Maman, j'ai arrêté l'avion - Poubelle la vie

  • il y a 5 mois
"Maman, j'ai arrêté l'avion" se penche sur nos poubelles. En moins d'un siècle, nous sommes devenus des "homos détritus", d'autant plus performants que tout nous y incite dans cette société de l'obsolescence programmée et du tout jetable. Nous produisons des tonnes de déchets et vivons sous l'emprise du plastique qui est partout : dans nos maisons, nos ordinateurs, nos vêtements, nos produits cosmétiques, l'eau en bouteille et jusque dans le sang ou le placenta humain. Comment y échapper, est-ce seulement possible de s'en libérer ? Nos déchets qui ont colonisé tous les milieux : l'air, la mer, la terre, et même l'espace, et affectent lourdement nos écosystèmes et notre santé. Que faire pour mieux gérer nos déchets ? Où finissent nos ordures ? Comment moins en produire ?

Pour répondre à ces questions, Daphné ROULIER, en collaboration avec Raphaël HITIER reçoit :
- Nathalie Gontard, directrice de recherche à l'INRA, experte mondiale en sciences des emballages, co-auteure de "Plastique : le Grand Emballement" (Stock),
- Jeanne Guien, philosophe, chercheuse, spécialiste des techniques et en histoire industrielle, auteure de "Le consumérisme à travers ses objets" (Divergences),
- Maël Le Moal, directeur d'un Leclerc à Granville et vice-président de Perifem, l'association qui regroupe les enseignes de la grande distribution autour des préoccupations environnementales

"Maman j'ai arrêté l'avion" est un magazine sur la transition écologique présenté par Daphné Roulier.
Chaque mois, Daphné Roulier abordera un thème lié à l'actualité suivi d'un débat avec ses invités. Ensemble ils se poseront des questions concrètes et politiques quant à la transition écologique que nous devons tous mener. Comment agir ? Comment s'organiser collectivement ? Quelles solutions sont à notre portée ? Quelles sont les fausses pistes à éviter ?
L'émission de 52 minutes est construite autour de reportages tournés sur le terrain et d'interviews de politiques et/ou d'experts en plateau menées par Daphné Roulier avec, à ses côtés, Raphaël Hitier, docteur en neuroscience et réalisateur de documentaires scientifiques.
La militante écologiste Camille Etienne participera également à l'émission sous une forme artistique et percutante.

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Transcript
00:00 Salut à toutes et à tous et bienvenue à ceux qui nous rejoignent sur LCP. Ce mois-ci, nous allons nous pencher sur nos poubelles.
00:06 En moins d'un siècle, nous sommes devenus des homodétritus de compètes, d'autant plus performants que tout nous y incite dans cette société.
00:13 De l'obsolescence programmée est du tout jetable. Le plastique, ça se recycle. Les ordures, ça se composte, nous dit-on.
00:18 Mais au vu des chiffres, on a bien du mal à y croire, Raphaël.
00:21 Chaque Français produit en moyenne 568 kg de déchets ménagers par an à l'échelle de la planète.
00:27 En incluant l'activité industrielle, l'humanité produit 2 milliards de tonnes de déchets solides.
00:32 Et si on extrapole cette tendance qui est à la hausse, évidemment, ce chiffre pourrait atteindre 3,4 milliards en 2050.
00:39 En 2050, il y aura donc plus de plastique que de poisson dans la mer. Alors maintenant, concrètement, que fait-on ?
00:45 En France, depuis le 1er janvier, les collectivités doivent proposer une solution pour trier nos biodéchets.
00:50 Où en est-on ? Où finissent nos ordures ? Et que faire pour mieux les gérer, peut-être tout bonnement, en produisant moins ?
00:56 En fait, maman, j'ai arrêté l'avion.
00:58 [Musique]
01:20 Pour en parler, j'accueille une scientifique directrice de recherche à l'Inrae et spécialiste mondiale du plastique, Nathalie Gontard. Bonjour.
01:27 Bonjour.
01:28 Face à vous, la philosophe Jeanne Guillain, qui a décrypté les ressorts cachés de notre dépendance à la consommation. Bonjour.
01:35 Bonjour.
01:36 Et enfin, Maëlle Lemoile, directeure d'un centre Leclerc à Grandville et vice-présidente de Periferme, l'association qui regroupe les enseignes de la grande distribution. Bonjour à vous.
01:45 Bonjour.
01:46 Et bien, nous sommes tous les trois. Avant de vous donner la parole, nous avons cherché à comprendre ce que deviennent nos déchets.
01:51 Ces déchets qui ont colonisé tous les milieux, l'air, la mer, la terre et même l'espace et qui affectent lourdement nos écosystèmes et notre santé.
01:59 Depuis peu, au nom de l'écologie, nos poubelles sont promises à une deuxième vie. Mais le sont-elles vraiment ? Comment ? Et à quel prix ? Le tout oppose.
02:06 C'est un reportage d'Emma Guizot et Ibar Aïbar.
02:09 Pen Mirabeau, sur les hauteurs de Marseille.
02:20 Renaud Reynaldo, ostéopathe, vit ici avec sa fille de 10 ans. Et ils ont tout pour être heureux.
02:27 La piscine, le soleil, le barbecue, une maison de rêve. Avec tout de même un petit bémol.
02:35 Le matin, je pars avec la petite, elle ouvre la porte, elle me dit "oh papa, c'est dans la poubelle encore aujourd'hui". C'est bon quoi.
02:40 Je suis déçu pour elle. Parce qu'en fait, c'est... Certes, c'est une autre maison avec la petite, mais je l'ai achetée pour elle quoi.
02:47 J'ai pas acheté une poubelle pour ma fille.
02:50 Car à quelques mètres de là, une décharge enfouit dans le sol les déchets de la métropole d'ex-Marseille-Provence.
02:58 Quand Renaud a acheté sa maison en 2017, elle était déjà présente, mais sa fermeture était planifiée pour 2022.
03:06 Finalement, non seulement elle n'a pas fermé, mais elle s'est agrandie il y a un an.
03:11 270 000 mètres cubes de roche ont été dynamités pour accueillir encore plus de déchets.
03:17 Ce jour-là, Renaud rejoint son voisin, Pierre Montangon, président du comité d'intérêt du quartier.
03:23 - Ça commence à sentir un peu. - Ouais.
03:26 - Tu penses ? - Ouais.
03:28 Ici, entre 150 et 175 000 tonnes de déchets sont enfouies chaque année par Suez pour être ensuite recouverts avec de la terre et du gravat.
03:38 - Vous voyez ça, en fait, c'est pas naturel. Tout ce qu'on voit de terre, là, en fait, ce sont des monticules de détritus qui ont été recouverts de terre.
03:45 Toute cette zone qui remonte jusqu'à la tour, tout là, en fait, ce sont que des déchets qui sont cumulés depuis 50 ans.
03:53 - C'est le monde poubelle. - Vous voyez ? Et là, en fait, vous avez toutes les mouettes dessus.
03:57 Elles grattent un petit peu parce qu'elles savent que derrière, en dessous, elles vont pouvoir manger. Il y a quelque chose à prendre.
04:05 Cette décharge, officiellement appelée installation de stockage de déchets non dangereux, devrait enfouir seulement des déchets dits ultimes,
04:14 c'est-à-dire des ordures qui n'ont pas été recyclées en centre de tri ou brûlées en incinérateur.
04:19 - Tout ça, vous voyez, c'est simple. Le camion qui est là-bas, c'est une benne. C'est une benne qui fait le ramassage des poubelles.
04:25 Ca va être le tri qui est fait par le concitoyen. Mais par contre, si on fouille dedans, il y a de tout.
04:30 Les quelques 350 camions défilent toute la journée, vident leurs ordures sur le sol et repartent. Ce matin, devant nos caméras, 3 camions pleins font demi-tour.
04:40 - Celui qui est devant, là, en orange... - C'est lui qui donne les consignes, en fait.
04:45 - Ah ouais, il donne les consignes. Débat, là-bas, ils sont en train de filmer. C'est pas la peine.
04:48 - Je pense qu'il devait surtout y avoir des choses qu'on devait pas voir et qui devraient surtout ne pas être là.
04:52 - Polystyrène, papier, fer, n'importe quoi, de tout.
04:56 - Parce qu'en fait, y a personne qui va fouiller. Une fois que c'est sous 5 m de terre, on va pas aller chercher ce qui a été enfoui ou pas.
05:02 - Aux portes de Marseille, on se retrouve avec une poubelle géante à ciel ouvert. Je suis pas un expert, mais elle est où, l'écologie, là ?
05:08 - C'est-à-dire combler un trou avec tous les déchets humains ?
05:11 Comme à peine Mirabeau, cela fait maintenant des décennies que la France étouffe sous les déchets et n'arrive plus à les gérer.
05:18 Que faire de toutes nos ordures ménagères ? En France, nous avons doublé notre production de déchets ces 40 dernières années.
05:25 Chaque habitant génère en moyenne 580 kg d'ordures par an. C'est plus que la moyenne européenne.
05:31 Nous en jetons la moitié dans notre poubelle grise. Pourtant, des règles existent pour mieux les traiter.
05:37 35 % de nos déchets sont des papiers et des emballages qui devraient être jetés dans la poubelle jaune.
05:42 Et depuis le 1er janvier 2024, nos épluchures et déchets verts devraient être obligatoirement compostés.
05:50 Mais pour l'instant, l'essentiel de nos ordures est soit enfoui en décharge, soit brûlé en incinérateur.
05:57 Alors quelles sont les conséquences de cette gestion de nos poubelles pour l'environnement ?
06:02 Les décisions s'opposent. Juliette Franquet est directrice de Zero Waste France et Denis Penuel est directeur général des services du CYCTOM.
06:10 Aujourd'hui, il y a une quantité de déchets astronomiques et il faut les gérer.
06:14 Donc il y a des décharges, il y a des incinérateurs. Pour nous, c'est un peu comme la lèpre ou le choléra.
06:19 C'est-à-dire que les incinérateurs sont très polluants, les décharges sont très polluants. Les deux, il faut s'en séparer.
06:26 Ce sont des installations qui sont classées pour la protection de l'environnement.
06:32 Elles sont la solution et cette solution, elle est mise en œuvre dans des conditions de respect de l'environnement pour éviter qu'il y ait des transferts de pollution.
06:42 La première destination de notre poubelle grise, c'est la décharge d'enfouissement.
06:48 En France, 17 millions de tonnes d'ordures y sont stockées, soit un déchet sur cinq.
06:53 Nous sommes à Pierrefeu du Var, en région PACA. Ceci n'est pas une pyramide Maya, mais une ISDND,
07:00 une installation de stockage des déchets non dangereux du groupe Azure Valorisation.
07:05 Elle fait partie des 220 centres en activité en France.
07:08 Une décharge modèle que son directeur, Hervé Antoncenti, accepte de nous faire visiter.
07:14 Pour lui, l'enfouissement n'est pas un problème, petit mode d'emploi.
07:18 Une fois qu'on a mis toutes les barrières de protection du sol, on vient faire des tranches de 50 cm à peu près de déchets
07:25 qu'on vient compacter avec ce type d'engin qu'on appelle compacteur pied de mouton,
07:30 qui peut faire jusqu'à 55 tonnes de façon à atteindre quasiment une tonne par mètre cube.
07:37 Les déchets cumulés, puis mélangés avec de la terre, vont créer ces étages artificiels, protégés par un nouveau revêtement étanche.
07:45 Vous voyez une équipe de poseurs de membranes devant nous.
07:49 En noir, c'est la membrane qui vient recouvrir les talus.
07:53 Et en vert, c'est la membrane qui va servir à drainer les eaux vers le bas de l'alvéole.
07:59 Ces eaux sont ce qu'on appelle des lyxivias, les jus que tout aliment produit en pourrissant dans notre poubelle.
08:07 Ils sont récupérés et stockés dans un réservoir à ciel ouvert.
08:11 Pour ce bassin-là, les lyxivias viennent du massif de déchets que l'on a en visuel devant nous.
08:17 Et donc cette eau, elle est traitée, et c'est la technique de filtration la plus élaborée qui existe aujourd'hui.
08:23 Donc on peut rejeter cette eau-là dans le milieu naturel.
08:26 De cette filtration, il reste un concentrat, à son tour traité dans cette station d'épuration.
08:32 Les décharges sont indispensables parce que ça permet d'avoir un circuit officiel contrôlé
08:39 qui participe à l'hygiène publique, à éviter que la pollution soit disséminée n'importe où, dans l'environnement, dans les océans.
08:47 Et donc bien sûr que ce dernier maillon, il est indispensable au fonctionnement global de notre société.
08:54 Alors les décharges, c'est une catastrophe environnementale.
08:58 Il y a des impacts, notamment dans la terre et parfois jusqu'aux nappes phréatiques.
09:03 Parce qu'en fait une décharge, il y a beaucoup de biodéchets qui sont composés d'eau, qui vont former un jus qui devient toxique
09:10 et qui va ensuite s'infiltrer malgré les bâches plastiques, et c'est très néfaste pour les sols.
09:16 La deuxième cause vraiment horrible des décharges, c'est la pollution de l'air.
09:22 Et en particulier le méthane, qui est un gaz extrêmement polluant, qu'il faut absolument stopper.
09:28 Mais à Azure Valorisation, la décharge est tellement bonne élève qu'une partie de ce méthane va être réutilisée.
09:35 Capté dans des tuyaux, il vient alimenter directement l'unité en énergie.
09:40 Et cerise sur le gâteau, la station a même embauché un effaroucheur qui vient tous les jours avec sa buse éloigner les mouettes.
09:49 Ces oiseaux s'empoisonnent en se nourrissant de déchets.
09:52 Parce que ces oiseaux-là, en fait, ils ont appris à manger qu'eux ici, ils n'ont pas appris à manger en mer, en chassant.
09:56 Donc en fait, c'est leur seule cantine, c'est ici. Donc c'est leur seul repère, c'est de venir manger là.
10:00 Donc on essaie aussi, du coup, quand il y a des plus jeunes qui viennent, de leur freiner leurs habitudes et de repartir en mer, du coup, et d'essayer de chercher à manger autre part.
10:07 Si on n'intervient pas, il y aurait des milliers et des milliers de goélands, comme vous pouvez voir sur certaines décharges, qui n'emploient pas des fauconniers ou autre type d'effarouchement.
10:14 Car la plupart des décharges d'enfouissement ne sont pas aussi bien contrôlées.
10:20 Nous retournons à Paine-Mirabeau. Ce jour-là, Pierre et Renaud ont donné rendez-vous à leurs voisins, à quelques mètres de la décharge d'enfouissement de Suez.
10:28 - Bonjour. - Bonjour.
10:32 C'est ici que défilent les camions qui entrent et sortent du site dès 5h30 du matin.
10:38 Ces dernières semaines, les riverains ont observé une activité de la décharge le samedi matin, alors qu'elle devrait être fermée tout le week-end.
10:45 Ce rond-point est leur lieu stratégique pour exprimer leur mécontentement.
10:49 - Si on fait pas ça, en fait, après l'exploitation, ça devient n'importe quoi. Qui sait si, dans 5 ans, c'est pas ouvert 5 jours sur 7 ?
10:56 En tout, les Penois estiment le passage des camions à environ 350 par jour. Beaucoup ne respectent pas la limitation de vitesse.
11:05 - Il y en a 1 sur 1 000 qui s'arrêtent au stop.
11:08 De quoi inquiéter les habitants des lotissements voisins.
11:11 - On n'a pas la visibilité. Eux, l'ont. Nous, on l'a pas. Et donc, 1 chance sur 2, soit on se fait couper la route par un camion, soit on arrive à passer.
11:19 - Moi, j'ai des enfants en bas âge. Je les laisse pas sortir en vélo parce que j'ai peur. J'ai peur, tout simplement, quoi. Je pense que c'est légitime.
11:26 Sur leur passage, les camions laissent tomber tous les jours des dizaines de morceaux de papier plastique dans la nature.
11:33 - Regardez le camion. Hop, il passe juste là-dessus. Et lorsqu'il bâche pas bien, en fait, vous avez tout qui s'envole.
11:39 Et là, en fait, on se retrouve les lames de mène d'épisode 22. Avec tous les plastiques, là, vous les avez, ils se raccrochent au grillage.
11:46 On a du plastique, on a du saupalais, ça, ça, ça.
11:51 Ce plastique est une plaie pour l'environnement. Issu du pétrole, il met des siècles à se dégrader. Et ici, il ne s'arrête pas au bord des routes.
12:01 - Alors là, il y en a de partout.
12:02 Il vient également polluer les sites naturels, comme la forêt communale de Peine-Mirabeau...
12:06 - Il y en a là.
12:08 ... située de l'autre côté du site d'enfouissement.
12:10 - Tout ça, ça vole, ça se... De la décharge, ça vient.
12:14 Vous avez compris ce genre de truc ?
12:16 Ça, ça vole, mais sur des... Ça, ça va rester X années.
12:20 Ça, ça devrait être au tri, ça.
12:23 Chez moi, moi, je le mets dans la poubelle jaune du tri.
12:26 Et pourquoi ça se retrouve là ? Parce que là, il ne fait rien du tout.
12:30 Et il y en a partout, là, à la colline. Regardez.
12:33 Et là, j'ai fait 15 m.
12:37 Vous imaginez, sur des hectares, il y en a partout.
12:41 - Chaque année, la France jette en moyenne 3,2 millions de tonnes de déchets plastiques.
12:46 Et seul un faible pourcentage est recyclé.
12:49 - Avec coeur, hein, de se promener, là. Regardez.
12:51 Et vous soulevez un buisson, pas besoin de chercher.
12:54 Il y a plus de plastique que de champignons, ici.
12:56 Je m'en bats.
12:58 La polystyrène, ça ne pousse pas sur les arbres, hein.
13:00 Ça vient de là-bas.
13:01 Là, il ne nettoie jamais.
13:03 Sinon, ils se piquent, ils se font mal, donc ils ne vont pas aller nettoyer.
13:07 Le seul truc, ils vont raser un peu plus.
13:10 C'est pour ça que là, il n'y a plus d'arbres.
13:12 Avant, il y avait un peu des arbres.
13:13 Et là, c'est quelques buissons pour arriver à nettoyer.
13:16 - Couper des arbres pour nettoyer les déchets, au nom de la préservation de l'environnement.
13:21 Un paradoxe de plus pour faire face à un produit dont on ne sait plus comment se démarrasser.
13:26 - Quand on parle de plastique, on parle d'emballage, mais en fait, c'est partout.
13:30 On mange du plastique, on respire du plastique, on en a sur notre peau, on en a dans notre sang.
13:35 Et pourtant, ça fait seulement quelques décennies que ça existe.
13:39 Les décharges ne sont décidément pas la panacée.
13:41 L'Etat a d'ailleurs décidé d'en fermer une grande partie.
13:44 Mais dans les faits, les objectifs de réduction sont encore loin d'être atteints.
13:48 Alors l'incinération peut-elle nous aider à mieux traiter nos déchets ?
13:52 Nous sommes à Issy-les-Moulineaux, dans l'incinérateur vitrine du CYCTOM,
13:58 le syndicat mixte central de traitement des ordures ménagères d'Ile-de-France.
14:03 L'incinération est la 2e destination de nos poubelles grises.
14:07 Ici, chaque jour, environ 250 camions viennent déposer les déchets
14:11 de tout le sud-ouest de la région parisienne.
14:14 530 000 tonnes d'ordures sont brûlées chaque année.
14:17 Une quantité énorme, en partie parce que tout n'est pas recyclé.
14:21 - Là, si on s'approche, on voit bien des bouteilles en plastique.
14:24 On a des bouteilles en plastique, on a des papiers.
14:27 Ça, c'est du carton d'emballage.
14:29 Là-bas, encore des bouteilles en plastique, de l'aluminium,
14:32 des boîtes de conserve, qui pourraient être aussi dans le bac jaune.
14:35 On voit une bouteille en verre verte sur le rebord.
14:37 Tout ça, ça devrait être dans les autres bacs, dans les autres filières
14:40 qui existent et qui sont aujourd'hui, hélas, trop peu encore parfois utilisées.
14:44 Direction la salle des commandes, le centre névralgique du traitement des ordures.
14:52 - Donc là, on arrive sur le poste du pontier qui contrôle le grappin.
14:56 Le grappin qui a une capacité de 5, 6 tonnes par prise.
15:00 Le but, bien mélanger tous les déchets avant de remplir le four.
15:05 Car la présence de certaines matières non recyclées,
15:07 comme le papier et le carton, entrave le bon fonctionnement de la combustion.
15:12 - Si la température du four n'est pas maintenue autour des 1'000, 1'100 degrés,
15:16 la combustion n'est pas parfaite et on peut avoir de la pollution.
15:19 Autre facteur de pollution d'un incinérateur,
15:21 la présence de certaines matières plastiques.
15:24 Leur combustion peut former des composés persistants et très toxiques dans l'air,
15:28 tels que les dioxines et les furanes.
15:31 Mais comme chez Azure Valorisation,
15:33 le SICTOM met plutôt l'accent sur la réutilisation de l'énergie émise par les déchets.
15:37 C'est ce qu'on appelle la valorisation énergétique.
15:40 - Sur une tonne d'ordures ménagères qui est déposée dans le centre,
15:45 en moyenne, à l'année, pour cette tonne, on va produire 225 kW d'électricité.
15:51 L'électricité sert à alimenter l'usine qui fonctionne en autonomie
15:55 et une tonne huit de vapeur qui va alimenter le réseau de chauffage urbain parisien.
15:59 - La vapeur produite par l'incinérateur permettrait de chauffer l'équivalent d'environ 100'000 logements parisiens.
16:05 - Dans un espace urbain, il y a un besoin énergétique local qui est très important.
16:12 Avec une unité de valorisation énergétique,
16:14 les déchets qui sont produits par des habitants sont transformés en énergie
16:20 et retournent vers ces habitants.
16:24 Donc oui, c'est une forme d'économie circulaire, même si le concept est beaucoup plus large.
16:30 - L'incinération, le problème, c'est que c'est une industrie.
16:34 Et du coup, pour rendre rentable un incinérateur,
16:37 il faut continuer à avoir des déchets pour produire de l'énergie.
16:40 Et du coup, ça nous enferme dans une espèce de boucle infernale
16:43 où si on se dit que les déchets sont des ressources,
16:46 on ne va pas être incité à réduire les déchets.
16:49 - À l'évidence, le traitement de nos déchets est loin d'être parfait.
16:53 Décharges ou incinérations, les deux modes posent des problèmes environnementaux.
16:58 Alors peut-être faut-il tout simplement prendre le problème à la source
17:02 et réduire nos poubelles.
17:04 - Alors on l'a vu, nous produisons des tonnes de déchets
17:09 et vivons sous l'emprise du classique.
17:10 Il est partout, dans nos maisons, nos ordinateurs, nos vêtements, nos produits cosmétiques,
17:13 l'eau en bouteille jusque dans le sang ou le placenta humain.
17:16 Comment y échapper ? Est-ce seulement possible de s'en libérer, Jeanne Guir?
17:20 - Pour pouvoir s'en libérer, il faudrait déjà réfléchir à comment on consomme
17:23 plutôt que comment on jette.
17:25 Il faut savoir quand même que l'impact environnemental de nos consommations
17:28 est lié à la production majoritairement.
17:30 C'est plus de 80% de l'impact environnemental de nos consommations
17:34 qui est lié à la production des objets.
17:36 Donc se concentrer uniquement sur les modèles de traitement des déchets,
17:40 ce n'est pas vraiment prendre le problème à la source.
17:42 Si on veut réduire les déchets qu'on produit,
17:45 il faut aussi réduire tout ce qu'on achète qui est jetable ou qui est inutile,
17:49 qui est en trop, toutes nos consommations superflues.
17:52 Donc il faut se questionner évidemment sur nos modes de production et de consommation.
17:56 Et sans doute que les questions de traitement des déchets se simplifieront par la suite.
18:00 Je prends un seul exemple puisqu'on parle beaucoup des emballages.
18:02 Aujourd'hui l'industrie du packaging semble totalement libre
18:06 de créer des emballages les plus complexes, les plus colorés, les plus variés,
18:10 les plus énormes aussi tout simplement.
18:13 On a beaucoup d'emballages qui sont à moitié vides.
18:15 Et donc c'est une industrie marketing,
18:17 puisque un emballage c'est censé aussi séduire.
18:19 Il faut par exemple réglementer évidemment cette industrie
18:21 pour qu'on n'ait pas de sur-emballage,
18:23 moins d'alliages complexes qui rendent le tri impossible parfois.
18:26 Justement, Maëlle Lemoyle, en 2020,
18:28 l'Atlas du plastique évaluait à 70 kilos la consommation annuelle de plastique
18:32 pour chaque Français dont 45 % proviennent d'emballages.
18:35 Vous venez de le dire, presque la moitié, c'est beaucoup trop.
18:38 Est-ce que c'est pour vous un levier non négligeable dans un centre Leclerc ?
18:42 Pour nous, la réduction du plastique est un engagement
18:46 que l'on porte au niveau de Périfèmes,
18:49 la fédération du commerce responsable.
18:52 Et notre objectif, c'est de réduire le plastique en trouvant des solutions.
18:56 Alors on le sait, vous en avez parlé,
18:58 les fournisseurs travaillent déjà sur l'emballage en essayant de réduire.
19:02 L'exemple le plus un peu connu, c'est le paquet de pâtes
19:05 qui au début était en plastique et qui se transforme en carton,
19:08 donc recyclable.
19:09 Mais quel est l'objectif chiffré de cette réduction de plastique
19:12 au niveau du Périfèmes ?
19:14 On a une obligation de réduction de 20 % en 2025
19:18 de l'utilisation de l'emballage à usage unique.
19:21 Et donc Périfèmes travaille dessus et notamment a porté une initiative
19:25 qui s'appelle En Avant Vrac,
19:27 où on va essayer de massifier le vrac dans les hypermarchés
19:31 qui permettra aux producteurs de livrer directement
19:34 des sachets souples contenant le produit
19:37 et qui sera distribué en magasin.
19:39 Donc le but, c'est de réduire le plastique
19:41 par des solutions comme le vrac.
19:43 Et on sait aussi qu'on a des leviers,
19:46 avec notamment la consigne.
19:48 Alors ça peut être des bouteilles en verre,
19:50 ça peut être aussi des barquettes en inox.
19:52 Il y a énormément d'initiatives qui sont prises par les distributeurs.
19:55 Vous vous êtes également donné pour mission de troquer
19:57 les emballages des rayons boulangerie-pâtisserie par de la cellulose.
20:00 Ça c'est une solution viable ?
20:02 Nathalie Montax, vous en pensez ?
20:04 C'est toujours mieux que le plastique,
20:06 il faudrait aussi, avec tout ce qu'on a vu,
20:08 faire la différence entre les différents matériaux.
20:11 C'est vrai qu'en général, on parle des déchets de façon globale.
20:14 Pour moi, il y en a un qui est un peu plus dangereux que les autres.
20:17 Pas parce qu'il pollue plus au moment de la production,
20:20 mais parce qu'il pollue plus pendant l'usage
20:22 et surtout très longtemps après.
20:24 C'est un déchet qui est persistant.
20:25 Est-ce qu'on peut le nommer ce déchet ?
20:27 C'est le plastique qui est quand même un déchet à part,
20:29 qui ne s'insère dans aucun des cycles bio-géochimiques de la planète.
20:32 Et c'est pour ça qu'il s'y accumule.
20:34 Parce que tout ce qui est à base de cellulose,
20:36 ce sont des matériaux qui sont biodégradables naturellement.
20:39 L'idée, ce n'est pas...
20:41 Quel est le pourcentage de plastique biodégradable ?
20:43 Non, mais là, très faible, c'est ridicule.
20:45 Ce n'est même pas la peine d'en parler.
20:47 C'est quoi ? C'est infime ?
20:48 C'est infimitismal ? C'est 2-3% ?
20:50 Oui, oui, oui.
20:51 Il y a une certification pour ça, d'ailleurs, non ?
20:53 Oui, tout à fait, avec un gros mélange sur la définition du biodégradable,
20:57 parce qu'il y en a un, qui est le PLA,
20:59 qui ne l'est pas en condition naturelle.
21:01 On le retrouve au fin fond des glaces de l'article,
21:03 aux côtés des plastiques pétrochimiques conventionnels.
21:06 Donc je vous passe toutes ces ambiguïtés sur les définitions.
21:11 C'est pour ça qu'il est aussi de notre devoir
21:13 de bien être clair sur la signification des différents termes,
21:16 à commencer par celui de déchet.
21:19 Parce que déchet, souvent, on va se dire, c'est une fois qu'on l'a jeté.
21:22 Oui, peut-être, mais pour le plastique, ce n'est pas le cas.
21:25 La pollution, elle commence dès l'usage.
21:27 Et du coup, par exemple, un matériau plastique utilisé en construction
21:31 qui va être utilisé pendant des dizaines et des dizaines d'années,
21:34 on peut se dire, tant qu'il est utilisé, il ne pollue pas.
21:36 Ce n'est pas vrai.
21:37 Lorsqu'on recherche la source des micros et des nanoplastiques
21:41 que l'on retrouve dans notre environnement,
21:43 on s'aperçoit que beaucoup correspondent à des plastiques en usage.
21:46 Ceux que l'on retrouve au fin fond des glaces de l'article
21:49 proviennent de matériaux de construction pour l'isolation.
21:52 Ceux qu'on retrouve dans les eaux, par exemple, du lac Clément,
21:55 proviennent des eaux de lavage de nos vêtements qui sont en cours d'utilisation.
22:00 Ceux qu'on retrouve dans l'air proviennent de l'usure des routes
22:03 puisque, justement, on met dans les routes des résidus d'incinération des plastiques
22:08 et puis aussi de l'usage des pneus parce que dans les pneus, il y a des plastiques.
22:11 Donc, ce que je veux dire par là, c'est qu'il y a déchets et déchets.
22:15 Il faut réduire tous nos déchets, mais les déchets plastiques vraiment en priorité
22:19 parce que ce sont des matériaux qu'on lègue aux générations futures
22:22 qui ont un comportement très particulier.
22:24 Ça, il faut le dire.
22:25 C'est-à-dire qu'ils vont se fragmenter en tout petits bouts,
22:28 mais de façon très, très lente et ils vont ensuite aller s'accumuler
22:31 dans les organismes vivants parce qu'aucun organisme vivant
22:35 ne dispose des outils biologiques pour s'en débarrasser, y compris le norecto.
22:39 Donc, une fois qu'il a pénétré...
22:40 On les retrouve dans nos artères, ça propose des maladies cardio-vasculaires.
22:43 Et il s'accumule et il entraîne des dysfonctionnements, des inflammations.
22:46 Est-ce qu'on connaît l'impact de santé de ces nanoplastiques, microplastiques ?
22:50 Oui, bien sûr. On sait qu'il y a des impacts santé très importants.
22:53 Il est toujours très difficile de montrer du doigt un plastique
22:56 parce qu'on parle d'un plastique, mais en fait, il y a des milliers de plastiques différents
23:00 avec des histoires différentes et donc avec des effets différents.
23:04 Alors justement, on nous rebat les oreilles avec le recyclage.
23:07 Le recyclage, c'est devenu l'alpha et l'oméga des politiques publiques.
23:11 Mais pour ce qui est du plastique, par exemple,
23:13 vous dites que le recyclage n'existe pas aussi peu que c'est une vaste fumisterie.
23:18 C'est vrai. Le recyclage, c'est un vœu pieux.
23:20 C'est un vœu narratif qui a été proposé.
23:23 C'est un vœu savamment entretenu par les industriels pour les encourager à consommer ?
23:28 Moi, je dirais un vœu pieux.
23:29 On aimerait pouvoir recycler le plastique comme n'importe quel matériau naturel se recycle.
23:34 Par exemple, une feuille d'arbre qu'on retrouve ensuite au printemps d'après à l'identique
23:37 parce qu'elle est biodégradable.
23:39 Donc, on s'est dit, on va faire pareil pour le plastique.
23:41 Sauf qu'entre le discours et la réalité de la matière, la technologie,
23:45 là, il y a un grand fossé.
23:47 Et le grand fossé qui existe actuellement, c'est que le plastique a été conçu pour servir l'homme
23:52 et pas pour être recyclé.
23:53 C'est-à-dire pas pour être régénéré à l'identique.
23:56 Et donc, comment c'est pas bouclé la boucle ?
23:59 Eh bien, elle n'est pas tout à fait bouclée.
24:01 Mais juste pour comprendre, quand on prend une bouteille d'eau dont on nous dit qu'elle est recyclée,
24:06 seul 25% de la bouteille est recyclée, le reste, c'est du plastique flambant neuf.
24:11 Oui, tout à fait.
24:13 Mais surtout, ça, encore à la rigueur, c'est un petit peu vertueux,
24:17 parce qu'on économise 25% de matière et donc de pollution.
24:20 Quoique l'idéal étant, bien entendu, comme on l'a dit, de se passer de la bouteille.
24:24 Avec une gourde, on s'en sort très bien.
24:26 Comment faites-vous, monsieur Lemoyle, dans ces conditions ?
24:28 Pourquoi ne pas supprimer ou demander, exiger que l'on supprime de votre Leclerc à vous,
24:34 intégralement le plastique ? Vous faites un coup d'État.
24:36 Alors, moi, quand j'entends Madame, ce que je me dis, c'est qu'il faut agir.
24:41 Et c'est ce qu'on se tend et ce qu'on essaie de faire.
24:44 En réduisant le plastique, bien évidemment, l'emballage ne peut pas être supprimé du jour au lendemain
24:49 parce qu'il présente des utilités, en termes de transport, en termes d'hygiène,
24:54 en termes de... Voilà, plusieurs utilités.
24:56 Est-ce que les industriels ont la possibilité, aujourd'hui, de supprimer le plastique
25:00 et de prendre d'autres matières ?
25:01 C'est à eux qu'il faut poser la question. Moi, je ne peux pas répondre à leur place.
25:05 Non, mais vous êtes scientifique. Est-ce qu'aujourd'hui...
25:07 Bien sûr qu'il y a déjà des exemples où on a supprimé le plastique,
25:11 par exemple, de tout un tas de fruits et légumes frais,
25:14 parce que le plastique ne servait strictement à rien.
25:17 Mais ensuite, il y en a d'autres où il va falloir faire un travail
25:20 sur la logistique du produit alimentaire.
25:23 Et quels sont les usages où le plastique est indispensable ?
25:25 Par exemple, pour vous, vous êtes bloqué par quoi ? Sur quel type de produit ?
25:28 Parce que vous ne pouvez pas faire autrement qu'avec du plastique.
25:31 Alors, on a toujours des solutions dites de substitution et on travaille dessus.
25:35 Vous aviez parlé par exemple des emballages dans la boulangerie.
25:39 On peut le transformer par des sacs Kraft. Je l'ai fait dans mon magasin.
25:42 Ça nous a permis d'économiser 5 tonnes de plastique.
25:45 Ce qui n'est pas négligeable.
25:46 Ce qui n'est pas négligeable. Donc, on doit agir et faire beaucoup de choses.
25:50 Mais néanmoins...
25:51 Quelle est votre feuille de route ? Par exemple, vous voulez substituer
25:54 les barquettes en polystyrène expensées par des barquettes en résine.
25:57 Est-ce que ça va assez loin ?
25:58 À l'heure actuelle, je ne peux pas vous le dire. Mais en tout cas, ce qui est sûr, c'est qu'on agit.
26:01 Le pire serait de ne rien faire. Et comme l'a dit madame,
26:04 maintenant, il y a aussi d'autres enjeux qu'il faut prendre en compte
26:07 quand on parle d'emballage.
26:09 Un qui parle à tout le monde, c'est le carbone.
26:12 Quand vous transportez un produit dans un emballage plastique
26:16 et qu'il part sur la route, il est plus léger.
26:18 Si demain, vous remplacez une bouteille de plastique par une bouteille en verre,
26:22 le poids est plus important. L'impact carbone est plus important.
26:25 Donc, je ne dis pas qu'il ne faut pas faire.
26:27 Je dis que quand on fait ce changement, il faut analyser l'ensemble des données.
26:31 On sait que le carbone a pris une importance exceptionnelle dans notre vie.
26:35 Donc, il faut être vigilant à tout ça.
26:37 Et vous l'avez dit à juste titre, c'est un travail qui doit se faire collectivement
26:41 avec les fournisseurs, avec les distributeurs, avec les consommateurs
26:44 qu'il faut aussi accompagner dans ce changement
26:47 parce que ce sont des modes de consommation qui sont différents.
26:50 On rêverait tous de grandes allées avec que du vrac.
26:53 Mais actuellement, le consommateur, est-ce qu'il est réceptif à ce mode de consommation ?
26:57 Effectivement, peut-être que vous pourriez mettre en place des actions de pédagogie
27:00 à l'attention des consommateurs pour améliorer la collecte, par exemple,
27:03 dans vos enseignes, ou le vrac.
27:05 Alors, dans beaucoup de magasins, vous avez des collecteurs
27:08 qui viennent vous donner un bon d'achat et c'est par ce système de gratification
27:12 qu'on donne aux clients, on l'incite à ramener la bouteille en plastique.
27:16 Pour ça, il faudra le généraliser, par exemple.
27:18 Écoutez, je pense que le législateur doit aussi intervenir.
27:21 En tout cas, nous, on travaille dessus pour qu'une action positive soit faite par les distributeurs.
27:27 Alors, vous parliez de l'impact carbone de nos déchets domestiques.
27:30 La transition est toute trouvée, Raphaël.
27:32 Vous vous êtes penché sur nos poubelles avec balance et pince à épiler
27:35 pour tenter de répondre à cette vaste question.
27:38 C'est l'heure du Climatoscope.
27:47 Alors, quand vous jetez vos déchets, même quand vous le faites dans la bonne poubelle,
27:51 ils produisent du CO2, ou plutôt de l'équivalent CO2.
27:54 C'est fatal.
27:56 Alors, il y a évidemment le ramassage des déchets qui a un impact à travers la pollution des camions poubelles.
28:02 Mais l'essentiel est au niveau des incinérateurs et des décharges.
28:06 Un incinérateur, c'est une combustion.
28:08 Une combustion, ça libère du carbone.
28:11 Les sites sont plus ou moins équipés de turbines électriques
28:15 qui permettent de faire un peu d'énergie à partir de ça.
28:17 Mais, fatalement, il y a production de CO2 de façon importante.
28:21 Le deuxième poste très important du CO2 pour les déchets, ce sont les décharges.
28:26 Si on y trouve du bois, du carton, des restes de nourriture, tout ce qui est un peu biologique.
28:31 Une fois enfoui, ça fermente et ça produit un gaz qu'on appelle le méthane
28:34 qui a un effet réchauffant 30 à 40 fois supérieur à celui du CO2.
28:39 Donc, dans la filière déchets, là aussi, on arrive à récupérer ce méthane
28:43 pour faire un peu d'énergie, mais c'est assez anecdotique, c'est limité.
28:46 En 2019, par exemple, les déchets ont été responsables du rejet de 450 000 tonnes de CH4 dans l'atmosphère,
28:52 soit 20 % des émissions totales de méthane du pays.
28:56 L'autre grand sujet dont on parle depuis tout à l'heure sur les poubelles,
29:00 ce sont évidemment les emballages.
29:02 Je voulais juste donner des ordres de grandeur en matière de CO2
29:05 concernant les différents emballages.
29:07 Si on prend un emballage d'un litre en papier, il a, sur l'ensemble de son cycle de vie,
29:14 5 grammes de carbone en impact.
29:17 Si vous le prenez en carton, c'est 4 fois plus.
29:19 S'il est en brique, c'est 6 fois plus.
29:22 Si c'est du plastique, c'est 13 fois plus.
29:25 Et après, c'est ça qui est un peu surprenant, l'acier et l'aluminium les conservent,
29:28 là ça va être 20 fois plus et le verre, lui, est à 50 fois plus de carbone
29:33 qu'un sachet en plastique, parce que comme c'est quelque chose qui est très lourd,
29:37 il y a beaucoup d'énergie pour que ce soit produit,
29:40 même quand il est recyclé, ça bouffe de l'énergie, donc ça lance du CO2.
29:45 La seule solution au visageur pour le verre, ça serait plutôt la consigne,
29:49 la réutilisation, parce qu'on est sur des bilans carbone,
29:52 en termes d'emballage, qui sont à peu près désastreux.
29:55 Le plastique, c'est moins, mais comme vous le disiez, il pose d'autres problèmes.
29:59 Exactement, c'est-à-dire qu'il n'y a pas que l'empreinte carbone qui compte,
30:03 il y a l'empreinte plastique, parce que lorsqu'on fait les bilans environnementaux
30:08 sur les matériaux, eh bien on ne prend compte que l'empreinte carbone.
30:12 Alors que le plastique, sa principale dangerosité vient de son empreinte plastique,
30:17 c'est-à-dire justement toutes ces particules de plastique qu'on retrouve absolument partout,
30:20 y compris dans nos corps et nos artères.
30:23 Et c'est là où il faut faire très attention, on ne peut pas raisonner uniquement
30:27 sur l'empreinte carbone quand on parle de plastique,
30:31 parce qu'on oublie le principal facteur de dangerosité du plastique.
30:35 Et voilà la raison pour laquelle le plastique a été favorisé dans tout un tas de stratégies
30:39 pour lutter contre la pollution, parce qu'on a tout simplement oublié
30:43 le principal facteur de pollution.
30:45 Donc en fait, même si le verre et le métal sont plus impactants,
30:47 il faut quand même privilégier le réemploi.
30:49 Verre, métal, papier, carton, etc.
30:51 En passant par le réemploi plutôt que le recyclage.
30:53 Il n'y a pas d'empreinte plastique et bien entendu qu'il faut réutiliser.
30:57 Alors comment expliquez-vous que ce n'est pas ce que favorise l'État
30:59 avec son plan France relance ?
31:01 Parce que 40 millions investis dans le réemploi
31:03 contre 341 millions d'euros pour le recyclage.
31:07 Parce qu'on a toujours cette illusion du recyclage,
31:09 on n'a pas envie de changer,
31:11 c'est-à-dire qu'on n'a pas envie de réduire notre consommation de plastique,
31:14 on a envie de continuer à consommer.
31:16 D'ailleurs, la preuve en est, c'est qu'on ne parle pas de changement de pratique,
31:19 mais de substitution.
31:21 C'est-à-dire qu'on voudrait pouvoir trouver un procédé
31:23 ou un matériau qui pourrait remplacer miraculeusement
31:26 tous ces plastiques inutiles, pourtant qu'on utilise.
31:29 C'est ça qui est assez fou quand même.
31:31 Et puis on ne veut pas changer, on veut juste rajouter une roue
31:34 et ça va être une roue, bien entendu, industrielle, de l'innovation.
31:37 C'est un narratif qu'on raconte
31:39 et puis on va faire des bénéfices sur cette roue.
31:42 C'est ce nouveau cycle qu'on va rajouter,
31:45 qui est celui du recyclage.
31:47 Malheureusement, technologiquement,
31:49 le recyclage n'existe pas.
31:51 Alors on va vous dire, il va exister.
31:53 Nous, on travaille dessus aussi dans notre laboratoire,
31:56 essayer de développer des procédés de recyclage du plastique.
31:59 Alors peut-être qu'un jour on y arrivera,
32:01 moi je ne parierai pas dessus dans les 10 ou 20 ou 30 années à venir,
32:04 parce qu'on en est quand même assez loin.
32:06 Et en même temps, je me dis, mais quel est l'intérêt
32:09 d'aller recycler des plastiques qui ne nous servent à rien ?
32:11 Non mais, c'est juste une question de bon sens.
32:13 Mais le recyclage, ça rentre aussi dans cette notion
32:16 que vous appelez l'utopisme du déchet, Jeanne Guien.
32:19 C'est-à-dire croire ou faire croire
32:21 que mettre quelque chose dans une poubelle,
32:23 suffit à la faire disparaître ou à la neutraliser,
32:25 comme par magie.
32:26 En fait, c'est un peu le propos aussi du recyclage.
32:28 Bien sûr, l'économie circulaire et toutes ses promesses
32:30 est fondée là-dessus.
32:31 C'est une autre version du jetable,
32:33 c'est le jetable finalement acceptable.
32:35 Et on voit que les lois récentes sont fondées là-dessus.
32:37 Il y a eu 10 produits jetables plastiques
32:39 qui ont été interdits, mais qui ont été finalement
32:41 substitués par d'autres produits jetables dans d'autres matériaux.
32:44 Et l'utilité, c'est à la fois un mythe et un piège.
32:46 Ça nous incite à continuer à consommer.
32:48 C'est le rôle des mythes, de nous faire adhérer
32:50 au monde social dans lequel on vit.
32:52 Et donc, on se rend compte que par exemple,
32:54 ces produits, par exemple les cotons de tige en plastique,
32:56 ont été interdits.
32:57 Il y a toutes sortes d'autres matériaux
32:59 qui ont permis de continuer à faire des cotons de tige
33:00 et d'autres produits jetables.
33:01 On ne pose pas la question sur laquelle on s'accorde
33:03 à dire que c'est la question importante,
33:05 à savoir celle des habitudes.
33:06 Nous avons été acculturés vers une culture de l'entretien
33:08 à une culture du jetable.
33:10 Il est donc tout à fait possible de réinventer
33:12 l'entretien, mais pour ça, il ne faut pas chercher
33:14 des nouveaux matériaux de jetable et des nouvelles manières
33:16 de traiter tous ces déchets du jetable.
33:18 Il faut accepter de se passer du jetable
33:20 comme modèle de consommation.
33:22 Un mot encore sur la promesse d'un cycle fermé
33:24 de cette économie circulaire, qui nous évite aussi,
33:26 j'imagine, de questionner le système
33:28 pour nous conforter dans l'idée, en fait,
33:30 qu'on peut vivre dans une croissance illimitée.
33:32 Bien sûr, et d'ailleurs, je suis très intéressée
33:34 par les propos de monsieur, c'est-à-dire que
33:36 si des centres de distribution, que ce soit Leclerc ou un autre,
33:38 installent une offre de vrac ou une offre zéro déchet,
33:41 est-ce qu'ils vont continuer à côté, comme c'est le cas maintenant,
33:43 à produire une offre emballée, une offre de jetable ?
33:46 En général, c'est ce qui se passe, c'est-à-dire qu'avec
33:48 les éco-produits ou les produits verts,
33:50 c'est une offre supplémentaire.
33:52 On a des produits polluants, jetables, sur-emballés,
33:55 et à côté, on a quelques produits
33:57 pour des consommateurs vertueux.
33:59 - Toujours un peu plus chers.
34:01 - Toujours beaucoup plus chers et toujours
34:03 beaucoup plus difficiles à trouver.
34:05 Ça donne quoi ? Ça donne une...
34:07 On continue dans notre croissance de la consommation,
34:09 là où il faudrait une décroissance.
34:11 Ça crée de l'injustice sociale, puisqu'évidemment,
34:13 on a une distinction entre consommateurs de bio riches
34:16 et cultivés, qui ont accès à l'information sur les déchets,
34:19 et les autres consommateurs, et ça nous permet de continuer
34:22 dans le sens du problème, c'est-à-dire de produire toujours plus.
34:25 - Mais le moindre, je vous laisse répondre.
34:27 - Oui, on travaille sur des offres de vrac
34:31 qui sont moins chères que des offres emballées.
34:35 Néanmoins, on s'est rendu compte, ces deux dernières années,
34:39 qu'on a eu un recul des ventes du vrac.
34:41 - Comment l'expliquez-vous, d'ailleurs ?
34:43 - Il y a eu plusieurs causes. Déjà, le Covid.
34:45 Le Covid a créé beaucoup d'inquiétudes pour le consommateur,
34:48 et le fait de devoir toucher le distributeur de produits
34:52 n'a pas rassuré. Le plastique, même si on le dit
34:55 a des inconvénients, a une vertu, c'est qu'il rassure.
34:58 Alors peut-être qu'il y a un travail de pédagogie,
35:00 on en parlait un peu.
35:02 - La pollution de gain, historiquement, c'est la peur de la saleté
35:06 qui a incité les gens à acheter de nouveaux produits.
35:09 C'est un ressort très important.
35:11 - La peur de la contamination, de la saleté,
35:13 et aussi du regard des autres, c'est-à-dire de la saleté
35:16 que vous dégageriez si vous utilisiez, par exemple,
35:19 des produits réutilisables, notamment les produits d'hygiène du corps.
35:22 Ça, ça a été un modèle publicitaire,
35:25 ce qu'on appelle la "shame campaign", la campagne de la honte,
35:28 qui cible notamment les femmes, consiste à dire
35:31 que vous êtes dégoûtant et tout ce qui va avec...
35:34 - Ce que vous racontez dans votre livre, c'est que jusqu'à la fin du XIXe siècle,
35:37 la notion de déchète telle qu'on l'entend aujourd'hui n'existait pas.
35:40 Tout était valorisé, recyclé, jamais jeté.
35:43 - Alors peut-être pas tout absolument, mais en tout cas,
35:45 ce qui restait n'était pas toxique et dangereux,
35:47 puisqu'on avait des matériaux différents.
35:49 - En tout cas, le gaspillage est devenu, après la Seconde Guerre mondiale,
35:52 une pratique socialement valorisée, un signe d'abondance, d'enfoire.
35:55 - Tout dépend des pays dont on parle,
35:57 mais si on suit l'histoire des produits jetables,
35:59 ils ont toujours été accompagnés d'une idéologie publicitaire
36:02 qui consiste à dire que si vous ne les utilisez pas,
36:05 vous êtes sales, irresponsables, ignorants,
36:07 puisque vous ne connaissez pas toutes les vertus de ces objets.
36:09 Et donc ça, c'est très puissant.
36:11 Et on le retrouve évidemment dans des moments de panique collective,
36:14 comme le Covid, où là, on a eu des reculs énormes
36:18 sur les faibles avancées qu'on avait en termes d'abolition du jetable.
36:21 - Vous parlez de publicité.
36:23 Ne faudrait-il pas réguler la pub, comme on l'a fait,
36:27 comme on a interdit la publicité pour le tabac et l'alcool ?
36:30 Pourquoi ne pas interdire la publicité
36:32 qui font la promotion de produits emballés de plastique ?
36:35 - Bien sûr. Faire de la publicité pour informer.
36:37 On a eu par exemple des campagnes publicitaires
36:39 pour expliquer que les antibiotiques,
36:41 on ne pouvait pas les utiliser n'importe comment.
36:43 Et je pense qu'on pourrait avoir exactement la même pour les plastiques,
36:46 en disant que les plastiques, bien utilisés en très faible quantité,
36:50 ça apporte des bénéfices, mais si on les utilise trop ou mal,
36:53 eh bien, on a des effets secondaires qui peuvent être terribles.
36:57 - Vous, vous seriez favorable à une réglementation plus stricte
36:59 sur l'emballage plastique, par exemple ?
37:01 - Je ne crois pas à toute interdiction.
37:03 On est dans un monde libre.
37:05 Par contre, le travail d'incitation...
37:08 - En même temps, vous dites qu'il faut passer par la loi.
37:11 - ...d'information du consommateur, c'est une bonne chose.
37:14 Après, que chacun ait son rôle à jouer,
37:16 qu'on soit distributeur, fournisseur, législateur,
37:19 chacun a son rôle à jouer, vous l'avez dit.
37:21 Mais le tout interdit, j'y crois pas, en tout cas.
37:25 Ce n'est pas ce qu'on porte,
37:27 parce qu'on est quand même dans une activité économique.
37:30 N'oublions pas, et ça, je pense que c'est fondamental,
37:33 nous, notre travail en tant que distributeurs,
37:35 c'est de répondre aux besoins des clients.
37:37 - Est-ce que je pourrais ajouter quelque chose sur la question de la publicité ?
37:39 J'aimerais élargir, évidemment, moi, je suis favorable
37:41 à une réglementation très stricte de la publicité,
37:43 qui est très difficile aujourd'hui de porter en France,
37:45 puisque c'est une industrie qui a beaucoup de pouvoir en France,
37:48 et notamment sur les médias.
37:49 Mais j'aimerais élargir au marketing en général.
37:51 C'est-à-dire que le marketing, ça comprend la publicité,
37:53 mais aussi, par exemple, le merchandising,
37:55 la manière dont les produits sont mis en avant dans les magasins,
37:57 ou le packaging, dont je parlais tout à l'heure,
37:59 concernant le merchandising.
38:00 Il faut rappeler que, par exemple, dans la grande distribution,
38:02 il y a des règles, par exemple, de toujours remplir les rayons,
38:05 de mettre cette image de surabondance.
38:07 Vous n'avez jamais de trous, par exemple,
38:09 dans vos cagettes de fruits et légumes.
38:10 Qu'est-ce que ça crée ?
38:11 Du gaspillage alimentaire.
38:12 Donc ça, c'est un exemple parmi...
38:14 - Vous confirmez, malheureusement, il n'y a jamais de vide rayon ?
38:17 - Non, c'est clairement un objectif d'avoir une présentation,
38:20 mais c'est aussi pour respecter tout simplement le client.
38:22 Le client, quand il vient dans son hypermarché,
38:25 il consacre un temps défini
38:27 et il veut trouver rapidement ses produits,
38:29 et donc c'est normal qu'il y ait une présentation.
38:32 - Ça, c'est peut-être dû aussi à la taille de la grande distribution,
38:34 qui rend souvent le rendez-vous dans un supermarché une errance infinie.
38:38 Et du coup, le merchandising s'en sert aussi, d'ailleurs,
38:41 pour mettre sur notre chemin des produits qu'on n'était pas venus chercher.
38:43 - Certaines communes, comme Besançon,
38:45 ont mis en place avec succès des outils pour réduire les déchets,
38:48 comme la redevance incitative, selon un principe simple,
38:51 plus vous produisez de déchets, plus vous payez.
38:53 Est-ce que c'est à généraliser ?
38:55 - Alors, c'est bien, oui, bien sûr.
38:56 Tout ce qui contribue à réduire les déchets, c'est toujours bien.
38:58 Mais moi, ce qui me gêne, c'est que c'est toujours un petit peu tordu
39:01 dans la mesure où on s'adresse aux déchets,
39:03 c'est-à-dire à l'étape finale,
39:05 et où on a l'impression, là encore, je le répète,
39:07 que, par exemple, le plastique ne pollue que lorsqu'il devient un déchet.
39:10 Ce n'est pas vrai.
39:11 Lorsque vous faites le choix de mettre des menuiseries en PVC chez vous,
39:14 vous commencez à polluer dès l'installation de la menuiserie.
39:17 Donc, il y a des déchets qu'il faut vraiment éviter.
39:21 Les déchets plastiques, ce sont les déchets qu'il faut éviter.
39:24 Et donc, là, il n'y a pas d'autre solution que de commencer à fermer le robinet.
39:27 - Mais donc, à légiférer, il faudrait que ça passe par la loi,
39:29 fixer des objectifs précis ?
39:30 - Bien sûr, des objectifs de réduction d'utilisation de ces plastiques,
39:34 à fixer aux industriels.
39:36 Les plastiques que vous consommez aujourd'hui,
39:37 ils vont se retrouver dans le corps de vos arrières-arrières, petits enfants.
39:40 Donc, la responsabilité élargie du producteur,
39:43 elle s'applique sur un temps très court.
39:45 Donc, c'est toujours des mesures de court et moyen terme.
39:48 Elle ne va pas s'appliquer sur plusieurs siècles, bien évidemment.
39:51 On ne va pas aller chercher.
39:52 Et c'est le cas de tous les polluants éternels.
39:54 Il y a des sites qui sont entièrement pollués d'industriels qui n'existent plus.
39:58 Qu'est-ce qu'on fait ?
39:59 On va aller chercher ces industriels ?
40:01 C'est-à-dire qu'on est toujours focalisés sur nous.
40:03 Et chaque fois, on me dit, mais Nathalie,
40:05 tu devrais cibler, vraiment concentrer ton discours sur les maladies
40:09 que le plastique engendre aujourd'hui, etc.
40:12 Comme si on n'était pas responsable de ce qui se passe ailleurs.
40:15 Mais ailleurs, géographiquement,
40:17 quelque part, nos déchets partent, on s'en fout,
40:19 mais aussi ailleurs dans le temps.
40:21 C'est-à-dire qu'à partir du moment où ça va impacter les générations futures,
40:24 elles se débrouilleront avec nos déchets.
40:27 Parlons de nos biodéchets, biodégradables.
40:29 Depuis le 1er janvier 2024,
40:32 les collectivités sont dans l'obligation de collecter ces biodéchets.
40:35 Où en sommes-nous de ce tri à la source ?
40:37 Et y a-t-il du retard à l'allumage ?
40:40 Le fait est que la logistique n'a pas suivi l'obligation
40:43 pour les collectivités de proposer des solutions
40:46 pour le tri des biodéchets pour les foyers.
40:48 Il figure dans la loi de la croissance verte depuis 2015.
40:51 L'échéance était au 1er janvier 2024.
40:54 Et le fait est que l'ADEME, les estimations de l'ADEME,
40:57 montrent que seulement un Français sur trois dispose vraiment d'une solution
41:01 pour pouvoir composter ou mettre dans un circuit de compostage
41:05 à travers une collecte de porte-à-porte ou des points de dépôt volontaire.
41:09 Le retard est d'ailleurs assumé.
41:11 Pourquoi tant de retard ?
41:12 Alors, y a plusieurs raisons.
41:14 D'abord parce qu'il n'y avait pas d'objectif chiffré
41:16 qui avait été donné aux collectivités.
41:19 Et donc, y a pas eu de fonction de prévu.
41:21 Donc, y a un certain nombre de collectivités
41:22 qui ne sont pas engagées dans le processus.
41:24 Et y a quelque chose de plus pernicieux qu'on a évoqué tout à l'heure
41:26 qui est que les collectivités sont déjà engagées
41:29 dans la filière incinération.
41:31 C'est-à-dire qu'ils ont des contrats sur 5, 10, 15 ans, 20 ans
41:34 pour fournir des déchets à des entreprises privées.
41:37 Et s'ils ne donnent pas les volumes, il y a des pénalités.
41:40 Et donc, du coup, ils sont un peu verrouillés par l'ancienne filière.
41:43 Donc, en fait, ils n'ont aucun intérêt à ce qu'on réduise nos déchets ?
41:45 Ils ont un problème financier à basculer.
41:47 Et donc, du coup, ça n'incite pas à prendre une autre filière.
41:51 C'est pareil dans les incinérateurs.
41:53 Ils sont incités à faire venir toujours plus de déchets,
41:55 voire comme dans le cas de la Suède, à en importer
41:57 pour faire tourner leurs incinérateurs.
41:59 On est dans une dynamique qu'on appelle de lock-in,
42:01 de dépendance aux sentiers.
42:03 C'est-à-dire qu'on continue sur les mêmes schémas
42:06 de consommation et de traitement des déchets
42:08 parce qu'on a investi.
42:10 On a créé l'obligation de fabriquer des déchets.
42:12 Pour nourrir l'algomachine.
42:13 Vous ne me contredirez pas, donc.
42:15 Le meilleur déchet est celui que l'on ne produit pas,
42:17 mais à défaut de solutions miracles.
42:19 Et en attendant de tendre vers le zéro déchet,
42:21 certains innovent pour mieux nous aider à changer de logiciel.
42:24 Le monde de demain commence aujourd'hui.
42:26 C'était un reportage d'Emma Guizot et Ibar Aïbar.
42:30 [Musique]
42:37 À Issil-et-Moulineau, un restaurant de burgers bio se met au vert.
42:42 - Bonjour.
42:44 - Mehdi Lasoued, de l'association Les Alchimistes,
42:46 va former les employés de ce fast-food
42:48 au tri des déchets alimentaires.
42:51 - Ce bac-là, 35 litres, il sera collecté une fois par semaine
42:56 sur votre site.
42:58 Le principe, c'est quoi ?
43:00 Le collecteur vient avec un bac propre et vide
43:02 et vous l'échange contre votre bac plein et sale,
43:05 ce qui vous permet de fonctionner en vrac.
43:07 Donc tous les déchets alimentaires, vous pouvez les mettre sans sac.
43:09 Ce que vous pouvez mettre dans le bac, c'est tout ce qui est d'origine animale
43:12 ou végétale, cru ou cuit,
43:15 tout ce qui pourrait être plus ou moins grignoté par un chien,
43:18 un chat, une poule, un cochon.
43:20 - Depuis 2016, bien avant toute loi,
43:23 les alchimistes travaillent avec des restaurants,
43:25 des hôpitaux et des écoles
43:27 pour récolter les déchets alimentaires de la région.
43:29 - Notre solution, c'est d'orienter ça vers le compostage
43:32 pour notamment renourrir les sols en Ile-de-France.
43:36 - Transformer nos déchets alimentaires en compost,
43:39 une des initiatives que la loi aurait dû mettre en place
43:41 au 1er janvier 2024.
43:43 Mais ça n'est pas encore le cas partout.
43:45 - Est-ce que vous avez d'autres questions, des petites précisions ?
43:48 - Non, merci.
43:50 - Merci beaucoup.
43:52 - En effet, seuls 6 % de la population française
43:55 est couverte par la collecte séparée des déchets alimentaires.
43:59 ...
44:16 - Alors là, j'ai récupéré les déchets de cuisine,
44:19 salade, noix de noix d'avocat, pot d'avocat,
44:21 les déchets de service lors de la préparation des burgers.
44:24 Et là, en fait, on récupère les déchets en salle.
44:26 Les gens aiment bien les frites, donc ils les mangent à la fin.
44:29 - De quoi réduire drastiquement la quantité de leurs déchets résiduels,
44:33 jusqu'à maintenant destinés à la décharge ou l'incinérateur.
44:36 - C'est vrai que là, la poubelle noire,
44:38 ça va devenir un objet de décoration.
44:40 ...
44:43 - Et les alchimistes, ces magiciens des poubelles,
44:46 ont d'autres tours dans leur sac.
44:48 Dans le 19e arrondissement de Paris, à la crèche sur un air de polka,
44:52 ils ont eu une idée inédite et originale.
44:55 ...
44:57 Recycler des couches.
44:59 Les couches-culottes sont une calamité pour l'environnement.
45:02 Les Français en jettent plus de 3 milliards par an
45:05 et elles mettent 500 ans à se dégrader.
45:08 Dans cette crèche pilote, des couches compostables,
45:11 fabriquées à partir de celluloses, sont en cours d'expérimentation.
45:15 ...
45:19 Dans ce bac que tire Lucie Cascarini, la directrice de la crèche,
45:23 il y a l'équivalent de 20 kg de couches compostables.
45:26 - Donc vous sortez ça toutes les semaines ?
45:29 - Une fois par semaine, oui.
45:31 - Grâce à cette initiative, la poubelle grise de la crèche
45:34 a réduit de plus de moitié.
45:36 - On essaie de trouver toutes les solutions qu'on peut
45:39 pour réduire notre impact.
45:41 L'idée, c'est aussi de transmettre aux familles et aux enfants.
45:45 ...
45:48 - Quelques minutes plus tard, Julien Reduron,
45:51 responsable technique aux alchimistes,
45:53 vient récupérer son butin.
45:55 ...
46:03 Direction Pantin, sur un petit îlot de verdure.
46:06 La plateforme de compostage de l'association
46:09 permet de recueillir la collecte de la semaine.
46:12 Première étape, Julien place les couches dans le broyeur, pleine.
46:16 Car les sels sont une matière organique idéale
46:19 pour nourrir les sols.
46:21 En quelques minutes, la couche est en mille morceaux.
46:24 - On peut regarder à l'intérieur.
46:27 ...
46:30 Tout a vocation à se dégrader, donc ça va ressembler à la couche.
46:34 Simplement, c'est des matières qui peuvent se composter.
46:38 - Après broyage, Julien vient alimenter son compost,
46:41 qui repose depuis déjà quelques semaines.
46:44 Dans cette mixture, 40 % de couches compostables
46:47 sont mélangées à 40 autres % de déchets alimentaires
46:50 et 20 % de broyats de bois.
46:52 - Ça, c'est les fragments qui ont été broyés dans la semaine.
46:56 - Si la décomposition se déroule bien, la température augmente.
47:00 Ici, elle atteint les 75 degrés.
47:03 - Sur une matière peut-être un peu plus ancienne,
47:06 on a vu sur les fragments de couche du début de semaine,
47:09 des fragments peut-être un peu plus anciens
47:12 qui commencent à devenir plus petits, parce qu'ils se dégradent,
47:15 ils sont décomposés.
47:17 - La matière mettra environ un mois à disparaître complètement
47:20 pour créer un compost de couche presque identique
47:23 à un compost classique.
47:25 - Au bout de quelques mois, on va obtenir le compost
47:28 qu'on peut voir ici.
47:30 On est vraiment sur une matière qui ne laisse plus apparaître
47:33 les fragments de couche pour garder que cette belle matière
47:36 qu'on peut redonner aux plantes.
47:38 - La qualité du compost est ensuite testée par l'école d'horticulture
47:41 de Paris et jusque-là largement approuvée.
47:44 Les alchimistes espèrent commercialiser leurs produits
47:50 très bientôt et ainsi aider nombreuses familles et crèches
47:53 à réduire leurs poubelles grises.
47:56 - Le gouvernement a promis 100 % de recyclage plastique en 2025.
48:00 Concrètement, comment y parvient-on,
48:03 sachant que le recyclage n'existe pas ou peut ?
48:06 - Je ne sais pas. Je pense qu'on n'y arrivera tout simplement pas.
48:09 C'est une façon de se rassurer et de se dire
48:12 qu'on va faire un effort.
48:14 Non, on ne peut pas recycler 100 % de plastique.
48:17 On peut le décycler.
48:19 Ce qu'on va faire, c'est qu'on va le décycler,
48:21 c'est-à-dire que le vrai recyclage en régénère à l'identique.
48:24 On ne sait pas le faire, on décycle.
48:26 On va transformer le plastique légèrement dégradé
48:29 en un autre matériau.
48:31 Ce faisant, on va remplacer des matériaux
48:34 qui ne posaient pas de problème,
48:36 comme par exemple la laine de votre pull,
48:39 qui est devenue du polyester recyclé.
48:41 - Du plastique, non ?
48:43 - Voilà, le polyester étant du plastique.
48:45 On remplace des matériaux locaux, traditionnels,
48:47 qui ne posaient pas de gros problèmes environnementaux.
48:49 C'est une façon de stocker du déchet plastique.
48:52 Parce que ce pull en polyester, soit disant recyclé,
48:54 dès que vous allez le laver, il va rejeter des microplastiques
48:57 qui ont été pollués, puis une fois que vous aurez fini de le porter,
48:59 il va encore continuer à polluer.
49:01 - Des chercheurs affirment avoir pourtant trouvé une enzyme
49:04 pour recycler à l'infini le plastique
49:07 qui sert aux bouteilles en plastique.
49:09 Un faux ou un toxe ?
49:10 - C'est pareil, c'est une belle avancée scientifique,
49:13 mais qui aura une portée extrêmement limitée.
49:16 C'est-à-dire qu'on va pouvoir traiter que certains plastiques,
49:19 ce sont les PET qu'on peut en plus recycler mécaniquement,
49:22 et puis finalement, c'est ceux qu'on utilise pour les bouteilles,
49:24 alors qu'on peut se passer des bouteilles,
49:26 des gourdes, donc l'impact sera extrêmement limité.
49:29 Donc c'est aussi un élément du puzzle de la solution,
49:33 mais qui est tout petit.
49:34 Donc c'est là où il faut bien se rendre compte
49:37 que si on ne réduit pas notre consommation,
49:39 on n'aura pas d'effet significatif sur la réduction de la pollution plastique.
49:42 - Jeanne Guin, la sobriété a-t-elle des chances de devenir une idée en croissance ?
49:46 - A terme d'idée, oui, c'est déjà le cas.
49:48 C'est-à-dire que c'est quelque chose qui est valorisé,
49:50 mais ça ne passe pas dans les pratiques.
49:52 Tout simplement pourquoi ?
49:53 Parce que la consommation, ce n'est pas que de l'ordre des idées,
49:56 c'est de l'ordre de la matérialité, de la vie, du quotidien,
49:59 des habitudes, des contraintes, de l'argent, etc.
50:02 Donc vous avez beau avoir de belles idées de sobriété,
50:04 si autour de vous, le monde est organisé de façon à ne vous donner accès
50:09 qu'à des produits transformés, sur-emballés,
50:12 transportés depuis l'autre bout du monde,
50:14 donc si le monde et l'économie est organisé
50:16 de façon à rendre le consumérisme possible,
50:19 forcément, vous avez beau avoir des idées de sobriété,
50:21 mais vous ne pourrez jamais les appliquer,
50:22 vous vous retrouverez à subir ce qu'on appelle la dissonance cognitive.
50:25 C'est le cas, je crois, de beaucoup de gens aujourd'hui en France.
50:28 Nous en sommes tous en dissonance cognitive.
50:29 Jeanne Quirin, ça va vous intéresser, ce qu'on va vous montrer,
50:31 c'est Charlotte Epal qui est allée fouiller dans les archives de l'INA
50:35 et nous a exhumé ceci, c'est hier encore,
50:39 c'est notre coup d'œil dans le rétro, et c'est maintenant.
50:49 -Signe des temps, encore,
50:51 reflété au salon de l'emballage
50:52 avec une impressionnante collection de conditionnements perdus.
50:55 Réputé jadis grand collectionneur de récipients vides,
50:58 le Français s'habitue à tout jeter après usage.
51:01 Fait significatif, l'un des oscars du salon
51:03 est allé à une société qui révolutionne la distribution
51:06 des vins de consommation courante
51:08 avec un emballage ultra-léger, non consigné.
51:11 Donc, le vin lui-même se plie au nouveau style.
51:14 Fabriqué en grande série près de Marseille,
51:16 ces majorettes, qui ne pèsent que 36 g,
51:19 ne servent strictement plus qu'à l'acheminement du vin
51:22 du lieu d'embouteillage à la table où il sera consommé.
51:25 A la bouteille d'hier qu'il fallait récupérer, laver,
51:28 au prix d'une manutention coûteuse,
51:30 succède aujourd'hui aux éventaires la bouteille que l'on jette,
51:33 purement et simplement.
51:35 La vie moderne est la grande ennemie du temps perdu.
51:38 Et le jour n'est peut-être pas si loin où, le repas terminé,
51:41 le couvert, au même titre que la bouteille,
51:44 retournera aussitôt au néant, expéditif et tellement reposant.
51:49 Une réaction mal ?
51:53 Je pense qu'on constate qu'il y a des évolutions technologiques qui se feront.
51:57 Là, vous avez montré un document qui montrait qu'à l'époque,
52:01 le plastique, on pensait que c'était une bonne avancée.
52:03 Et vous en avez parlé, vous en avez parlé aussi,
52:06 je pense qu'il va y avoir des nouvelles innovations
52:08 qu'il faudra mettre en avant, qu'il faudra propulser,
52:11 accompagner ces start-up qui trouvent des solutions d'avenir
52:14 et pour avoir une solution qui soit meilleure pour l'environnement
52:18 et pour la santé, comme on en parle.
52:20 Mais d'après ce que dit Nathalie Comtard,
52:21 le plastique, ce n'est pas fantastique,
52:22 et les progrès technologiques ne vont pas nous sauver de tout.
52:24 Si je peux me permettre, les vérités d'aujourd'hui
52:26 ne seront pas forcément celles de demain.
52:28 Absolument, vous avez parfaitement raison.
52:29 Moi, j'aimerais réagir.
52:30 Ce qui est intéressant, c'est que face à des images du passé,
52:32 vous nous parlez du futur.
52:34 Or, qu'est-ce qu'on voit ici ?
52:35 Le français était grand collectionneur d'emballages perdus.
52:38 Qu'est-ce que ça veut dire ?
52:39 C'est que les gens avaient l'habitude de s'organiser différemment
52:41 pour leur vie matérielle et tout simplement garder leurs emballages
52:44 pour se servir dans les commerces.
52:46 Et qu'à un moment donné dans l'histoire,
52:48 des entreprises ont reformulé cette collection d'emballages perdus
52:52 en, je cite encore ce document,
52:54 "manutention coûteuse".
52:55 C'est-à-dire que ça nous coûte du temps.
52:57 C'est-à-dire que tout est une affaire de temps,
52:59 alors que finalement, ce sont ces industriels
53:01 à qui ça fait gagner du temps et de l'argent
53:03 que de nous mettre ces produits jetables dans la main.
53:06 Et donc, finalement, tout ça aussi est une affaire
53:08 de comment on reformule historiquement.
53:10 Et donc, moi, ce que je retiens, c'est qu'on a là un document du passé
53:12 qui nous dit quelque chose qui a été possible réellement.
53:15 Les humains l'ont fait.
53:16 Tandis que ces promesses de technosolutionnisme,
53:18 la technologie va venir et va nous sauver,
53:20 elle nous parle d'un futur dont personne ne connaît rien.
53:23 Les témoignages du passé sont plus certains
53:25 que les promesses de l'avenir.
53:26 Voilà ce que je voudrais dire.
53:27 Place maintenant à celle que le monde nous envie,
53:29 la très talentueuse Camille Etienne,
53:31 notre éco-activiste préférée, a beaucoup de choses à nous dire.
53:33 C'est l'heure de sa carte verte.
53:36 [Générique]
53:42 Saviez-vous que dans votre peau de yaourt
53:44 pouvaient se trouver des substances chimiques
53:46 qui pourraient bien rendre malades vos enfants
53:48 sur des générations entières ?
53:50 Alors, croyez-moi, j'aimerais me défaire de ce certain don
53:52 pour casser l'ambiance,
53:53 mais je suis tombée depuis quelques mois
53:55 sur le sujet le plus passionnant
53:57 qu'il m'ait été donné de traiter.
53:58 Celui des polluants éternels, ou PFAS.
54:01 Les PFAS sont une substance chimique
54:03 inventée par l'homme en 1938.
54:06 D'abord par un incident,
54:07 par un chimiste de la firme Dupont,
54:09 en essayant de refroidir de la neige carbonique
54:11 avec du fluor.
54:12 Deux ans plus tard,
54:13 le premier PFAS est utilisé dans le projet Manhattan,
54:16 soit l'élaboration de la bombe atomique,
54:19 avant de servir au revêtement des chars
54:21 de l'armée américaine.
54:22 Quel rapport entre la bombe atomique
54:24 et un pot de yaourt, me direz-vous ?
54:25 Eh bien, j'y arrive.
54:27 Les PFAS sont incroyables pour tous passionnés de chimie.
54:29 Ils sont résistants à l'eau,
54:30 à de très hautes températures,
54:32 ont une persistance hors du commun.
54:34 Si bien que, quelques années plus tard,
54:36 les industriels décident de les utiliser
54:38 dans les produits du quotidien.
54:40 À commencer par le fameux téflon de nos poêles à frire,
54:44 jusqu'à inonder la grande famille des emballages alimentaires.
54:47 Concrètement, il y en a partout.
54:50 Partout même dans notre corps.
54:51 Et c'est bien ça le problème.
54:53 On les dit éternels
54:54 parce qu'ils ont la particularité d'être les seuls
54:56 dans la famille des molécules chimiques
54:58 à être indestructibles.
54:59 Ils ne se cassent ni ne s'éliminent jamais.
55:02 C'est ce qui les rend à ce point persistants.
55:04 Ils s'accumulent dans notre organisme,
55:06 dans les sols, dans les cours d'eau,
55:07 pour des dizaines et des dizaines d'années.
55:10 La communauté scientifique, il y a dix ans déjà,
55:12 lors de la déclaration de Madrid,
55:14 alertait l'ensemble des pouvoirs publics
55:16 sur la toxicité de ces PFAS.
55:18 Ils sont, par exemple, pour certains, reprotoxiques.
55:21 C'est-à-dire qu'ils altèrent notre fertilité,
55:23 baissent le développement du fœtus,
55:25 perturbent notre système immunitaire
55:27 ou encore le Centre international de cancer
55:29 a même classé le plus étudié d'entre eux,
55:31 le PFOA, comme cancérigène, "certain".
55:34 Il a depuis été interdit en 2020.
55:37 À faire classer, me direz-vous ?
55:38 Pas si facilement.
55:40 La manière dont fonctionne la mise sur le marché
55:42 des produits chimiques depuis des décennies
55:44 favorise l'industrie avant la santé publique.
55:47 Il y a d'ailleurs un petit dicton,
55:48 dans le milieu des chimistes,
55:49 qui dit qu'il faut 90 jours
55:50 pour mettre une molécule sur le marché
55:52 et 20 ans pour l'en retirer.
55:54 La charge de la preuve est à nous, aux citoyens,
55:56 à coup de procès et de tribunes médiatiques, de loi.
55:59 Il nous revient de prouver la toxicité d'une molécule
56:02 puis de tout faire pour convaincre les décideurs
56:04 de la retirer du marché.
56:06 Mais les industriels ont toujours un coup d'avance
56:08 sur les scientifiques et les pouvoirs publics.
56:11 Si le PFOA est interdit,
56:12 il leur suffit de changer très légèrement sa structure
56:15 et ainsi créer un nouveau PIFAS autorisé
56:18 que les scientifiques mettront des années à étudier
56:21 et que les régulateurs mettront 10 ans de plus à interdire.
56:24 Pendant ce temps, les premières études,
56:26 y compris des intéressés scientifiques industriels eux-mêmes,
56:30 sur les substituts, montrent des liens étroits
56:33 entre de nombreuses maladies
56:34 et l'exposition à ces nouveaux PIFAS.
56:37 Et c'est précisément ce qu'ils ont fait.
56:39 Il existe aujourd'hui plus de 14 000 PIFAS.
56:42 Alors que faire ?
56:43 Alerter les citoyens de ce scandale sanitaire
56:45 passé sous les radars d'abord,
56:47 puis ensuite interdire la famille entière des PIFAS,
56:50 cesser de les bannir un à un
56:51 pour protéger les générations à venir
56:53 de l'exposition à ces polluants éternels.
56:56 Certains pays commencent à prendre le sujet à bras-le-corps.
56:59 Aux États-Unis, par exemple,
57:00 le film Dark Waters a fait un tel scandale
57:02 que c'était une des toutes premières annonces de campagne de Joe Biden.
57:06 La Nouvelle-Zélande a annoncé il y a deux semaines
57:08 l'interdirent dans les cosmétiques
57:10 et l'Europe est en train de se pencher sur le sujet.
57:12 Sur le sujet, précisément des emballages alimentaires, justement.
57:16 Mais le processus est lent
57:17 et le lobby industriel déjà aux aguets
57:19 pour négocier les dérogations les unes après les autres.
57:22 Alors que le temps presse.
57:23 Car chaque PIFAS émis dans la nature,
57:25 il reste pour toujours.
57:27 J'espère que vous regarderez donc votre peau de yaourt
57:29 un petit peu différemment.
57:31 Ça c'est certain, les égontards.
57:33 Merci Camille pour cette alerte.
57:35 Il faut quand même bien réaliser que tout ce qui s'accumule,
57:38 ce sont des quantités, chaque fois que l'on produit,
57:42 ce sont des quantités qui vont s'ajouter
57:44 et qui vont devenir très importantes
57:46 et qui vont impacter les générations à venir.
57:48 Avant de nous quitter,
57:49 quelques livres pour aller plus loin.
57:51 L'indispensable océan plastique de Nelly Pons aux éditions Actes Sud.
57:55 Votre enquête, Nathalie Gontard qui se lit comme un polar.
57:58 Plastique, le grand emballement chez Stock.
58:00 Pour nous désintoxiquer, je vous conseille le livre de Jeanne Guillin,
58:03 "Le consumérisme à travers les objets"
58:06 et ce mode d'emploi de Nelly Pons,
58:08 déplastifier sa vie dans la collection.
58:10 Je passe à l'acte chez Actes Sud,
58:12 sans oublier bien sûr "Homo Detritus",
58:14 les cèdres de Baptiste Monsaingent au seuil.
58:16 Nous vivons à une époque où nous touchons plus souvent du plastique
58:19 que ce que nous aimons.
58:20 Essayons d'inverser le ratio.
58:22 On s'en portera tous mieux.
58:24 Allez, je vous retrouve le mois prochain.
58:26 [Musique]
58:47 [SILENCE]

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