Comment redresser le bilan économique français ?

  • il y a 5 mois
Avec Henri Sterdyniak, économiste à l’OFCE, auteur de "Penser l’alternative, Réponses à quinze questions qui fâchent" publié aux éditions Fayard.

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Transcript
00:00 Alexis Poulin, sans réserve, l'invité.
00:03 Et notre invité, c'est Henri Sterdyniac, économiste à l'OFCE,
00:07 auteur de "Pensez l'alternative, réponds à 15 questions qui fâchent",
00:10 aux éditions Fayard.
00:12 Je voulais vous avoir sur le plateau pour parler bien sûr du bilan économique de l'État,
00:17 déficit, dette, 3 000 milliards de dettes.
00:21 Qu'est-ce qu'il se passe avec les finances publiques ?
00:27 - D'abord, il faut dire que structurellement, la France n'est pas une exception.
00:32 Beaucoup de pays qui ont des dettes très importantes, c'est le cas du Japon,
00:36 c'est le cas des États-Unis, c'est le cas de l'Italie.
00:40 On est dans une situation où, grosso modo, les pays sont obligés d'avoir des déficits
00:47 relativement importants pour soutenir l'activité.
00:49 Voilà, c'est le... disons, c'est le tableau général.
00:55 Et puis en France, on a un certain nombre de...
00:58 Une particularité, si on peut dire, c'est que le gouvernement, depuis...
01:03 Enfin, les gouvernements Macron successifs ont assez nettement baissé les impôts.
01:09 35 milliards de moins pour les ménages, 35 milliards de moins pour les entreprises,
01:14 70 milliards... 90 milliards, excusez-moi, d'exonération de cotisations sociales,
01:21 20 milliards là sur l'apprentissage, donc tout ça fait qu'on est quand même
01:27 un des pays où la dette a le plus augmenté.
01:30 - Donc ça c'est un problème de recette plus que de dépense publique ?
01:33 - C'est surtout un problème de recette, on peut dire que c'est la stratégie
01:39 qui a été impulsée par Bruno Le Maire avec l'idée "on va réduire les impôts,
01:46 ça va permettre aux entreprises d'investir plus, ça va ruisseller sur l'ensemble
01:53 des ménages, de l'économie et malheureusement on n'a pas une croissance flamboyante
02:01 et même si les dépenses n'augmentent pas très vite, il nous manque des recettes.
02:06 - Oui mais ça c'est un choix politique en fait, d'avoir baissé les impôts et malgré ça la France,
02:11 si on écoute nos gouvernants, serait un des pays les plus taxés
02:15 et on se demande où va l'argent puisqu'on voit que les services publics
02:19 demandent toujours plus de moyens, que ce soit l'école, on va en parler aussi,
02:23 l'hôpital, etc. et on voit que là, la réponse du ministre de l'économie
02:29 c'est de faire encore des économies sur les services publics,
02:31 encore des économies un peu partout alors que, où va l'argent en fait ?
02:35 - Oui, je veux dire, il va être la stratégie disant "on va encore réduire les dépenses publiques,
02:43 les services publics, les prestations chômage, ça a une limite,
02:48 on voit très bien que ça se traduit par une mauvaise qualité des services publics
02:53 donc on risque d'être entraîné dans une spirale assez tragique,
02:57 les services publics sont de mauvaise qualité, donc les gens ont tendance à se retourner vers le privé,
03:03 ce qui est encore plus coûteux, donc disons que ce n'est pas une bonne stratégie
03:10 et le bilan de Bruno Le Maire de ce point de vue, du point de vue des finances publiques, n'est pas très bon.
03:18 - Et du point de vue économique, est-ce qu'on peut dire que ça fonctionne
03:21 puisque ces aides aux entreprises, allégement de la charge aussi de l'impôt,
03:26 on est toujours avec un chômage de masse, on a une croissance économique sous les 1%,
03:32 donc pourquoi continuer ces politiques qui finalement ne font pas leur preuve ?
03:39 - D'abord effectivement, on est dans une situation économique extrêmement médiocre,
03:45 si on regarde la situation par rapport à 2019, la croissance moyenne de la France n'a été que de 0,4% par an,
03:53 ce qui est très faible, donc on peut dire que la politique d'allégement des impôts sur les entreprises
04:00 n'a pas fonctionné, mais comme c'est tout à fait dans l'ADN du gouvernement,
04:05 il est peu probable qu'il en change, donc le problème c'est que les entreprises n'investissent pas assez,
04:12 ne distribuent pas assez de salaires, par contre distribuent trop de dividendes,
04:17 rachètent leurs actions et donc il faudrait avoir une politique un peu plus offensive,
04:26 c'est-à-dire dire aux entreprises "ok, on réduit vos impôts, mais en contrepartie,
04:33 on veut des résultats tangibles en matière d'investissement et en particulier d'investissement pour la transition écologique".
04:40 - Oui mais alors là, c'est tout le problème de la libre-économie et de la liberté des entreprises,
04:45 on n'est pas dans une économie dirigée, donc on peut toujours...
04:49 Bruno Le Maire fustige, demande, mais il n'y a pas de loi qui impose aux entreprises de verser tel salaire,
04:56 d'avoir une limite sur les dividendes, ce qu'on voit c'est que l'argent va à l'argent,
05:03 c'est la finance qui récupère le gros des profits, comment faire pour éviter ça ?
05:09 - Et bien malheureusement ou heureusement, on n'a pas le choix, c'est-à-dire qu'il faut nécessairement
05:17 reprendre le contrôle sur les grandes entreprises,
05:20 les grandes entreprises qui orientent comme ça la vie de notre pays,
05:24 elles doivent être socialement contrôlées,
05:27 il faut dire clairement, les entreprises doivent prendre le tournant écologique,
05:32 c'est-à-dire qu'il faut investir beaucoup, mieux investir dans la transition écologique,
05:39 il faut regarder aussi ce qui se passe au niveau du secteur financier,
05:43 le secteur financier, il doit absolument, c'est un impératif, il doit faire du crédit
05:49 pour la rénovation des logements, pour la construction qui actuellement est extrêmement en difficulté,
06:00 et obligatoirement, ça veut dire qu'il faut, pour dire un mot qui fâche,
06:04 il faut faire de la planification et de la planification écologique,
06:08 et c'est le grand problème de Bruno Le Maire, c'est qu'il a souhaité que la France prend un tournant libéral,
06:17 et qu'en fait, aujourd'hui, le tournant dont on a besoin, c'est plutôt un tournant écologique,
06:23 donc avec une certaine planification.
06:25 - Mais qu'est-ce que vous entendez quand vous dites que les entreprises doivent être socialement contrôlées ?
06:30 Ça veut dire quoi ?
06:31 - Ça veut dire que la stratégie des entreprises, elle doit être réfléchie au niveau social,
06:39 on a une contrainte écologique, et dans cette contrainte écologique, il faut faire des choix,
06:44 par exemple, si vous êtes un producteur de voitures,
06:48 votre tendance naturelle c'est de dire "je vais faire des voitures chères,
06:52 parce qu'avec les voitures chères, j'ai des marges plus grandes",
06:55 alors qu'au point de vue social, l'idée c'est de dire "ah bah non, on a besoin de voitures électriques,
07:01 pas chères, qui puissent servir à certains déplacements avec des économies fabuleuses en termes de matière,
07:16 on ne peut plus avoir de très grosses voitures, il faut limiter le poids des voitures".
07:20 Donc il faut donner des impulsions, en quelque sorte, aux entreprises pour qu'elles aillent dans le bon sens.
07:28 Et c'est pareil pour la rénovation des logements, il faut surveiller étroitement que la rénovation des logements,
07:34 on la finance, on surveille exactement le résultat, et donc naturellement, il faut une économie plus dirigée.
07:47 - Là on est quasiment dans une économie soviétique, non ?
07:51 Si on dit "il faut produire telle voiture pour tout le monde", c'est l'ADA ?
07:56 - Non, on n'est pas dans une économie soviétique, on est dans une économie qui a des contraintes,
08:04 et ces contraintes, il faut que les consommateurs et les producteurs en tiennent compte.
08:13 Et c'est là la difficulté de l'opération.
08:17 La France et tous les pays européens sont devant une nécessité impérieuse, d'un côté il faut prendre le tournant écologique,
08:29 et de l'autre, il faut réindustrialiser, c'est-à-dire que ce tournant écologique doit être fait par les entreprises françaises,
08:37 européennes et non pas par les entreprises chinoises et américaines.
08:43 Et c'est ça le tournant qu'il faut prendre.
08:48 - Oui, mais c'est ce que vous dites, le problème c'est la planification,
08:50 c'est-à-dire que quand en Europe on veut favoriser la voiture électrique ou les panneaux solaires, etc.,
08:56 on favorise en réalité l'industrie chinoise et américaine, parce qu'on n'a pas les filières qui sont prêtes.
09:00 Et puis sur la pression écologique, on voit que c'est le dernier des soucis,
09:06 en réalité dès qu'il y a des problèmes au budget, on supprime la prime rénov',
09:10 on revient sur toutes les lois pour les agriculteurs en disant "finalement vous allez pouvoir assouplir les règles sur l'écologie",
09:17 et même au niveau européen, Ursula von der Leyen est revenue sur son plan carbone à 2050 en disant "non c'est vrai, c'est pas réaliste, on rétropédale".
09:24 Donc on voit bien qu'industrie ou écologie, le choix est fait, c'est l'industrie.
09:29 - La vie est un combat, c'est ça le problème, c'est-à-dire on a un combat à mener à l'échelle française,
09:36 pour dire "attention, la réindustrialisation ça passe aussi par l'écologie, il faut que l'industrie européenne soit en pointe,
09:46 et au niveau européen il faut dire "voilà, on a une nécessité de réindustrialiser,
09:54 et donc il faut faire des choses horribles, subventionner massivement certains secteurs,
10:02 se dire "certains secteurs c'est des secteurs qu'il faut absolument développer, donc on prend les moyens,
10:09 il faut oublier l'idée, mettre en concurrence, etc. pour se polariser sur l'industrialisation.
10:19 Prenez un exemple choquant, si vous voulez, l'industrie nucléaire, la France a pris un choix,
10:27 on va développer le nucléaire, ça veut dire qu'on va subventionner le nucléaire, on va dire aux jeunes
10:32 "il y a 100 000 emplois à prendre dans le nucléaire, il faut vous former là-dessus, et on va se donner les moyens,
10:39 il faut faire pareil sur un certain nombre d'autres secteurs, et de dire clairement "l'avenir c'est,
10:47 on va avoir besoin de batteries, on va avoir besoin de panneaux solaires,
10:54 on les paiera un peu plus cher parce qu'on va les faire en Europe, mais il faut faire comme la Chine,
11:00 si on peut dire, il faut subventionner.
11:03 - La Chine ne le fait pas parce que c'est une économie dirigée justement,
11:06 là on est sur une économie communiste.
11:09 En France, prenons l'exemple de la filière batterie, il faut du lithium par exemple,
11:14 on a un projet de mine de lithium pour faire de l'extraction,
11:18 et tout de suite vous avez des associations qui vont être contre ce projet de mine,
11:23 parce que c'est critique pour l'environnement,
11:25 donc là encore on voit bien que les mentalités ne sont pas forcément alignées sur l'idée d'une réindustrialisation.
11:31 - Oui, ça fait partie du problème, pendant la France s'est désindustrialisée,
11:39 et naturellement ça a un impact sur les mentalités,
11:43 les gens considèrent que l'industrie c'est moche, c'est sale, ça pollue...
11:48 - C'est une vérité, il y a eu la loi sur l'efface, c'est polluant éternel.
11:52 - Et donc il faut absolument dire qu'on a besoin de cette industrie,
12:00 et il faut...
12:02 d'abord toutes les mesures écologiques doivent être pensées de manière à éviter qu'il y ait des victimes,
12:09 c'est-à-dire il faut subventionner les perdants,
12:11 et puis ce qui est nécessaire c'est une intense campagne pour persuader les jeunes
12:20 que naturellement l'avenir c'est l'industrie,
12:26 et que c'est très important que les jeunes s'y forment,
12:30 et qu'on accepte les contraintes que signifie l'énergie,
12:36 en particulier en matière de subvention.
12:38 - Et donc ça c'est pour l'industrie, et pour la dette on fait quoi ?
12:42 On continue de s'endetter, on fait comme le demande Bruno Le Maire des économies,
12:47 est-ce qu'il y a une solution à moyen terme pour régler le problème de la dette ?
12:51 Ou est-ce que c'est pas un problème ?
12:53 - La dette c'est pas un problème tragique,
12:56 d'abord parce que beaucoup de pays sont endettés,
12:58 parce qu'il y a des marchés financiers qui sont tout prêts à nous prêter,
13:03 on s'endette à des taux inférieurs au taux de croissance,
13:07 les marchés financiers ne se soient absolument pas affolés par l'annonce du 5,5% de déficit,
13:15 donc c'est pas une contrainte lourde,
13:21 il faut savoir aussi que les ménages français épargnent beaucoup,
13:24 et que comme ils épargnent beaucoup,
13:27 c'est eux qui d'une façon ou d'une autre portent la dette publique,
13:31 les ménages français ont épargné l'année dernière 125 milliards,
13:36 qui représente à peu près le montant de la dette publique,
13:40 le déficit public 150 milliards,
13:43 donc le problème c'est qu'une grande partie de la dette publique est portée par les ménages,
13:48 les ménages riches qui effectivement veulent détenir de la dette publique,
13:53 et le problème que nous avons aujourd'hui en France c'est que les ménages épargnent trop,
13:57 et comme ils épargnent trop, il y a un déficit de consommation,
14:00 et l'État est obligé d'avoir de la dette,
14:04 donc pour dire des choses horribles,
14:07 pour réduire la dette il faudrait taxer un peu plus les riches,
14:12 redistribuer l'argent pour que ça a un impact sur l'activité.
14:18 On peut imaginer des choses horribles,
14:21 taxer les propriétaires occupants par exemple,
14:23 qui ont déjà fini de payer leur logement,
14:28 ces gens-là ont une capacité d'épargne importante,
14:32 il faut l'utiliser pour investir,
14:38 - Financer l'économie. - Pour financer l'économie.
14:41 - Donc des nouvelles taxes peut-être,
14:43 - Peut-être pas, mais surtout ce qui est très important,
14:47 c'est de nouvelles dépenses,
14:48 et des dépenses qui sont orientées vers la transition écologique,
14:52 et la réindustrialisation.
14:54 - Merci à vous Henri Sterdignac d'avoir parlé avec nous,
14:58 réindustrialisation et dette au micro de Sud Radio,
15:00 on se retrouve dans un instant pour la suite de Poulain sans réserve, à tout de suite.
15:04 Sud Radio, Poulain sans réserve,
15:06 midi 13h, Alexis Poulain.

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