• il y a 6 mois

Tous les samedis et dimanches soir, Pierre de Vilno reçoit deux invités pour des débats d'actualités. Avis tranchés et arguments incisifs sont aux programmes de 18h30 à 19h00.
Retrouvez "Ça fait débat" sur : http://www.europe1.fr/emissions/les-grandes-voix-du-weekend

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Transcription
00:00 Europe 1 soir Week-end, Pierre De Villeneau.
00:03 Le Club politique d'Europe 1 soir avec ce soir Benjamin Morel, bonsoir.
00:06 - Bonsoir.
00:07 - Constitutionnaliste, maître de conférence en droit public, bonsoir à Dorian Dreuil.
00:11 - Bonsoir.
00:11 - Expert à la Fondation Jean Jaurès et coprésident de l'ONG.
00:14 À voter, les 100 jours les amis, les 100 jours de Gabriel Attal avec un discours sécuritaire à Viry-Châtillon
00:22 avec pas mal d'annonces et notamment sur les internats, le retour aux internats pour les enfants violents
00:30 avec des annotations sur les diplômes des jeunes marqués au fer rouge jusqu'à la fin de leur jour
00:38 avec un diplôme d'un BEP mais avec "enfant violent" au-dessus.
00:45 Qu'est-ce que vous avez pensé de ce discours et comment vous voyez Gabriel Attal à l'aube de ces 100 jours mon cher Benjamin Morel ?
00:54 - Je dirais que pour l'instant on n'a pas un Premier ministre qui a beaucoup imprimé.
00:57 Alors on a d'ailleurs des enquêtes qui ne sont pas trop défavorables en règle générale.
01:01 En moyenne la popularité d'un Premier ministre sous la Ve République c'est 2 mois.
01:04 Là on voit que ça baisse un petit peu mais ça ne bosse pas de manière extrêmement importante.
01:07 En revanche, le plan communication Gabriel Attal est quand même quelque chose qui s'est relativement essoufflé.
01:12 Si vous regardez ce qui s'est passé au ministère de l'éducation nationale quand il était ministre,
01:15 le plan Abaya, le fait que tout d'un coup un truc qui serait par une circulaire, on en parle pendant un mois,
01:20 il n'a pas réussi à faire ça à Matignon.
01:22 Il a plutôt subi l'actualité à travers la question de l'agriculture, à travers la question du déficit public,
01:27 des séquences en fait dont il n'a pas été à l'origine et qu'il n'a pas investi de même que celle des européennes
01:32 sur lequel il est pour l'instant très très discret.
01:35 Or pourquoi Emmanuel Macron nomme Gabriel Attal ?
01:37 Essentiellement pour faire de la com' pour arriver à relancer le train avant les européennes.
01:41 Pour l'instant le contrat n'est pas vraiment rempli,
01:43 donc il parie sur ce qui fait son existence dans l'opinion, éducation, autorité.
01:48 Il appuie dessus. Est-ce que ça prendra à voir ?
01:51 Emmanuel Macron lui a grillé la politesse la veille.
01:53 Doré André.
01:55 Oui je suis assez d'accord avec Benjamin,
01:56 mais j'y ajouterai peut-être qu'on fait de la communication quand on ne peut pas légiférer,
02:00 quand on ne peut pas réformer,
02:02 et c'est tout la difficulté de Gabriel Attal.
02:05 C'est que la situation, sa nomination, a rien changé à la situation politique à l'Assemblée nationale
02:09 et à cette configuration de majorité relative.
02:13 Donc le double défi pour le Premier ministre, c'est la question du temps.
02:18 La question du temps et le deuxième c'est le temps, encore.
02:21 Le temps d'abord parce qu'il est coincé dans l'échéance électorale des élections européennes,
02:27 qui ne s'annonce pas très favorable pour la majorité qu'il conduit,
02:32 et le temps ensuite de la mise en oeuvre des réponses aux crises qu'il fait,
02:37 c'est-à-dire le moment entre "je subis une crise dans la société, j'annonce des mesures"
02:42 et le moment où elles sont appliquées, parfois ça prend du temps.
02:45 Et ce délai, on le voit dans l'opinion, il se rétracte de plus en plus.
02:49 Il y a le sentiment qui se propage qu'entre le moment de l'annonce
02:54 et sa traduction politique et effective dans la société,
02:57 ce délai est trop long.
02:58 Est-ce que ces 100 jours, comme vous le dites Dorian André,
03:01 avec l'absence de texte au Parlement,
03:03 se traduit aussi par le fait que quand on a une majorité relative,
03:06 on marche sur des oeufs ?
03:08 Et quand on marche sur des oeufs, Benjamin Morel, qu'est-ce qu'on fait ?
03:11 On légifère comme on peut au niveau de l'exécutif,
03:14 sans passer par l'ordre législatif.
03:16 Ou voire même on ne légifère pas du tout.
03:18 Encore une fois, il faut se souvenir de la charnière décembre-janvier.
03:21 Emmanuel Macron, après la loi immigration,
03:23 considère que la majorité, c'est quelque chose auquel il ne faut pas toucher,
03:26 et qui est quasiment mort.
03:27 Donc on nomme Gabriel Attal, en sachant très bien que,
03:29 au vu de la composition du gouvernement, ça va fâcher la gauche de la majorité.
03:33 Et qui plus est, en ramenant Rachida Dati,
03:35 on sait que ça ne va pas forcément soigner les relations avec LR.
03:37 Donc on fait le deuil quasiment d'une majorité structurée
03:40 et bien tenue au Parlement.
03:42 Au nom, d'un côté, d'une capacité à agir par voie réglementaire,
03:46 par décret, par circulaire.
03:47 Bref, on essaye d'agir, mais on essaye d'agir sans passer par le Parlement.
03:52 Et de l'autre côté, au nom de la communication,
03:54 parce que si je refais un coup à la Baïa,
03:56 la Baïa, encore une fois, j'ai une circulaire.
04:00 Théoriquement, le débat dure un jour.
04:03 Mais là, vous avez le teasing du débat.
04:05 Vous avez le ministre qui finalement décide.
04:07 Vous avez ensuite la décision et vous avez le service d'après-vente,
04:09 ça dure un mois.
04:10 Ce coup de communication fait à Matignon aurait été génial.
04:15 Il n'a pas vraiment été fait depuis.
04:16 Donc le paradoxe pour l'instant, c'est qu'on a un Gabriel Attal
04:19 qui n'a pas si mal géré cette majorité très divisée.
04:22 Aujourd'hui, elle ne va pas très bien, mais elle va mieux qu'il y a quelques mois.
04:25 En revanche, du point de vue de la communication,
04:27 c'est quand même passé en grande partie sous les radars.
04:29 Et donc là-dessus, il est un peu en contre-emploi
04:31 par rapport à ce qu'avait envisagé Emmanuel Macron en janvier.
04:33 - Mais est-ce que c'est ça aussi, Dorian Dreuil,
04:36 qui contribue au fait que Jordan Bardella
04:39 est selon les jours 29, 30, 32 %
04:43 dans les intentions de vote aux élections européennes ?
04:46 - Je ne pense pas, parce qu'il aurait été vain d'imaginer
04:51 que la nomination de Gabriel Attal suffise
04:53 à contrecarrer cette espèce de vague,
04:58 de tsunami de l'extrême droite et de la droite radicale
05:01 en France et dans d'autres pays d'Europe.
05:04 Pour la simple et bonne raison que Gabriel Attal,
05:07 en tant que Premier ministre, il est tenu
05:09 de ne pas pouvoir faire campagne.
05:11 Donc mécaniquement, le match Attal-Bardella,
05:14 il ne peut pas s'installer, puisqu'il y en a un qui ne peut pas le jouer.
05:16 Et puis les ressorts de cette montée de l'extrême droite,
05:21 ils se trouvent ailleurs.
05:24 Et notamment dans la capacité du Rassemblement national
05:27 et de ce qu'il y a encore plus à droite, à sa droite,
05:31 notamment à l'Isreau-Conquête,
05:33 à jouer sur les colères, les peurs,
05:36 sur tout ce qui suscite d'angoisse dans la société,
05:41 dans tout ce qui polarise, d'appuyer sur cette polarisation
05:43 de la société à outrance,
05:45 pour espérer en récolter les gains dans les urnes.
05:49 - Vous pensez qu'ils en font trop ?
05:51 Vous pensez que le RN attise,
05:53 qu'il relate des faits qui sont des faits de violence ?
05:57 D'ailleurs, est-ce qu'on a vraiment besoin du Rassemblement national
05:59 pour dire que des jeunes de 15 ans se font poignarder,
06:02 ils sont laissés pour morts dans des ruelles ?
06:05 Qu'est-ce que vous voulez dire exactement par le RN qui attise la haine ?
06:09 - Je ne dis pas qu'il attise la haine,
06:11 je dis qu'il joue sur les colères et les peurs qu'il y a dans la société.
06:15 En participant de cette polarisation,
06:17 en jouant le miroir grossissant de ce qui est relaté dans la société,
06:22 et aussi en nationalisant à outrance ce scrutin.
06:26 C'est d'ailleurs une stratégie assumée par le RN
06:29 qui fait de ces élections européennes un référendum pour ou contre Macron.
06:33 Le Parlement européen, et ce qui va se passer dans les 5 années au Parlement européen,
06:37 n'a que faire d'être pour ou contre Emmanuel Macron.
06:40 - Il y a un bilan ?
06:42 C'est-à-dire qu'on joue sur le bilan aussi de...
06:44 - Il joue en tout cas sur le bilan du président de la République.
06:48 - Pardon, je suis le contradicteur de ce que vous voulez dire.
06:50 - Il joue le bilan du président de la République qui n'est pas eurodéputé.
06:54 Donc il y a un enjeu quand on est député sortant comme on est,
06:57 comme Jordan Bardella, d'abord c'est de parler de son propre bilan,
07:00 et il parle de lui-même,
07:02 et ensuite de faire campagne sur un projet politique,
07:04 pas contre le président de la République.
07:06 Mais c'est quelque chose qu'on revoit dans d'autres situations de l'échec qui est politique.
07:10 Quand Jean-Luc Mélenchon fait de cette élection le premier tour de l'élection présidentielle de 2027,
07:15 c'est un peu se moquer des électeurs,
07:17 dans la mesure où on ne parle pas du projet politique européen.
07:20 - C'est compréhensible, même si cette élection européenne,
07:25 on la présente depuis plusieurs mois maintenant comme des mid-term,
07:28 comme des élections de mi-mandat pour 2027.
07:31 - Oui, et comme souvent toutes les élections intermédiaires, c'est toute la difficulté.
07:34 Si je commence à parler des vrais enjeux de cette élection européenne,
07:37 est-ce que vraiment la coalition entre les sociaux démocrates,
07:40 le NU et le PPE, pourrait bouger de façon relativement limitée ?
07:44 Est-ce qu'on pourrait avoir éventuellement une reconfiguration des coalitions ?
07:47 Tout ça évidemment à mettre au diapason de ce qui se passe au Conseil,
07:50 pour arriver à avoir une double majorité, et au Conseil, et au Parlement européen.
07:54 Vous comprenez bien que j'ai déjà perdu la moitié de vos auditeurs,
07:56 et que ça va être compliqué pour une liste d'arrivées à mobiliser.
08:00 - Et ils auront encore moins envie d'aller voter aux élections européennes.
08:03 - Qu'on le veuille ou non, la logique de la Ve République,
08:05 et malheureusement c'est le cas,
08:07 font des élections intermédiaires, des élections sanctions.
08:10 Regardez avant qu'on ait eu la dichotomie entre champs politiques local et champs politiques national,
08:15 les régionales.
08:17 Lorsque la France est dominée par un président de droite,
08:19 par exemple sous Nicolas Sarkozy,
08:21 la quasi-totalité des régions passe à gauche.
08:23 Lorsque François Hollande est président,
08:25 la quasi-totalité des régions passe à droite.
08:28 Donc si vous voulez arriver à mobiliser votre électorat,
08:31 il faut jouer sur des enjeux très simples.
08:33 Et l'enjeu le plus simple c'est sanctionnant le président de la République.
08:36 Et par ailleurs, dès lors vous créez un effet vote utile.
08:39 Aujourd'hui, crée Jordan Bardella.
08:41 Du point de vue des élections européennes, le vote utile ça n'a pas de sens,
08:43 parce qu'on est face à des élections transnationales à la proportionnelle.
08:46 Mais regardez ce qui s'est passé en 2019, par exemple pour François-Xavier Bellamy.
08:49 Une partie des électeurs de droite qui ne veulent pas d'Emmanuel Macron
08:53 vont voter "utile" pour le sanctionner, Jordan Bardella.
08:56 Et une partie des électeurs qui ne veulent pas de Jordan Bardella,
09:00 qui ne veulent pas du Rassemblement National, vont voter "utile" l'oiseau.
09:03 Donc cet effet de dispatchage, de dynamique,
09:06 vient le vote utile et vient la nationalisation des scrutins.
09:09 Et ça, si vous voulez l'emporter, vous ne pouvez pas trop y échapper.
09:12 - Vous parliez de Bardella et de Valéry et il n'y avait pas de Nathalie Jussot ?
09:15 - Non, je disais que ça s'était passé en 2019,
09:17 et là en effet on voit à peu près la même chose se passer.
09:19 - Mais Bardella était déjà là.
09:21 Dorian Dreuil, sur ce qui vient d'être dit...
09:23 - Oui, à relativiser peut-être sur 2019,
09:25 parce qu'il y a quand même un effet pour la majorité à l'époque
09:28 qui joue le coude à coude avec le Rassemblement National.
09:30 Il termine je crois à 0,5 point.
09:33 Là il y a quand même une avance
09:36 qui sera difficilement rattrapable pour le Rassemblement National.
09:39 Enfin à 30-32 et le camp présidentiel à 16-18.
09:42 - A moins que les sondages se plantent complètement,
09:44 ce qui est rarement le cas.
09:46 - Dans ce différentiel-là, c'est du doublé.
09:49 - La dernière fois qu'on avait vraiment un plantage,
09:51 c'était Pécresse où vraiment personne ne la voyait à 4-6,
09:54 alors qu'on était plutôt à 8-9.
09:56 - Pour les présidentiels, les sondages sont assez fiables.
09:58 En revanche, le problème c'est les élections intermédiaires
10:00 parce qu'on a du mal, souvenez-vous, des dernières régionales
10:02 à considérer la participation.
10:05 Et là il y a un vrai enjeu en réalité.
10:07 On sait qu'il y a un électorat centriste qui se mobilise quoi qu'il arrive.
10:09 Donc là, on a des listes relativement stables.
10:11 On sait qu'électorat RN, pour l'instant, au moins depuis l'ère Philippot,
10:14 est surmobilisé aux élections intermédiaires.
10:16 Donc on peut penser que ça fonctionne bien,
10:18 mais il y a tout un électorat flottant,
10:20 dont on ne sait pas encore à ce stade-là s'il va se mobiliser.
10:22 Ce qui fait que dans la dernière ligne droite,
10:24 on peut avoir des dynamiques de campagne extrêmement rapides
10:26 parce que des nouveaux électeurs, qui pour l'instant
10:28 n'ont absolument aucune idée
10:30 qu'il y a une campagne européenne en cours,
10:32 ou en tout cas, ne la visualisent pas très bien,
10:34 mais pourraient se réveiller au dernier moment.
10:36 - Il y a une chose dont on n'a pas parlé, Dorian Dreuil,
10:38 je l'ai effleurée tout à l'heure en lancement,
10:40 c'est en introduction, ce sont les annonces de Gabriel Attal,
10:43 en l'occurrence sur comment faire taire la violence des jeunes,
10:48 avec notamment cette proposition des internats,
10:52 des maisons de redressement.
10:54 On sait, on en a parlé hier soir,
10:59 ici même, dans les débats de panorama avec Jean-Hugo Leborgne
11:03 et le préfet Auboin,
11:05 il y a à ce stade très peu de jeunes placés,
11:08 si on fait le calcul des places,
11:10 parce que Gabriel Attal a fait son petit calcul,
11:12 il a regardé les internats au sens large,
11:15 il y a 55 000 places vacantes en France pour des jeunes,
11:19 qui potentiellement se retrouveraient dans des établissements
11:22 qui ne sont pas du tout faits pour ça,
11:24 mais on essaye quand même de les remettre,
11:26 d'une manière générale, dans le droit de chemin.
11:28 Est-ce que c'est une bonne ou une mauvaise idée ?
11:30 En tout cas, ça montre que sur certains sujets,
11:33 il est compliqué de faire du bien en même temps.
11:35 Il est compliqué d'annoncer à la fois du répressif
11:38 et en même temps du préventif,
11:40 et c'est sûrement pas de nature à,
11:42 en tout cas, intéresser ou mobiliser dans les élections qui arrivent,
11:45 à la fois les électorats plutôt social-démocrates
11:48 de centre-gauche, de la Macronie,
11:50 et à la fois les jeunes.
11:51 Et on parlait tout à l'heure de l'électorat,
11:53 ou de la volatilité des électorats
11:56 et de l'enjeu de la participation.
11:57 Aujourd'hui, la moyenne de la participation
11:59 sur les élections européennes,
12:00 elle est annoncée à 44-47 %,
12:02 ce qui est très faible, et plus faible que 2019.
12:04 Parce que ce qu'on n'arrive pas encore à déterminer,
12:06 c'est quelle sera la mobilisation des 18-34 ans.
12:10 En 2019, c'est eux qui avaient eu
12:12 un regain d'intérêt de participation,
12:14 ils étaient à peu près à 40% de participation,
12:16 contre 25% en 2014.
12:18 Là, ce qu'on n'arrive pas à voir très bien dans les sondages,
12:21 c'est est-ce qu'ils vont se surmobiliser
12:23 ou se remobiliser ou pas,
12:24 parce que la détermination,
12:27 ce qu'on appelle la cristallisation du vote,
12:29 est-ce que je vais voter ou pas,
12:30 il va arriver dans les derniers jours avant l'élection.
12:33 Donc, c'est aussi une campagne qui va se jouer
12:35 dans les dernières semaines,
12:37 voire les derniers jours,
12:38 voire le jour même dans les urnes.
12:40 - Benjamin Morel, sur cette idée des maisons de redressement ?
12:43 - On est dans du signifiant politique, là.
12:45 Il s'agit simplement de rappeler,
12:47 ce qui fait encore une fois,
12:48 la base de l'éthos du Premier ministre,
12:51 pour arriver à le faire exister.
12:53 Ce qui est intéressant, je trouve,
12:54 c'est le caractère très bizarre de cet agenda.
12:57 Il y a les 100 jours de Gabriel Attal,
12:58 et il y a les quasiment 100 jours avant les élections européennes.
13:01 On voit que le Premier ministre n'est pas rentré dans ces élections,
13:04 et qu'on a une forme de calendrier concurrent.
13:07 On a une forme de dichotomie des séquences politiques,
13:10 l'une ne se recroisant pas tout à fait,
13:12 pour répondre un peu à ce que vous évoquiez tout à l'heure,
13:14 est-ce que ça va mobiliser l'électorat de la majorité ?
13:16 Pas sûr.
13:17 Pas sûr non plus que ce soit tout à fait l'intérêt,
13:19 ni même l'objet de Gabriel Attal.
13:21 On voit qu'on a un Premier ministre qui mène son propre plan de communication,
13:24 et de manière extrêmement divergente.
13:27 Je remarque que ni l'un ni l'autre, vous me répondez,
13:29 en quittant un peu la politique,
13:31 l'agenda de Gabriel Attal,
13:32 l'agenda des européennes,
13:33 personne ne me dit si c'est une bonne ou une mauvaise idée
13:36 de remettre les jeunes dans le droit chemin,
13:39 à travers des internats.
13:40 Qu'est-ce que vous en pensez, vous ?
13:42 Vous êtes plus constitutionnaliste.
13:44 Je suis constitutionnaliste quand même !
13:46 Donc le citoyen peut vous répondre,
13:47 mais sa compétence en la matière est forcément bordée par ses compétences.
13:50 Peut-être, mais ça m'intéresse quand même.
13:52 La réalité, c'est que sur ce sujet,
13:54 on peut avoir un intérêt en effet,
13:56 à isoler de certains milieux sociaux,
13:59 qui peuvent être les milieux sociaux originaires,
14:01 un certain nombre de jeunes,
14:02 qui peuvent être en difficulté,
14:03 et qui peuvent être pris dans ces logiques-là.
14:05 Donc les mettre dans des internats,
14:06 qu'ils soient des internats ailleurs,
14:08 les mettre dans des internats,
14:09 dans des établissements qui ne soient pas le leur à l'origine,
14:11 dans le milieu social dans lequel ils évoluent,
14:13 ça pourrait être extrêmement intéressant.
14:14 Est-ce que ce sera bien fait ?
14:15 Est-ce qu'on en a les moyens ?
14:17 Là, à voir.
14:18 - Oui, même punition, même question.
14:20 Est-ce que ces centres, c'est une solution ?
14:23 Ou est-ce que c'est faisable ?
14:25 - N'étant pas expert,
14:27 j'aurais une difficulté à imaginer
14:30 que ce soit...
14:31 d'avoir un avis sur le sujet,
14:35 mais pour répondre,
14:37 en tout cas pour ne pas complètement esquiver votre question,
14:40 - Merci, je suis opiniate.
14:42 - ça doit aussi s'accompagner,
14:44 si ça fonctionne,
14:45 ça doit aussi s'accompagner d'un dispositif de prévention.
14:47 La prévention, elle est clé.
14:49 Quand on parle de cette montée de violence,
14:52 cette violence physique,
14:54 ou en tout cas cette violence dans la vie réelle,
14:56 elle colle aussi avec l'autre bulle,
14:58 qui est la violence en ligne et sur les réseaux sociaux.
15:01 Qui est un espace où la société a malheureusement accepté
15:05 qu'on puisse se comporter différemment
15:07 dans la vie en ligne que dans la vie réelle.
15:11 On retrouve cette espèce aussi de fait des bulles algorithmiques
15:14 qui nous enferment dans ces espaces
15:19 qui sont devenus des espaces de confrontation et de violence,
15:22 ou qui accélèrent aussi la polarisation,
15:24 qui fait que le dialogue devient impossible
15:26 et donc l'affrontement est inévitable.
15:29 Il y a aussi cet enjeu-là, en fait,
15:31 de mieux comprendre,
15:33 de se réapproprier l'espace numérique
15:36 comme aussi un espace de civisme.
15:38 Donc il y a aussi cet enjeu préventif.
15:40 - Alors, je me tourne à nouveau vers le constitutionnalisme,
15:42 là vous allez vous faire un peu de...
15:45 j'allais dire de droit international public,
15:47 qui doivent être également dans vos compétences.
15:49 Mayotte, qu'est-ce qu'on fait avec Mayotte ?
15:52 - Alors c'est du droit constitutionnel,
15:53 pas du droit international public.
15:55 - Un peu comme on est à la lisière.
15:57 - On est à la lisière, mais...
15:59 - Il y a des histoires d'ingérence, il y a des...
16:01 - Alors, la question de l'ingérence, en revanche,
16:03 pose un problème qui n'est pas tant de droit international
16:05 que géopolitique.
16:06 Il faut voir que derrière les Comores,
16:07 vous avez un certain nombre de capitales.
16:09 Regardez mes yeux se tourner vers Moscou, Pékin et Riyad,
16:12 qui fait qu'aujourd'hui,
16:14 le bras de fer qu'on peut avoir avec les Comores
16:16 n'est pas aussi à notre avantage qu'on pourrait bien le penser.
16:19 Ce qui pose un vrai vrai problème.
16:20 Ensuite, est-ce qu'on peut avoir des évolutions législatives
16:22 ou constitutionnelles ?
16:24 Si vous prenez par exemple la question du droit du sol,
16:26 c'est un problème qui est un problème
16:28 d'indivisibilité de la République.
16:29 Parce que le droit du sol, en tant que tel,
16:31 on ne l'a pas consacré comme principe constitutionnel.
16:33 Le Conseil ne l'a jamais consacré jusqu'à présent.
16:36 Donc on pourrait imaginer une remise en cause
16:37 sur l'ensemble du territoire, juridiquement,
16:39 à voir, mais ce n'est pas tout à fait impossible.
16:41 En revanche, ce que l'on ne peut pas faire,
16:43 ce que l'on n'a jamais fait,
16:44 c'est rompre sur le territoire un droit fondamental.
16:46 Considérer qu'ici il s'applique,
16:48 ici il ne s'applique pas.
16:49 Le problème c'est que si je fais rentrer en la matière l'exception,
16:51 Mayotte en est fait dans une situation exceptionnelle.
16:54 Mais la Guyane aussi.
16:55 Et le Var, lors de la crise des réfugiés en 2015 également.
16:58 Donc où est-ce que je fais arrêter le droit commun ?
17:01 Où est-ce que je considère qu'il y a exception ?
17:03 Si je fais sauter le droit du sol à Mayotte,
17:05 à terme, je mets sous terre le droit du sol, quoi qu'il arrive.
17:10 - Dorian Drey, sur Mayotte, et sur l'opération Mbouchou aussi.
17:13 - Il y a un enjeu, mais je parle sous le contrôle du constitutionnaliste,
17:18 à, quand même, je pense, le plus possible,
17:20 éviter ces exceptions au droit du sol.
17:25 Dans la mesure où ça pourrait aussi faire entrer
17:27 dans la fenêtre d'Overton, la fameuse, dont on parle beaucoup,
17:30 l'acceptabilité que la République ne pourrait pas être une et indivisible,
17:34 ou qu'il pourrait, par effet de communauté,
17:37 y avoir des exceptions juridiques de plus en plus fortes.
17:41 Et là, il y a un enjeu de cohésion sociale et nationale, républicaine et démocratique,
17:47 à ne pas ouvrir cette boîte de Pandore là,
17:49 qui aujourd'hui s'appliquerait à Mayotte, et demain à d'autres territoires.
17:54 - Sur cette question de Mayotte,
17:59 sur la violence qui est ces derniers jours,
18:04 effectivement, sur beaucoup d'écrans de télévision,
18:07 sur beaucoup de chaînes de télévision, on en parle nous à Europe 1,
18:10 est-ce qu'il n'y a pas un trop-plein
18:13 qui fait que le discours politique, qu'il soit à gauche, à droite,
18:18 et au milieu, au centre, est finalement le même ?
18:22 Il y a beaucoup de yakafocons, il y a beaucoup de solutions qui sont présentées,
18:25 et à la fin, l'électeur qui, en attendant, comme on se l'est dit,
18:30 voit les élections européennes plus comme des mid-term,
18:33 plutôt que d'une élection, comme vous l'avez dit Benjamin,
18:36 où tel parti français va rejoindre tel parti néerlandais,
18:40 qui va rejoindre tel parti allemand,
18:42 finalement, il aimerait bien savoir où aller, et ce qu'on peut lui préconiser.
18:48 - Ah oui, Mayotte est un objet de cristallisation politico-médiatique
18:52 relativement simple en réalité, parce qu'on a une situation qui est évidemment un naufrage,
18:56 on a une situation qui est en grande partie liée à nos propres erreurs,
19:00 et à celles de Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy.
19:02 On a départementalisé trop tôt, et on ne s'est pas donné les moyens,
19:05 à la fois d'un point de vue géopolitique et juridique,
19:08 d'accompagner un processus qui sera un processus Saint-Mayotte.
19:11 Après, on n'a pas non plus tout à fait joué le jeu du développement d'un territoire,
19:15 le problème fondamental aujourd'hui dans les Outre-mer de manière générale,
19:19 c'est qu'on prône l'égalité, on prêche l'égalité, mais on ne la met pas en application.
19:23 Or derrière, il y a des enjeux géopolitiques, on parlait tout à l'heure des Comores, etc.
19:27 Vous en avez d'autres, vous savez qu'aujourd'hui la Polynésie, par exemple,
19:30 est l'objet de convoitises assez importantes, de même que la Nouvelle-Calédonie.
19:33 - Bien sûr, il y a des minerais, il y a des fonds sous-marins extrêmement importants.
19:37 - Exactement, et vous avez des puissances étrangères qui s'intéressent à ces territoires.
19:40 Donc, il faut être extrêmement prudent, et évidemment, notre débat franco-français national
19:44 se concentre là-dessus sur un certain nombre de stigmates sans trop penser les causes.
19:49 En la matière, dès le moment où j'ai une solution qui apparaît insoluble,
19:54 et cette solution, pour être résolue, impliquerait des interactions complexes,
19:58 il est facile d'arriver avec une solution simple.
20:00 On parlait tout à l'heure du droit du sol à Mayotte.
20:03 Très clairement, la révision constitutionnelle n'arrivera probablement pas.
20:06 Elle ne réglera d'ailleurs probablement pas grand-chose.
20:08 Si vous faites le bilan de la loi de 2018, qui a déjà restreint ce droit du sol,
20:12 il n'est pas brillant en la matière, donc ce n'est pas vraiment la solution miracle.
20:15 Mais c'est facile, ça permet de cristalliser politiquement les médias et l'opinion,
20:20 et donc on est dans la communication politique.
20:22 Le problème, c'est que les premières victimes de cette communication politique, c'est les maorais.
20:26 - Il y a un dernier sujet que je voudrais aborder, ce Dorian Dreieck.
20:31 On a célébré les 80 ans du vote des femmes, c'est important.
20:34 - Oui, très important, et d'autant plus intéressant au-delà de la commémoration.
20:41 C'est toujours l'occasion, je trouve, de rappeler que le droit de vote des femmes,
20:47 si le général De Gaulle signe l'ordonnance en 1944,
20:52 ça fait suite à 150 ans de mobilisation des mouvements féministes, des suffragettes,
21:00 et c'est vrai qu'en France, notre mémoire collective a tendance à oublier
21:05 qu'il y a eu des suffragettes françaises, à tendance à oublier toutes ces histoires,
21:09 ces anecdotes d'engagement de Marie Pellissier, du Bertine Auclair, de Louise Weiss,
21:15 de toutes ces actions qui ont permis de faire avancer la société,
21:19 avec des actions parfois originales et d'une modernité folle,
21:23 des candidates à l'élection présidentielle qui faisaient campagne sans avoir le droit d'être candidate,
21:29 de faux bureaux de vote en parallèle d'élections législatives réservées aux femmes.
21:35 C'est toujours important de rappeler qu'il y a des visages, des noms et des histoires,
21:40 et ce mouvement civique qui a duré 150 ans jusqu'à rendre acceptable en 1944
21:46 ce qu'il n'était peut-être pas dans le débat politique à l'époque,
21:49 après plusieurs propositions, projets de loi qui ne sont pas allés au bout de la procédure législative.
21:56 C'est aussi un hommage aux suffragettes françaises qu'il faut faire aujourd'hui.
22:00 - On va en aller en 30 secondes.
22:01 - En 30 secondes, on a en effet une révolution qui est une vraie révolution électorale.
22:05 Et d'ailleurs à l'époque, elle est très conjoncturelle.
22:07 Il s'agit également pour le général de Gaulle d'éviter l'arrivée au pouvoir du Parti Communiste.
22:10 Donc on a un jeu qui était à l'époque de conjoncture,
22:14 mais ce jeu de conjoncture aujourd'hui fait qu'on a un vrai suffrage universel,
22:18 parce que je rappelle que le suffrage universel masculin, ce n'est pas le suffrage universel.
22:21 - Merci à vous, merci Benjamin Morel, merci Dorian Andreuil.
22:24 Je vous signale que demain à 8h10 vous retrouvez Sonia Mabrouk pour la grande interview Europain Essay News.
22:30 Son invité Thibault de Montbrial, avocat et président du Centre de réflexion sur la sécurité intérieure.
22:37 Merci à tous, merci encore de votre fidélité.
22:40 Je voulais à tous, tous les auditeurs vous annoncer que je quittais désormais
22:44 la présentation des journaux à 18h vendredi, samedi, dimanche.
22:48 Et que j'aurai le plaisir de vous retrouver dès le lundi 29 avril
22:52 aux commandes d'Europe Un Soir, Nouvelle Formule.
22:55 Et pour ce faire, exactement, je voulais remercier Donna Vidal-Revel,
23:00 notre directeur général et Constance Bainquet,
23:02 et également mes équipes Thomas Lacroix, Capucine Patouillet et Benoît Levionnois.
23:06 D'ici là, portez-vous bien, bonne soirée sur Europe Un avec Nicolas Carreau et La Voix est Livre.
23:10 [Musique]

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