20:11 Les manifestations se multiplient sur d'autres campus
20:14 à travers le territoire,
20:16 et donc, je vous le disais, mobilisation également.
20:19 On va écouter un étudiant américain
20:21 de l'université George Washington
20:23 et deux étudiants de Sciences Po.
20:25 -Je préfère être présent pour vérifier devant
20:27 que, au chaud, dans une bibliothèque,
20:29 je pense qu'il y a des priorités politiques,
20:32 et que c'est important de montrer notre soutien.
20:35 -C'est ancré dans ce qu'on étudie,
20:37 dans ce qu'on pratique, c'est-à-dire
20:39 comprendre le monde, agir dessus.
20:41 -Il faut bien comprendre qu'il y a un génocide en cours,
20:44 une épuration ethnique.
20:46 Certes, il y a eu une attaque le 7 octobre,
20:48 mais elle ne sortait pas de nulle part.
20:50 Elle s'inscrit dans un contexte d'impérialisme brutal
20:53 qui dure depuis des décennies.
20:55 -C'est un monde à l'air disproportionné.
20:58 Il n'y a aucun antisémitisme ici.
21:00 Nous aimons le peuple juif, mais ce n'est pas le peuple juste.
21:03 C'est Netanyahou et son gouvernement.
21:06 -Vous avez été surpris par l'ampleur que ça prend aux Etats-Unis ?
21:09 -Relativement surpris, parce que c'est vrai
21:12 qu'on a l'habitude d'avoir des positions américaines
21:15 assez alignées sur Israël, etc.
21:17 Il y a évidemment des prises de position sur les campus,
21:20 mais le fait que ça se propage comme ça,
21:22 ça a commencé à Columbia, puis Harvard,
21:25 puis l'Université de Pennsylvania,
21:27 puis c'est allé au Texas.
21:29 Austin, au Texas, c'est quand même très progressiste.
21:32 Quand on se balade au Texas, on va à Austin.
21:34 On se sent à l'aise, alors que c'est plus compliqué ailleurs.
21:38 C'est en Californie.
21:39 Ce qu'il y a, c'est qu'il y a une crainte aussi,
21:42 parce qu'il y a une espèce de spectre
21:44 de ce qui s'est passé en 68.
21:46 Il y a une co-comitance à la fois de temps, de lieu.
21:49 En 1968, pendant la guerre du Vietnam,
21:52 ce sont les étudiants qui sont venus
21:54 et qui sont allés à la Convention démocrate à Chicago
21:57 et qui ont mis le chaos dans cette Convention démocrate.
22:00 Cette année, la Convention démocrate,
22:03 elle est à Chicago.
22:04 Donc, il y a clairement une appréhension
22:07 de la part de Joe Biden.
22:08 On le voit, Joe Biden, à chaque fois qu'il est interrogé
22:11 sur la question, il est très gêné.
22:14 Il répond en une phrase, en une phrase et demie,
22:16 et puis il s'en va.
22:18 Il ne sait pas quoi dire, quoi faire.
22:20 Il appelle à la liberté d'expression.
22:23 -Les présidents d'universités non plus,
22:25 entre évacuation et tolérance.
22:27 -On a aussi ce débat, qui est différent de l'Europe,
22:30 sur la liberté d'expression.
22:32 La liberté d'expression aux Etats-Unis peut aller loin.
22:35 Sauf que si on appelle au génocide ou à tuer la population juive,
22:39 il y a des limites.
22:40 On a vu que même les présidents d'universités
22:43 ne savaient pas comment se positionner.
22:45 C'est un problème politique clair pour les démocrates.
22:48 Ils sont en train de se faire déborder.
22:51 On voit quelque chose qui est en train de monter.
22:53 Comme je le dis, c'est une année électorale.
22:56 Si on voit arriver des dizaines de milliers d'étudiants
22:59 à la Convention démocrate de Chicago,
23:01 ça risque de poser des problèmes.
23:03 -C'est une sorte de piège politique pour Joe Biden
23:06 dans le contexte de la course à la présidentielle ?
23:09 -C'est difficile, ça va être compliqué.
23:11 J'y suis passé, cet après-midi, à Sciences Po.
23:15 Moi, ce qui me frappe, c'est que, pour l'instant,
23:19 cette protestation, elle est bien tenue.
23:22 On ne sait pas trop qui la tient,
23:24 mais elle est bien organisée,
23:26 elle n'est pas haineuse.
23:29 Il y a des paroles extrêmement dures
23:31 contre le gouvernement israélien,
23:33 comparées à ce qu'on a entendu chez cette étudiante américaine,
23:36 accuser le gouvernement israélien de génocide, etc.
23:39 Au moment où j'étais là, par hasard,
23:41 un représentant du CRIF,
23:43 du Conseil représentatif des institutions juives de France,
23:46 est venu parler avec les étudiants.
23:49 Donc, de ce point de vue-là,
23:51 je trouve que, pour l'instant, l'affaire est maîtrisée en France.
23:55 On n'est pas dans une phase, je dirais, insurrectionnelle.
23:58 C'est pas ce que j'ai vu.
23:59 -Ziad, un dernier mot ?
24:01 -Ce qui est historiquement et politiquement parlant,
24:04 c'est que la cause palestinienne n'a jamais été une cause
24:07 aux Etats-Unis.
24:08 C'est-à-dire, bon, voilà, il y a un problème au Moyen-Orient,
24:11 les étudiants se mobilisaient sur toutes sortes de choses,
24:15 mais pas sur la question palestinienne.
24:17 Il y a quand même cette translation,
24:19 c'est-à-dire que la cause palestinienne
24:21 est devenue une cause étudiante
24:23 sur des questions de décolonialisme,
24:26 sur des questions d'impérialisme, etc.
24:28 Donc, on est vraiment dans un registre
24:31 de changement d'époque et de changement du monde
24:33 porté par des étudiants qui ont adopté cette lutte palestinienne
24:37 alors qu'elle est totalement étrangère à leur culture politique.
24:40 Ça fait 70 ans que ça dure.
24:42 On n'a jamais spécialement manifesté pour les Palestiniens.
24:46 - Il y a quelque chose qui réverbère un peu partout.
24:48 C'est-à-dire que ces Palestiniens deviennent,
24:51 malgré eux et dans leurs souffrances,
24:53 les porte-parole de ce qui ne fonctionne pas,
24:56 de ce qui reste du colonialisme, de l'impérialisme.
24:59 Le Kéfi est redevenu.
25:00 C'est des images que certains d'entre nous se rappellent.
25:03 Le Kéfi est révolutionnaire.
25:05 Moi, ça me fait penser un peu, on en parlait un peu avant,
25:08 à l'Afrique du Sud.
25:09 Comment l'Afrique du Sud était rentrée dans les campus américains,
25:13 il y a quelque chose qui ressemble à ça
25:15 et qui doit beaucoup gêner aussi en Israël.
25:17 Parce que si l'opinion publique américaine
25:20 venait à être modifiée,
25:22 si le rapport de force venait à être modifié,
25:24 c'est très ennuyant aussi pour les durs Israéliens
25:27 qui veulent mener leur plan de réalisation du grand Israël.
25:30 - Évidemment.
25:32 Nicolas, quel dessin sur cette actualité au Proche-Orient
25:35 et sur les campus ?
25:36 - Je vais vous montrer trois dessins qui sont tous les trois muets.
25:40 C'est extrêmement casse-gueule de faire des dessins
25:43 sur le conflit au Proche-Orient.
25:44 Je vais commencer par un dessin de Arendt Van Damme.
25:47 Les dessinateurs de presse, ça prend des expressions
25:50 au pied de la lettre.
25:51 "Être pris en tenaille", voilà ce qui se passe.
25:54 C'est les populations gazaouies qui sont prises en tenaille
25:57 à la fois par l'armée israélienne, mais aussi par le Hamas.
26:00 C'est très difficile de ne pas voir les bons et les méchants
26:04 et essayer de tout mettre dans un dessin,
26:06 ce qui est très bien fait ici par Arendt Van Damme.
26:09 C'est un dessin un peu naïf, mais qui est intéressant
26:12 et qui rebondit sur ce qui a été dit tout à l'heure.
26:15 Il ne faut pas croire que toute la population israélienne
26:18 est derrière Netanyahou.
26:20 Une bonne partie de la population israélienne
26:22 est contre Netanyahou.
26:24 J'ai des amis en Israël qui sont totalement anti-Netanyahou.
26:27 Il y a un an, les gens manifestaient dans la rue
26:30 contre Netanyahou.
26:31 C'est un dessin un peu naïf qui montre qu'au-delà
26:34 des discours haineux des dirigeants palestiniens ou israéliens,
26:38 il y a un peu d'amour.
26:39 Vous remarquez l'effet miroir qu'il y a
26:41 parce que le gars à gauche a la même tête que le gars à droite.
26:45 Et dernier dessin de Hamein Alaa Barraï,
26:47 dessinateur d'Arabie saoudite,
26:49 qui est très beau, un dessin très simple,
26:52 mais qui montre l'impasse des réfugiés à Rafah.
26:55 C'est un dessin très puissant car il ne montre rien.
26:58 Moins un dessin montre des choses, plus il est efficace.
27:01 Ce dessin ne montre pas de sang, mais il est diablement efficace.
27:04 - Merci beaucoup, Nicolas, pour ces dessins très parlants.
27:08 On le disait, le grand discours sur l'Europe
27:10 d'Emmanuel Macron à la Sorbonne, 7 ans après son premier discours
27:14 fleuve au même endroit, il y a un mois et demi,
27:16 ça ne vous a pas échappé des Européennes,
27:19 alors que le contexte a changé en pleine guerre en Ukraine.
27:22 Le président de la République s'est voulu alarmiste.
27:25 On va l'écouter.
27:26 -Le risque est immense d'être fragilisé,
27:30 voire relégué,
27:32 parce que nous sommes dans un moment inédit
27:34 de bouleversement du monde,
27:36 d'accélération de grandes transformations.
27:39 Et mon message d'aujourd'hui est simple.
27:42 Paul Véléry disait au sortir de la Première Guerre mondiale
27:46 que nous savions désormais que nos civilisations étaient mortelles.
27:50 Nous devons être lucides sur le fait que notre Europe,
27:54 aujourd'hui, est mortelle.
27:56 Elle peut mourir.
27:59 Elle peut mourir,
28:01 et cela dépend uniquement de nos choix.
28:06 Mais ces choix sont à faire maintenant.
28:09 Parce que c'est aujourd'hui que se joue la question
28:12 de la paix et de la guerre sur notre continent
28:14 et de notre capacité à assurer notre sécurité ou pas.
28:17 -Fabrice, tout d'abord sur la forme,
28:19 nouveau discours Fleuve, de près de deux heures,
28:22 auquel il est coutumier, avec beaucoup d'emphase.
28:25 Ca aussi, c'est sa marque de fabrique.
28:27 Qu'avez-vous pensé de la forme ?
28:29 -C'est un discours de campagne, on va le dire comme ça.
28:32 C'est un discours de campagne européenne
28:35 et un discours de campagne politique française.
28:37 Le message est double.
28:39 Il y a le fait qu'Emmanuel Macron, en 2017,
28:42 s'était un peu lancé à travers cette...
28:44 On savait qu'à l'époque, il voulait devenir
28:47 le leader de l'Europe.
28:48 Il envisageait déjà le départ d'Angela Merkel.
28:51 L'Europe est passée par l'Ukraine,
28:53 l'Europe est passée par le Covid.
28:56 Donc la France a joué un rôle.
28:57 Il reprend cet argument-là
28:59 et il refait de l'Europe un argument électoral
29:03 avec deux objectifs.
29:04 Le premier, c'est tout simplement
29:07 de ne pas être ridicule lors des élections européennes
29:10 jusqu'au 9 juin, puisqu'on sait
29:12 que sont partis les partis Renaissance et Renew.
29:14 -C'est mal parti.
29:16 -C'est mal parti. -Dix à quinze,
29:18 -Il peut se faire doubler par... -Avec l'Eurasie.
29:20 -Par le Parti socialiste,
29:22 qui, là, serait quand même une...
29:24 des bandades.
29:25 On peut dire ça comme ça.
29:27 Et puis, surtout,
29:29 s'il y a cet échec important aux Européennes,
29:33 ça présage mal un peu de ce qui va arriver après,
29:36 puisqu'on sait qu'au niveau français,
29:38 Emmanuel Macron est dans un pays
29:40 qui est fracturé, qui vient de passer
29:42 par la réforme des retraites, les débats sur l'immigration.
29:46 On imagine que s'il y a une claque électorale
29:49 en Europe,
29:50 eh bien, ça va aussi impacter le calendrier français.
29:53 C'est pour ça qu'on l'a vu si combatif,
29:55 si, j'allais dire, pas condescendant,
29:58 mais en tout cas grandiloquent.
30:00 Après deux heures, il a fatigué beaucoup de monde.
30:03 Il aurait dû faire plus court.
30:04 -Richard, une dramatisation des enjeux,
30:08 c'est un bon pari pour mobiliser l'électorat ?
30:11 -Je ne sais pas.
30:12 Je ne sais pas, parce que ça entraîne
30:14 deux conséquences, ce type de discours et cette posture.
30:18 La première conséquence, c'est que tout le monde a en tête,
30:21 c'est "Et maintenant, on fait quoi et comment ?"
30:24 Au fond, l'aspect faire a été complètement oublié du discours.
30:27 Et donc, c'est une donnée quand même
30:30 qui n'est pas négligeable,
30:31 quand vous savez que l'Europe est à 27
30:33 et n'est pas seulement française.
30:35 -Il a répété son projet d'Europe de la défense.
30:38 -Vous avez remarqué qu'il n'y avait pas de dirigeant européen
30:42 à ce discours.
30:43 -Le timing était mauvais.
30:44 -Il y a eu un tweet de Olaf Scholz.
30:47 Mais la question se pose, c'est qu'Emmanuel Macron,
30:50 combien de divisions ?
30:51 La deuxième chose, c'est qu'il y a un côté angoissant
30:54 à ce type de discours.
30:56 A force de répéter "l'Europe est mortelle",
30:59 il va faire le sursaut qui va la conduire à rivaliser,
31:02 à pouvoir redevenir l'égal des Etats-Unis ou de la Chine,
31:05 beaucoup d'entre eux n'y croient pas.
31:07 Le grand risque, c'est d'abandonner
31:09 tous ceux qui ont des doutes.
31:11 Il y a une espèce d'avant-garde macroniste européenne.
31:14 Et tous les autres, ils vont voter pour qui ?
31:17 Quand on regarde les sondages, on a l'impression
31:20 que beaucoup de gens sont tentés de voter
31:22 pour le RN.
31:23 -Au-delà de la nécessité de cette Europe puissance
31:27 qu'il a vantée, après l'Europe souveraine
31:29 qu'il avait décrite il y a sept ans,
31:31 il y a aussi cette idée d'Europe prospère
31:34 qu'il a aussi mise en valeur face notamment à la Chine.
31:38 Il a aussi beaucoup parlé des enjeux économiques.
31:41 Ça, pour le coup, ça parle aux Français.
31:45 -J'ai trouvé mes deux amis un peu sévères.
31:47 Il y a quand même une permanence dans son discours.
31:50 Il est un des rares chefs d'Etat européens,
31:53 depuis qu'il est là,
31:54 qui dit que le système est foutu,
31:56 le système est vieux, fatigué,
31:58 ne répond pas aux enjeux du siècle.
32:01 Si vous voulez qu'on continue, il faut le changer.
32:03 Peut-être, je suis d'accord,
32:05 c'est très cynique et très politique,
32:08 mais en même temps, il dit souveraineté,
32:11 il dit rénovation,
32:12 parce qu'on est basé sur un truc très ancien,
32:15 le marché unique.
32:16 Là, on parle de politique de la défense,
32:19 d'investissement commun.
32:20 -C'est depuis sept ans qu'il en parle.
32:23 -Il n'a pas complètement tort.
32:25 Les Chinois n'ont aucune règle.
32:27 Les Américains, s'ils peuvent prendre des parts de marché,
32:30 ici ou ailleurs,
32:32 s'ils font des plans d'investissement massifs,
32:35 qui seraient illégales en Europe,
32:37 ou s'ils peuvent exporter des voitures électriques,
32:40 ils le feront.
32:42 Tant qu'on n'est pas ensemble, c'est bizarre.
32:44 Je ne vois pas l'alternative.
32:46 C'est vrai qu'on est 27,
32:48 mais c'est quoi, l'alternative à ce projet ?
32:51 Les Chinois se battent contre les Américains,
32:54 contre les Russes, tout seuls ?
32:56 -Non, l'alternative, c'est l'immobilisme.
32:59 -C'est pour ça que c'est pas mal.
33:01 -Il y a une autre alternative.
33:03 Ce serait qu'Emmanuel Macron fasse le même discours,
33:06 mais avec 15 ou 10 dirigeants européens à ses côtés,
33:10 et qu'il passe le micro à l'un ou l'autre
33:13 qui poursuive les propos.
33:14 -Ca durerait 6 heures.
33:16 -L'Europe n'est pas française.
33:18 -Là, la difficulté, c'est que c'est moi tout seul devant.
33:22 Mais c'est pas comme ça que ça se passe.
33:24 -Il y a toujours eu des leaders à un moment ou à un autre
33:28 qui ont imprimé un élan.
33:30 Après, au moins, les Allemands ont dit
33:32 que ce n'était pas inintéressant,
33:34 mais c'est déjà mieux que rien du tout.
33:37 Je trouve que, franchement,
33:39 je pense qu'il faut bien que quelqu'un prenne la parole.
33:42 Après, que ça s'embourbe,
33:44 qu'il faut la réformer,
33:46 que 27, c'est pas possible.
33:48 -C'est un peu la tête, mais là, il y a une prise de parole.
33:51 -Nicolas, les dessins.
33:53 -3 dessins français.
33:54 Un premier dessin très drôle de Hurbst.
33:57 On voit souvent ses dessins dans cette émission.
34:00 "Tu t'habilles comment pour les objets du 9 juin ?"
34:03 Je trouve ça drôle.
34:05 Il dessine vite.
34:06 Je suis jaloux, il arrive à faire des dessins en 3 minutes.
34:10 Un dessin de Truand, qui est très drôle aussi,
34:13 puisqu'il prend pied de la lettre.
34:15 Ce sont les affiches de campagne de Valéry Hayé qui se décollent.
34:19 Et puis, un dessin de Kaac,
34:21 qui est non pas sur Macron, mais sur l'opposition.
34:24 La théorie du chaos, où on reconnaît Jean-Luc Mélenchon.
34:28 Ça lui va très bien d'être un joker.
34:30 Il est encore plus vrai que nature.
34:33 -Dernier thème ce soir d'une semaine dans le monde,
34:36 c'est nouvelles exactions contre des civils au Burkina Faso.
34:40 Au moins 223 civils, dont 56 enfants,
34:43 ont été exécutés le 25 février dernier
34:45 dans deux villages du nord du pays par l'armée burkinabée,
34:49 selon Human Rights Watch.
34:50 Des révélations plus de deux mois après les faits
34:53 et après la récolte de témoignages,
34:56 de 14 rescapés de ces tueries,
34:58 d'organisations internationales et de la société civile,
35:01 ainsi que de photos et vidéos.
35:03 Philippe Dame, directeur de plaidoyer à Human Rights Watch.
35:07 -On a collecté plus d'une quinzaine de témoignages
35:11 et des témoins de ces exactions
35:13 qui nous ont tous confirmé les mêmes messages.
35:16 Plus d'une centaine de membres des forces spéciales
35:19 de l'armée burkinabée ont fait irruption dans les villages
35:22 et ont réuni et exécuté un grand nombre de civils.
35:26 On parle de plus de 200 civils, dont plus d'une cinquantaine.
35:29 On voit le caractère sommaire et délibéré de cette attaque.
35:33 C'est l'une des pires exactions que l'armée burkinabée
35:37 a pu commettre.
35:38 Mais ce n'est pas la première, puisqu'on a vu une litanie
35:41 de ce type de crimes au Burkina Faso.
35:44 Il faut ajouter que les groupes islamistes armés
35:47 eux-mêmes commettent des exactions massives
35:50 contre les populations civiles.
35:52 Ca a atteint un niveau de gravité et de caractère systématique
35:56 que nous considérons qu'il s'agit probablement
35:59 d'un niveau de crime qui atteint les crimes de guerre.
36:02 -Il y a des récits absolument glaçants
36:05 sur les institutions indiscriminées de civils.
36:08 -C'est une tragédie pour les populations,
36:10 parce qu'elles sont prises en tenaille
36:13 entre des militaires qui les assument
36:15 à l'ennemi invisible qui occupe le Nord
36:18 et les djihadistes qui essayent de les infiltrer en permanence
36:22 pour contrôler ce fameux Nord.
36:24 Il y a des populations civiles au milieu
36:26 qui sont prises et qui sont massacrées.
36:29 C'est là qu'il y a une responsabilité
36:31 de l'Etat burkinabée, qui est dirigée par une jeune,
36:34 et on voit bien que ce process de la jeune,
36:37 qui est censé résoudre tous les problèmes
36:40 et mener le pays de victoire en victoire,
36:42 ça ne fonctionne pas mieux, voire pire,
36:45 que la situation précédente, où des pouvoirs civils
36:48 étaient amenés à pouvoir négocier, à discuter,
36:51 et où une armée était sous contrôle.
36:54 On sent que les gars débarquent, ils tirent dans le tas,
36:57 on fera le tri des djihadistes.
36:59 Il faut noter le boulot des associations
37:02 de type Human Rights Watch,
37:03 c'est un vrai travail d'enquête.
37:05 – Il y a des enquêtes qui sont lancées à chaque fois
37:09 qu'il y a ce genre d'exaction, mais on peut dire
37:12 que c'est l'infinité totale jusqu'à présent ?
37:14 – Au moins on sait, et peut-être que ça provoquera
37:18 un jour des poursuites, et surtout ça montre à quel point
37:21 cette théorie que des jeunes militaires,
37:24 je parle du Niger, je parle du Burkina,
37:26 je parle du Mali, que des jeunes militaires
37:29 par ces méthodes barbares, ça ne marchera pas.
37:33 – Les civils, effectivement, pris entre deux feux,
37:36 donc l'armée, les djihadistes ?
37:38 – Oui, c'est l'engrenage du pire qui commence à s'accélérer,
37:42 parce que de toute manière, ce type d'opération,
37:45 si elle a bien été menée par le force spéciale,
37:48 et encore Human Rights Watch, c'est incontestable,
37:50 bien évidemment, ce sera exploité par les djihadistes.
37:53 Et ils auront là un argument de plus pour dire
37:57 que les populations sont opprimées et sont visées par l'armée,
38:00 ça nous conduit quand même à des situations
38:02 dont aujourd'hui on ne voit pas comment on s'en sort.
38:04 – On a appris d'ailleurs dans ce contexte
38:06 que les médias britanniques et américains,
38:07 BBC et Voice of America avaient été suspendus
38:11 pour deux semaines au Burkina, après avoir justement diffusé
38:14 ces informations de Human Rights Watch, là aussi, ça devient classique.
38:18 – Déjà, saluer le fait qu'on en parle,
38:20 parce qu'on n'en parle pas suffisamment.
38:22 – C'est pour ça qu'on en parle ce soir.
38:23 – Voilà, exactement, et j'ai lu le rapport d'Human Rights Watch,
38:27 mais de l'année 2023, quand on regarde ce qui s'est passé en 2023,
38:30 c'est quasiment tous les jours,
38:32 il y a des déplacements de populations et des exactions.
38:34 – Oui, et pour les exactions qu'on sait.
38:36 – Voilà, des exactions de tous les côtés,
38:38 on l'a dit, des groupes islamistes, soit rattachés à l'al-Qaïda,
38:41 soit rattachés à l'État islamique, qui descendent sur les populations.
38:46 Les militaires plus les milices formées par les militaires,
38:49 donc on est encore à des degrés de dérapage incontrôlé,
38:52 et on voit bien que, depuis l'arrivée de l'agent de pouvoir
38:57 à fin 2022, le départ des Français, etc., rien n'est résolu,
39:02 et là on a l'impression d'être dans un drame absolu.
39:04 – Et dans ce contexte, il y a les voix critiques, disons,
39:07 dans le pays sont tues, voire disparaissent aussi, parfois ?
39:11 – Au contraire, c'est-à-dire qu'on va vers un durcissement,
39:14 au Burkina c'était acté, au Mali c'est acté,
39:17 dissolution, enfin interdiction de tous les partis politiques,
39:19 ils organisent la société.
39:20 Faut quand même savoir que c'est des sociétés très vivantes,
39:23 c'est-à-dire des sociétés très politisées,
39:25 il y a des organisations civiles, il y a des partis, il y a des syndicats,
39:29 donc il y a un débat qui existe.
39:32 Il y a eu aussi l'effet ricochet des élections au Sénégal,
39:36 où on a vu qu'un changement radical de régime
39:41 pouvait intervenir par la voix des urnes,
39:43 et que cette nouvelle équipe au Sénégal
39:45 sera soumise au jugement des Sénégalais à un moment ou un autre,
39:47 et est-ce qu'ils vont y arriver ?
39:49 Donc ça, ça impacte la situation à Bamako,
39:51 ça impacte la situation à Ouaga et à Niamey,
39:55 mais il y a aussi le fait, excusez-moi,
39:59 du désintérêt assez massif, on va dire, l'Occident,
40:03 parce que je fais un raccourci, pour cette guerre au Sahel.
40:06 Si le téléfrançais était en avant-garde,
40:08 on les a mis dehors, qui va aider ces pays ?
40:11 Qui va financer ? Qui va former ?
40:13 Et pendant ce temps-là, encore une fois,
40:15 c'est les populations civiles qui meurent et qui trinquent tous les jours.
40:19 Nicolas, le mot de la fin, avec un dernier dessin ?
40:22 J'ai un dessin de Damien Aiglet, qui vit à Ouaga Dougou
40:25 depuis 30 ans, je crois, c'est assez courageux de sa part,
40:28 et qui continue à faire des dessins tout à fait critiques envers le pouvoir.
40:31 On voit ce dessin-là sur la liberté de la presse.
40:34 Il faut que vive les libertés d'expression et la presse
40:36 d'un président à République apaisée.
40:38 Vive le président.
40:39 C'est assez graphiquement intéressant,
40:42 et ça montre ce qui a été dit tout à l'heure
40:44 par rapport aux médias internationaux,
40:48 qui sont de plus en plus muselés là-bas par le pouvoir,
40:50 ce qui n'est jamais bon signe, et c'est ce qui est mis dans ce dessin.
40:53 Merci beaucoup, Nicolas, pour tous ces dessins.
40:55 Merci, Ziad, Richard et Fabrice,
40:58 d'avoir participé à Une semaine dans le monde ce soir.
40:59 Merci à vous tous d'avoir suivi cette émission.
41:01 A retrouver aussi sur notre site Internet,
41:03 en podcast et sur nos réseaux sociaux.
41:05 Restez sur France 24, on fait un point complet
41:08 sur l'actualité internationale dans quelques minutes.
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