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  • il y a 5 mois
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00:00C'est l'histoire d'une histoire qu'on ne raconte pas, ou alors pas beaucoup, pas à l'école en tout cas, ou dans la bouche des profs un peu déjantés.
00:09C'est l'histoire de la libération française, mais pas celle qu'on vous a dit.
00:14D'abord, il faut aller voir Léon Landini. Et pour aller voir Léon, il faut s'arrêter à la station Lucie Aubrac.
00:21Puis il faut marcher un peu aussi sur la place Lucie Aubrac.
00:24Ensuite, on passe à côté du portrait géant de Lucie Aubrac.
00:27Et tout petit à côté de la grande résistante.
00:30Après, on file dans une rue anonyme de Bagneux.
00:33Puis il faut rentrer dans une résidence HLM un peu paumée.
00:35Passer la porte verte hôpital d'un appartement.
00:39Il avait raison, Jacques Brel, sur la lavande.
00:42Les résistants, on en fait des portraits géants sur les murs quand ils sont morts.
00:46Puis les vivants, on ne veut pas en entendre parler.
00:49On les laisse crever en cachette, on attend qu'ils sèchent pour en faire une petite statue.
00:54Bien muette, bien immobile, pas résistante du tout.
01:20Parait qu'il y en a qui peuvent lire sur les mains.
01:23Ils auraient de quoi faire avec celles-là.
01:25Elles devaient trembler comme ça à l'époque.
01:27Peut-être même un peu plus.
01:29Avant de déboutonner la gabardine.
01:31Avant de retirer le cran d'arrêt sur la mitraillette.
01:33Avant d'appuyer sur la gâchette dans ce type en uniforme allemand.
01:36Alors quand on y regarde de près, on ne sait plus.
01:39Il y en a qui peuvent lire sur les mains.
01:41Ils auraient de quoi faire avec celles-là.
01:43Elles devaient trembler comme ça à l'époque.
01:45Peut-être même un peu plus.
01:47Alors quand on y regarde de près, on ne sait plus.
01:49C'est la vieillesse ou un hommage à ces moments d'histoire que ces mains vivent encore comme ça sur la cafetière.
01:55Voilà les enfants, asseyez-vous.
01:58Et on l'en dit ni, il a 98 ans.
02:00Il vit ici tout seul dans son petit appartement.
02:03Le matin, il attend l'infirmière.
02:08Le soir, c'est la voisine qui vient parfois boire un petit café.
02:12La journée, il écrit des lettres aux gens du gouvernement le plus souvent.
02:15C'est à propos de l'époque où il faisait de la résistance.
02:17Mais pas n'importe laquelle, la plus dure.
02:19Parce qu'il y avait ceux qui faisaient du renseignement,
02:21ceux qui tiraient la langue dans le dos des nazis quand ils passaient.
02:24Lui, il était en guerrier urbaine.
02:28Et prenez votre café tranquille et vous vous sucrez comme vous voulez.
02:32Il se baladait en ville avec une équipe de 7 gammes, mitraillettes à la main,
02:35à la recherche d'un soldat SS pour le descendre.
02:38Le responsable du commando secret qu'il avait accueilli à l'époque l'avait prévenu.
02:41C'est un à trois mois d'espérance de vie.
02:45Léon il s'est fait choper au bout de deux mois.
02:48On avait tous peur, moi y compris.
02:50Et moi je le montrais pas.
02:53Moi je faisais un peu le bravache, qui n'a peur de rien,
02:56mais j'avais les mains qui faisaient ça.
03:00C'est là que Barbie est venue me voir.
03:02Donc Klaus Barbie...
03:04Il m'a souffleté, il m'a dit de donner le nom de mes copains.
03:08J'ai dit moi j'ai pas de copains.
03:11Et il a vu un gamin, il a dit bon avec quelques chiffres il va parler.
03:16J'ai pas dit un mot.
03:18Klaus Barbie, c'était un chef de sélection de policiers allemands.
03:21Il l'appelait le Boucher de Lyon.
03:23Mais rien à voir avec le commerce de proximité.
03:25Lui, c'était plutôt le crime de guerre.
03:27Il aurait participé à la déportation de 14 mille Juifs et résistants.
03:30Pendant 40 ans, il s'est caché en Colombie.
03:32Non merde, il s'est caché en Colombie.
03:34C'est la police je crois.
03:37Bref, quelque part en Amérique du Sud.
03:39Et il est resté célèbre en France,
03:41parce que c'est un journaliste français qui avait participé à son arrestation
03:44en lui tendant un piège pendant une interview.
03:49A la grande surprise du journaliste,
03:51Altman rétorque sans la moindre hésitation en allemand.
03:54Je ne suis jamais allé à Lyon.
03:56L'homme a parfaitement compris la question
03:59qui vient de lui être posée dans une langue qu'il n'est pas censé connaître.
04:03J'ai eu 200 fois ce moment de la boîte crânienne.
04:05Le nez écrasé, les couilles écrasées.
04:07J'avais une cloison d'Assam qui pendait ici.
04:10Mais à coups de poing, coups de pied, j'étais par terre.
04:13Des coups de pied dans les côtes, dans les couilles.
04:15Il y en avait deux qui me tenaient.
04:17Un d'un côté, les jambes écartées,
04:19et l'autre qui tirait les coups de pied dans les couilles, au milieu.
04:21Dans les texticules, pardon.
04:23Quelle confiance aviez-vous dans la population civile pour vous protéger ?
04:28Eh bien, quelques jours avant le débarquement,
04:35les Anglais avaient bombardé la banlieue de Lyon
04:40et Pétain était venu,
04:42et des dizaines de milliers de personnes
04:44qui applaudissaient Pétain dans les rues et partout.
04:47Comment pouvions-nous faire confiance à ces gens-là ?
04:51Où est-ce qu'ils sont passés, ces gens-là, après la libération ?
04:54Ils étaient tous résistants.
04:57Alors, quelle confiance !
05:01Waouh ! Il ne faut pas avoir le vertige.
05:04Je veux dire, quand on se demande
05:06où sont passés tous ces gens qui applaudissaient Pétain,
05:09il ne faut pas avoir le vertige.
05:11Chez les Landini, on se passe la résistance
05:13comme ailleurs on se passe les colliers de l'arrière-grand-mère.
05:16C'est le petit bijou de la famille.
05:18Originaire d'Italie, ses parents lui faisaient téter du lait rouge, comme il dit,
05:21du lait de communiste.
05:23Son père, à l'époque, il résistait déjà contre le gouvernement fasciste.
05:26J'étais dans le village de mon père.
05:28Une femme qui était sur un petit hologène, elle me dit
05:31« Tu vois les trous qu'il y a dans le mur en face ? »
05:34Je lui dis « Oui, c'est quand les fascistes tiraient ton père. »
05:37Il a déserté la guerre de 1914.
05:39Il a dit qu'il ne voulait pas défendre les intérêts des grands seigneurs.
05:42Au bout de quelques temps, il a été arrêté.
05:44Et le président du tribunal lui dit
05:46« Monsieur Landini, qu'est-ce que vous avez à dire pour votre défense ? »
05:49Il dit « Monsieur le Président, je veux que vous sachiez
05:52que je suis d'une trempe qui rond, mais ne plie pas.
05:55Parce que si demain j'avais l'honneur d'être membre d'un tribunal du peuple,
05:59pour les gens de votre espèce, ce serait tous la peine capitale. »
06:02Il en a pris pour 20 ans.
06:05Ça veut dire quoi la bonne route ?
06:07À l'époque, la loi, c'était de tuer et de déporter des gens pour rien.
06:10Alors Léon, pour être sur la bonne route,
06:13il a dû passer par des chemins clandestins.
06:17On a commencé, nous autres, à faire les grands,
06:21à coller dans Saint-Raphaël des étiquettes.
06:24Peut-être tu as trahi la France, du pain et du travail, enfin...
06:29Et comme on était très intelligents,
06:32on est allés comme ça, sur la porte du commissariat.
06:35Ils avaient 14 ans quand même.
06:40Gilda Landini, la fille de Léon.
06:42La vie de son papa, elle la connaît par cœur.
06:44Elle est historienne.
06:46Elle a même fait un bouquin sur l'histoire des Landini, ça s'appelle Le Fil Rouge.
06:50L'artisanat familial de la Résistance a survécu dans ses sautiments,
06:53ses frétiments, ses impatiences.
06:55S'il y avait une guerre, elle refoutrait la gabardine.
06:58C'est son père, avec du rouge à lèvres.
07:04Là aujourd'hui, on a un bourrage de crâne absolument invraisemblable
07:08de la part de tous les médias, de nos livres scolaires,
07:11de nos historiens officiels,
07:13parce que t'as les historiens officiels qui ont accès à tous les plateaux télé,
07:17puis t'as ceux comme moi, qu'on n'entend jamais.
07:20On a une véritable hégémonie culturelle aujourd'hui,
07:23du capitalisme,
07:26qui fait qu'ils ont tout dans les mains
07:29pour arriver à ce que les gens puissent croire ce qu'on veut leur faire croire.
07:34C'est-à-dire que si tu arrives, toi en tant qu'historienne,
07:37ayant fait des recherches, ayant des archives, etc.,
07:39pour démontrer le contraire,
07:41mais tu te fais vraiment incendié.
07:44Dans les histoires de Léon,
07:46il y a un parfum qui nous dit quelque chose.
07:49Mais on se demande ce qui a dû être le plus dur.
07:51Descendre les Allemands,
07:53ou se convaincre de plus croire aux affiches de propagande dans la rue.
07:56Résister à la pression médiatique.
07:58Être sûr que ce qu'ils disent, c'est des conneries.
08:00Croire à quelque chose d'autre, presque tout seul, même tout seul.
08:05Parce que ça a l'air évident aujourd'hui.
08:07Les décorations, les cours d'histoire géo,
08:09les cérémonies à l'Élysée et tout ça.
08:11Mais tiens, pour se rendre compte un peu du courage qu'il a fallu à l'époque
08:14pour foutre cette gabardine.
08:16On se flippe tous de parler de ce qui se passe en Palestine.
08:19Mais quand on arrive au point de rentrer,
08:22psychiquement on est prêt.
08:24Sinon on ne rentre pas.
08:26Toutes les opérations étaient des choses extraordinaires.
08:30Mais la pire de toutes,
08:33c'était d'abattre un homme en bout portant.
08:35Ça s'appelle patrouiller en ville.
08:37Patrouiller en ville, ça voulait dire
08:39il faut abattre un Allemand.
08:40Il faut qu'ils aient peur.
08:41Il ne faut pas qu'ils soient un pays conquis.
08:43Donc il faut leur tirer dessus.
08:45Alors déjà, tuer, mon père l'a souvent dit,
08:48tuer ce n'est pas humain.
08:50Et papa l'a fait et ça l'a traumatisé pour le restant de ses jours.
08:54Quand on partait en patrouille avec comme but de tuer un Allemand,
08:58on souhaitait qu'on ne puisse pas en trouver.
09:01L'Allemand marche.
09:03Et quand on arrive devant lui, on lui coupe les deux.
09:05On lui coupe la route.
09:07Il ne comprend pas, il voit deux gamins de 18 ans.
09:09Il ne comprend pas ce qu'ils veulent.
09:11Quand il baisse les yeux, il s'aperçoit qu'on a le revolver devant lui.
09:15D'un seul coup, il comprend tout.
09:22Il veut essayer de crier.
09:24Il n'a plus la force de crier.
09:26On tire des fois trois fois de suite
09:29pour qu'il tombe, parce qu'il ne tombe pas.
09:31Et j'ai toujours entendu mon père dire
09:34qu'il était tellement tétanisé d'accomplir ce geste
09:38qu'il voulait juste faire « pam »
09:41et le truc était tel qu'il est parti en rafale.
09:45Et il m'a dit, je voyais les petits trous dans la chemise blanche
09:49et des nuits entières,
09:52ces petits trous dans la chemise blanche sont venus monter.
09:55Mais pour te situer, d'abord,
09:57je suis probablement aujourd'hui le seul FTP-MOI vivant.
10:02Alors nous y voilà. Allons-y.
10:05La FTP-MOI, c'est le nom d'une des unités de la résistance communiste.
10:09Elle a été créée pour conduire les guerriers urbains en France
10:11pendant l'occupation allemande.
10:12La partie la plus risquée de toute la résistance.
10:14FTP, c'est pour francs-tireurs et partisans.
10:17MOI, c'est pour main-d'œuvre immigrés.
10:19La FTP avait créé une section spéciale
10:21pour ses membres d'origine étrangère.
10:23Léon, comme il venait d'Italie,
10:25c'est comme ça qu'il a atterri là-bas.
10:29Mai 43, le 10, 11h45,
10:32dépôt d'une bombe à retardement sur le passage d'un détachement allemand au Bourget.
10:35Nombreux morts et blessés.
10:37Le 27, grenadage d'un détachement en rue de Courcelles.
10:40Nombreux morts et blessés. Un blessé génie.
10:43Les FTP-MOI qui étaient à Lyon,
10:45il y a eu à peu près 50% de nos camarades
10:48qui sont morts pendant la guerre.
10:50Les groupes FTP-MOI, les bataillons,
10:53s'appelaient Carmagnol, Liberté, Valmy,
10:58Champs-du-Départ, Marat.
11:01Ce ne sont que des noms de la Révolution française
11:03et ce sont tous des immigrés.
11:05Leur référence, c'était la Révolution française.
11:08C'étaient les idéaux de la Révolution française.
11:10Liberté, égalité, fraternité.
11:12C'est important parce que
11:14ces étrangers se retrouvaient sur ce sol de France
11:18qui correspondait aux idéaux qu'ils défendaient.
11:23Mais il y a un autre truc qu'il titille, Léon.
11:25Un autre truc qu'il gratte.
11:26Depuis des années, il se bat,
11:28il écrit des lettres à qui voudra bien les lire
11:30pour dire que ses actions,
11:31ce n'étaient pas les coups de quelques héros,
11:33ce n'étaient pas des initiatives individuelles,
11:34mais bien des luttes inscrites dans le cadre
11:36d'un vrai projet politique.
11:37Attention, je vais dire un gros mot.
11:39Le communisme.
11:41Pardon.
11:42Je pose la question suivante.
11:44Les noms de Maya Pulitzer et de Daniel Casanova
11:48et de Claude Vaillant, couturier, sont cités.
11:50Sans qu'une demi-ligne ne soit consacrée
11:53afin de rappeler qu'il s'agit
11:55d'un responsable national du Parti communiste.
11:57Pourquoi ?
11:58Je demande des réponses.
12:00Aucune réponse.
12:02C'est des pseudo-historiens
12:05qui écrivent en tant qu'historien.
12:07Ils écrivent une page, deux pages, trois pages.
12:09Oui, mais ce n'est pas que des pseudo-historiens,
12:10c'est l'histoire officielle.
12:11C'est l'histoire, par exemple, qu'on nous apprend.
12:13Mais c'est ça, justement, le problème.
12:16C'est que l'histoire qu'on apprend,
12:17ce n'est pas compliqué.
12:19Il n'y a qu'à demander, dans la rue,
12:21qui c'est qui a libéré la France ?
12:23La réponse, tu la connais.
12:25C'est les Américains.
12:28Ce n'est pas vrai.
12:30Ceux qui l'ont vécu,
12:31ils savent bien que ce n'est pas les Américains
12:33qui ont libéré la France.
12:35Les premiers tronfions qui ont débarqué,
12:37qui sont arrivés à Grenoble,
12:38ce n'étaient pas des Américains.
12:40Et les Américains, ils sont arrivés du Sud.
12:43Ils se sont arrêtés en cours de route.
12:46Quand ils sont rentrés dans Lyon,
12:48pratiquement sans tirer un coup de fusil.
12:51La libération, en fait,
12:52sans tirer un coup de fusil,
12:54ça paraît quand même un peu extraordinaire.
12:56Si tu as envie de mieux me connaître,
13:01tu le connais, lui, non, de nom ?
13:03Non ?
13:04Mais il n'y a pas son nom.
13:05Il est où, son nom ?
13:06Justement, je ne le trouve pas.
13:07Ah, Laurent Wauquiez.
13:09Qu'est-ce qu'il a dit, Lolo ?
13:11Laurent Wauquiez.
13:13Tu n'as qu'à voir ce qu'il dit
13:14de ce pauvre vieux couillon.
13:15Vous êtes une figure de la résistance
13:17qui a sauvé la France de l'oppression
13:18et de la barbarie.
13:19Mais excuse pour ce que vous ne devez voir autrement
13:23que comme un oubli.
13:25Pourquoi il s'excuse ?
13:26Qu'est-ce qu'il a oublié encore, Laurent ?
13:28Le 21 février prochain,
13:29Missak Manouchian entrera au Panthéon.
13:32Vous savez, c'est le chef des 23 fusillés
13:33de la célèbre affiche rouge.
13:35Le terroriste qui faisait des attentats, là.
13:37Il savait faire, à l'époque, en propagande aussi.
13:40Manouchian, c'était un membre de la MOI aussi.
13:42Mais lui, il agissait à Paris.
13:44Et comme Lyon, c'est le dernier FTP-MOI vivant,
13:46ça aurait été normal pour lui d'être invité.
13:48Mais je crois que de toute façon,
13:49ils n'ont pas prévu de parler de la MOI à la cérémonie.
13:51Juste du fait qu'il était arménien.
13:52Exactement comme sur l'affiche rouge, tiens.
13:55Chacun ses hommages.
13:56Pas jugé.
13:57Moi, j'ai appris par la presse
14:00qu'ils avaient préparé la demande pour Manouchian.
14:06Et comme je suis très vraisemblablement
14:10le dernier FTP-MOI vivant en France,
14:14j'étais quand même hérissé
14:16de ne pas être informé,
14:18ni invité, rien.
14:20J'étais contrarié.
14:21Là, c'est un texte que je viens de faire,
14:23qui n'est pas fini, c'est un brouillon.
14:25Après 80 ans, c'est la panthéonisation
14:28de M. Manouchian et de son épouse
14:31qui viennent enfin briser la chape de silence
14:35que recouvraient les combats et les sacrifices
14:37de M. Manouchian et de ses camarades.
14:39Alors, il faut voir que si on recherche les arguments,
14:42les papiers officiels,
14:44le FTP-MOI ne figure pas.
14:46C'est les Arméniens.
14:51Et on supprime le FTP-MOI.
14:53Il y a un autre texte.
14:58Je ne sais pas s'il est...
15:00Je ne le trouve plus.
15:02Il y a un texte d'une chose,
15:04d'un écrivain très connu,
15:06Vercors.
15:08Il est très connu.
15:10Il dit qu'à De Gaulle,
15:12il se reproche de ne pas avoir écrit
15:14que les communistes ont participé.
15:16Il dit d'ailleurs, vous le savez,
15:18plus tard, les historiens
15:20ne rechercheront que dans vos écrits
15:22pour pouvoir faire l'histoire,
15:24alors que les communistes
15:26ont été les premiers à se battre.
15:28Là, j'en ai préparé une
15:30pour le président de la République
15:32que je lui ai écrite.
15:34Le mois dernier, il ne m'a pas répondu.
15:36Si on pouvait mettre le drapeau,
15:38le seul et unique drapeau
15:40que j'ai pu trouver en France
15:42pendant la cérémonie,
15:44à côté du décor.
15:46Tu penses qu'il le fera ?
15:50Dans les documents qui sont sortis,
15:52c'était Manouchian
15:54résistant arménien.
15:58C'est déjà
16:00un mauvais signe.
16:02Je ne veux pas trop m'avancer, Léon,
16:04mais je crois que c'est mort,
16:06ils ne le feront pas.
16:08Il y en a qui sont morts,
16:10on ne sait même pas leur nom.
16:12Geist, Robert,
16:14le voilà.
16:16Il a été fugié, lui aussi.
16:20Lui, il a été fugié aussi.
16:22Lambert, c'est pas son nom.
16:24Il avait un nom,
16:26il a été fugié,
16:28il a été fugié,
16:30il a été fugié,
16:32il a été fugié,
16:34il a été fugié,
16:36c'est son nom.
16:38Il avait un nom juif,
16:40Brozek Albert dit Robert,
16:42assassiné à 23 ans
16:44par les Allemands,
16:46le 22 juillet 1944.
16:48Gurfinkel-Moritz
16:50dit André Buisson,
16:52tué à 25 ans
16:54le 22 août.
16:56Nicolas Zengberg,
16:58le voilà dans l'état
17:00où les Allemands l'avaient mis.
17:02Voilà, j'en ai une sur le tag que je vous ai dit qui a été, on lui a incisé les seins,
17:10on lui a bouillanté les jambes et on a fini par la tuer.
17:13Quand ils ont commencé à me frapper, j'ai dit pourvu que je tienne le coup,
17:23pourvu que je ne parle pas, puis au bout d'un moment qu'ils me frappaient,
17:28j'ai dit ils ont perdu, je ne dirai pas un mot,
17:31ils peuvent frapper toute la semaine s'ils veulent, je ne dirai jamais un mot.
17:34Mais à un moment donné, je parlais, je ne pensais même plus à parler,
17:39je disais bon ils ont perdu, maintenant je ne parlerai plus jamais.
17:43Et surtout, l'idéal pour lequel je me bats mérite que tu ne parles pas.
17:49Il faut qu'on se batte et qu'on obtienne un monde où il faudrait bon vivre pour tous.
17:54Il n'y a pas de raison qu'il y en ait qui vivent dans une richesse faramineuse
18:00et que d'autres cravent de faim.
18:01Alors il faut que ce monde change.
18:04Toute ma vie, je me suis battu pour un monde meilleur, quels que soient les sacrifices.
18:09Si je vis dans un HLM, c'est parce que je ne me suis jamais battu pour m'enrichir.
18:14C'est tout un monde qu'il faut changer et ça ne pourra pas se changer dans la gentillesse.
18:20Ceux qui possèdent ne lâcheront jamais.
18:24Quand ils reculent, c'est parce qu'ils n'ont pas d'autre solution.
18:27L'armée Névolu-Guerre, ils sont à la disposition du gouvernement
18:31et quand on leur dit d'arrêter les gens,
18:33et bien ils arrivent, ils tapent des coups de matraque sur la tête.
18:36Vous les avez vus comme moi, des gens par terre, ils leur tapent dessus.
18:41Alors bon, il faut savoir qu'on ne nous fera pas de cadeaux si on veut changer.
18:45Alors il faut savoir se préparer et le moment venu,
18:50être suffisamment puissant pour imposer notre loi,
18:54et non pas celle des milliardaires.
18:57Il y a rêve de ceux d'avant, c'est ça en fait.
19:00Les acquis sociaux, c'est les traces dans le système des rêves laissés par ceux d'avant.
19:04Chaque fois qu'une réforme est proposée,
19:06c'est un peu des rêves de ceux d'hier qu'on essaie encore de grignoter.
19:10Ouais, la guerre, celle qui revient depuis le début des hommes.
19:14En 14-18 et en 39-45,
19:17celle de deux visions du monde qui s'affrontent, deux projets.
19:20Celle de ceux qui ont tout et qui veulent tout garder,
19:22contre ceux qui aimeraient bien en avoir un peu plus quand même.
19:24Pour ça qu'en même temps que les gars de la FTP tiraient dans les rues de Lyon et de Paris,
19:28d'autres s'occupaient de la guerre invisible, sous la table,
19:31contre cette main dans la marionnette fasciste.
19:33Peut-être la bataille la plus importante même.
19:36C'est le Conseil National de la Résistance.
19:38Alors que tout brûlait, et que tout avait l'air de s'effondrer autour,
19:42des gars, représentants de partis et de syndicats,
19:45se voyaient en cachette pour définir le pays de leurs rêves.
19:48Rajustement des salaires,
19:49amélioration de la sécurité sociale,
19:51syndicalisme indépendant,
19:52nationalisation des grands moyens de production,
19:54droit euro pour droit à la retraite,
19:55salade, tomate, oignon,
19:56détarrer les mecs, la totale,
19:58les extrémistes du projet social.
20:00Le 15 mars 1944, dans une France occupée par l'Allemagne,
20:03le programme du Conseil National de la Résistance est adopté.
20:07C'est pas fini.
20:08Ce programme,
20:09alors que tout le monde désespère autour,
20:12ils l'appellent les jours heureux.
20:14Il faut savoir qu'après la libération,
20:17dans l'immédiat après la libération,
20:19il y a eu les congés payés,
20:21il y a eu les retraites,
20:23ça n'existait pas avant.
20:25Et que malgré tous les sabotages
20:28qui ont pu être faits contre cela,
20:30les retraites,
20:32bien ou mal,
20:33il y a toujours un peu de retraite.
20:35Elles sont restées.
20:37Alors qu'elles sont sabotées en transe
20:40par nos gouvernements.
20:41Ce qui signifie que le travail à faire,
20:45c'est d'émanciper les gens.
20:47De faire comprendre aux gens
20:49que si on veut quelque chose,
20:51il faut le prendre.
20:52Pas voler.
20:54Il faut l'obtenir.
20:55Moi, mon père, la première fois qu'on lui a payé
20:57ses congés payés,
20:58il avait des yeux comme ça.
21:00Tu te rends compte, ils m'ont donné des sous
21:02et je n'ai pas travaillé.
21:05Mais c'est vrai que c'était une victoire formidable.
21:08On a supporté le supplice, la torture,
21:11on a été fusillés.
21:13Et on continue à se battre encore
21:17pour que vous, les plus jeunes,
21:18vous arriviez à combattre, à comprendre
21:20et à nous remplacer.
21:21C'est le but de tout ce qu'on peut faire,
21:23de tout ce qu'on continue à faire.
21:25Maintenant, je ne sors plus.
21:27Je reste des quinze, vingt jours
21:28sans même descendre les escaliers.
21:30Je n'ai plus la force.
21:32Mais vous voyez que le feu,
21:34il ne m'a pas quitté.
21:36Il y est toujours.
21:38La force du feu, ce n'est pas dans l'incendie.
21:40Ce n'est pas quand tout brûle, c'est facile.
21:43C'est l'espoir d'une petite flamme.
21:45Quand toute la lumière autour nous a quitté,
21:47résister soi-même à s'éteindre.
21:49Résister à la tentation du noir.
21:51Et sauver dans son sentiment,
21:54dans son tout petit tremblement enflammé,
21:56la vie de toute l'humanité.
22:00La France, peut-être que c'est l'Elysée.
22:03Mais si ça se trouve,
22:05c'est ce petit feu.
22:16Moi, je suis intervenu à deux reprises.
22:19Une fois, parce qu'il y avait une femme,
22:21elle avait été tendue, on lui avait fait avec du goudron,
22:23une croix gammée sur la tête.
22:25Il la conduisait à la prison et il lui tapait dessus.
22:28J'étais avec le copain Etienne.
22:30C'était après la libération.
22:33On a sorti nos revolvers,
22:34il y en a encore un qui la touche, on la descend.
22:36Ça, ces méthodes-là, c'était les méthodes des nazis.
22:39Ça ne valait pas la peine qu'on en tue,
22:41si c'est pour faire pareil.
22:42À 90%, c'était des gens qui avaient vraiment
22:46des choses lourdes derrière eux.
22:47Sinon, je le signale quand même,
22:48que ce soit le préfet Papon ou tous les autres,
22:52voilà, De Gaulle, il a dit,
22:53si je dois virer tous ceux qui ont collaboré pendant la guerre,
22:55je n'aurai plus personne dans mon administration.
22:57Il les a tous gardés.
22:59Alors là, nous…
23:00Commencez par les juges.
23:01Commencez par les juges.
23:02Les juges qui avaient fait fusiller nos camarades,
23:04ils étaient toujours juges après la libération.
23:07C'est la même.
23:07La police a déjà écarté quelques-uns,
23:09puis c'était tout.
23:10C'est tout.
23:11Du coup, la guerre, en fait, le 8 mai 1945,
23:13elle n'était pas vraiment finie.
23:15Elle a juste changé de modalité.
23:17Jean Moulin, par exemple,
23:18nous a appris que c'était fait arrêter par Klaus Barbie.
23:21Puis c'est tout.
23:21Bah, Léon, lui qui avait vécu à cette époque,
23:24il y a quand même des questions qui lui restent dans le fond des dents.
23:26Cette réunion du CNR à laquelle allait Jean Moulin,
23:29personne d'autre que les gens qui étaient convoqués à cette réunion
23:31n'est au courant de l'adresse.
23:33À qui va profiter la disparition de Jean Moulin ?
23:37Je te pose la question.
23:40D'après toi.
23:41Elle a profité à De Gaulle.
23:42À la libération, il paraissait logique, pour le moins,
23:47que ce soit lui, le chef du gouvernement.
23:49Il n'y a pas eu de discussion possible.
23:51C'est De Gaulle qui s'est implanté automatiquement.
23:54Ce qui n'enlève rien à certains défauts
23:56et à certaines qualités de De Gaulle.
23:58Il avait des De Gaulle que les autres n'ont pas eus.
24:00Les autres présidents.
24:02Mais De Gaulle aussi,
24:04ce n'était pas un fils d'ouvrier.
24:07Il avait un château, De Gaulle.
24:10Et bien entendu,
24:11ce qui n'empêchait pas d'aimer son pays,
24:14je pense qu'effectivement, il aimait la France.
24:18Et que quand ils ont arrêté Jean Moulin,
24:21il y était probablement pour rien, lui directement.
24:25Mais que ses proches y étaient pour quelque chose.
24:30Mais enfin, il faut savoir que
24:34dans l'histoire de France,
24:35des frères qui ont poignardé leur frangin
24:38pour être au roi à leur place,
24:40ça existe, non ?
24:41C'est pour moi qu'ils l'inventent.
24:43100 dollars pris à toi.
24:44Peut-être mieux qu'un mois.
24:45Parce que moi, à 13 ans et demi,
24:47j'ai quitté les études.
24:48C'est pour dire, alors on ne peut pas accuser
24:51dans ce que je dis.
24:52Mais, pour le moins,
24:55on se pose des questions.
24:57Et moi, je m'en pose.
24:59Et je me suis posé.
25:00Et il y a un tas de coïncidences
25:03qui, moi, me heurtent.
25:05Moi, dans le contexte,
25:07je n'accuse pas.
25:08Je dis que ça me surprend.
25:10Je prends du départ,
25:11pourquoi il n'y avait personne
25:13pour assurer la protection,
25:15alors que nous, pour deux,
25:16il y avait une douzaine de personnes
25:18qui assuraient la protection
25:20et qui étaient loin de voir l'importance
25:22de Jean Moulin ou d'autres.
25:24On a des choses qui sont illogiques.
25:27Celui qui sortait de 48 heures de prisonnier
25:30avec la Gestapo
25:35et qui vient assister à une réunion
25:37avec Jean Moulin.
25:38Attends, excusez-moi,
25:40est-ce que ça veut dire ça ?
25:42Donc, on ne saura jamais.
25:44La seule chose qu'on pourra faire,
25:45ce que j'ai fait moi,
25:46avoir des soupçons,
25:49mais qui n'ont aucune valeur.
25:52Et j'en suis conscient.
25:53Et dans un sens, ça m'emmerde d'en parler.
25:56Et d'un autre côté, je me dis,
26:00c'est quand même,
26:01si je ne me trompe pas,
26:03de laisser des gens sortir blancs comme un neige,
26:06alors qu'ils sont coupables d'un crime effroyable.
26:10Il y a des réponses qu'il ne faudrait mieux pas savoir.
26:12Il y a des questions qu'il ne faudrait mieux pas poser.
26:15Puis il y en a d'autres qui sont importantes.
26:16Comme par exemple, tiens,
26:17à quoi on résiste ?
26:19La guerre, c'est contre qui ?
26:20Il y a moins de boches en uniforme
26:21dans les rues de Paris, ouais, c'est vrai.
26:23Encore, il y en a qui ressemblent vachement.
26:25Mais il y a un truc qu'on n'a pas vu.
26:26Un truc qui se jouait sous la table,
26:28sous le manteau,
26:28sous les rails des trains de la mort
26:29qu'envoyaient les policiers français.
26:32Il y a l'air d'y avoir de moins en moins de place en France
26:34pour un gars comme moi.
26:36De toute façon, la France qu'ils disent,
26:38ils peuvent la garder.
26:39Ils la défendront comme pétain.
26:40Ils la vendront, le moment venu.
26:42Nous, on veut vivre au pays
26:43qu'il y avait dans le cœur de Jean Moulin.
26:45Dans la cave,
26:46les tortures, les cuisses ébouillantées,
26:47la gueule arrachée.
26:48Ce qu'il y avait dans les silences de Léon,
26:49de Janine, de Simon.
26:51Putain, mais quel pays ils voulaient pas vendre ?
26:54À quel pays ils pensaient quand ils parlaient pas ?
26:55Putain, mais quel paradis ils voyaient
26:56pour la fermer comme ça ?
26:58Il doit bien être quelque part encore, ce pays.
26:59C'est sûr qu'il existe toujours.
27:02On a appris de Gaulle.
27:03On nous a dit au brak.
27:04On apprendra à Macron.
27:07Il y en a qui sont morts
27:09et on sait même pas leur nom.
27:21Sous-titrage ST' 501