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00:00 Et nous recevons à présent Charlotte Boitiau. Bonjour Charlotte.
00:03 Bonjour.
00:03 Vous êtes rédactrice en chef adjointe du site Info Migrants.
00:07 On va revenir avec vous sur la situation des migrants en Libye, pays de transit pour des milliers d'entre eux qui souhaitent rejoindre l'Europe.
00:14 La Libye est très souvent pointée du doigt par les ONG pour ses exactions envers les exilés.
00:19 Et vous avez choisi de nous montrer une image, une image très choquante,
00:23 celle d'un homme pendu à l'envers par les pieds et qui est frappé par son tortionnaire.
00:28 Oui voilà, vous la voyez apparaître à l'écran. C'est une image assez insoutenable, celle du corps supplicié d'un migrant.
00:34 Cette photo a été extraite d'une vidéo qui a été diffusée par le compte Twitter "Refugees in Libya" il y a quelques semaines, le 25 mars exactement.
00:43 Donc "Refugees in Libya", c'est un compte très sérieux avec qui Info Migrants parle régulièrement.
00:47 C'est un compte qui relate le quotidien des exilés en Libye et surtout qui a une équipe d'observateurs sur place pour raconter ce quotidien.
00:56 Donc "Refugees in Libya" a pu enquêter sur cet homme, elle a pu vérifier son identité.
01:01 Il s'appelle donc Gedeon Samuel Harrison, c'est un Ethiopien et il a 28 ans.
01:05 Donc on ne passera évidemment pas la vidéo, mais pendant les 20 secondes de cette vidéo,
01:10 on voit le bourreau faire un simulacre d'exécution, pointer un revolver près de la tête de ce migrant
01:16 et surtout asséner pendant les secondes suivantes plusieurs coups de pelle sur sa tête, sur son dos et sur ses épaules pendant que cette personne hurle de douleur.
01:25 Est-ce qu'on sait où cette vidéo a été tournée ?
01:27 Oui, alors Gedeon serait retenu quelque part à Bali Walid.
01:31 Alors Bali Walid, c'est une ville qui est au sud de Tripoli, à 200 kilomètres exactement, vous voyez à l'écran.
01:37 C'est une ville tristement célèbre pour être l'une des terribles étapes sur la route des migrants.
01:42 Pourquoi ? Parce que dans cette ville de Bali Walid, il existe des dizaines de prisons secrètes justement gérées par des mafias.
01:49 Qui a tourné, qui a diffusé cette vidéo à l'origine ?
01:52 Alors justement, c'est le tortionnaire lui-même qui a diffusé cette vidéo pour faire pression sur la famille de la victime.
01:59 Ce genre de vidéos, il faut le rappeler, ne sont pas vraiment difficiles à trouver puisque le but de la manœuvre,
02:05 c'est justement de la diffuser, la montrer à un maximum de personnes pour qu'elle soit vue par les familles dans le but évidemment de leur extorquer de l'argent.
02:13 Donc dans le cas de Gedeon Samuel Harrison, sa mère a reçu un premier coup de fil des ravisseurs début février.
02:20 Puis tous les jours qui ont suivi, elle a reçu ce genre de vidéos de son enfant supplicié.
02:26 Les trafiquants lui réclament 14 000 euros en échange de la libération de son fils.
02:31 Donc une somme évidemment colossale. Sa mère a lancé une cagnotte en ligne début mars pour essayer de collecter cet argent.
02:38 Et elle a même signalé l'enlèvement de son fils de son pays aux autorités éthiopiennes.
02:43 Mais la police s'est dit impuissante dans cette affaire.
02:46 Alors comment ces migrants se retrouvent là ?
02:49 Oui, alors la majorité d'entre eux en fait sont interceptés en mer.
02:52 Il faut rappeler que l'écrasante majorité des migrants qui vit en Libye, qui survit en Libye,
02:56 essayent de rejoindre l'Empedouza, essayent de rejoindre l'Italie.
02:59 Mais souvent ils sont interceptés au large de la Libye par les garde-côtes libyens et ramenés de force en Libye.
03:05 Et lorsqu'ils sont ramenés, ils sont automatiquement envoyés dans des centres de détention.
03:10 Donc ça, c'est ce qui concerne la plus grande majorité d'entre eux.
03:12 Il y a aussi ce qu'on appelle les arrestations arbitraires,
03:14 c'est-à-dire des migrants qui sont arrêtés dans la rue, dans leur maison, sur leur lieu de travail,
03:19 pendant qu'ils se promènent, tout simplement parce qu'ils ont la peau noire.
03:22 Est-ce qu'on sait qui sont ces tortionnaires ?
03:25 Alors il s'agit la plupart du temps de malfrats, de malfrats de tout calibre, de trafiquants,
03:29 de gens de l'ombre en fait, qui ont bien compris que les migrants représentaient une manne financière très importante pour eux.
03:35 Mais ces tortures sont aussi pratiquées, c'est important de le dire, par les autorités libyennes elles-mêmes,
03:41 c'est-à-dire par les gardiens des prisons officielles, où le traitement des exilés est loin d'être meilleur.
03:47 Quand je dis "prison officielle", voilà, je parle, vous le voyez à l'écran,
03:50 de toutes ces prisons qui sont gérées directement par le gouvernement de Tripoli
03:55 et où de graves atteintes aux droits de l'homme sont régulièrement rapportées par les ONG.
03:59 Notamment en décembre dernier, MSF, Médecins sans frontières,
04:03 avait pu rentrer dans deux centres de détention à Tripoli, les centres d'Ain Zahra et Abu Salim,
04:09 et elles dénonçaient le comportement violent des gardiens de prison,
04:12 qui agressent, qui violent même des femmes qui sont enfermées là-bas et qui lynchent aussi les exilés.
04:18 Quand on voit le travail des ONG, pourquoi les autorités libyennes continuent finalement de laisser faire ?
04:23 Alors c'est une question que tout le monde se pose, elles laissent faire ces exactions, c'est vrai,
04:27 mais peuvent-elles les arrêter ? Surtout, le veulent-elles ? Il faut savoir qu'en Libye,
04:33 les crimes contre les migrants sont possibles parce qu'il n'y a tout simplement pas d'état de droit.
04:39 Depuis la chute de Muammar Gaddafi, le pays est en train d'un conflit armé,
04:44 et les migrants se retrouvent bloqués au milieu de ce conflit.
04:48 Et donc, je parle de torture, mais selon des témoignages que nous avons pu vérifier,
04:52 que nous avons pu recouper avec les ONG, il existe aussi des migrants qui sont morts de faim.
04:57 Vous voyez les corps émaciés de ces migrants.
05:00 Oui, c'est terrible, des corps émaciés. Il y a des migrants qui sont morts de faim
05:04 et qui ont même été exécutés dans ces geôles libyennes.
05:07 Et malgré tout, l'Union européenne continue de financer son partenariat avec la Libye.
05:13 Tout à fait, malgré les preuves, malgré les rapports des ONG qui se succèdent depuis des années,
05:19 l'Union européenne n'a pas cessé son soutien au pays.
05:22 Depuis 2017, je le rappelle, l'Italie, avec le soutien de Bruxelles, finance la Libye,
05:28 arme les gares de côte, leur fournit des vedettes, ces petits bateaux qui vont en mer intercepter
05:34 les migrants qui veulent rejoindre le vieux continent.
05:36 Et en mars 2023, le Conseil européen, donc il y a un an, a même renouvelé pour deux ans
05:42 son soutien financier aux autorités libyennes. Au total, ces quatre dernières années,
05:47 on parle d'un budget de plus de 32 millions d'euros alloués à Tripoli, selon les chiffres d'Oxham.
05:53 Merci beaucoup, Charlotte. Tous les articles, les enquêtes de votre rédaction
05:57 sont à retrouver sur le site infomigrants.fr. Merci beaucoup.