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00:00 8h15 sur France Bleu Normandie, nous sommes donc à J-100 des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.
00:06 Journée spéciale Géo aujourd'hui sur France Bleu.
00:09 On va faire un peu le point ce matin sur l'histoire de l'olympisme avec notre invité Patrick Clastres.
00:15 Il répond à vos questions. Marie, Marthy Rochian.
00:17 Bonjour Patrick Clastres.
00:18 Bonjour.
00:19 Vous êtes donc Rouenais, historien, vous enseignez à l'université de Lausanne en Suisse,
00:23 spécialiste de l'histoire et de la géopolitique du sport international.
00:27 Vous avez forcément beaucoup travaillé sur les Jeux Olympiques.
00:29 Est-ce que selon vous, on est à 100 jours pile aujourd'hui des JO,
00:33 est-ce qu'on assiste à un début d'engouement en France pour les Jeux ou pas ?
00:36 Je ne dirais pas qu'il y a engouement pour les Jeux,
00:38 mais il y aura assurément à l'arrivée une réussite de ces Jeux,
00:41 parce que la France est un pays qui excelle dans l'organisation des compétitions internationales,
00:46 qui a des athlètes de haut niveau au meilleur rang mondial.
00:50 On évalue à peu près le niveau de la France 1 ou 2 avec l'Australie depuis une vingtaine d'années.
00:55 Et puis la France s'est aussi organisé ses événements de manière médiatique.
00:59 On le voit avec les Coupes du Monde, avec le Tour de France aussi,
01:03 on est capable de générer des images fantastiques et ça sera sublime probablement
01:08 au Trocadéro, à Versailles, à la Place de la Concorde, on aura de belles images.
01:14 Mais ça ne fait pas seulement le succès des Jeux.
01:16 Et justement, on a plusieurs objections qui remontent de la part des gens,
01:20 le coût des billets, le coût écologique aussi de compétition de cette ampleur-là.
01:24 Et puis les Jeux sont aussi censés véhiculer ce message de paix, c'est le principe au départ.
01:29 Est-ce que dans notre monde actuel marqué par les guerres,
01:32 est-ce que ce message-là est ironique selon vous ? Il est inutile ?
01:35 Non, il n'est pas inutile, mais il faut parler clair.
01:39 Et je crois que le CEO aurait tout intérêt à neutraliser tous les maillots
01:43 de toutes les délégations du monde pour s'éviter cette bascule
01:47 dans la surenchère politique pour le contrôle de l'événement sportif.
01:52 La Russie charge ses athlètes d'une mission,
01:55 beaucoup de pays au monde l'ont fait.
01:58 C'est difficile de réguler les nations en organisant un affrontement athlétique
02:02 avec des équipes collectives.
02:04 Donc je crois que la seule solution là, ce serait pour le coup d'opérer des sélections nationales.
02:08 Mais une fois que les athlètes sont sélectionnés, qu'ils soient avec des maillots de couleur,
02:12 comme aux Jeux Olympiques de la jeunesse parfois,
02:14 et ça serait un véhicule de paix magnifique, on ne parlerait que de sport.
02:18 Pour qu'on se focalise sur les athlètes en eux-mêmes plutôt que sur les nations,
02:22 je voudrais qu'on revienne un petit peu sur l'histoire de ces Jeux,
02:25 avec ce personnage Pierre de Coubertin qu'on connaît bien chez nous,
02:27 qui a fait renaître il y a 130 ans les Jeux Olympiques depuis le château de Mirville,
02:31 dans le pays de Caen.
02:33 Sa vision des Jeux a quand même été remise en question,
02:36 et elle a beaucoup changé. Pourquoi justement ?
02:38 Coubertin pense les Jeux pour les sportsmen de son époque,
02:41 c'est-à-dire les gentlemen qui appartiennent à l'aristocratie, à la grande bourgeoisie.
02:45 Il n'imagine pas le sport pour le peuple, il s'y convertira au bout de 25 ans, avec difficulté.
02:50 Il n'imagine pas les Jeux pour les femmes, il n'imagine pas les Jeux pour les indigènes, comme on disait à l'époque.
02:55 En revanche, il a créé un événement, et surtout une institution,
02:59 le Comité International Olympique, avec des concepts qu'on a encore en nous,
03:03 comme par exemple la neutralité du sport,
03:06 le fait que le sport soit un lieu de rassemblement pacifique des nations.
03:10 Et cette institution, elle a perduré jusqu'à nos jours avec ses qualités et ses défauts,
03:14 mais ça lui assure une postérité assurément.
03:17 - Notamment sur l'inclusivité, c'est ça qui est mis en avant aujourd'hui ?
03:20 - Oui. - Ça n'a pas toujours été le cas ?
03:22 - Non, l'inclusivité, c'est depuis les années 2000 à peu près,
03:25 que le nombre de femmes augmente, qu'on a une diversité au sein du CIO,
03:30 même si beaucoup de progrès restent à faire.
03:32 Les athlètes ont accès à la parole dans l'espace olympique un peu mieux aujourd'hui,
03:37 même s'ils sont encore bridés.
03:39 Bref, il y a eu des progrès.
03:41 Le CIO est une institution qui n'est pas naturellement progressiste.
03:45 Elle a besoin d'évoluer sous la pression.
03:47 - Et justement, elle devrait encore plus évoluer selon vous,
03:50 notamment vous évoquez dans vos recherches le symbole de la flamme olympique.
03:54 C'est un symbole qu'on met en avant, mais qui n'a pas un passé très reluisant ?
04:00 - Non, le CIO fonctionne à partir de traditions qu'il a complètement inventées.
04:05 La flamme olympique n'a pas existé dans l'Antiquité, ni le relais de la flamme.
04:09 Ce sont des inventions du troisième Reich, des inventions nazies.
04:12 Le CIO a tendance à s'inventer une histoire pour ennoblir ses origines,
04:18 au lieu d'affronter sa propre histoire, puis de dire "voilà, on a ce passé-là,
04:22 et maintenant on avance de notre manière".
04:24 La cérémonie d'allumage de la flamme est complètement ridicule,
04:26 avec des espèces de vestales...
04:28 - Qui ne sont pas représentatives, en tout cas, de la réalité historique.
04:32 - Bien sûr que non, encore plus.
04:34 - Vous avez évoqué aussi la nécessité des athlètes d'avoir plus de parole,
04:37 davantage place au discours dans ces jeux-là.
04:41 On a chez nous un para-athlète, Alexis Anquinquan, originaire d'Ifto,
04:46 qui a été amputé d'une partie de la jambe droite.
04:49 Il porte un message d'admiration pour tous les para-athlètes en général.
04:55 Est-ce que ce sont ce type d'athlètes, de para-athlètes,
04:58 qui peuvent justement porter un message auprès des Français,
05:01 susciter un engouement après ?
05:03 - Je crois que tous les athlètes, para-athlètes ou non,
05:05 ont des messages très forts à faire passer,
05:07 parce qu'ils ont souvent vécu des épreuves terribles de vie personnelle,
05:10 mais aussi dans le cadre de leur entraînement sportif.
05:12 C'est quand même une épreuve considérable,
05:14 à l'échelle de jeunes gens et de jeunes filles.
05:16 Ce sont ces messages-là que les médias font de plus en plus passer aujourd'hui.
05:20 On étudie aujourd'hui, finalement, dans les médias,
05:23 beaucoup plus les trajectoires de vie
05:25 qu'autrefois où on se concentrait uniquement sur la performance.
05:28 Et c'est à partir de ces exemples positifs,
05:30 même s'ils ont très résiliant, ces athlètes,
05:33 qu'on peut faire passer des messages sociaux et culturels très forts.
05:37 Et c'est là que l'on peut embarquer la population,
05:39 beaucoup plus qu'avec des slogans ou de la propagande, comme on le voit.
05:43 - Des slogans, effectivement, à 100 jours,
05:45 donc maintenant, aujourd'hui, des Jeux Olympiques
05:47 et de cette cérémonie d'ouverture qui aura lieu le 26 juillet.
05:50 Merci beaucoup, Patrick Krestre, historien rouennais,
05:53 spécialiste de l'Olympisme, vous enseignez à l'Université de Lausanne.
05:56 Merci d'avoir été notre invité ce matin.
05:58 - Merci de votre invitation.

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